Prions en confinement Semaine_8

« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles.
»

Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.

Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.

La joie

La joie de saint François suppose plusieurs termes : joie, émerveillement, louange, action de grâce. Ce point est central dans la spiritualité de François et par conséquent de la nôtre. Comme pour l’humilité, l’émerveillement ou la minorité, la joie de François s’enracine en Dieu. Il est un émerveillé de Dieu. Il est fasciné par Dieu. Il suffit de lire les « Louanges de Dieu » pour s’en convaincre. Et sa joie ne peut s’expliquer que par cette fascination.
Mais, on ne peut être fasciné par quelqu’un ou quelque chose que si on a fait l’expérience de ce quelqu’un ou de cette chose.
François a fait l’expérience de Dieu. Ce qu’on appelle dans le langage religieux, un homme mystique. (Attention : la mystique n’est pas réservée à une élite que la hiérarchie décrète en tant que telle. La mystique est la certitude de Dieu présent à ma vie, avec tout ce que ce mot, certitude, porte de poids et de conséquences). Il a fait l’expérience de ce Dieu trois fois Saint, le Tout-Autre, qui se penche sur ce vermisseau qu’il est. Il a fait l’expérience de ce que Dieu fait pour lui (avant de se demander ce qu’il fait, lui, pour Dieu). D’où sa fascination et sa joie inébranlable.

Il est vrai que François est un homme joyeux par tempérament. Mais cela seul ne suffit pas à expliquer cette joie indéracinable. C’est ce qu’il écrit au début de son testament : « Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur me conduisit parmi eux ; je leur fis miséricorde ; et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps » (Test. 1b-3a) ; ou « la joie parfaite » en Fioretti 8, même si, humainement, elle est un peu masochiste.

Ce n’est pas non plus par naïveté : tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil. C’est une démarche plus profonde qui relève de la Bonté même de Dieu, le Roi des rois, et comme le disait un frère qui a déjà rejoint le Seigneur, Jean-Joseph Buirette, il voyait en toute créature humaine « une virtualité princière » comme condition et comme destinée. Et cela le remplit d’allégresse.
Cela suppose, avant tout, une expérience de Dieu, pas n’importe lequel, mais le Dieu sauveur, et cela quotidiennement. Après le dépouillement devant son père au tribunal de l’évêque, c’est comme une explosion de joie qui lui fait dire : « désormais je puis dire, non pas mon père Pierre Bernardone, mais notre Père qui es aux cieux ». C’est la joie d’un pauvre qui est sûr de pouvoir manger tous les jours dans la main de son Père, dans la main de son Dieu. La joie de la présence quotidienne du Père nourricier. D’après Celano 2, 77, François donnait à Dieu le titre de : « Grand Aumônier ». Et Chesterton écrit dans son livre sur saint François : « Tous les biens semblent meilleurs quand ils prennent figure de dons. »

Il est remplit d’une joie insondable devant le miracle de l’existence des choses : « Qui pourrait nous décrire la douceur inondant son âme lorsqu’il retrouvait dans les créatures la sagesse, la puissance et la bonté du créateur ? A contempler le soleil, la lune, le firmament et toutes ses étoiles, il se sentait monter au cœur une joie ineffable. » 1C. 80

Il y a aussi la joie de l’identification au Christ : dans l’évangile de la saint Mathias, entendu à la Portioncule, François découvre une voie vivante de salut. Il découvre la condition humaine du Christ pauvre. Cela le transporte de joie et il s’écrie : « Voilà ce que je veux, voilà ce que je cherche, ce que, du plus profond de mon cœur, je brûle d’accomplir » (1C 22).

J’ai écrit plus haut par rapport à « la joie parfaite » qu’elle est humainement masochiste. Mais ce qu’il nous dit ne peut être compris que dans sa volonté de s’identifier au Christ qui a été incompris, rejeté, maltraité, crucifié.
Le frère Ignace-Etienne Motte résumait ce passage des Fioretti de la façon suivante : « O frère Léon, s’il nous arrive de vivre des moments où tout s’acharne à nous enfoncer dans la tristesse et si, ayant perdu tout motif raisonnable d’être joyeux, nous nous apercevons cependant que notre joie résiste et demeure inébranlable, alors, oui, nous pourrons dire que nous avons découvert au cœur de notre vie la source de la véritable joie ».

Pour finir avec ce rapide aperçu de la joie de François, il faut parler de sa mort.
La légende de Pérouse, 64, nous rapporte cette phrase de François qu’il adresse à frère Elie : « Frère, laisse-moi me réjouir dans le Seigneur et chanter ses louanges au milieu de mes infirmités : par la grâce du Saint Esprit je suis si étroitement uni à mon Seigneur que, par sa bonté, je puis bien me réjouir dans le Très-Haut lui-même ! ». Il évoquait avec lui l’imminence de sa mort.

Juste avant sa mort, François demande qu’on lui amène du pain, qu’on lui lise le passage de saint Jean : « Six jours avant la Pâque, Jésus sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père…». Et François rompt le pain et le distribue à ses frères. Puis il se fait déposer nu sur la terre nue. Il demande qu’on le laisse nu, « le temps nécessaire pour parcourir un mille à pas lent ». Il meurt là.
François a voulu célébrer sa mort à la manière de Jésus, par l’évocation du Jeudi Saint et du Vendredi Saint : Jésus a été dépouillé de ses vêtements avant d’être mis sur la croix. Celano écrit : « L’heure vint enfin où, tous les mystères du Christ s’étant réalisés en lui, son âme s’envola dans la joie de Dieu » (2, 217).

Il y a dans l’épisode de sa mort, une joie très profonde qui est le couronnement de sa joie parfaite. La grâce de pouvoir, au moment même de sa mort, être identifié à Jésus.

fr. Joseph – assistant régional