La femme adultère chap 8, 1-11

Préliminaires
Ce récit est ordinairement considéré par les spécialistes comme une pièce rapportée dans l’évangile de Jean. Il s’agirait d’une tradition indépendante, qui n’a été utilisée par aucun des 4 évangélistes, mais qui aurait été insérée après coup dans l’évangile de Jean. Cette constatation nous amène à nous poser 2 questions :
Pourquoi ce récit n’est-il pas de Jean ?
Pourquoi l’avoir inséré dans l’évangile de Jean ?

Pourquoi ce récit n’est-il pas de Jean ?

• Les manuscrits les plus anciens l’ignorent.
• Certains manuscrits, plus récents, le placent ailleurs, dans le ch. 8 (après les versets 36 ou 44), ou même à la fin de l’évangile, preuve qu’on ne savait trop où mettre cette pièce « flottante ».
• D’autres manuscrits l’attribuent à Luc et le placent après Luc 21, 38, c’est à dire entre « les derniers jours de Jésus au Temple » et « le complot contre Jésus ».
• Les Pères Grecs semblent ignorer ce récit.
• Enfin, on n’y trouve ni le vocabulaire, ni le style de Jean. Par contre, il relève tout à fait du style et de l’idée générale de Luc, l’évangéliste de la miséricorde.

Pourquoi l’avoir inséré dans l’évangile de Jean ? Et pourquoi au début de ce chapitre 8 ?

• Le thème du procès fait à Jésus par les autorités juives, est un thème récurrent dans cet évangile, et le récit de la femme adultère l’illustre parfaitement.
• En Jean, les ch. 7 et 8 sont ceux de la grande et violente opposition entre Jésus et les Juifs : insérer ce récit en plein milieu convenait fort bien. Surtout, juste avant le verset 15 : « Moi, je ne juge personne ! »
• Enfin, sous ce récit, apparemment de simple indulgence de la part de Jésus, se cache, une fois de plus, une révélation sur la véritable identité de Jésus. C’est donc un récit christologique.

Le véritable accusé n’est pas celui qu’on pointe 1-6a

>> En apparence, on instruit ici le procès d’une femme adultère. En réalité les scribes et les pharisiens font le procès de Jésus. La femme adultère ne sert que de prétexte.
>> La véritable intention des accusateurs se déplace :
• à l’égard de la femme coupable, c’était de se faire les pieux défenseurs de la loi de Moïse (dont le but était, en effet, d’extirper les mauvaises mœurs dans le peuple de Dieu). Le Lévitique 20, 10 prévoyait sans conteste la mort par lapidation.
• mais à l’égard de Jésus, c’est en réalité de trouver un motif pour le condamner à mort.
>> La tactique ? enfermer Jésus dans un dilemme fatal :
• ou bien il penche pour la clémence, mais alors il prend parti contre l’autorité de Moïse, et encourt dès lors, comme blasphémateur, le même châtiment que la femme.
• ou bien il penche pour la sévérité, mais alors, lui qui se présente comme le prophète de la miséricorde, il se contredit lui-même : c’est un faux prophète, et les faux prophètes, Israël ne peut les tolérer en son sein, il faut s’en débarrasser.

Le piège est le même que la question insidieuse posée un jour à Jésus : « Maître, est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César ? » (Lc. 20, 20-26). Selon la réponse, Jésus serait, ou un mauvais juif, ou un dangereux agitateur.
>> L’ambiance est tendue, et le danger est aussi grave pour Jésus que celui qu’il devra bientôt affronter lors de son jugement devant le sanhédrin. On le voit à un détail révélateur, qui invite à faire le rapprochement : Jésus commence par garder le silence ; or, devant le sanhédrin, Marc nous rapporte : « Mais lui se taisait et ne répondait rien » (14, 61).
>> Jésus écrit sur le sol… On a supposé beaucoup de choses, à tort. Il s’agit, très probablement, d’un geste pour rien qui marque son désintérêt pour la question posée, son refus d’émettre un jugement. Mais les juifs insistent…

frère Joseph