Le Bon Pasteur (Chap 10, 1-30)

Introduction

  1. Le contexte pastoral palestinien : Une bergerie en Palestine, c’était un enclos en pleine campagne, gardé, de nuit, par un portier, où se rassemblent, pour la nuit, plusieurs troupeaux, ramenés par leurs bergers respectifs. Le matin, les bergers se présentent à la porte de l’enclos, y pénètrent, et lancent chacun leur cri d’appel spécifique. Les brebis reconnaissent tout de suite leur berger.
  2. Dès le début du texte, on note une certaine incohérence : Jésus se prétend à la fois le vrai berger et la porte ! Nous avons sans doute là deux petites paraboles qui ne furent pas prononcées le même jour, et qui furent ensuite juxtaposées.
  3. Comme toujours, chez Jean, il faut dépasser un premier niveau d’interprétation, sentimental et pieux (nous sommes les petites brebis du Seigneur, il prend soin de chacun d’entre nous, nous comptons beaucoup pour lui…). En réalité, derrière la parabole se cachent des révélations théologiques importantes et solennelles qui sont à la base de notre foi :

Le Messie, c’est moi !
J’ai le pouvoir de donner aux miens la Vie éternelle
La Vie éternelle, c’est le même genre d’intimité qu’entre le Père et moi
Je suis l’unique sauveur du monde.


Le Messie, c’est moi

  • Parler de « berger » ou de « pasteur », c’était provoquer une résonance immédiate et profonde en Israël, qui a été longtemps un peuple nomade et éleveur avant de se sédentariser et devenir agriculteur.
  • Déjà les rois de Babylone et d’Assyrie aimaient à s’appeler « bergers » de leur peuple. 
  • En Israël, Jésus n’est pas le premier à utiliser cette image ; elle est traditionnelle dans l’AT : 
    • C’est d’abord YHWH qui se nomme le « berger » de son peuple, et qui est invoqué comme tel (cf. les Psaumes). 
    • Puis il chargera Moïse de cette fonction, et plus tard David
    • Enfin, par la bouche du prophète Ezéchiel (ch. 34), YHWH reprend l’image : il se repent d’avoir confié ce rôle aux dirigeants de son peuple (les rois, pour qui la fonction a été une occasion de profit personnel). Dans un 1er temps, il médite de reprendre lui-même ce rôle et de l’assumer seul. Dans un 2nd temps, il envisage la venue d’un nouveau David, à qui seul il réservera ce titre de « pasteur », mais il s’agira alors d’un vrai pasteur, d’un bon berger… Ce sera le Messie.
  • En reprenant cette image à son compte – « c’est moi le bon berger » – Jésus laisse entendre tout à fait clairement qu’il est le Messie. 
  • Il ajoute un indice très parlant : « mes brebis auront la vie en abondance ». Or, l’abondance était un des signes des temps messianiques : quand le Messie serait là, disaient les scribes et docteurs, il ouvrirait l’ère de l’abondance.
  • Enfin, Jésus fait siens les sentiments de colère de son Père, et il dénonce lui aussi les faux bergers mercenaires ou brigands : les mercenaires, ce sont sans doute les mauvais rois d’Israël, jusqu’aux derniers qui régnaient encore (Hérode et ses fils), mais probablement aussi la caste politico-religieuse de Jérusalem (grands prêtres et familles sacerdotales);  les brigands, ce sont les faux messies (comme Theudas et Judas le galiléen, dont parlent Ac. 5, 36), qui se levaient périodiquement du temps de Jésus.