POUPONNIERE SAINTE CLAIRE DE LOME-TOKOIN-TOGO

Directrice de la pouponnière Sainte Claire : Sœur Esther SOME
La pouponnière Sainte Claire de Tokoin, à Lomé, a été créée le 28 décembre 1959. Elle accueille des enfants de 0 à 3 ans de diverses catégories : orphelins de mère, bébés nés de mères malades mentales ou en prison, ainsi que des enfants abandonnés. Ce centre abrite actuellement un effectif de 45 enfants.

Extrait du Rapport d’activité 2019 – 2020

RELECTURE DE LA PANDEMIE DU CORONAVIRUS « La vitalité missionnaire de notre Institut s’enracine dans sa capacité à rester ouvert aux réalités du monde et à sa propre réalité…» (Constitutions des Sœurs de saint François d’Assise, chapitre 5)

Le discernement communautaire était nécessaire face à la crise sanitaire mondiale liée à la COVID19. Bouleversées, notre inquiétude était de savoir comment protéger ces enfants vulnérables dont nous avons la charge ? Quelles dispositions prendre ? La solution adoptée à l’unanimité fut celle de rester confinés dans la clôture de la pouponnière pour la sécurité des enfants et de nous tous. Ne pouvaient adhérer à ce projet que les salariés qui avaient moins de contraintes familiales. Des sœurs des autres communautés de Lomé ont été également sollicitées pour renforcer l’équipe de la Pouponnière. Il fallait repenser l’organisation et le système de rotation dans les services. Ce fut à la fois une expérience difficile mais riche de sens car il fallait tout mettre en œuvre pour favoriser le vivre ensemble dans un esprit d’entraide. Il fallait aussi supporter le travail supplémentaire lié à la prise en charge, à tous les niveaux, des employés en confinement surtout quand intervient la maladie. Ce furent des moments d’intenses angoisses. Ce qui est beau est qu’au-delà de cette situation éprouvante pour tous nous pouvons y lire des impacts positifs à plusieurs niveaux :

• Au niveau spirituel. La prise de conscience de la limite de l’homme. La recherche de Dieu comme seul et unique sauveur. Comme Pierre dans la barque nous avons crié : « Seigneur sauve nous ». Notre impuissance face à la situation nous a conduits à l’abandon total à Dieu, notre unique libérateur. Un soutien mutuel nous invitait à prier ensemble pour une même cause : la délivrance de l’humanité de cette pandémie. Une expérience riche en la Providence divine.

• Au niveau relationnel. Nous avons vécu l’expérience de la dépendance face à l’épreuve. La question « Que faire ? » nous a permis de mieux mesurer le sens de la dépendance qui évoque l’idée du besoin. C’est-à-dire : avoir besoin de… Nous avons eu besoin d’un discernement communautaire afin de parvenir à un choix libre et personnel de participer au confinement strict, avec l’adhésion des employés qui n’avaient pas de contraintes familiales. L’application des mesures barrières et la distanciation sociale édictées par les autorités gouvernementales étaient et demeurent une rude épreuve pour nous tous mais un remède en attendant les dispositions idoines pour lutter contre le coronavirus. Ceci dit, le lavage des mains et le port des masques sont obligatoires à la Pouponnière.

Au niveau matériel et financier. Le soutien, tant moral que matériel et financier, dont nous avons bénéficié, témoigne une fois de plus que la cause des enfants à la Pouponnière préoccupe des âmes sensibles et généreuses. Une générosité qui nous a permis à notre tour, dans l’écoute et le discernement, de soutenir des personnes que la pandémie a privées du minimum vital.

Difficultés : Les difficultés s’expriment en termes d’impossibilités et de contraintes. Il s’agit, entre autres, de la limitation des contacts entre les enfants et les personnes extérieures occasionnant la suspension des visites, des stages et des services de bénévolat. La réduction des activités avec les enfants : les sorties détente par exemple. Comme déjà signalé plus haut, une des grosses difficultés a été le travail supplémentaire lié à la prise en charge du personnel confiné avec les enfants. Ce furent des moments d’angoisse mais aussi de tension qui ont, par moment, troublé l’ambiance de paix du groupe. Le contexte de la crise sanitaire a également affecté l’élan de nos activités, mais l’ensemble des acteurs ont été plutôt déterminés à offrir une prise en charge adéquate aux enfants. Les conséquences imposées par cette situation de crise sanitaire ont bouleversé les stratégies de mobilisation des ressources.

Questionnements : Quelles attitudes adopter face au vaccin contre la COVID19 ? Dans quelles conditions autoriser l’accès des personnes extérieures auprès des enfants avec une garantie de sécurité ?

CONCLUSION : Dans la fidélité à notre Charisme, sœurs de saint François d’Assise, la place des plus vulnérables a été toujours valorisée à travers, à la fois le souci des enfants, mais aussi des familles en général vivant dans des conditions de précarité. (…) Au-delà des difficultés incontournables, il convient de souligner combien ces enfants, dans leur innocence, nous édifient et nous interpellent sur notre perception de la vie. Ils nous apprennent comment apprécier les merveilles de la vie en étant à leur service.

PIE IX, UN PAPE À L’IMAGE DE SON SIÈCLE : ENTRE LIBÉRALISATION ET CONSERVATISME

2. Un Pape secoué par l’aspiration à l’unité de l’Italie.

Le Pape Jean Paul II béatifia le dimanche 3 septembre 2000 Pie IX, qui régna sur l’Église de 1846 à 1878, et Jean XXIII, au court pontificat (1958 à 1963). Cette décision fut amèrement commentée en son temps. Certes, l’inquiétude résidait dans la possible béatification du controversé Pie XII qui avait lui-même canonisé Pie X en 1954. Qui était ce Pape aux deux visages ?

Giovanni Maria Mastai Ferretti naquit en mai 1792 dans les Marches, sur la côte adriatique, dans l’actuelle station balnéaire à la jetée art déco de Senigallia, située à quelques encablures de la ville médiévale d’Ancône. Souffrant de troubles nerveux, il ne put entrer dans la garde noble[1]. Il se consacra dès lors à l’étude de la théologie et fut ordonné en 1819. Entre 1823 et 1825, il séjourna au Chili comme secrétaire du légat apostolique[2]. Il y dirigea un hôpital d’enfants handicapés. En 1827, il devint archevêque de Spolète puis évêque d’Imola et cardinal en 1840. Considéré comme un homme à la charité ardente, sans sympathie politique connue, il fut élu le 16 juin 1846 au trône de Saint-Pierre après un conclave de deux jours face au barnabite[3] Luigi Lambruschini[4] pour succéder au défunt Grégoire XVI. L’Europe était alors agitée par des mouvements nationaux et unitaires. L’élection de Pie IX apparut comme l’espoir des libéraux. Du reste, dès son arrivée au Saint-Siège, il libéra des prisonniers politiques, établit le 14 mars 1848 un système bicaméral pour le vote des lois et de l’impôt dans ses États[5]. Il fit même entrer pour la première fois des laïcs augouvernement des États pontificaux. Les Italiens partisans de l’unité, tel l’abbé piémontais Vincenzo Gioberti voire le révolutionnaire Mazzini espéraient que Pie IX prît la tête d’une Italie confédérée[6]. Toutefois, il refusa d’entrer en guerre contre l’Autriche en avril 1848[7]. Rome tomba aux mains des révolutionnaires et le premier ministre Pellegrino Rossi fut assassiné le 15 novembre 1848. Assiégé dans le Quirinal (alors résidence papale) par le peuple, le Pape, déguisé, s’enfuit le 24 novembre pour se réfugier en la citadelle napolitaine de Gaète au sud de Rome. La Ville éternelle abandonnée, les démocrates mazziniens proclamèrent en février 1849 la fin du pouvoir temporel des papes et la République romaine.
Un défi était lancé à la Papauté, quelle serait la réaction de Pie IX, l’espoir des libéraux ?

ÉRIK LAMBERT.


[1] Unité chargée de la protection du Saint-Père. Elle a disparu en 1970. Ne demeurent que les fameux gardes suisses sollicités par le Pape Jules II en 1505, corps créé officiellement le 22 janvier 1506.
[2] Légat apostolique ou pontifical dans la Rome antique, il s’agissait d’envoyés dans les provinces ou dans une nation étrangère. Le terme vient du latin legare, qui signifie « envoyer avec une mission ». Il est envoyé par le Pape pour une mission ponctuelle d’administration ou de représentation, en général diplomatique.
[3] Membres d’une congrégation religieuse fondée en 1530 à Milan par saint Antoine-Marie Zaccaria (1502-1539), médecin originaire de Crémone devenu prêtre en 1528. Ils s’appelèrent d’abord Clercs réguliers de saint Paul et reçurent le nom de Barnabites peu après leur installation auprès de l’église Saint-Barnabé à Milan (1545). Parmi ses membres, le cardinal Bilio, collaborateur de Pie IX dans la préparation du Syllabus.
[4] Candidat de la faction conservatrice des zelanti. Opposé aux idées libérales, il montra même une inclinaison réactionnaire en fustigeant tout changement s’opposant au développement du chemin de fer dans les États pontificaux et au gaz d’éclairage.
[5] Au VIIIe siècle, le déclin de l’empire byzantin, protecteur traditionnel de la chrétienté, conduit le pape à chercher la protection des Francs et de leurs rois, Pépin le Bref puis Charlemagne. Ceux-ci, en retour, accordent à l’évêque de Rome leur protection, notamment face aux Lombards et aux Byzantins. Ils lui reconnaissent une primauté sur les autres évêques et en particulier le patriarche de Constantinople. Enfin, ils lui concèdent un vaste territoire au cœur de la péninsule italienne pour lui assurer son indépendance face aux principautés environnantes. Grégoire VII (Pape de 1073 à 1085) et ses successeurs luttèrent pour assurer l’autonomie de l’Église catholique face aux interventions des souverains séculiers dans la désignation des évêques et des abbés, autrement dit des chefs des églises locales. Le pape s’affirma dès lors comme chef suprême de la chrétienté occidentale, se présentant comme un souverain spirituel mais aussi séculier, attaché à défendre les États pontificaux et à sanctionner les agissements coupables des souverains, en usant notamment de l’arme la plus dissuasive qui soit, l’excommunication. Depuis les accords du Latran de 1929, le Vatican est le plus petit État du monde d’une superficie de 44 hectares soit à peine la surface du cimetière du Père-Lachaise.
[6] Idée inspirée des Guelfes du Moyen-Âge. La riche Italie est tout au long du Moyen Âge convoitée par les empereurs allemands titulaires du Saint-Empire. Mais leurs prétentions se virent contestées par le pape, principal souverain italien. Aux XIIIe et XIVe siècles, les cités marchandes furent déchirées par les conflits entre les partisans de l’empereur (le parti gibelin ou parte Ghibellina) et ses adversaires, qui eurent généralement l’appui du pape (le parti guelfe ou parte Guelfa). Le conflit fut la transposition de la rivalité entre deux familles allemandes prétendant l’une et l’autre à la couronne impériale : les Guelfes (dont le nom vient d’une seigneurie souabe, Welfen) et les Hohenstaufen, dont les partisans portaient le nom de Gibelins, d’après la seigneurie de Weiblingen, d’où ils étaient issus. Le conflit allemand se solda par le triomphe des seconds en la personne de Frédéric II de Hohenstaufen, après que l’empereur Othon IV de Brunswick, chef des Guelfes, eut été défait par le roi de France Philippe Auguste à Bouvines (1214).
[7] Le Printemps des peuples en 1848 a soulevé l’espoir d’un Risorgimento, d’une renaissance de l’Italie, qui se ferait en expulsant l’Autriche et les souverains inféodés à elle. À Milan les habitants commencèrent à manifester contre la tutelle autrichienne dès le mois de janvier 1848 en s’abstenant de fumer pour ne pas payer la taxe sur le tabac. Les troupes d’occupation se plurent alors à fumer sous leur nez de voluptueux cigares. Le commandant en chef autrichien Radetzki (qui inspira la fameuse Radetzki March de Johann Strauss https://www.facebook.com/watch/?v=10155624205272598 ) fut obligé d’évacuer Milan, possession autrichienne, après la bataille des «Cinq Jours», du 18 au 22 mars 1848. À Venise, autre possession autrichienne, Daniele Manin proclama le 22 mars la République de Saint Marc. Le même jour, le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert 1er, se posant en champion de l’unité italienne, entra en guerre contre l’Autriche. Il reçut le concours du grand-duc de Toscane et du roi des Deux-Siciles (Naples), poussés à intervenir par leur bourgeoisie libérale. À Rome, le pape Pie IX fut chassé par les révolutionnaires. L’armée autrichienne étouffa toutefois les différentes révolutions et réussit à maintenir la domination directe ou indirecte des Habsbourg sur des États italiens divisés. Malgré les défaites, l’idéal du Risorgimento progressa, l’opéra et le chemin de fer étant des vecteurs de l’unité italienne sans doute plus efficaces que la barricade.

« Orgueil et humilité »

« Les laïcs franciscains accueilleront, d’un cœur humble et courtois, tout homme comme un don du Seigneur et une image du Christ. » (Projet de Vie 13)

2nde partie : L’humilité selon St François

Un épisode des Fioretti, en apparence anodin, nous en donne une première approche. Le frère Massée, voulant éprouver l’humilité du Saint, l’interroge ainsi : « Pourquoi tout le monde court-il après toi et pourquoi chacun semble-t-il désirer te voir, et t’entendre, et t’obéir ? De corps, tu n’es pas bel homme, tu n’as pas grande science, tu n’es pas noble ; d’où te vient-il donc que tout le monde court après toi ? » Et François de lui répondre : « Dieu n’a pas trouvé sur terre de plus vile créature, il m’a, pour cette raison, choisi pour confondre la noblesse et la grandeur et la force et la beauté et la science du monde, afin que l’on connaisse que toute vertu et tout bien viennent de lui et non de la créature, et que nul ne puisse se glorifier en sa présence, mais que quiconque se glorifie dans le Seigneur, à qui appartient tout honneur et gloire dans l’éternité. » (Fior 10) Ces paroles pourraient s’apparenter à de la fausse humilité, il n’en est rien ; François n’attend aucun démenti, aucune protestation de Massée car il a le sentiment profond de sa pauvreté, de son insignifiance, de sa « petitesse ». Être humble, c’est d’abord pouvoir se placer en vérité sous le regard de Dieu, et non sous le regard des hommes qui n’a jamais la juste mesure. « Heureux le serviteur qui, lorsqu’on le félicite et qu’on l’honore, ne se tient pas pour meilleur que lorsqu’on le traite en homme de rien, simple et méprisable. Car tant vaut l’homme devant Dieu, tant vaut-il en réalité, sans plus. » (Adm 20,1-2) Être humble n’est pas se dévaloriser, se rabaisser, car cela reviendrait à rester centré sur soi-même, or l’humilité a le narcissisme en horreur. Être humble, c’est contempler Dieu pour mettre en lumière, certes, le fossé qui sépare la créature de son Créateur, mais surtout l’amour incommensurable du Père pour celui qu’il a tiré du néant, et c’est pouvoir se réjouir d’un tel amour. L’humilité se vit donc dans la vérité, la sérénité et la joie pour celui, et c’est le cas de François, qui accepte devant Dieu et devant ses frères de s’accueillir tel qu’il est, avec ses grandeurs et ses faiblesses.

L’humilité de François nait de sa contemplation du Christ qui lui découvre l’humilité de Dieu : « le Très-Haut », « le roi tout puissant », le « roi du ciel et de la terre » s’est penché vers nous, s’est courbé bien bas et s’est donné tout entier à nous en prenant chair de notre chair. De l’incarnation à la crucifixion, dans l’Eucharistie comme dans le Lavement des pieds, c’est un Dieu humble et pauvre qui nous est révélé dans le Christ. « Voyez: chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge; chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre.» (Adm 2,16-18) C’est dans ce même mouvement d’abaissement que le Christ se met à genou devant ses disciples pour leur laver les pieds. A l’école du Christ, François a compris que l’humilité ne consiste pas à être petit ou à se sentir petit, mais à se faire petit, à se faire le serviteur de tous.

C’est pourquoi il en fait une vertu centrale dans sa vie, comme dans celle de ses frères, appelés chaque jour à faire l’expérience de la minorité et du service. Tout d’abord, s’agissant de leurs relations fraternelles, il les exhorte à ne pas calomnier, ne pas envier les autres, ne pas les jalouser, à éviter les disputes, à accepter les reproches, à se montrer patient, obéissant, compatissant…Mais surtout, il les invite à adopter une attitude de désappropriation : ne rien s’attribuer à soi-même, mais reconnaître que tout vient de Dieu, les biens, les honneurs, les bonnes actions…Il recommande à ses frères « de s’appliquer à l’humilité en tout, de ne pas se glorifier, se réjouir, s’enorgueillir intérieurement des bonnes paroles et bonnes actions, ni même d’aucun bien que Dieu dit, fait ou accomplit parfois en eux ou par eux [ …] Soyons-en fermement convaincus : nous n’avons à nous que les vices et les péchés. » (1 R 17,5-7)

L’humilité qu’il prône rejette toute forme de domination et se refuse à asservir une autre créature, la plus petite soit-elle, au nom d’une fraternité partagée et reçue d’un même Père, Lui, le Très Haut qui se fait, par amour pour nous, le Très Bas. « O humilité sublime, ô humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu, et faites lui l’hommage de vos cœurs. Humiliez-vous, vous aussi, pour pouvoir être exaltés par lui. Ne gardez pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se donne à vous tout entier.» (Lettre à tout l’Ordre 27-29)

P. Clamens-Zalay

Saint Jean Chapitre 13

Le christ, au nom du Père, accueille ses disciples dans la maison du Père (Jn 13, 1-20)

Ce geste de laver les pieds est un rite d’accueil en Orient, une déclaration d’hospitalité. Le voyageur a marché toute la journée, sous le soleil, et par des routes par toujours sûres : il a faim, il a soif, il est fatigué et a mal aux pieds, il était à la merci des détrousseurs. Et voilà que quelqu’un l’accueille, en commençant par lui faire laver les pieds. Le sens est clair : chez moi, tu seras comme chez toi ! Tu auras la paix, le repos, la fraîcheur, tu seras abreuvé et rassasié.

L’accueil dans la « maison du Père » est un des grands thèmes du « Discours après la Cène » :
• « Dans la maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures ; sinon, vous aurai-je dit que j’allais vous préparer une place ? Lorsque je serai allé vous la préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi… » (14, 2-3)
• « Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi » (17, 24)
• « Je monte vers mon Père et votre Père » (20, 17)
C’est donc un geste symbolique, par lequel le Christ inscrit dans les faits l’accueil des disciples dans le Royaume. Une manière de dire que du côté de Dieu, c’est fait.

Encore faut-il que les disciples consentent à être accueillis

• C’est précisément l’objet de la discussion de Jésus avec Pierre (13, 6-9) : Pierre ne saisit pas le symbole, il en reste au geste de propreté de Jésus « domestique »
** … Cet « accueil de l’accueil » avait déjà son prélude 2 jours plus tôt à Béthanie : Marie « accueille » Jésus – et avec quel prix ! lequel Jésus l’avait elle-même « accueillie » auparavant.
• En contraste, on a le refus de l’accueil par Judas (13, 10) : « … vous n’êtes pas tous propres »… et plus loin (13, 30) : « …Judas sortit immédiatement : il faisait nuit ».
** … Remarquer comment ce « refus de l’accueil » par Judas avait eu également son prélude à Béthanie, lorsqu’il s’était indigné du gaspillage de parfum par Marie (12, 5).


Aux disciples, à leur tour, d’accueillir les autres dans l’Eglise, et au Nom du Christ

« C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le, vous aussi » (13, 15). Comment pratiquer l’accueil au nom du Christ ?
1_ Selon un comportement et un état d’esprit d’envoyé qui n’évacue pas l’envoyeur ! « l’envoyé n’est pas plus grand que celui qui l’envoie » (13, 16)
… et avec le dévouement du serviteur… qui ne prend pas la place du Maître ! « un serviteur n’est pas plus grand que son Maître » (13, 16).

Nous voyons donc que le personnage le plus important dans cette scène, c’est le Père, car c’est lui l’invitant suprême ; le Christ ne veut être que le délégué de son Père, l’envoyé, c’est pourquoi il prend la pose du serviteur. Aux Apôtres de jouer le même jeu de l’humilité-service, par rapport au véritable invitant qu’est le Christ pour l’entrée dans l’Eglise.

Une révélation de théologie trinitaire

La fin de l’épisode est encore plus impressionnante que l’entrée en matière : Jésus termine en faisant à ses disciples 2 révélations explicites et tout à fait capitales :

1_ Sur sa condition divine. On le voit aux passages suivants :
• « Vous m’appelez le Maître et le Seigneur… si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître… » (13, 13-14). Le titre de Seigneur n’était donné qu’à Dieu.
• « … afin que, lorsque l’événement se produira, vous croyiez que Je Suis » (13, 19). La tournure est curieuse, à moins que ce « Je Suis » fasse allusion au nom divin du Sinaï, par lequel YHWH se faisait connaître à Moïse (Ex. 3, 13-15). Dans ce cas, Jésus n’hésite pas à s’attribuer le nom divin, signifiant par là qu’il porte en lui la présence divine et tous les pouvoirs divins.

2_ Autre révélation, sur les Trois Personnes divines. Témoin la toute dernière phrase : « En vérité, en vérité, je vous le dis, recevoir celui que j’enverrai, c’est me recevoir moi-même, et me recevoir c’est aussi recevoir Celui qui m’a envoyé » (13, 20). « Celui que j’enverrai », c’est à dire l’Esprit Saint… « Celui qui m’a envoyé », c’est le Père.

Conclusion
L’entrée en matière de cet épisode du « lavement des pieds », et sa conclusion d’autre part, sont trop solennelles et de portée transcendante, pour que le geste de la partie centrale soit une simple recommandation d’ordre moral. La toute première et la toute dernière phrases évoquent la figure du Père. C’est donc de Lui qu’il sera question, de sa Maison, et de l’accueil qu’il nous y réserve, par la médiation « servante » de son Fils.

Fr Joseph

Prière de juin

Seigneur, en ce début de journée, je place ma volonté dans la tienne, de telle sorte que je vive toutes mes actions de ce jour dans ta Divine Volonté.

Que son soleil se lève en moi et que mes actes ne fassent qu’un avec les tiens.

Que ma décision ne soit pas obscurcie par ma volonté propre, mon estime personnelle, mon insouciance ou ma négligence.

Gloire à toi Seigneur ! Amen.

(Luisa Piccaretta)

De Profundis Salvatore Satta

De Profundis. Salvatore Satta. Éditions Conférence. 369 pages. 30 €.
Lien Editeur

« Giurascrittore » (juristécrivain), la profondeur et la hauteur de l’apport de Salvatore Satta à la philosophie du droit comme à la littérature du XXième siècle (et du nôtre) sont telles qu’il fallait bien un néologisme pour tenter de présenter cet auteur italien capital, à peu de chose près méconnu en France. Son œuvre plus proprement littéraire se compose d’un roman de jeunesse, La veranda, d’un roman qu’on pourrait dire d’adieu, Il Giorno del giudizio, dont la publication posthume connut un grand retentissement national et international, et de ce livre écrit au milieu de sa vie, entre juin 44 et avril 45, qui est une méditation sur la guerre et les vingt années de fascisme auxquelles la destitution et l’arrestation de Mussolini mirent fin (si l’on néglige la République de Salò) le 25 juillet 1943.

De Profundis, loin de la chronique, est une réflexion métahistorique en vingt-quatre chapitres dont le titre emprunté au psaume 130 dit assez l’inspiration spirituelle, échappant ainsi à tout débat partisan, bien que Satta fût fondamentalement opposé au fascisme. L’axe de cette réflexion est la « formidable revalorisation du péché originel » que constitue le mouvement qu’il voit, au moment où il écrit, culminer dans la destruction de sa patrie. Au-delà de Mussolini, des « hiérarques » complaisants qui l’abritaient et s’abritaient derrière lui, et des combinaisons macropolitiques au nom desquelles le peuple italien est sacrifié, l’artisan de l’atrocité, actif ou passif, est celui qu’il appelle « l’homme traditionnel que chacun porte en lui, et dont seule la destruction permettra d’établir le règne de Dieu sur terre ». L’homme traditionnel, ou « homme-ver », se caractérise par son souci « (…) de se lover dans son cocon, c’est-à-dire de créer autour de lui une sphère juridique, citadelle de son individualité et de son égoïsme ». La conception que Satta a du droit, fil dont est tissé le cocon de l’homme traditionnel, bouscule la représentation qu’on s’en fait, ou dénonce le manque de réflexion à son propos : « L’esprit de la loi résidait dans l’échange des libertés primordiales, mais très inconfortables, de tuer et de voler, avec la liberté de s’emparer, sous certaines conditions, des biens du monde ». Comme est illuminante sa conception de la liberté, synonyme de paix de l’esprit de qui se fie plus à l’observance des devoirs de la vertu qu’au droit, « (…) liberté qui ne se réduit pas à des termes politiques, ni à des termes juridiques, parce qu’elle n’a besoin d’aucune norme pour être protégée : mais chacun la conquiert et la garde dans son cœur, et nul ne peut y attenter ; de la liberté chrétienne, en un mot, faite de renoncement et de sacrifice de soi ». Et comme est dérangeante sa conception de la providence, dont les desseins « sont exécutés par le diable », afin de nous conduire au jugement qui intervient presque par incidence, « (…) devant le tribunal de Dieu, comme devant celui de l’histoire, (qui) se prononce hors du temps, et ne tient pas compte des frissons ni des impatiences d’un individu ni d’un peuple ».

La lecture de cet ouvrage est de celles dont on ne sort pas indemne. Elle est bouleversante non seulement par les idées qu’on y découvre avec étonnement et enthousiasme, mais aussi par la poésie intensément vécue et transmise qu’on reçoit de pages empruntes d’une vérité à nu et à vif, comme seules un homme animé par la liberté en question est capable de produire. Il est traduit avec une belle attention par Christophe Carraud, et complété par lui de notes abondantes et précieuses, ainsi que d’une postface précisant la préface de Remo Bodei, non moins éclairante sur la pensée puissante et originale d’un esprit incomparable.

Jean Chavot

Un jour à la fois

Entre le jour où je prends le clavier pour vous rejoindre et celui où vous lirez ce message, il peut s’écouler du temps ! Il y a des questions dont on parle tous les jours, quelle que soit la météo : certains se confient sur leur santé… mais d’autres évoquent aussi les élections régionales ou présidentielles, ou les vacances et la reprise déjà proche. Qu’on le trouve long, ou qu’on ne le voit pas passer, le temps est la dimension de l‘épreuve de la solitude comme de la grâce de la rencontre. Nous ne pouvons pas toujours prévoir l’avenir et les mois de confinement rendent plus fragiles nos espoirs de lendemains meilleurs. Cependant, le quotidien de notre histoire personnelle se vit jour après jour, dans la durée.

On pourrait se contenter de relire ces pages éternelles de la Bible qui font l’inventaire de ce temps de la création qui est aussi le temps de Dieu (cf. le livre de Qohéleth). Pour faire bref, je dirais simplement que tout le Nouveau Testament est rempli de références au « temps », au « commencement », à la « fin des temps », à « l’éternité ». Le temps est constitutif de la création et notre conversion personnelle se déroule dans la durée. « Ne perdons pas notre temps » C’est toujours le temps de Dieu, c’est toujours le temps de l’Amour. Pour l’essentiel, il y a urgence. Nous entendons mieux aussi l’exhortation de François d’Assise : « Frères, commençons ». Il nous réconforte !

Mais nous ne pouvons oublier, en cette période estivale, ce droit, si difficilement acquis, des congés annuels, et intégrer à notre réflexion « le septième jour où Dieu se reposa ». Se distraire, souffler, se détendre, sont des aspects de notre existence, que nous devons aussi prendre en considération. Entre le désert de la solitude et le bain de foule, le temps nous est donné pour contempler la vie en croissance, collective ou personnelle, et cela laisse deviner le projet de Dieu dans l’Histoire des hommes au sein de laquelle, avec le temps, il œuvre et agit.

Entre élections municipales passées et présidentielles à venir, nous avons aussi la matière première du « temps » qui nous est confié. Les candidats prennent la parole pour dire leur projet de vie collective, tantôt pour acquérir du pouvoir, tantôt pour se mettre au service de tous. Difficile d’y voir clair, mais là comme ailleurs, il s’agit de transformer la société pour un mieux, sinon pour un moindre mal, de prendre soin des groupes et des faibles, de fonctionner dans le respect des personnes. Tous pourraient s’inscrire dans la Fraternité comme objectif et comme bien commun.

C’est ainsi que le court terme qui rythme la vie : « un jour à la fois » appelle, en vacances et durant l’année, le long terme qui construit peu à peu le temps long, chemin d’éternité.

« Paix et Bien » pour contempler, réconforter et agir.
Fr. Thierry