événements janvier

Halte Spirituelle à La Clarté-Dieu
ALLER VERS SOI

Aller vers soi,… pour aller à la rencontre de l’autre qui dérange, fait peur et fait grandir • Posture intérieure : non-violence et spiritualité • Psychologie, spiritualité et déviance de l’amour chrétien • L’histoire de nos blessures • Fécondité évangélique de nos blessures.
Un lien sera fait avec l’encyclique ‘Fratelli tutti’

Pour en savoir +

Qui : Frère Daniel Hubert, bénédictin et psychanalyste
Quand : samedi 22 janvier 2022 (9h15-18h)
Où : 95 rue de Paris, 91400 Orsay
📞 : 01 69 28 45 71
📩 clarte-dieu@orange.fr


Le dernier numéro de Vox Franciscana

La revue publiée par le CIOFS– est paru.
Pour mieux percevoir la dimension internationale de l’OFS, c’est à télécharger ici et en français

Au sommaire entre autres :
Page 11 : Zagreb honore une bénévole en soins palliatifs
Page 14 : l’action de l’OFS autour du Globe
Page 22 : Well4Africa : projet d’eau au Ghana

«François et l’Église de son temps» 1ère partie

Saint François est né à la fin du XIIe siècle, dans une période bouillonnante d’activités : la production agricole s’est intensifiée, les échanges se sont multipliés, y compris avec les pays voisins, favorisant le développement des villes et la naissance d’une classe de nouveaux riches : les bourgeois. La concurrence entre cités et un commerce florissant sont venus bouleverser l’ordre établi et disputer le pouvoir jusque-là réservé aux seuls seigneurs. Une autre société a vu le jour, qui ne s’est pas révélée plus juste que la précédente à l’égard des « minores » car, très vite, l’argent a creusé les différences et accentué les inégalités entre les hommes. Rivalités et guerres en tous genres ont jalonné la vie de ces cités ; et, parmi elles, Assise n’a pas été épargnée.
A la même époque, l’Église est traversée par de profonds mouvements de contestation. L’institution est remise en cause dans sa volonté de pouvoir temporel et ses richesses démesurées et elle est perçue comme très éloignée du peuple de Dieu. Les ordres monastiques s’apparentent à de grands propriétaires terriens car leurs biens et possessions, accordés à l’origine pour assurer leur subsistance, ne cessent de s’accroître. Le clergé n’échappe pas non plus à la critique : absence de zèle ou de formation, concubinage, trafic de reliques, achats de charges ecclésiastiques…
De cette Église, qui cherche peu à peu à se réformer, émergent des groupes contestataires, radicaux et parfois hérétiques. Ces mouvements ont tous en commun la soif d’un retour à une vie évangélique, basée sur la pauvreté, la simplicité et la prédication. Cependant, ce n’est pas comme religieux, mais comme laïcs, hommes et femmes, qu’ils veulent suivre le Christ pauvre et abandonné, et en cela rejoindre tous les laissés- pour-compte de la société. Or, certains vont mettre en avant cet idéal pour s’opposer à l’Église, non seulement à son autorité mais aussi à ses fondements, et se verront excommuniés.
Citons, par exemple, les Vaudois, très implantés dans le sud de la France, le nord et le centre de l’Italie. Ce qui les caractérise : le choix volontaire de la pauvreté, le rejet de la hiérarchie ecclésiale et le refus des sacrements administrés par des prêtres « indignes », la prédication itinérante, le retour à la seule autorité de l’Écriture. Mais aussi la négation du purgatoire, de la prière pour les morts, du culte des saints…
C’est dans ce contexte qu’apparait François, mais comment s’y inscrit-il ?
Pour commencer, c’est la rencontre avec Dieu, avec son Bien-aimé, qui est à l’origine de sa conversion et de son itinéraire spirituel, et non le désir de fonder un Ordre pour réformer l’Église ou pour combattre des hérésies.
Ainsi, chez François, le choix de la pauvreté ne répond pas à des aspirations sociales ou même religieuses, il épouse Dame Pauvreté car en chacun des pauvres, des petits, des exclus, il reconnait le visage du Christ pauvre et humble auquel il veut tant se conformer.
Son seul « programme » est celui-ci : suivre les traces du Christ en basant sa vie sur l’Évangile : « La règle de vie des Frères Mineurs est la suivante: observer le saint Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ, en vivant dans l’obéissance, sans avoir rien en propre et dans la chasteté. » (2 Reg1)
Vivre l’Évangile au cœur du monde, certes, mais en demeurant au sein de l’Église. François se démarque donc en bien des points de tous ces mouvements contestataires.
Le Seigneur lui ayant donné des frères, dont le nombre de cesse de grandir, il lui faut rédiger une première Règle « en peu de mots bien simples, et le seigneur pape me l’approuva » (Test 15) puis vient la Règle définitive, qui reçoit l’approbation du pape en 1223.
François est donc résolument d’Église : s’il est bien conscient des faiblesses ou des dérives de l’institution, il n’y a chez lui ni jugement, ni procès de la hiérarchie ou du clergé. Dans le prologue de la Règle, il « promet obéissance et respect au Seigneur Pape Honorius et à ses successeurs, et à l’Église romaine ». Dans ses écrits, il témoigne de sa foi dans les églises et dans les prêtres en précisant que c’est le Seigneur qui lui donne cette foi : « Le Seigneur me donna une grande foi aux églises…Ensuite le Seigneur m’a donné et me donne encore, à cause de leur caractère sacerdotal, une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la règle de la sainte Église romaine, que, même s’ils me persécutaient, c’est à eux malgré tout que je veux avoir recours. » (Test 4-6) et à propos des prêtres vivant dans le péché : « Eux et tous les autres, je veux les respecter, les aimer et les honorer comme mes seigneurs. Je ne veux pas considérer en eux le péché ; car c’est le Fils de Dieu que je discerne en eux, et ils sont réellement mes seigneurs. » (Test 8-9)
Si François a cette attitude, ce n’est pas parce qu’il a une haute opinion du prêtre et de sa personne, mais c’est parce qu’il voit en lui le serviteur d’un mystère qui le dépasse, le ministre dont les mains, souillées ou non, ne peuvent rendre impur le corps du Seigneur, et c’est à ce titre qu’il le vénère.
S’adressant aux frères, il écrit dans le Testament de Sienne : « Que toujours ils se montrent fidèles et soumis aux prélats et à tous les clercs de notre sainte Mère l’Église. » (Test Si 5)
Sa dévotion à l’Eucharistie le pousse également à demander aux frères de tout faire pour conserver le Corps du Christ et les manuscrits qui contiennent ses paroles dans un lieu décent, alors que trop souvent, dans les églises, ils sont négligés. (Test 11-13)
Enfin, François affirme son respect pour les théologiens, car ils sont porteurs et serviteurs de la Parole divine : « Tous les théologiens, et ceux qui nous communiquent les très saintes paroles de Dieu, nous devons les honorer et les vénérer comme étant ceux qui nous communiquent l’Esprit et la Vie. » (Test 13)

P. Clamens-Zalay

Un livre

Au Commencement était…
Une nouvelle histoire de l’humanité.
David Graeber et David Wengrow

David Graeber & David Wengrow, Au commencement était…, édition Les Liens qui Libèrent, 2021, 752 pages, 29,99 €

Nous percevons notre préhistoire à travers des lunettes : l’œil droit, comme celui de Hobbes, voit une humanité foncièrement mauvaise fort opportunément corrigée par la loi et l’ordre, et le gauche, celui de Rousseau, lui prête une nature originellement bonne, mais pervertie par la propriété et l’inégalité. Ces deux yeux — dont les auteurs font découler les idéologies de droite et de gauche — composent une seule image : celle de l’État comme unique possibilité d’une société. Cette vison repose sur un évolutionnisme ancré dans les esprits non seulement de Hobbes, de Turgot, de Rousseau mais bien au-delà, de Marx, de Freud… de tous les intellectuels qui ont projeté le modèle européen sur des époques dont tout leur était pourtant à peu près inconnu : nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs auraient vécu dispersés dans des clans dont la petite taille autorisait une sorte de communisme primitif, puis l’élevage et l’agriculture les auraient rassemblés dans des villes où l’importance des groupements imposa des systèmes de régulation, de moralisation, d’organisation, naturellement assumés par ceux qui contrôlaient les surplus de production, c’est à dire les classes dominantes, grâce auxquelles la civilisation put enfin émerger de la confusion bestiale…

Depuis que Rousseau, Hobbes et les autres s’autorisaient toutes les audaces, l’étude de la préhistoire a fait des pas de géant, et même des pas décisifs ces dernières décennies. Pourtant, les conceptions évolutionnistes et autres téléologies erronées continuent de faire fortune dans l’esprit du grand public comme dans celui de la majeure partie des intellectuels et des politiciens. L’immense mérite de Graeber pour l’anthropologie et Wengrow pour l’archéologie est de s’employer par ce livre, qui est une véritable somme de connaissances, à restituer une image plus juste de la douzaine de millénaires (Holocène) qui nous précèdent : « (…) de l’Égypte antique au Pérou des Incas, en passant par la Chine des Shang, il apparaît que l’État, ou ce que l’on définit comme tel, est loin d’être une constante historique ou le résultat d’un processus évolutionniste qui aurait pris sa source à l’âge du bronze ». Les préjugés y volent en éclats au fil des chapitres : de très importantes agglomérations précédèrent de loin la naissance de l’agriculture ; nos ancêtres, doués des mêmes facultés cognitives que nous, se sont montrés plus inventifs pour structurer leur vie collective ; de très diverses formes d’organisation politique ont existé, alterné et coexisté à travers les âges, dont beaucoup visaient à contenir les ambitions dominatrices et à maintenir la liberté de chacun en limitant les pouvoirs dans le temps et dans l’espace ; l’État n’est pas une fatalité démographique mais une construction déterminée qui résulte de l’histoire européenne, imposée au reste du monde à partir de 1492 par la colonisation brutale et destructrice de toutes les autres formes de gouvernance telles que celles qui firent la grandeur de Teotihuacan, Çatal Höyük, Knossos, Mohenjo-Daro…

« Comment avons-nous pu nous laisser enfermer dans une réalité sociale monolithique qui a normalisé les rapports fondés sur la violence et la domination ? » C’est la grande question qui traverse le livre. Elle s’impose à nous alors que l’humanité entre sous nos yeux dans une crise déterminante pour sa survie. Le travail de compilation de Graeber et Wengrow est à ce titre plus que bienvenu, éclairant, magnifiquement nourrissant pour la réflexion, et aussi très urgent, car « repenser les prémisses de l’évolution sociale, c’est repenser l’idée même de politique ». En revanche, il souffre d’un vide, voire même d’une certaine indigence conceptuelle, où les préoccupations féministes et indigénistes des auteurs résonnent souvent comme des préjugés à la mode, gênant la possibilité d’une synthèse des connaissances par ailleurs très précieuses qui y sont révélées. S’ajoute à ce manque — mais sans doute devra-t-il être comblé par des travaux ultérieurs — l’anti-religiosité peu discrète avec laquelle les auteurs présentent la spiritualité exclusivement comme un argument de domination. Cette impression est renforcée par le titre français qui détourne les premiers mots de la Bible, alors que le titre original anglais— The Dawn of everything (l’aube de toute chose) — était plus judicieux. Mais ces critiques n’enlèvent rien à la nécessité de lire ce livre pour imaginer des sorties à l’impasse délétère dans laquelle notre humanité se précipite en ne voyant d’autre avenir possible que l’État capitaliste, alors qu’il rend justement tout avenir impossible.

Jean Chavot

PRIÈRE DE Janvier

« Conduis-moi, douce Lumière »

Conduis-moi, douce Lumière,
au milieu des ténèbres :
je t’en prie, conduis-moi.

La nuit est sombre, et je suis
loin de la maison :
je t’en prie, conduis-moi.

Veille sur mon chemin.
Je ne demande pas
à voir le but lointain :
un seul pas me suffit.

J’étais autre jadis,
et je ne priais pas
pour que tu me conduises.
J’aimais choisir et voir ma route.

Maintenant,
je t’en prie, conduis-moi.
J’aimais le jour brillant
et, malgré mes frayeurs,
l’orgueil me gouvernait.
Oublie les jours passés.

Ta puissance
pendant si longtemps m’a béni
que, j’en suis assuré,
elle me conduira
par landes et marais,
montagnes et torrents,
jusqu’au retour du jour.

Et demain souriront
les visages des anges
depuis longtemps aimés,
et que je ne vois plus.

John Henry Newman (1801-1890)
Cardinal et théologien britannique

Je m’imagine

L’actualité parfois nous bouscule, nous réveille et nous révèle. Je voudrais m’arrêter sur ce que l’on appelle désormais « la crise des migrants ». Elle a agi en moi comme un révélateur ; elle m’a ouvert les yeux sur ce qui m’entoure et que je ne voyais pas.
Peu souvent, jusqu’alors, je n’avais réalisé la chance que j’ai d’avoir grandi et de vivre dans un pays en paix. Dans un pays que j’ai parfois envisagé de quitter, mais uniquement motivée par la soif de découvrir de nouveaux horizons. Jamais par peur de la guerre, de sa violence, de ses privations.

« Qu’aurais-je
fait si cet
inconnu nommé
Joseph m’avait
demandé
l’hospitalité ? »

J’ai donc grandi dans un pays en paix où la pratique de ma religion n’a jamais été dangereuse ni problématique. Et pourtant, comme j’ai pesté, en vacances le plus souvent, quand il me fallait parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en campagne avant de trouver une messe. Et là encore, une fois arrivée, combien j’ai pu râler devant le ton monocorde du prêtre octogénaire et les voix chevrotantes de l’assemblée ! Je n’ai jamais risqué ma vie pour assister à un office ni craint quoi que ce soit en affirmant ma foi, si ce n’est quelques railleries bien inoffensives.
Enfin, ces exodes d’Afghans, de Syriens, d’Irakiens ou de Lybiens sont venus me bousculer dans mon nid douillet. Parce qu’ils m’obligent à me poser une question, et par là-même à me remettre en question : suis-je capable d’ouvrir ma porte à celui qui frappe ? Suis-je capable, pour l’accueillir, de chambouler mon confort et mon quotidien tranquille ?
En cette période de Noël, cette interrogation prend tout son sens, alors que je vois Joseph tirant son âne dans les rues de Bethléem, inquiet de voir Marie le ventre tendu par la vie qui point, soucieux de n’avoir pour elle et l’enfant à naître aucun logis correct. Je m’imagine cette nuit-là. Qu’aurais-je fait, alors, si cet inconnu m’avait demandé l’hospitalité ? Aurais-je ouvert ma porte, et par là-même mon cœur, ou lui aurais-je demandé de passer son chemin pour ne surtout pas risquer de troubler ma tranquillité ?

ANNE-DAUPHINE JULLIAND
Journaliste, Écrivain

(avec l’aimable autorisation de la revue ‘Panorama
-magazine de spiritualité chrétienne- N° 524, année 2015)

CORENTIN CLOAREC, UN FRANCISCAIN EN RÉSISTANCE.

2. Une jeunesse bretonne à l’aube du siècle des totalitarismes, …CELLE D’UN RESTAURATEUR DE L’ORDRE AVANT LE SECOND CONFLIT MONDIAL, …

En 1921, à 27 ans, Jean-Marie Cloarec avait quitté sa Bretagne natale pour rejoindre Amiens. Il avait souhaité entrer chez les frères mineurs et donc rejoindre la famille franciscaine. L’expérience de la guerre et de la captivité avait peut-être incité Corentin à cultiver une vie intérieure qui le conduisit à s’engager dans une vie monastique. En effet l’image qu’offrait en ces temps l’idéal franciscain était celle d’une vocation qui indiquait un chemin de sainteté. Il prit l’habit franciscain le 8 septembre 1921 et devint le frère Corentin. En choisissant ce saint breton il témoignait de ses origines, Durant plus de deux années, son noviciat correspondit au retour des frères mineurs qui avaient quitté la France suite à l’anticléricalisme développé à la fin du XIX°siècle. En effet, le 29 mars 1880, le ministre de l’Instruction publique Jules Ferry prit deux décrets par lesquels il ordonna aux Jésuites de quitter l’enseignement dans les trois mois. Fervent républicain, athée et franc-maçon, issu d’une riche famille de libres penseurs de Saint-Dié, Jules Ferry donna aux enseignants des congrégations catholiques le même délai pour se mettre en règle avec la loi ou quitter l’enseignement. Le 21 décembre 1880, le député Camille Sée, ami de Jules Ferry[1], fit passer une loi qui ouvrit aux filles l’accès à un enseignement secondaire public où les cours de religion seraient remplacés par des cours de morale. L’année suivante, il fit voter la création de l’École Normale Supérieure de Sèvres afin de former des professeurs féminins pour ces lycées. L’Église n’avait plus désormais le monopole de la formation des filles.Jules Ferry établit par ailleurs la gratuité de l’enseignement primaire par la loi du 16 juin 1881 et le rendit laïc et obligatoire par la loi du 29 mars 1882. L’affaire Dreyfus[2] devenue une affaire nationale lancée le 6 novembre 1894 par La Libre Parole[3] d’Édouard Drumont accentua le conflit. La seconde expulsion des congrégations religieuses de France fut une conséquence de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations. Cette loi établissait la liberté d’association mais son article 13 fit une exception pour les congrégations religieuses en soumettant leur création à une autorisation préalable. Interprétée de façon restrictive par le Conseil d’État dès l’année suivante, elle porta à son paroxysme le conflit entre l’Église et la République. Émile Combes[4], né dans une pauvre famille du Tarn, put accomplir de brillantes études grâce au soutien bienveillant de quelques ecclésiastiques. Mais le directeur du séminaire jugea qu’il n’avait pas la vocation religieuse et le dissuada de devenir prêtre. Évoluant vers un violent anticléricalisme, il fit fermer en quelques jours plus de 2 500 écoles religieuses. Le 7 juillet 1904, il fit voter une nouvelle loi qui interdisait d’enseignement les prêtres des congrégations… Le 7 avril 1903, toutes les autorisations furent refusées, tous les couvents furent dissous et confisqués. Ces tempêtes avaient eu raison de la présence des frères franciscains en France, nombre de frères quittèrent le pays, certains entrèrent dans la clandestinité. 

La Grande Guerre et la participation des religieux au conflit permirent à la vague d’anticléricalisme de se calmer. En octobre 1923, le petit séminaire de Fontenay-sous-Bois, tout juste créé accueillit le frère Corentin. Le jeune frère contribua au mouvement de restauration de l’Ordre en France. Il fit preuve de grandes qualités d’organisation et de rigueur et fit montre d’un solide charisme personnel tant à Fontenay qu’à Mons-en-Barœul. Ses compétences s’exprimèrent au couvent de Saint-Brieuc dont il fut le gardien entre 1927 et 1937 puis à Paris à partir de 1938. Il fut considéré par le Provincial comme l’un des jeunes cadres de l’Ordre auxquels étaient confiées les tâches de développement et de consolidation des implantations nouvelles. Outre cette activité organisationnelle, Corentin Cloarec poursuivit une activité de prédication, et en février 1936, il entra au conseil provincial. Dans le contexte de ces années agitées, Il s’éleva contre les « doctrines détestables » qui ne mettaient pas l’amour au centre. Son inquiétude face aux menaces nées des totalitarismes fascistes et communiste ne le conduisit pas à ignorer les réalités nationales.  En 1937, il dénonça le matérialisme bourgeois (« Détrônez le veau d’or de son piédestal et empêchez l’argent de devenir la grande puissance ici-bas »). Sensible à l’engagement social de l’Église, présent auprès des plus modestes, il souhaitait par ailleurs sensibiliser les familles bourgeoises à l’action franciscaine[5]. Homme d’engagement, ancien combattant ; comment pouvait-il affronter la défaite et l’occupation ?


[1] https://www.herodote.net/Apotre_de_la_Republique_laique_et_universelle-synthese-2193.php

[2] L’affaire Dreyfus, (1894-1906) par son retentissement énorme, est considérée comme l’événement fondateur de l’engagement des intellectuels à l’époque moderne. Elle a pour toile de fond un antiparlementarisme provoqué par des scandales politico-financiers, et un antisémitisme qui traverse la société française. Les injustes condamnation et déportation du capitaine Alfred Dreyfus pour espionnage le 22 décembre 1894 prennent une nouvelle dimension lorsque l’impossibilité de la révision du procès révolte ses partisans. Des protestations individuelles provenant de la famille et des amis, on passe alors à une lame de fond mobilisant les « intellectuels ». Par ailleurs, la presse constitue la tribune des débats.

[3] La Libre Parole est un journal antisémite qui a lancé l’affaire Dreyfus en l’évoquant publiquement alors que la procédure militaire se déroulait à huis-clos. Journal lancé à Paris le 20 avril 1892 par Édouard Drumont, journaliste et polémiste. Journal disparu en juin 1924. Journaux lancés juste avant, ou pendant l’affaire Dreyfus, tels La Libre Parole illustrée, Le Chambard socialiste, Le Rire, La Feuille, Psst!, Le Sifflet, Le Cri de ParisLe Musée des Horreurs
et L’Assiette au Beurre. 

[4] https://www.herodote.net/Artisan_de_la_laicite-synthese-2968.php

[5] Il créa en pleine occupation une fraternité féminine en avril 1942 dans la paroisse Saint-Pierre de Chaillot

Cycle de la Passion

La Passion 18-19

Introduction

Apparemment, le récit de Jean s’apparente à celui des synoptiques, mais en réalité il est très chargé d’intentions théologiques :
Jean contemple dans les événements tous les signes de la Royauté du Christ Sauveur. Nous sommes dans une ambiance d’une liberté incomparable, qui permet au Christ de prendre l’initiative ; l’impression d’une majesté souveraine ; et la prédominance d’un plan divin, qui se réalise à travers la Passion et la mort de Jésus, et qui déjoue l’apparente victoire du plan des hommes.

Jean devine que commence à cette heure-là le temps de l’Eglise et de la vie sacramentaire :
• Eglise signe de l’unité
• Eglise mère
• sacrements : baptême, eucharistie, réconciliation.

Arrestation, comparution devant Hanne, reniement de Pierre

La scène du jardin (18, 1-12)

Le texte johannique ne comporte pas l’épisode de l’agonie. Jean préfère retenir ce qui met en valeur la majesté et la liberté, la lucidité et la maîtrise des événements chez Jésus.
• Jésus sait tout ce qui va lui arriver, Judas ne le surprend pas (v. 4)
• C’est lui qui prend les devants et se livre ; impressionnés, les soldats reculent et tombent à terre (v. 4-8)
• « Je suis »… comme YHWH au Sinaï, qui se désigne ainsi à Moïse (v. 5)
• « Laissez partir ceux-ci » : signe de l’autorité de Jésus, même sur les ennemis (v.5)
• « La coupe que m’a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? » (v. 11). Cela rappelle la réponse de Jésus aux disciples, lors de l’épisode de la Samaritaine : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas ! … ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé » (4, 32-34). L’événement de la Passion s’inscrit dans un plan divin à respecter.

Le procès juif officieux chez Hanne (18, 13-27)

Le procès juif officiel devant le Sanhédrin, Jean n’en dit rien. Et pour cause : pour lui tout est joué d’avance, l’audience a déjà eu lieu : ce sont tous les face à face de Jésus et des autorités religieuses tout au long de l’évangile.
Chez Hanne, ce n’est donc que l’audience officieuse. Hanne l’interroge sur ses disciples et son enseignement. Jésus, avec une liberté souveraine, répond : « J’ai toujours agi au grand jour ! »
Contraste entre la fermeté et la constance de Jésus, et la faiblesse de Pierre.

Le procès devant Pilate (18, 28-19, 16)

Tout va tourner autour de l’idée de Jésus Roi, du chef qui rassemble en sa personne la destinée de toute l’humanité.

L’épisode se déploie en 7 scènes, disposées suivant un plan précis, scènes qui se répondent pour mettre en valeur une idée centrale :

A 18, 29-32
Pilate sort pour dialoguer avec les Juifs :
« La loi ne permet pas de condamner à mort ! »

  B 18, 33-38a
Pilate rentre et dialogue avec Jésus :
Royauté… Vérité

  C 18, 38b-40
Pilate ressort devant les Juifs :
« innocent ! je le relâche ?
Barabbas ! »

  D 19, 1-3
Investiture royale

  C’ 19, 4-7
Pilate ressort avec Jésus devant les Juifs :
« Innocent ! Voici l’homme ! »
« Crucifie-le ! »

  B’ 19, 8-11
Pilate rentre et dialogue avec Jésus :
quel pouvoir ?

A’ 19, 12-15
Pilate sort pour dialoguer avec les Juifs :
« Voici votre Roi ! Non !
César doit le condamner à mort ! »

« Le mystère du mal, ce n’est pas un mythe… »

Le rapport « Sauvé » fut comme un tsunami, annoncé, redouté puis révélé… Il déclencha des réactions diverses sans que nous percevions encore les évolutions possibles. Mais le « mal » demeure un mystère permanent et interroge toujours. Ce fut sans doute une question pour François d’Assise et surtout une expérience personnelle et sociale.

Rappelons-nous la première parole entendue par François, lors de sa conversion : « François, va et répare mon Eglise qui, tu le vois, tombe en ruine ». Et il passa vite de la remise en état de la chapelle saint Damien au renouvellement de la communauté chrétienne. L’Eglise de ce temps n’était pas à la hauteur et François ouvrit un nouveau chemin d’Evangile à partir des laïcs. C’est peut-être ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui aussi. Et peu de temps avant sa mort, dans son Testament, François recommande à ses frères de « ne pas juger ceux qui vivent selon le monde ». Cette remarque en dit long sur le mauvais état de l’Eglise en son temps.

Dans un autre écrit, François demande à ce que les frères ne se laissent pas appeler « Père » « car vous n’avez qu’un seul Père ». En faisant cette recommandation, il révèle que, dans toute relation, la qualité de « Père » concerne une situation d’origine, de dépendance et d’autorité, mais ce constat ne dit rien de la vie humaine par rapport « à Dieu de qui vient tout Bien ». Le mot « autorité » parle peu de la proximité et du service significatifs de l’Evangile. Quelle que soit l’époque, nous ne sommes jamais à l’abri de dérives. Pour mettre en garde contre l’autorité, François prend les devants en disant : « Il n’y aura pas de supérieur parmi vous, mais tous s’appelleront « frères ». Et on comprend bien que nommer ainsi une relation peut engendrer plus justement la « Fraternité ».

En poursuivant cet inventaire significatif d’un style de vie, je soulève encore quelques remarques sur la manière d’évangéliser. François est aussi sensible à l’itinérance, deux par deux, ce qui est une autre manière d’annoncer le Royaume. En présence d’un proche, le témoignage est plus crédible, plus sûr et moins personnel. C’est à deux que commence le début du témoignage, référence incarnée de la mission. C’est ainsi que ce fut une nouvelle manière d’annoncer l’Evangile. L’enseignement devient vie transformée sur leur passage.

Un autre élément est contenu dans l’appel de l’Evangile, c’est la « conversion ». Il s’agit moins d’une expérience personnelle miraculeuse que « d’une manière d’être » en évolution permanente avec la force de l’Esprit, au milieu des événements de la vie. L’expérience de la foi est un chemin parcouru avec une volonté permanente d’évoluer et de choisir l’essentiel. A tous moments, nous sommes conscients des régressions, des dérives, des limites qui peuvent naître en nous. Cette dynamique de la conversion est précieuse au quotidien. Mystérieusement mais réellement, le mal est présent dans les fragilités de nos vies, d’où cette insistance sur la veille pour garder le cap.

Rappelons-nous enfin que dès le début de la Bible, certains récits portent des traces du combat permanent entre le Bien et le mal qui traversent le monde créé. Nous avons la mémoire courte et le quotidien ne montre pas tout de suite les avancées ou les résistances de la vie, il faut le temps de la relecture pour percevoir ce qui est croissance dans l‘histoire personnelle et collective. Nous avançons souvent comme des aveugles ou des automates. Sans cesse le bonheur et les échecs sont mêlés. Le royaume présent n’est pas un lieu chimiquement pur. Dans nos temps de prière est souvent confessée la reconnaissance du mal qui malmène la vraie Vie. « Délivre-nous du mal passé, présent et futur » dit François dans sa prière. C’est toute notre histoire qui est défigurée par le mal, personnellement et collectivement, avec des chocs plus ou moins violents.

« Délivre-nous du mal », ce n’est pas un mythe, c’est la reconnaissance permanente d’une vie imparfaite, et un engagement à changer notre manière de vivre ensemble. Avec le rapport Sauvé, nous sortons d’une vie idéalisée, mais partagée, à des degrés divers, par tous. Nos yeux s’ouvrent sur cet Exode auquel nous sommes appelés. C’est comme un « Synode » pour édifier ensemble un monde nouveau. Le livre de l’Apocalypse annonce qu’à la fin « l’Amour aura le dernier mot ». C’est notre Espérance, ébranlée récemment, mais dont Jésus témoigne toujours, par miséricorde et par don sans condition…

Fr. Thierry, Lille