EDITO

Pourquoi lui ?

Tout au long de ma vie, j’ai apprécié la discrétion de Charles de Foucauld. Dans son désert, loin du bruit de la ville, loin des crises de l’Eglise, il semblait inatteignable et distant par rapport aux situations tragiques de notre société. L’annonce de sa canonisation imminente m’a interrogé. Quel sens peut-avoir aujourd’hui cette canonisation ?

Deux mots caractérisent notre monde actuel : encombrement et désert. Notre société est suréquipée, suralimentée, surchargée, et elle produit des crises : les routes sont encombrées, les oreilles n’entendent plus par excès d’information, les estomacs sont lourds, les cerveaux sont inondés de nouvelles superflues. Et non loin de nos lieux de vie, c’est le manque, la pénurie, la faim, la soif, l’absence de vie ou la peur…

Au milieu de cela, un homme apparaît : Charles de Foucauld. D’où vient-il ? Issu d’une famille noble et aisée, il s’engage dans l’armée, malgré sa résistance à l’autorité et son goût pour les distractions mondaines. Et c’est au cœur de ce cadre de vie disciplinée qu’il découvre le vide de la vie. C’est une conversion foudroyante et un cheminement profond, en quête de sens et de vérité. Il sort des sentiers d’une vie tracée par l’armée, il fuit les promotions et se lance dans l’aventure d’une vie autre : il découvre le Maroc et un peuple religieux qui lui fait toucher du doigt la grandeur de Dieu… Il est marqué par l’expression de la pratique musulmane et la transcendance de Dieu…

Charles est touché par cette religion musulmane et vibre à l’Absolu de Dieu. Il déchiffre un monde qui aboutira plus tard, pour lui, à un travail sur la langue parlée des Touareg. Il facilitera la communication entre eux et avec lui. Avec patience et passion, et ce n’est pas la moindre des actions humanitaires, il révèle une culture, et une langue, il donne vie à un peuple. Et ce n’est pas la partie la plus connue de la vie de Charles de Foucauld.

Ses activités multiples et sans lien apparent ébauchent ce visage unique qui n’apparaîtra qu’en fin de vie : « Frère universel ». Il devient un homme parmi les humains, après de longs temps de recherche, sans aucune étiquette, simplement disciple de Jésus. Sa « forme de vie » accompagnée par le rare courrier de quelques témoins, constitue une innovation dans l’Eglise de son temps et interroge encore aujourd’hui. Il est travaillé par un immense amour de Dieu; et cela se révèle dans les rencontres et l’amitié sans frontière pour tous.

Désencombré à l’extrême et sans structure religieuse, c’est dans cette situation qu’il perçoit la grandeur de Dieu. Charles, à la suite de Jésus, voudra aimer toujours davantage.

F. Thierry