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Un Livre

Aurore-Marie Guillaume, Vie d’Hildegarde

Aurore-Marie Guillaume, Vie d’Hildegarde, Éditions Conférence, 2024, 80 pages, 17€
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Abbesse du monastère de Disibodenberg puis de l’abbaye de Rupertsberg, qu’elle fonda dans des circonstances héroïques, et enfin de celle de Eibingen qui en fut l’émanation, Hildegarde de Bingen est une grande figure de la vie monastique et religieuse du XIIè siècle allemand et européen, siècle de transition entre le haut et le bas Moyen-Âge qui vit une période d’expansion démographique, de grands défrichements, de développement du tissu urbain, de progrès technique, juridique et intellectuel, d’élan artistique avec l’émergence du gothique et de renouveau religieux avec l’essor de l’ordre cistercien porté par Bernard de Clairvaux après sa fondation par Robert de Molesme à l’abbaye de Cîteaux en 1098, l’année même de la naissance d’Hildegarde.

Rien ne prédispose la petite Hildegarde d’une santé fragile à une telle longévité (elle s’éteint en 1179) ni au destin hors norme qui s’ouvre devant elle à ses huit ans lorsque ses parents de petite noblesse palatine la confient au couvent de Disibodenberg. La fillette est poursuivie depuis sa tendre enfance par des visions et des voix qu’elle récuse, fuit et cache. Au prix de durs et longs combats contre l’appel réitéré avec insistance, contre elle-même, contre la domination masculine qui règne dans les clergés régulier comme séculier et contre la rigidité de l’institution qu’elle réforme profondément, la vie monastique lui offre le cadre propice non seulement à exprimer son mysticisme visionnaire exacerbé, mais aussi à développer ses multiples talents de poète, d’écrivain, d’illustratrice, de musicienne, de prédicatrice, de conseillère des plus puissants personnages de son époque comme des plus humbles qui la sollicitent bien au-delà de son abbaye, car sa renommée de guérisseuse des corps et des âmes dépasse de très loin les rives du Rhin, et même les limites de son siècle. En effet, les importants traités de médecine médiévale qu’elle a laissés inspirent encore aujourd’hui nombre d’herboristes et d’adeptes de thérapies plus ou moins empreintes de chamanisme. Cette vogue méritée repose toutefois trop souvent sur une double approximation : celle de l’anachronisme (peut-on parler de médecines douces au Moyen-Age ?) et surtout celle qui dissocie l’activité et la recherche d’Hildegarde de sa foi inébranlable, de sa religiosité profonde où se mêlent mysticisme et philosophie naturelle, théologie et poésie auxquelles ses visions extatiques confèrent une énergie de conviction et de sensation hors du commun. Hildegarde qui les consigna dans deux ouvrages de grande portée et de grande beauté — Scivias et le Liber divinorum operum — dut néanmoins patienter huit siècles, en dépit des miracles que lui attribue la tradition, avant d’être canonisée en 2012 par Benoît XVI.

Anne-Marie Guillaume, excellemment documentée et passionnée par son sujet, nous raconte de manière vivante et complète la vie multiple et mouvementée de cette femme du temps des croisades, sans rien omettre des doutes, des combats, des joies et des peines, des conquêtes et des humiliations qui jalonnent ce destin d’exception. Cette Vie d’Hildegarde dément deux idées reçues trop communément ancrées : l’une qui se représente le Moyen-Âge comme un long millénaire d’obscurité, de guerres, de disettes et d’épidémies que la Renaissance aurait sauvé du naufrage définitif ; l’autre, née de la même ignorance, qui considère l’Église comme un monolithe imperturbable, niant la grande diversité d’êtres et d’idées dont elle est animée depuis l’origine et qui, notamment au Moyen-Âge, fut un incontestable facteur de progrès et d’émancipation dont Hildegarde de Bingen est l’une des figures les plus importantes et séduisantes.

Jean Chavot

événements février

Pèlerinage à Assise et aux ermitages

DU MARDI 11 AU LUNDI 17 JUIN 2024
Proposé par la Fraternité franciscaine de Normandie
Sous la conduite du frère Henri Laudrin.
‼️Il reste une dizaine de places disponibles, inscription avant le 1 mars 2024.
Le Programme 👉 C’est ici
Bulletin d’inscription 👉 Cliquez et vous l’avez !


Retraite spirituelle : Les Paraboles, semences d’humanité

DU MARDI 21 MAI A PARTIR DE 16H AU MARDI 28 MAI A 10H
Animée par Sr Elisabeth Robert, franciscaine

👉 Aux grottes de Saint Antoine à Brive (Corrèze)
Pour s’inscrire 👉 C’est juste là !

Roger Bacon, un des plus grand savants de son temps (Suite)

3. Roger Bacon, un intellectuel plongé dans l’effervescence intellectuelle médiévale, … ET DEVINT UN DES PLUS GRAND SAVANTS DE SON TEMPS. 

À la mort de Grégoire X, le 10 janvier 1276, une succession de papes –  Innocent V, Adrien V et Jean XXI[1] – figea la situation de Roger Bacon jusqu’à l’accession au trône pontifical de Nicolas III, un membre de la puissante famille Orsini. En vain Roger s’adressa-t-il au Pape Nicolas influencé par le général des franciscains et subit des épreuves pendant quatorze ans, jusqu’en 1292. En effet, à la mort de Jérôme d’Ascoli[2] devenu Pape sous le nom de Nicolas IV, le nouveau général de l’ordre, Raymond Gaufredi[3] rendit à Bacon sa liberté. Toutefois, épuisé, âgé de presque quatre-vingts ans, il mourut peu de temps après à Oxford. 

Quelle fut l’influence de Bacon sur la pensée médiévale ? 
Il engagea une réflexion philosophique plutôt traditionnelle qui défendit l’idée d’unité essentielle de la matière dans les trois espèces[4] et s’intéressa aux notions de pluralité des formes et de degrés formels[5]. Dans Quaestiones supra undecimum primae philosophiae Aristotelis, Bacon fit de l’intellect agent et de l’intellect possible deux parties – l’une supérieure, l’autre inférieure – de l’âme humaine. Dans Quaestiones alterae, il rejeta cette opinion, qu’il attribua à tort à Averroès, et il se rangea à l’avis d’Aristote, d’Avicenne et des théologiens qui faisaient de l’intellect agent une « intelligence séparée ». Dans des œuvres ultérieures, il identifia l’intellect agent à Dieu. Cette évolution se retrouva dans sa conception de l’immortalité de l’âme – tour à tour fixée dans l’intellect agent puis dans l’intellect possible – et jusque dans son épistémologie générale, où, après avoir tenté d’accommoder la psychologie aristotélicienne à la doctrine augustinienne des « deux raisons » (supérieure et inférieure), il finit par placer dans l’intellect agent divin le principe unique de l’illumination de l’âme humaine, générateur d’une connaissance simultanément définie comme sagesse.

Il exposa ouvertement les « péchés » de son temps dans l’étude de la théologie, ces « péchés » étaient au nombre de sept, comme il l’affirma, dans l’Opus Majus. Le premier péché était la prépondérance de la philosophie (spéculative). La théologie était une science divine, elle devait donc reposer sur des principes divins, traiter de questions touchant à la Divinité, et ne pas s’épuiser dans des cavales, des divagations et des distinctions philosophiques. Le deuxième péché consistait en l’ignorance des sciences les plus appropriées et nécessaires aux théologiens ; ils n’étudiaient que la grammaire latine, la logique, la philosophie naturelle et une partie de la métaphysique : quatre sciences très peu importantes selon Bacon. Ils négligeaient d’autres sciences plus nécessaires : les langues étrangères, les mathématiques, l’alchimie, la chimie, la physique, les sciences expérimentales et la philosophie morale. Un troisième péché était la connaissance défectueuse des quatre sciences qu’ils cultivaient : leurs idées étaient constituées d’erreurs et d’idées fausses, parce qu’ils n’avaient aucun moyen d’accéder à la compréhension réelle des auteurs dont ils tiraient toutes leurs connaissances, puisque leurs écrits abondaient en expressions grecques, hébraïques et arabes. Même les théologiens les plus grands et les plus estimés montraient dans leurs œuvres à quel point le mal s’était répandu. Un autre péché était la préférence pour le Liber Sententiarum[6] et le mépris des autres matières théologiques, en particulier de la Sainte Écriture. Selon lui, celui qui expliquait le Livre des Sentences était honoré de tous, tandis que le lecteur de la Sainte Écriture était négligé. On accordait à l’exposant des Sentences une heure convenable pour dispenser son cours, et s’il appartenait à un ordre ; un compagnon et une salle spéciale ; alors que le lecteur de la Sainte Écriture était privé de tout cela et devait mendier l’heure de son cours pour le donner selon le bon plaisir de l’exposant des Sentences. Ailleurs, le lecteur des Sentences disputait[7] et était appelé maître, tandis que le lecteur du texte biblique n’était pas autorisé à disputer. Une telle méthode, était selon lui inexplicable et très préjudiciable au Texte Sacré qui contenait la parole de Dieu, et dont la présentation offrait de nombreuses occasions d’appréhender des sujets désormais abordés dans les différentes Summæ Sententiarum. Plus désastreux encore était le cinquième péché : le texte de l’Écriture Sainte était sérieusement dénaturé, surtout dans « l’exemplar Parisiense », c’est-à-dire le texte biblique utilisé à l’Université de Paris et répandu par ses étudiants dans le monde entier. La confusion fut aggravée par de nombreux érudits et ordres religieux qui, dans leurs efforts pour corriger le texte sacré, ne firent qu’accroître les erreurs. Le pire de tous les péchés était la conséquence de ce qui précède : l’erreur ou le doute quant au sens spirituel. La corruption du texte sacré et l’ignorance des langues bibliques étaient, d’après Bacon, à l’origine de ces errements. En effet, comment pouvaient-ils saisir le sens réel de l’Écriture Sainte sans cette connaissance, puisque les versions latines étaient remplies d’expressions grecques et hébraïques ? Le septième péché était la manière erronée de pratiquer la prédication. Il considérait que l’éloquence devait être accompagnée de science, et la science d’éloquence ; car « la science sans éloquence est comme une épée tranchante dans les mains d’un paralytique, tandis que l’éloquence sans science est une épée tranchante dans les mains d’un homme furieux ».

Bacon ne se contenta pas de critiquer mais fit des propositions. Après avoir éliminé « les quatre causes générales[8] de toute ignorance humaine », il convenait de se convaincre que toute science a sa source dans la révélation orale et écrite. L’Écriture Sainte était une source inépuisable de vérité à laquelle tous les philosophes humains, y compris les païens, puisèrent leurs connaissances ; par conséquent, aucune science, qu’elle soit profane ou sacrée, ne pouvait être vraie si elle était contraire à l’Écriture Sainte. Pour atteindre la sagesse, il fallait maîtriser les langues : le latin, le grec, l’hébreu et l’arabe. Le latin ne suffisait pas, car de nombreux ouvrages intéressants étaient écrits dans d’autres langues et non encore traduits, ou mal traduits, en latin. Outre les langues, il y avait d’autres moyens, comme les mathématiques, l’optique[9], les sciences expérimentales et la philosophie morale, dont l’étude était nécessaire à tout prêtre. Il admirait Aristote tout en estimant que l’expérience était la « reine des sciences », la seule capable de provoquer et de vérifier leurs résultats considérant par ailleurs que les mathématiques constituaient la clé de voûte des autres sciences. 

Dans ces ouvrages, Roger Bacon évoqua la réflexion de la lumière, les mirages et les miroirs ardents, le diamètre des corps célestes et leur distance, leur conjonction et les éclipses. Il expliqua les lois du flux et du reflux, démontra que le calendrier julien[10] était erroné. Il expliqua par ailleurs la composition et les effets de la poudre à canon, il songea aux vaisseaux à vapeur et aux aérostats, aux microscopes et aux télescopes. Son influence fut sensible dans le domaine des sciences naturelles. Les méthodes et le déroulement des cours dans les écoles ecclésiastiques du Moyen Âge, les efforts de révision et de correction de la Bible latine déployés avant le Concile de Trente[11], l’étude des langues orientales préconisée par certains érudits avant le Concile de Vienne[12], fut largement inspirée par Roger Bacon. 

Ses œuvres philosophiques aspiraient à faire connaître les philosophes arabes aux philosophes chrétiens. Il s’attacha à discerner les rapports existant entre la théologie et la philosophie, les bénéfices qu’elles apportaient et les services qu’elles se rendaient mutuellement. Bacon alertait afin de ne pas confondre la physique avec la divination, la chimie avec l’alchimie, l’astronomie avec l’astrologie. À la fois mystique et rationaliste, Bacon considéra l’unité consubstantielle des sciences et de la théologie. C’est ainsi, par exemple, il estima qu’on ne saurait expliquer le phénomène de l’arc-en-ciel sans combiner les données des mathématiques, de l’expérience et de l’exégèse, puisqu’elles nous en livrent respectivement les causes matérielle, efficiente et finale. En établissant les bases de la méthode expérimentale, il fut le précurseur des grands médecins du XVIIIe et du XIXe siècle. Ainsi, affirma-t-il que le cerveau était le centre du système nerveux, ce qui était contraire à l’opinion d’Aristote et des Arabes.

Bacon fut donc un savant en avance de plusieurs siècles. Il fut pour son époque un esprit novateur, soucieux du progrès de la science. Surnommé « Doctor mirabilis » c’est-à-dire « Docteur admirable » il fut philosophe, savant et alchimiste, considéré comme l’un des pères de la méthode scientifique. Pour lui, « aucun discours ne peut donner la certitude, tout repose sur l’expérience » expérience scientifique ou religieuse. Il est désormais considéré comme l’un des plus éminents savants de son temps.

Érik Lambert.


[1] Seul pape portugais. L’imprécision des listes de papes de cette époque fit qu’il prit par erreur le nom de Jean XXI au lieu de Jean XX.
[2] Le ministre général de l’ordre franciscain, Jérôme d’Ascoli, le fit emprisonner pour « certaines nouveautés suspectes », de 1277 à 1279. Il fut pape de 1288 à 1292, premier franciscain élu à cette fonction.
[3] Général de 1289 à 1295. À noter qu’il y eut deux ans de vacance du trône de St Pierre. Puis un ermite fut élu à Pérouse et prit le nom de Célestin V. Il abdiqua après cinq mois de règne et fut canonisé le 5 mai 1313 par Clément V.
[4] Spirituelle, sensible, et intermédiaire. 
[5] Au XIII° siècle, la controverse évolua, et un des aspects les plus significatifs de cette évolution fut l’apparition d’une question particulière, à savoir celle des formes « partielles ». Cette question engageait le point de savoir si les composés complexes — les êtres humains et les animaux en général — possédaient autant de formes substantielles qu’ils possédaient d’organes corporels.
[6] Le livre des sentences. Les Quatre livres de sentences de Pierre Lombard étaient un traité de théologie composé vers 1146. Il s’agissait de l’un des livres les plus importants du Moyen Âge. Il fut utilisé dans les universités médiévales comme manuel théologique de base, à partir des années 1220 jusqu’au XVIᵉ siècle.
[7] Au sens latin. la disputatio médiévaleconsistait en une technique de discussion complexe. Il n’y avait pas de modèle standard de disputatio. Il y avait même autant de disputatio que de facultés médiévales (faculté des arts, de droit, de médecine, de théologie, etc.) et d’époques qui la pratiquèrent. La disputatio était une méthode de discussion orale qui se développa principalement à partir du 13ème siècle ; elle fut concomitante avec la création des universités. Vers la fin du 13ème siècle, elle se développa aussi comme technique de recherche. Nous n’avons aucune trace des disputatio à proprement parler – qui sont par définition orales – mais nous avons néanmoins ce que l’on nomme desQuestions disputées, c’est-à-dire des versions écrites remaniées par les maîtres. La disputatio était une discussion extrêmement codifiée, tant au niveau des rôles que du contenu de la discussion. Les premiers étaient déterminés à l’avance et le second lancé et initié par le maître, souvent pour répondre à d’autres maîtres des autres universités européennes. B. C. Bazan définit la disputatio comme suit : « La disputatio est une forme régulière d’enseignement, d’apprentissage et de recherche, présidée par le maître, caractérisée par une méthode dialectique qui consiste à apporter et à examiner des arguments de raison et d’autorité qui s’opposent autour d’un problème théorique ou pratique et qui sont fournis par les participants, et où le maître doit parvenir à une solution doctrinale par un acte de détermination qui le confirme dans sa fonction magistrale ».
[8] Il s’agissait de pas tomber dans les quatre erreurs qui empêchaient même les hommes érudits d’atteindre le sommet de la sagesse, à savoir : « l’exemple de personnes faibles et peu fiables, l’exemple d’une autorité faible et peu fiable, le maintien de la coutume, la prise en compte de l’opinion des ignorants et la dissimulation de sa propre ignorance, ainsi que l’étalage d’une sagesse apparente »
[9] Il doit être considéré comme l’un des fondateurs de l’optique ; il met au point la théorie des miroirs ardents ; il explique, le premier, la formation de l’arc-en-ciel par l’action des rayons réfléchis et réfractés dans un milieu diaphane.
[10] Le 1er janvier de l’an 708 de la fondation de Rome (l’an 45 av. J.-C.) entra en vigueur à Rome un nouveau calendrier conçu sous l’égide de Jules César. Ce calendrier a été employé sans modification pendant près de deux millénaires et c’est une version à peine modifiée en 1582 par le pape Grégoire XIII qui s’imposa sur toute la planète. Le lendemain du jeudi 4 octobre 1582, les Romains se réveillèrent le vendredi… 15 octobre 1582. Cette nuit du 4 au 15 octobre 1582 avait été choisie par le pape Grégoire XIII pour l’entrée en application de sa réforme du calendrier julien. Grégoire XIII décida d’attribuer désormais 365 jours, et non 366, à trois sur quatre des années de passage d’un siècle à l’autre. Les années en 00 ne sont pas bissextiles sauf les divisibles par 400 : 1600, 2000, 2400… Cette modeste réforme ramène à 25,9 secondes l’écart avec l’année solaire. Par ailleurs, le pape décida de rattraper les dix jours de retard du calendrier julien entre le 4 et le 15 octobre 1582. La réforme s’étendit peu à peu à l’ensemble des pays. Le calendrier grégorien est aujourd’hui d’application universelle ou à peu près.
[11] Le pape Paul III Farnèse convoqua en 1542 un grand concile œcuménique à Trente. Il débuta officiellement le 13 décembre 1545. Le pape lui donna pour objectif de revigorer l’Église catholique qui s’en trouva profondément modifiée. Face au développement du protestantisme, le Saint-Siège comprit la nécessité d’engager une grande réforme au sein de l’Église catholique. Le mouvement prit le nom de Contre-Réforme, ou Réforme catholique, par réaction à la Réforme protestante. Le concile imposa en premier lieu de strictes règles de conduite au clergé et en particulier aux évêques. Il améliora la formation des prêtres et promut l’enseignement du catéchisme. Il confirma aussi la préséance du Saint-Siège à la tête de la hiérarchie catholique. Le concile de Trente clarifia par ailleurs l’interprétation catholique des Saintes Écritures, en particulier le dogme de la justification ou de la grâce : à la différence des luthériens qui estimaient que Dieu décidait in fine de sauver ou non un homme et de lui accorder la vie éternelle, les prêtres conciliaires précisèrent que l’homme pouvait être porté aux bonnes actions salvatrices s’il disposait de la grâce et lui concédèrent une certaine marge de liberté
[12] Les études orientales et la connaissance de l’Orient en Occident peuvent être renvoyées aux époques médiévales en raison de l’existence de traductions des manuscrits ou l’enseignement des langues et des sciences des langues orientales. On remarque que son existence formelle a été inaugurée dans l’Occident chrétien par le Concile de Vienne, qui a décidé en 1312 de créer une série de chaires de langues « arabe, grecque, hébraïque et syriaque à Paris, Oxford, Bologne, Avignon et Salamanque ».

Partage de février

La terre nouvelle (M.L. King)

Je fais le rêve qu’un jour la haine s’évanouira entre le père et le fils.
L’amour les réunira à la même table, un même vin coulant dans leurs verres. Ils se frapperont sur l’épaule et deux grands rires confon¬dus me diront qu’enfin ils se comprennent.

Je fais le rêve qu’un jour des hommes sortiront de leurs maisons les mains pleines d’argent et de possessions égoïstement amassées et qu’une fois encore, pour tous ceux qui n’ont rien, le pain sera multiplié.
J’attends le jour où l’homme ne profitera plus de l’homme ; les marchés d’esclaves disparaissant chez le blanc, le jaune et le noir ; la femme cessant d’être un objet pour devenir l’épouse et la mère ; l’ouvrier n’ayant plus peur de son employeur, parce qu’une justice règlera leur rapport ; le bien portant donnant la main à l’handicapé, et l’handicapé ayant une place au milieu de nous.

Je fais le rêve qu’un jour des soldats, laissant tomber leurs armes, courront embrasser ceux d’en face.

Je rêve de ce soir où le vieillard pourra s’endormir calmement au milieu de ses enfants, sans se sentir en trop ou en plus, retissant des liens entre ceux qui n’ont plus la patience de s’écouter, redonnant à des êtres bousculés, traqués par le travail la valeur du temps perdu et le goût du silence.

Je rêve encore que l’homme soit heureux d’être homme, faisant brûler ses masques, ses bassesses, sa gloriole trop fade ;
qu’il soit content d’être à sa place ; que jamais je ne le retrouve parvenu irresponsable, froufroutant dans quelques hiérarchie.

Je rêve enfin de gens heureux, qui auront mis l’amour avant toutes choses.

« Une Règle qui se veut Projet de vie… » 1ère partie

Le Projet de Vie de l’Ordre Franciscain séculier, ou Fraternité Franciscaine séculière, est issu d’une première Proposition de vie faite en 1221 aux frères et sœurs de la Pénitence, contemporains de François d’Assise, touchés par sa prédication et désireux de suivre son exemple, en conservant leur état laïc. Puis sont venues les Règles approuvées par les papes Nicolas IV, Léon XIII et, plus près de nous, par Paul VI en 1978. Certes, de nos jours, le terme de « Règle » peut en rebuter certains, mais ce texte se veut avant tout « chemin » pour vivre l’Évangile qui est au cœur de notre vocation franciscaine. Observer cette Règle, c’est donc, à la suite de François, centrer toute son existence sur le Christ et s’engager à vivre de sa Bonne Nouvelle.
« La Règle et la vie des franciscains séculiers est la suivante : vivre l’Évangile de Notre Seigneur Jésus Christ en suivant les exemples de saint François d’Assise, qui fit du Christ l’inspirateur et le centre de sa vie avec Dieu et avec les hommes. » (PDV 4)
De la Règle qu’il fit écrire pour ses frères du Premier Ordre, François dit ceci : « Après que le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon le saint Évangile. Alors je fis rédiger un texte en peu de mots bien simples, et le seigneur pape me l’approuva. » (Test 14-15)
De même, notre Projet de Vie s’attache-t-il à nous donner de grandes orientations, fidèles à la spiritualité franciscaine, et nous invite-t-il à « passer de l’Évangile à la vie et de la vie à l’Évangile. » (PDV 4) Bien sûr, le contexte historique de François n’est pas le nôtre, mais notre société connait toujours des souffrances et des inégalités criantes qui nous appellent à témoigner de l’Évangile pour construire un monde plus fraternel, démontrant ainsi toute l’actualité de ce Projet de Vie.
Pauvreté, simplicité, désappropriation, paix, joie, fraternité…en sont quelques accents parmi d’autres.

François, le fils du riche marchand d’Assise, a vu évoluer la société médiévale au profit d’une nouvelle classe, celle de la bourgeoisie commerçante. En voulant s’affranchir du système féodal, les communes rêvaient de liberté et d’égalité, mais, bien vite, elles ont été rattrapées par le pouvoir de l’argent, créant alors de nouvelles injustices et plus de pauvreté.
En répondant à l’appel du Seigneur, François décide de conformer sa vie à celle du Christ qui s’est fait pauvre et humble au milieu des hommes. Il fait le choix d’une pauvreté radicale, volontaire, et non subie, qui consiste à n’avoir rien en propre. A l’évêque d’Assise qui s’inquiète d’un tel mode de vie, il déclare : « Monseigneur, si nous avions des propriétés, il nous faudrait aussi des armes pour les défendre, car elles sont source d’interminables querelles et procès. Et tout cela n’est qu’entrave à l’amour de Dieu et du prochain. Voilà pourquoi nous ne voulons d’aucun bien matériel en ce monde. » (AP 17d)
Et le texte d’ajouter : « sa réponse plut beaucoup à l’évêque »…

Aujourd’hui, plus que jamais, l’argent est roi dans notre société, totalement axée sur la consommation et douée d’imagination pour en multiplier le besoin à l’infini. Que ne met-elle cette créativité au profit des plus pauvres ! Le fossé se creuse inexorablement entre ceux qui s’enrichissent toujours plus et ceux qui ne connaissent que la précarité et l’exclusion. Par ailleurs, l’argent donne à celui qui le possède une capacité à peser sur toutes les grandes décisions. Il lui confère un pouvoir sur l’autre : la faculté de le dominer, de le manipuler ou de l’écraser.
Comme nous le rappelle le pape François dans « La joie de l’Évangile » : « L’argent doit servir et non pas gouverner ! ».
D’où la nécessité de transformer notre rapport à l’argent pour proposer un modèle économique plus juste et plus respectueux de la dignité humaine. Il s’agit de donner à l’argent sa juste place, sans en faire une idole, pour que chacun puisse vivre décemment. Et notre Projet de Vie nous y invite: « les laïcs franciscains useront avec détachement des richesses matérielles qu’ils pourraient posséder, bien conscients que selon l’Évangile ils ne sont qu’administrateurs des biens qu’ils ont reçus en faveur des enfants de Dieu. » (PDV 11)
A nous d’être inventifs pour construire un monde plus solidaire, pour retrouver et faire valoir le sens du partage et de la gratuité (de grâce, expliquons à nos jeunes que revendre sur Internet un cadeau, sitôt reçu, n’est pas une option, que la seule qui vaille c’est de l’offrir pour en faire profiter d’autres !), pour redécouvrir dans nos relations, comme dans nos choix de vie cette belle vertu franciscaine appelée ‘simplicité’…
François nous enseigne les voies de la désappropriation, long chemin de conversion pour apprendre à juger autrement de ce qui nous est réellement nécessaire, pour découvrir que l’on peut se détacher de tout ce que l’on possède et tout recevoir comme un don de Dieu. Pour n’avoir que Dieu, pour seul désir et pour seule richesse, lui qui est « le Bien », « tout Bien », « le souverain Bien ».
Se désapproprier de tout, renoncer même à sa volonté propre pour se conformer à celle du Père, pour se rendre libre et disponible, afin de mieux rejoindre et aimer ses frères en Christ.
Et peut surgir enfin, comme une évidence, le désir de rejeter toute forme de domination sur l’autre, que ce soit par l’argent, par le rang ou par le savoir : « dans l’esprit des Béatitudes, « pèlerins et étrangers » en route vers la maison du Père, ils veilleront à se libérer de tout désir de possession et de domination. » (PDV 11)

Un tel Projet de Vie peut nous sembler utopique ou inaccessible…N’oublions pas alors ces paroles de François à frère Léon : « Quelle que soit la manière qui te semblera la meilleure de plaire au Seigneur Dieu et de suivre ses traces et sa pauvreté, adopte-la, avec la bénédiction du Seigneur et ma permission. » (Billet de François à frère Léon)
En insistant sur ce passage constant de l’Évangile à la vie et de la vie à l’Évangile, la fraternité est ce lieu de discernement qui permet à chacun, chacune, selon ses charismes, de vivre de l’Esprit du Seigneur et de témoigner de l’Amour de Dieu et du Salut offert à tout homme.
« 800 ans après la conversion de François à l’Évangile, nous sommes appelés à redécouvrir l’Évangile comme Livre de VIE (…) Retournons donc à l’Évangile et notre vie retrouvera la poésie, la beauté et l’enchantement des origines. Retournons à l’Évangile et notre vie sera délivrée de notre esclavage, de nos peurs, de nos tristesses et nous sauverons les hommes nos frères de leurs misères et de leurs esclavages, de leurs peurs et de leurs tristesses. » (José Carballo, Libérons l’Évangile et l’Évangile nous rendra libres, Chapitre Général OFM, 2006)

P. Clamens-Zalay

Apocalyspse de Saint Jean

PLAN de l’APOCALYPSE

I – Le Christ en charge de son Eglise (1-3) :
– Vision du FILS de 1’HOMME (1, 9-20)
– Lettres aux 7 églises (2-3) : une tournée pastorale du Christ.
II – L’Eglise affrontée à Israël (4-11) :
– Liturgie autour du trône (4)
– Les 7 sceaux (5-8, 1)
– Les 7 trompettes (8, 2 – 11)
III – L’Eglise affrontée à une puissance totalitaire (12-20) :
– La femme et le dragon
– Les 2 bêtes
– Les 7 coupes
– Jugement et ruine de Babylone.
IV – La Jérusalem nouvelle (21-22)

LE CHRIST EN CHARGE de SON EGLISE
(ch. 1 à 3)

PROLOGUE (1/1-3)
Ce Prologue aura son correspondant exact à la fin du livre = 22, 6-20. Remarquable technique d’inclusion. … » Révélation de J.C.  » = dévoilement de J.C. – Jean préférera ensuite « témoignage de J.C. » = martyre de J.C. A la fois « révélation » que fait J.C. et qui concerne l’œuvre et la condition divine de J.C. … » ce qui doit arriver vite  » (tiré de Daniel 2, 28-29) = II s’agit ici de la venue du Christ.

Une cascade de personnages :

– Dieu le Père (tout part de lui, il est l’origine et la source).

– Puis une série de « médiateurs »


: le Christ,
: son Ange (parce que Jean qui va paraître n’est pas sur le même plan que le Christ, d’où la nécessité d’un Ange pour communiquer de l’un à l’autre),
: Jean (qui reçoit mission d’écrire).

– Enfin une « assemblée liturgique »: un lecteur + tous les auditeurs {qui ont mission d' »écouter », c.-à-d. de recevoir positivement, de mettre en pratique ce qu’ils entendent).
 » Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent« … C’est la 1ère des 7 béatitudes de l’Apocalypse (1, 3-14, 13 ; 16, 15 ; 19, 9 ; 20, 6 ; 22, 7.14).
… »car le moment est proche… » : La Bible distingue entre le « temps » et le « moment ». Le temps (« chronos » en grec), c’est la chronologie, la succession des événements. Le moment (« kairos » en grec), c’est la fraction du temps durant laquelle le Dieu de l’Alliance se manifeste aux yeux de son peuple.
« kairos » (le moment) se trouve 7 fois dans l’Apocalypse (1,3 ; 11,18 ; 12,12 et 3 fois en 14 – 22, 10).

ADRESSE
Cette ADRESSE est bâtie en forme de dialogue liturgique avec l’assemblée chrétienne :

1 _ Salutation par Jean (4-5a)
… « grâce et paix » : « grâce » = bienveillance gratuite de Dieu. « Paix » = état de plénitude, par intimité avec Jésus. … « de la part de DIEU-TRINITE »
: le Père, désigné en 3 termes « qui est, qui était et qui vient« . Jean s’inspire d’un targum palestinien qui commentait « Je suis celui qui suis » d’Ex. 3, 14 en « Celui qui est, qui était et qui sera« , mais il le transforme en disant « et qui vient » pour marquer, non plus l’être intime de Dieu dans son éternité, mais son intervention imminente en faveur de son peuple.
: L’Esprit chiffré par 7 = L’Esprit Saint dans la totalité de ses actions.
: Jésus Christ qualifié en 3 termes (mort, ressuscité, exalté) par réutilisation du Psaume 89, 28.38 (« témoin fidèle » = martyr- « premier-né des morts » = ressuscité – « Prince des rois de la terre » = exalté, avec suprématie sur toutes forces historiques hostiles).

2 _ Réponse de l’Assemblée (5b-6)
– Louange toute centrée sur Jésus, qui est désigné en 3 actions :
1} « Celui qui nous aime » = seul présent de l’indicatif de tout le NT. pour exprimer la permanence de l’amour de Jésus
2) « qui nous a délivrés par son sang« .
3} « qui a fait de nous un royaume de prêtres » : un « royaume » parce que nous sommes ceux sur qui le Christ règne;
« de prêtres » parce que nous sommes ceux qui ne cessent de faire monter vers Dieu la louange pour la Création et pour l’Histoire Sainte. L’arrière-fond de ces 3 actions divines = Ex 19, 16.
Et toute l’assemblée ponctue : Amen !

3_ Prophétie de Jean : le Christ vient ! (7)
– Jean s’inspire à la fois de Daniel 7, 13 (« voici qu‘au milieu des nuées venait comme un fils d’homme« ), et de Zacharie 12, 10,14 (« ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé… »). Comme Matthieu racontant la Passion (24, 30), Jean combine Daniel et Zacharie pour montrer que la venue glorieuse du Christ va s’imposer à tous, même aux ennemis du Christ qui seront pris de remords.
– Oui, Amen ! conclut toute 1’assemblée.

4_ Auto-proclamation de Dieu (8)
– Remarquer comment cette conclusion fait inclusion avec le v. 4 du début. … « Je suis l’Alpha et l’Omega… » = Je suis là de A à Z, depuis la Création jusqu’à l’achèvement du Salut ! Il est tout à fait remarquable que la formule sera reprise par le Christ lui-même en 22, 13, proclamant ainsi sa parfaite égalité avec Dieu.

Fr Joseph ofm

Édito de février

Un 14 février particulier

La tradition anglo-saxonne de la Saint-Valentin a pris un caractère toujours plus commercial à mesure qu’elle se globalisait, entachant la fête des amoureux d’une contradiction consumériste à laquelle il est malheureux de s’habituer, d’autant plus criante cette année que le 14 février coïncide avec le mercredi des Cendres qui marque l’entrée dans le Carême. Quel sens ces quarante jours de jeûne traditionnel laissé à l’appréciation de chacun revêtent-ils à notre époque où le calendrier mercantile supplante celui des rites et des saisons, dépeuplant les églises et les réunions amicales et familiales au profit des boutiques où l’achat se substitue au geste d’amour ?

Tandis que le matérialisme de notre société du bien-être forcené nous pousse constamment à la consommation, c’est bien à l’amour que le Carême nous invite, et non à la privation. Car il convient de comprendre la signification du jeûne dans une tout autre logique, et pour cela de revenir sur la place centrale qu’occupe la nourriture dans la vie individuelle et collective. Elle est non seulement la condition de la survie biologique de l’individu mais tout aussi indispensablement, et de toute antiquité, celle de la collectivité, le prétexte autour duquel se forment les réunions de toute nature et de toutes dimensions, du banquet à la simple tasse de café partagée au comptoir entre deux collègues. C’est pourquoi la nourriture a son importance dans le christianisme en tant qu’elle est nécessaire à la vie, comme l’Évangile nous le dit en de multiples occasions, à commencer par la Cène et en continuant par l’Eucharistie, partage du pain et du vin. Au reproche que ses disciples ne jeûnent pas comme ceux de Jean, Jésus adresse cette réplique de grande portée : « Aussi longtemps qu’ils ont avec eux l’époux, ils ne peuvent jeûner. » (Marc 2, 19). Notre religion n’est pas centrée sur la mortification ni le jeûne, pas même sous la forme d’interdits alimentaires inexistants, mais sur l’Incarnation, la communion — le partage — et le respect de la Création avec, dès la genèse, l’indication d’une saine et juste alimentation pour toutes les espèces. Se nourrir, c’est toujours prélever une part de vie, si minime semble-t-elle, et le jeûne est une manière de mesurer ses justes besoins afin de préserver l’équilibre de la création.

Tandis que des populations entières souffrent cruellement de la faim, il y a dans nos sociétés d’abondance, luxe de gens bien nourris, certaines invitations au jeûne de confort, pour maigrir, pour l’expérience, pour son « développement personnel »… Le jeûne apporte en effet d’incontestables bienfaits, guérit même nombre de maladies chroniques. Mais s’il n’est que l’autre versant de la gloutonnerie, il peut se révéler aussi purement et dangereusement autocentré qu’elle. Il en va tout autrement du Carême qui consiste à gagner en ouverture et en confiance, laquelle est inhérente à la foi, en faisant la différence entre la faim réelle et le simple besoin de manger. Car la faim n’est pas seulement celle du corps, facile à satisfaire pour ceux qui en ont la chance, mais plus tenaillante encore une faim de l’âme, une faim d’amour divin, celle du pain que nous prions chaque jour notre Père de rassasier : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4,4). En revanche, le besoin de manger n’est que la manifestation d’une angoisse fondamentale devant la fragilité apparente de l’existence quand Dieu n’est pas accueilli. Ce faux besoin jamais satisfait entraîne l’individu dans une spirale délétère et c’est en lui, donc en nous, que le consumérisme compulsif de notre société mercantile trouve son meilleur allié destructeur.

Le Carême perpétue la mémoire des quarante jours de jeûne au désert par lesquels Jésus triompha là où Israël avait chuté. Dédié à l’écoute de la Parole de Dieu, le Carême permet de mieux s’en emparer comme de l’aliment qui éloigne les tentations, au premier rang desquelles celle de la toute puissance trompeusement offerte par Satan qui, puisqu’il refuse la Parole, ne voit dans le jeûne qu’affaiblissement. Comme François d’Assise muni par humble précaution de quelques morceaux de pain, entrons joyeusement dans le Carême à l’imitation de Jésus. Nous n’en embrasserons que mieux ceux que nous aimons.

Le comité de rédaction

ROGER BACON, UN ESPRIT ÉCLAIRÉ DE SON TEMPS (suite).

2. Roger Bacon, un intellectuel plongé dans l’effervescence intellectuelle médiévale, … QUI DÉVELOPPA SA PENSÉE AVEC LE SOUTIEN PAPAL, …

Roger Bacon

, … Quelques années auparavant, alors qu’il était encore à Oxford, il avait fait la connaissance du cardinal Guy le Gros de Foulques, qu’Urbain IV avait envoyé en Angleterre pour régler les différends entre Henri III et les barons[1]. Lorsque le cardinal devint le pape Clément IV, il demanda à Bacon de communiquer ses travaux. La suppression de la constitution prohibitive ne fit pas disparaître tous les obstacles ; le secret de l’affaire attisa plutôt les soucis, comme le déclara Bacon. Le premier obstacle fut la volonté contraire de ses supérieurs : « Comme votre Sainteté, écrit-il au pape, ne leur a pas écrit pour m’excuser et que je n’ai pas pu leur faire connaître votre secret, parce que vous m’aviez ordonné de garder le secret, ils ne m’ont pas laissé tranquille, mais m’ont chargé d’autres tâches ; mais il m’était impossible d’obéir à cause de votre commandement ». Une autre difficulté fut le manque d’argent nécessaire pour se procurer du parchemin, payer les copistes. 

À la demande du Pape, Roger Bacon dut communiquer ses travaux qui n’étaient pourtant qu’à l’état de projet. Avant d’entrer dans les ordres, il avait écrit de nombreux essais et traités sur les sujets qu’il enseignait à l’école, pour ses élèves seulement, ou pour des amis qui le lui avaient demandé. Il ne put que proposer des esquisses, des programmes, publiant successivement en 1267 trois préambules l’Opus Majusl’Opus Minus et l’Opus Tertium. L’Opus Majus traitait en sept parties des obstacles à la sagesse et à la vérité réelles, c’est-à-dire les erreurs et leurs sources ; de la relation entre la théologie et la philosophie, prise dans son sens le plus large ; de l’importance de l’éducation et de la formation des adultes. Les erreurs et leurs sources ; la relation entre la théologie et la philosophie, prise dans son sens le plus large comme comprenant toutes les sciences qui ne sont pas strictement philosophiques. Il s’attachait à prouver que toutes les sciences étaient fondées sur les sciences sacrées, en particulier sur l’Écriture Sainte. Il établissait la nécessité d’étudier les langues bibliques, car sans elles il semblait impossible de faire ressortir le trésor caché dans l’Écriture Sainte. Il évoquait les mathématiques, leur relation et leur application aux sciences sacrées, en particulier à l’Écriture Sainte. Il s’intéressa à la géographie biblique et à l’astronomie, à l’optique aux sciences expérimentales, à la philosophie morale et à l’éthique. L’Opus Majus fut édité pour la première fois à Londres, en 1733, puis à Venise, en 1750, par les Pères franciscains. De l’Opus Minus, beaucoup de choses ont été perdues. À l’origine, il comportait neuf parties, dont l’une devait être un traité d’alchimie, à la fois spéculatif et pratique. Une autre partie était intitulée « Les sept péchés dans l’étude de la théologie ». L’ambition de l’Opus Tertium fut indiqué par Bacon lui-même : « De même que ces raisons [la profondeur de la vérité et sa difficulté] m’ont incité à composer le Second écrit comme un complément facilitant la compréhension du Premier ouvrage, de même, à cause d’elles, j’ai écrit ce Troisième ouvrage pour donner compréhension et complétude aux deux ouvrages ; car beaucoup de choses sont ici ajoutées pour le bien de la sagesse qui ne se trouvent pas dans les autres écrits ». Il considéra lui-même que le Tertium fut l’œuvre la plus aboutie adressée au Pape. On ne dispose que de quelques extraits mais il semble que cette grande encyclopédie comprenait quatre volumes, dont le premier devait traiter de la grammaire et de la logique ; le second des mathématiques (arithmétique et géométrie), de l’astronomie et de la musique ; le troisième des sciences naturelles, de la perspective, de l’astrologie, des lois de la gravité, de l’alchimie, de l’agriculture, de la médecine et des sciences expérimentales ; le quatrième de la métaphysique et de la philosophie morale. Pour lutter contre l’ignorance humaine, il affirma la nécessité d’apprendre les langues étrangères, en particulier l’hébreu, l’arabe et le grec.

À la mort de Clément IV en 1271, Bacon perdit la liberté qui était la sienne avec l’accession au trône papal de Grégoire X. En effet, Tébaldo Visconti[2] devait son élection au soutien du général des franciscains. Malgré les persécutions dont il fut l’objet, il continua d’écrire et, outre ses objections contre les philosophes et les théologiens autorisés, il remit en question les princes, les prélats et les ordres mendiants allant jusqu’à dénoncer l’ignorance et les mœurs dissolues du clergé et la corruption de la cour romaine. Les nuages s’accumulaient au-dessus de lui…

Érik Lambert


[1] Henri III d’Angleterre était le fils aîné de Jean Sans terre. Il devint roi grâce à une intervention pontificale et à l’appui militaire de certains barons, Henri III connut un règne perpétuellement troublé par des révoltes et vit son autorité bafouée et discutée. Ce fut un roi faible de caractère et volontiers soumis aux avis de favoris ; cosmopolite dans sa pensée et dans ses goûts, très attaché à la papauté ; favorable à l’intrusion d’étrangers volontiers nommés aux grands offices et aux bénéfices épiscopaux, il suscita des réactions xénophobes. Partageant avec nombre de grandes familles anglaises le rêve de reconquérir les terres autrefois tenues par sa dynastie en France, il dut accepter, en 1259, le traité de Paris qui ne lui laissa que la Guyenne, les diocèses de Limoges, de Cahors et de Périgueux. Longtemps divisés, les opposants réussirent, en 1258, à regrouper leurs forces derrière Simon de Montfort, comte de Leicester. Le « Parlement fou » imposa à Henri III la renonciation à la plupart de ses droits, la soumission aux directives d’un Conseil oligarchique (Provisions d’Oxford). Pendant huit années, le souverain, tantôt prisonnier de grands vassaux, tantôt rendu à une précaire liberté, dut laisser se développer une anarchie féodale et seule l’énergie de son fils Édouard, qui obtint victoire sur victoire, en particulier à Evesham en 1265, et imposa la paix de Kenilworth en 1266, sauva la couronne. Les longues luttes civiles favorisèrent la croissance de l’institution parlementaire : le parti du roi comme celui de Simon de Montfort cherchèrent à obtenir l’appui de chevaliers et de députés des bourgs en les convoquant au Parlement. Souverain lettré, ami des arts, initiateur de la construction de l’abbaye de Westminster sous sa forme définitive, contemporain d’une prodigieuse vie intellectuelle, Henri III resta pourtant le symbole de l’incapacité et de la faiblesse.

[2] Tebaldo Visconti se joignit à la croisade du futur roi Édouard Ier d’Angleterre. Un an plus tard, à Saint-Jean-d’Acre en Palestine, il apprit qu’il était élu pape. Son élection n’avait pu aboutir qu’après que le podestat de Viterbe fit murer les électeurs dans le palais épiscopal le 1er septembre 1271 car l’assemblée élective était trop longue. Or, le nouveau pape, qui prit le nom de Grégoire X, n’était même pas prêtre. C’était un candidat de compromis proposé dans le but d’en finir avec la vacance du siège qui durait depuis la mort de Clément IV trois ans auparavant. Il mit lui-même fin aux périodes de vacance entre les pontifes en promulguant au IIe concile œcuménique de Lyon la constitution (ubi periculum) qui ordonnait l’enfermement des cardinaux (le conclave) pour les élections papales.

L’Apocalypse de saint Jean et l’Ancien Testament

En comparant l’œuvre de Jean avec l’AT on découvrira le sens des images utilisées

Ap. 1, 1-3

Dn. 2, 28-29

Ap

AP. 1, 4 – 3 

Ex. 3, 14 ; 16, 32-33 ; 19, 6 ; Ps. 2, 8-9 ; 89, 28.38 ; Dn. 7, 9-13 ; 10, 5-19 ; 12, 1 ; Za. 4, 1-14 ; 12, 10 ; Is. 44, 6 ; 48, 12 ; 49, 2 ; 62, 2 ; Gn. 2, 9; Ez. 48, 35 ; Ct. 5, 2

Ap. 4 – 5 

Gn. 49, 9 ; Ex. 12, 3-6 ; Is. 6, 1-5 ; 53, 7 ; Ez. 1; 2, 9-10 ; Dn. 7, 9-10

Ap. 6 – 8, 5  

Za. 1, 8-10.12 ; 6, 1-8 ; Is. 13, 10 ; 25, 8 ; 49, 10 ; Ez. 9 ; 34, 23 ; Os. 10, 8 ; Dn. 12 , 1

Ap. 8, 6 – 11, 19   

Ex. 25, 9 ; Is. 14 , 12 ; Ez. 2 – 3 ; 40, 3 ; Za. 4, 1-14 ; Jl. 1 – 2 ; Jb. 26, 6 ; 2 M. 2, 8

Ap. 12, 1- 6    

Gn. 3 ; Ps. 2 ; Is. 66, 7 ; Ct. 6, 10

Ap. 12, 7 – 14, 5     

Gn. 3, 14-16 ; Nb. 16, 30-34 ; Dn. 7, 2-8

Ap. 14, 6 – 19, 10      

Ex. 15, 2-9 ; Is. 21, 23 ; 61, 10 ; 63, 1-6 ; Jr. 25, 10 ; 51, 7-8 ; Ez. 26-27 ; Jl. 4, 13 ; Dn. 7, 24

Ap. 19, 11 – 20, 15       

Ps. 2 ; Is. 63, 1-6 ; Ez. 39, 17-20 ; Sg. 18, 14-16 ; Dn. 7

Ap. 21 – 22       

Gn. 2 ; Lv. 26, 11-12 ; Ez. 37, 27 ; 47, 1-12 ; Is. 7 ; 25, 8 ; 54, 5 ; 60 ; 65, 17 ; Za. 8, 8; Za. 14, 8 

L’auteur de l’apocalypse utilise donc énormément l’Écriture. Mais les citations exactes sont très rares. Il garde une entière liberté pour s’inspirer de l’AT en l’interprétant dans un sens chrétien.
Il utilise 2 procédés :

  1. Une double utilisation du même texte
    Dans Ez. 2, 8 le prophète reçoit un livre que Dieu lui donne à avaler. L’auteur de l’apocalypse utilise ce texte de 2 façons :
    ➡️ A : Dans une vision (5, 1s) il voit un livre ; il ne s’agit pas de l’avaler mais de l’ouvrir. On n’insiste plus sur l’origine divine du message délivré par le prophète mais sur la puissance de l’Agneau qui, seul, pourra l’ouvrir.
    ➡️ B : Dans une autre vision (10, 1-11) l’auteur doit avaler un petit livre (le message du Christ) et il insiste sur l’effet doux-amer qu’en provoque la manducation.
  1. Fusion de plusieurs textes :
    Ap. 22, 1-3 …….. Ez 47, 1 ; Za 14, 8 ; Gn 2, 9.

Ap. 22, 1-3

Puis il me montra un fleuve d’eau vive, brillant comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l’Agneau.
Au milieu de la place de la cité et des deux bras du fleuve, est un arbre de vie produisant 12 récoltes.
Chaque mois, il donne son fruit et son feuillage sert à la guérison des nations.
Il n’y aura plus de malédiction.
Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la cité et ses serviteurs lui rendront un culte.

Ez. 47, 1

Il me fit venir vers l’entrée du temple ; or, de l’eau jaillissait de dessous le seuil de la maison, vers l’Orient ; et l’eau descendait au bas du côté droit de la maison, au Sud de l’autel.

Za. 14, 8

En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers la mer orientale, moitié vers la mer occidentale.
Il en sera ainsi l’été comme l’hiver.

Gn. 2, 9

Le Seigneur Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bonheur et du malheur.

Ezéchiel entrevoyait pour l’avenir un peuple renouvelé par cette eau, symbole de l’Esprit. Mais en ajoutant le passage du livre de la Genèse, l’auteur présente cette opération comme une nouvelle création, où nous pourrons goûter aux fruits d’éternité sans craindre la malédiction. Enfin, quand il mêle Zacharie, il donne à cette annonce une dimension universelle : c’est la vie pour toutes les nations.
Cet exemple nous fait voir la connaissance qu’avait l’auteur de l’apocalypse de l’Écriture et comment il a su les recréer pour montrer l’accomplissement des Écritures en Jésus.

Fr Joseph

Édito de janvier

Le présent de Noël

Chaque année, Noël nous rappelle que le Verbe s’est fait chair. Les familles célèbrent le don incommensurable que constitue la Nativité par l’offrande de cadeaux aux enfants, reconnaissant ainsi, à leur mesure, le don miraculeux que Dieu fit de son fils au monde. Bien que l’on se souvienne trop peu, au pied du sapin, de la signification spirituelle de cette réciprocité, son sens reste présent dans la tendresse qu’exprime le geste de donner comme dans la joie qui brille aux yeux des petits et des grands.

Mais rappelons-nous qu’au premier de tous les Noëls, le roi Hérode, croyant son règne menacé par un nourrisson, fit massacrer tous les nouveau-nés de Bethléem, aujourd’hui ville de Cisjordanie occupée où le deuil des milliers d’enfants gazaouis morts sous les bombes recouvrit la joie d’un voile noir. Dans un registre moins effroyable, étonnons-nous que nombre de municipalités françaises, sous l’emprise d’une conception erronée de la laïcité, voire inspirées par le wokisme, dénaturent le contenu et les formes traditionnelles des festivités de Noël pour des raisons idéologiques alors que leurs administrés, toutes populations confondues, y sont spontanément attachés. Déplorons enfin qu’un tiers des français envisagent de revendre leurs cadeaux de Noël et que beaucoup le font le soir même sur les sites de revente en ligne, faisant ainsi preuve d’un mépris de l’amour inscrit dans le don égal à leur considération de sa valeur marchande. Ces exemples, de natures et de gravités inégales, illustrent à quel point, sans cesse et dès l’origine, l’Incarnation est à la fois un mystère présent en toute chose et une réalité déniée, combattue ou ignorée.

Nul ne sait quel jour naquit Jésus et peu importe l’historicité de détail au regard du fait de l’incarnation qui se produit non pas un jour, mais à chaque instant et en tout lieu, en chacun, entre chacun et dans nos sociétés. De même que la Création qui eut elle aussi un début, l’Incarnation con-tinue incessamment de se manifester depuis que l’Épiphanie la révéla, après la première annonce aux bergers rejetés dans la misère, aux Mages qui en transmirent la portée universelle. Rien ne peut re-tenir Dieu d’agir continuellement dans et sur sa Création, en particulier dans et sur l’homme qu’il a créé à son image afin qu’il collabore à sa volonté ; rien, pas même la chute ni le péché dont il nous sauva par la mort sur la croix et la résurrection de son Fils. S’il a choisi de s’incarner à un moment précis de notre histoire, c’est pour nous éduquer, pour nous accompagner jusqu’à l’accomplissement de nos vies de créatures divines, c’est-à-dire pour nous relever de notre imperfection, nous qui sommes issus de sa perfection, afin que nous avancions vers le but final de notre divinisation par le retour dans le sein du Père dont nous aurons enfin su nous montrer dignes. S’incarner, c’est prendre chair, c’est assumer l’imperfection pour mieux la comprendre et la résoudre. Il nous est impossible de mesurer ce que « prendre chair » signifie pour Dieu de sacrifice et d’amour, si ce n’est, à notre di-mension, en prenant nous-mêmes la mesure de notre propre imperfection, non pas pour nous en punir mais pour mieux accueillir l’enseignement qu’Il nous prodigue à chaque seconde par sa Pré-sence en nous et parmi nous, dans le moindre de nos actes, dans la plus fugace de nos relations et la plus insignifiante de nos paroles et de nos pensées.

François d’Assise nous enseigne dans sa première admonition que l’Incarnation se rend visible dans l’Eucharistie, moment privilégié où Dieu quitte sa magnificence pour venir à nous dans la forme d’une humble hostie à partager. Voyons-nous Dieu pour autant, Lui que n’a jamais vu que le Fils ? Le premier des préceptes est de l’aimer de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, mais parce que notre péché nous rend aveugle à sa perfection, c’est par l’application du second précepte que sa grâce se rend perceptible à nous : « Aime ton prochain comme toi-même. » Sans doute, la difficulté d’en faire notre règle de vie n’est-elle pas la moindre de nos imperfections. Et pourtant, ressentir sa Présence est le plus grand des bonheurs, limpide comme la joie d’un enfant qui se sait aimé.

Le comité de rédaction