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Un livre, Une Expo

Un livre

Michel Sauquet – Libres, simples et heureux. Retourner à l’essentiel avec saint François, Mame, 120 pages, 13,90 €

Libres, simples et heureux, trois adjectifs qui semblent relever du registre onirique. C’est pourtant ce que propose d’appréhender Michel Sauquet dans un court ouvrage constitué de témoignages. La pensée de « François » constitue le fil conducteur de la réflexion sur les comportements adoptés face à une nature qui souffre de notre avide consommation et de notre cruelle insouciance. Le Pape François, souvent sollicité dans ce petit ouvrage rappelle dans Laudato si’ que nous ne sommes pas Dieu[1]. Les expériences relatées sont celles de personnes qui opèrent des choix de vie cohérents avec le message de Saint-François. Ces témoignages me renvoient au magnifique conte initiatique du Petit Prince : identifier l’accessoire et l’essentiel[2], invisible pour les yeux. Tous les personnages recherchent le contentement et rares sont ceux qui peuvent être sauvés sauf l’allumeur de réverbères qui a le sens de la mission. Finalement, le voyage constitue une métaphore de notre humanité. Les hommes se condamnent à la frustration en cherchant la maîtrise ce qui conduit au manque et à l’ennui. Pour Saint-Exupéry, on ne voit bien qu’avec le cœur ; il cultive une morale de responsabilité. 

En lisant le « recueil de témoignages » de Michel Sauquet, je perçois un chemin de vie d’une extrême ambition, tel celui que l’on trouve dans les contes initiatiques de l’aviateur-écrivain et de Pamela Lyndon Travers[3]. Les expériences contées incitent au retour à l’essentiel, un peu comme dans Le Petit Prince qui vient sur terre puis repart[4]. Même si l’auteur rassure dès l’introduction en affirmant « qu’il ne s’agit pas d’être dans le sacrifice…mais de rompre nos chaînes d’addiction, …[5] », on referme le livre avec un étrange sentiment de culpabilité ; le sacrement de réconciliation apparaît dès lors indispensable. Adopter des comportements responsables lorsque nous épargnons[6], lutter contre notre peur de manquer[7], accepter le partage de son lieu de vie[8], se détacher de son ego[9], rechercher un sens à la vie[10], accorder son activité aux valeurs de sa foi[11], sortir de sa zone de confort[12], adopter une discipline végétalienne[13] ; autant de défis à relever. Las ! J’avoue que je ne dispose pas de l’énergie, de la volonté de mener tous ces combats. Nul doute pourtant que nos modes de vie et de consommation conduisent à de nouvelles formes d’esclavage[14]

Pourtant, les témoins incitent à un bouleversement de nos modes de vie qui engagerait des conséquences économiques et sociales brutales[15]  

Dans cette ode à suivre un chemin exigeant, on peut discuter avec humilité l’interprétation des écrits de Descartes. En effet, sous les plumes de Michel Sauquet[16] et de Jean Bastaire[17] , René Descartes est soupçonné de penser que l’être humain possède la terre avec charge à lui de l’exploiter sans limites. Or, dans son Discours de la méthode le philosophe tourangeau écrivit « Se rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature[18] » et non « l’homme est maître et possesseur de la nature, … ». Cela change tout, car pour Descartes, le terme de maître n’est pas Dominus ; ce n’est pas « celui qui domine » mais plutôt Magister ; « celui qui maîtrise[19] ». Il s’agit plutôt de mieux maîtriser la nature, l’environnement dans lequel évolue l’homme. Ainsi, l’homme ne serait plus à la merci d’une nature perçue comme son adversaire. L’ouvrage philosophique fut rédigé au XVII° siècle, sa démarche consistait plutôt à libérer l’être humain des caprices de la nature qu’il affrontait. À l’aide des sciences, l’homme pouvait désormais rendre cette nature utile en cultivant ses connaissances. 

Il n’y avait donc pas chez Descartes une vision de légitimité prédatrice empruntée à une hubris, triste enfant de la nuit[20] ; mais bien de permettre à l’homme de sortir de sa servitude face aux risques naturels[21]. Il suggérait donc que l’homme pouvait aspirer à dominer la nature, même si sa connaissance demeurerait toujours imparfaite. Le XIX° siècle alla plus loin avec l’interprétation de la philosophie positiviste : « À quoi sert Dieu si les sciences permettent de comprendre ? »

Il y a dans ce petit ouvrage des questions fondamentales soulevées à de multiples reprises depuis le siècle de Saint-François[22].  La doxa ultra-libérale qui préside à la marche de notre monde appauvrit sans cesse les plus pauvres et enrichit les plus riches. Supprimer la pause du dimanche au nom du réalisme économique, penser que plus ; c’est mieux[23], accréditer la « théorie du ruissellement » pour défendre certaines décisions fiscales, se vouer au culte du productivisme[24] sont autant de manifestations du règne de l’économique et du financier aux dépens du politique. Tout cela constitue des obstacles titanesques à l’érection d’une société de fraternité universelle. La course effrénée après le temps, la soif de consommation sont autant d’écueils pour retrouver l’essentiel. 

Les témoins sollicités par Michel Sauquet, lancés sur les traces de Saint-François, prônent l’humilité, la solidarité universelle cosmique, l’écologie intérieure et extérieure[25] ; fondations indispensables à un retour à l’essentiel. L’optimisme et l’émerveillement[26] doivent guider sur le chemin de l’engagement citoyen même si certains ont dû capituler face au veau d’or[27]

Les enjeux planétaires semblent gigantesques, mais, pour autant, ne doit-on pas apporter notre humble participation à l’œuvre commune[28] ? 

Les contributeurs de ce livre sont-ils de doux illuminés à l’humilité radieuse[29] ou les éclaireurs du monde de demain[30] ? 


[1] N°67,
[2] On retrouve par ailleurs cette idée dans le livre de M.Sauquet, page 24.
[3] Du reste, était-ce un hasard si les aventures de la « sautillante » Mary Poppins furent initialement éditées en France par l’éditeur chrétien Desclée de Brouwer ?
[4] Et si le Christ était dans son esprit ?
[5] Page 16. 
[6] Page 21.
[7] Page 22.
[8] Page 30.
[9] Page 41.
[10] Page 43.
[11] Page 51.
[12] Page 64.
[13] Page 96.
[14] Page 23, Nous avons apprécié la phrase « …ce n’est pas parce que je peux faire quelque chose que je dois le faire ; ce n’est pas parce que je peux m’offrir tel bien que je dois le faire…Et ce n’est pas non plus parce que je ne peux pas le faire que le monde va s’écrouler. »
[15] Page 28 : « on peut vivre avec moins sans pour autant dépérir : certes moins de dépenses culturelles, mais aussi moins de vêtements, moins de carburant, moins d’appareils ménagers, moins de dépenses de restaurant… ». Une solide anticipation est souhaitable car l’impact économique et social risque d’être spectaculaire. 
[16] Page 10.
[17] Page 88.
[18] « …On peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie”. Page 168 de la version de la Pléiade. 
[19] Au sens d’expert. 
[20] Érèbe, divinité née du chaos représentant les ténèbres. 
[21] Dans le texte de Descartes « Nature » comporte une majuscule, ce qui manifeste la dimension supérieure du concept appréhendé.
[22] The Limits to Growth, (publié en français sous le titre Halte à la croissance ?) connu sous le nom de « Rapport Meadows » publié par le Club de Rome le 1eroctobre 1972. 
[23] Et qu’enlever quelque chose est associé à une perte page 39.
[24] Laurent Grzybowki pages 34-35. On achète environ deux fois plus de vêtements qu’il y vingt ans, que l’on porte …deux fois moins ! page 56.
[25] Page 105.
[26] Laudato si’ n°11
[27] Le 14 mars dernier, Emmanuel Faber était démis de ses fonctions de président de Danone « avec effet immédiat » suite à la fronde des actionnaires. Évoqué pages 110-111.
[28] Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! «  Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. » Légende amérindienne citée par Pierre Rabhi.
[29] Page 43.
[30]  Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. Mark Twain ou Winston Churchill.


Une Expo

Botticelli, artiste et designer.
En savoir + : Musée Jacquemart-André

Botticelli au musée Jacquemart André jusqu’au 24 janvier 2022, (10€ à 17€)

Le Florentin Alessandro Filipepi, alias Sandro Botticelli (1445-1510), est l’une des figures majeures de la Renaissance (le Quattrocento) qui traversa la péninsule de la Sicile à la Lombardie au XVème siècle, avant de vivifier le reste de l’Europe. La République de Florence était alors dominée par la famille Médicis qui donna deux reines à la France au siècle suivant. Son mécénat favorisa l’envolée artistique dans la Cité-État, en particulier celle de Botticelli (de botticello, ou « petit tonneau »). Fils d’un artisan tanneur, il apprit le dessin comme apprenti chez l’un de ses frères orfèvre. Très doué, il ne tarda pas à s’initier à la peinture chez un grand maître : Filippo Lippi. Il acquit rapidement une très belle et longue renommée qui ne déclina qu’avec l’émergence de deux autres éminents Florentins : Léonard de Vinci, puis Michel-Ange.

Chacun a dans les yeux quelques-uns des tableaux de Botticelli, comme Le Printemps ou La Naissance de Vénus, qui sont aussi emblématiques de cette période faste que La Joconde, peinte un peu plus tard. Cette exposition d’une quarantaine d’œuvres prêtées par d’importants musées européens est l’occasion de découvrir ou de redécouvrir d’autres œuvres, et par là une richesse créative exceptionnelle qui dépasse l’artiste lui-même, car on peut aussi y admirer le travail de contemporains qu’il a influencés, voire employés. En effet, la pratique artistique de cette époque était très différente que celle que nous connaissons. Botticelli créait de toutes pièces, certes, mais il déclinait ensuite ses motifs en série, à l’aide de « cartons » qui permettaient de les reproduire, ce dont s’occupait ses disciples dans le cadre du travail d’atelier en vigueur alors, pratique collective très éloignée — malheureusement peut-être — de nos conceptions actuelles. Cet aspect historique est très bien expliqué sur des panneaux dans les diverses salles de l’exposition, ainsi que l’évolution du peintre, de sa technique comme de ses inspirations et influences, replacée dans le contexte d’une époque mouvementée sur tous les plans : artistique, intellectuel, politique, religieux…

L’exposition qui se clôturera le 24 janvier 2022 n’a que deux défauts : celui d’être relativement chère (de 10 à 17 €), et celui de nous laisser un peu sur notre faim, notamment parce qu’elle ne présente pas d’œuvres très connues, hormis la merveilleuse Madone au livre et l’éblouissante La Belle Simonetta qui fait l’affiche pour l’occasion. Mais après tout, est-ce un défaut ? Car la présence de chefs-d’œuvres universellement connus aurait peut-être occulté la beauté d’images qui ne sont pas moins belles. Un dernier reproche, toutefois, aux commissaires pour ce curieux sous-titre donné à l’exposition. S’il est incontestable que Botticelli fut, pour notre bonheur, un très grand artiste, on ne voit pas bien à quoi correspond l’appellation anachronique de « designer «. Peut-être à une incapacité d’accepter que nous ayons aujourd’hui beaucoup de leçons à prendre d’une époque si bouillonnante de créativité ?…

Jean Chavot

Prière de novembre

Dieu, – ce mot qui te désigne
est en train de mourir et se vide de sens,
insignifiant et périssable
comme toute parole humaine.
Nous t’en prions :
qu’il soit à nouveau doué de puissance
comme un nom
nous apportant ta promesse, comme une parole de vie
nous annonçant
que tu seras pour nous
comme tu es :
fidèle et caché, proximité qui nous effleure,
notre Dieu maintenant et à jamais.

Seigneur Dieu,
tu nous as envoyé to fils,
Jésus de Nazareth,
merveille d’humanité et d’amour,
parole qui libère
et crée un espace nouveau ;
là où il vient
la vie n’est plus obscur ni angoissante.
Nous t’en prions :
qu’en chacun de nous
sa vie grandisse,
que nous ne soyons plus enlisés dans le désarroi
ni possédés par le doute et la discorde
mais remplis de foi et de courage,
de simplicité et de paix.

H. Oosterhuis

MIGRANTS, EMIGRANTS, IMMIGRANTS.

Avec la campagne présidentielle, nous assistons à une suren-chère de discours sur les migrants et la sécurité. Les citoyens plongés dans la peur de l’autre sont incités à le désigner comme « bouc émissaire » responsable de tous leurs maux. Mais la peur et la haine sont bien mauvaises conseillères. Notre société se veut pourtant fondée sur la déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » ; « Devant la per-sécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. » (articles 9 et 14). Bien avant déjà, l’Evangile enseignait que nous sommes tous frères : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; » (Matthieu, 35). Ins-pirons-nous de ces quelques lignes pour penser ces questions tout autrement, avec notre raison et notre cœur.

L’humanité est en mouvement depuis ses origines, dans son berceau africain. Aujourd’hui, les migrations se multiplient avec la mondialisation, le développement des moyens de transport, de communications et le creusement des inégalités géo-économiques et écologiques. La prétention de bloquer ce mouvement inhérent à la condition humaine est illusoire, inhumaine et anti-historique, notamment en France et en Europe qui sont depuis toujours des zones de grand brassage, d’immigration comme d’émigration. Qui d’entre nous ne trouve pas un ancêtre « venu d’ailleurs » ou « parti à l’étranger » dans son arbre généalogique ? Tout immigrant est un émigrant qui a quitté son pays. Il ne le fait pas de gaîté de cœur, mais sous la contrainte, la menace de famine ou de mort, parfois dans l’espoir d’un Eldorado mensonger. Sa famille, ses proches, son pays ne voient jamais partir sans une tristesse in-quiète ni sans regret cette jeunesse qui s’en va avec toutes ses promesses, affronter les périls d’un voyage plus qu’hasardeux pour ne trouver à l’arrivée, si elle arrive, que rejet, mépris et mi-sère. Que fait-on pour y remédier ? L’accumulation de décisions lé-gislatives et réglementaires aboutit à une complexité telle qu’elle semble conçue uniquement pour bloquer les demandes, rallonger les délais d’instruction, tandis que les demandeurs restent prison-niers de situations humainement insupportables dont les idéo-logues, les démagogues font un enjeu électoral qui ajoute à la con-fusion et à la difficulté.

De nombreux « sans papiers » survivent à côté de nous sans droits, sans aucune protection d’aucune sorte. Ils sont la proie de tous les trafiquants et de tous les exploiteurs cyniques : mar-chands de sommeil, travail au noir sous-payé, esclavage sexuel, trafic de drogue, etc. Ils sont livrés à la rue, jetés dans des centres de rétention ou bien parqués dans des « jungles ». Est-il accep-table, alors que les pays pauvres sont ceux qui comptent le plus de réfugiés, qu’un pays riche comme le nôtre se montre si peu ac-cueillant, sous des prétextes culturels, économiques et sécuritaires fallacieux ? Car l’immense majorité des migrants ne demandent qu’à participer à la vie collective, et c’est même dans cet espoir qu’ils sont venus. Allez par exemple au marché : la plupart des commerçants, maraichers, bazardiers, fripiers ne sont-ils pas d’origine étrangère, ne sont-ils pas polyglottes, ne font-ils pas par-tie de notre quotidien sans soulever d’autre difficulté que celle de la rencontre fraternelle, bénéfique à tous ?

Notre humanité est menacée par tout autre chose : la surex-ploitation des richesses au profit croissant d’un nombre toujours plus restreint, la misère, la famine qui s’aggravent d’autant et tou-chent des populations toujours plus larges, sans parler des me-naces climatiques et écologiques. Comme l’a encore montré la co-vid, personne ne pourra lutter ni se sauver tout seul : notre avenir passe par la solidarité et le partage. Comme chrétien, comme frère humain, c’est la voie que je choisis.

Le comité de rédaction

La vie de notre Région Créteil / St Denis / Meaux

Chapitre régional électif.

Dimanche 26 septembre, chez les Petites Soeurs de St François d’Assise à Fontenay, s’est tenu notre chapitre régional électif, en présence de Claire Decheneaux, membre de l’équipe nationale et du frère Dominique Lebon, assistant national. Toutes les fraternités étaient représentées.
L’équipe sortante était composée de : Jacqueline Rossi, ministre régionale, Appoline Djondo, ministre adjointe, Joachim Lesage, trésorier, Brigitte sauquet, responsable de la formation et Pascale Clamens-Zalay, secrétaire.
Ont été élues ou réélues : Jacqueline Rossi, ministre régionale, Brigitte Lys, ministre adjointe, Françoise Rousseau, trésorière, et Pascale Clamens-Zalay, secrétaire.
Nous n’avons pas pu élire une personne en charge de la formation. Comme celle-ci est assurée dans chacune des fraternités, nous nous sommes donné un an pour revoir cette question.
L’après-midi s’est achevée par une célébration eucharistique d’action de grâce.

En l’absence de Rencontre régionale en juin dernier, nous avons demandé à chaque fraternité de nous partager ce qu’elle avait vécu en ces temps de confinement afin de constituer un livret qui puisse être envoyé à chacun et chacune durant l’été. C’était une autre façon de maintenir les liens entre frères et sœurs de la Région.
Nous avons décidé de diffuser ces différents témoignages sur notre Site Internet.

Fraternité Arc en Ciel
(La fraternité est composée de 7 personnes accompagnées par la sœur MarieJia , franciscaine Missionnaire de Marie à Clichy-sous-Bois. La fraternité se réunit chez la communauté des sœurs)
Depuis plus d’un an, notre fraternité vit par le truchement des téléphones qui nous ont permis de communiquer régulièrement. Équipés plus ou moins sur le plan informatique, voire pas du tout, il était difficile de mettre en place des visioconférences.
Nous nous sommes pourtant rencontrés à l’occasion de la messe d’au revoir de Sœur Françoise Roussel, à Clichy sous Bois, en juin 2020, avant son départ pour Lille afin de remplacer Sœur Yola. Ensuite, grâce au groupe WhatsApp créé par André, les informations ont circulé plus aisément, sérieuses, humoristiques parfois, histoire d’alléger la sinistrose extérieure…
A l’automne dernier, en octobre, Marie-Thérèse s’en est allée rejoindre son cher Jésus, après un parcours de vie remarquable, sans attendre son centenaire, mais toute de blanc vêtue comme elle le souhaitait. Elle nous a permis de nous retrouver physiquement à ses obsèques, et nous avons pu faire nos adieux à cette belle âme et belle personne qu’elle fut, toujours priant pour chacune et chacun de nous, gaie malgré sa quasi-cécité, toutes ses douleurs.
Nous avons vécu cette période aussi, rythmée par les méditations proposées par les fraternités bourguignonnes, transmises par Jacqueline. Pendant le temps de Carême, grâce à Joséfa, nous pouvions suivre les réflexions selon Saint François et nous avons partagé la joie de célébrer la Semaine Sainte dans nos paroisses respectives avec Pâques en point d’orgue !
Le 29 mai dernier, nous nous sommes revus chez Bernard, dans son petit paradis vert, pour un goûter de retrouvailles, fixer enfin des dates de réunion à Clichy sous Bois, chez les Sœurs franciscaines missionnaires de Marie, choisir un thème d’échange dans le dernier numéro d’Arbre. Notre sœur et amie Christine avec son époux Émeric, est revenue, ce printemps, en région parisienne après le refus de l’évêque de Rodez, de la poursuite de leur projet pour l’abbaye de Bonnecombe. Grande déconvenue qu’il leur faut prendre le temps d’appréhender… Voilà pour l’essentiel !

Édouard-Martial Lekeux, religieux-soldat franciscain. (1ère partie)

Le déclenchement de la guerre, qui fut qualifiée de « grande guerre, fut l’aboutissement du fonctionnement parfait, quoique surprenant ; d’un funeste engrenage constitué par les alliances entre pays européens : triplice d’une part, triple entente d’autre part. Une fois les rouages en mouvement, rien ne put arrêter le désastre. Les Allemands appliquèrent le plan conçu avec la rigueur d’un horaire de chemin de fer ; mode d’action prévu par l’ancien chef d’état-major des armées allemandes entre 1891 et 1905, le général Alfred von Schlieffen. Il était prévu que les troupes du Kayser obtiendraient libre passage par la Belgique pour manœuvrer en direction de la France. Las ! les Belges offrirent une résistance imprévue, ce qui nourrit une violente réaction des Allemands. Contraints de s’emparer des douze forts belges qui protégeaient la ville de Liège, confrontés à la résistance du lieutenant-général Leman, il fallut aux troupes du général von Emmich mettre le siège devant la ville. Face à une résistance acharnée autant qu’inattendue, les atrocités allemandes furent légion au début août 1914. Lors de cet épisode tragique, un officier d’artillerie nommé Édouard Lekeux s’illustra et offrit ensuite un témoignage des événements qu’il vécut alors. Rien d’original à cela, tant les souvenirs des acteurs constituèrent une production littéraire conséquente, mais le caractère particulier de Mes Cloîtres dans la tempête[1] tint à son auteur : un prêtre franciscain. En effet, né en 1884 à Arlon dans la province belge de Luxembourg, il réalisa de brillantes études au sein de l’Athénée, de la communauté francophone belge. Cette dénomination était inspirée de l’Athenaeumimaginée par l’empereur Hadrien en lien avec ce qui était au II°siècle après JC, considéré comme le « modèle culturel absolu » : Athènes. Édouard Lekeux devint officier d’artillerie avant d’entrer en religion en 1911 dans l’ordre des frères mineurs sous le nom de Martial. Il fut ordonné en 1920 après l’expérience qu’il vécut avec « ses frères, les poilus ». 

Il décrivit ensuite sa « Manière franciscaine de faire la guerre », son expérience qui inspira son cheminement spirituel : dialogue fréquent avec Dieu, avec Saint-François face au déchaînement de violence d’un conflit monstrueux [2]. Participant à la défense de l’Yser, décisive pour soutenir les efforts consentis lors de la première bataille de la Marne, il fut à Dixmude à l’automne 1914. Il contribua donc à éviter à l’armée belge l’encerclement, permettant ainsi à l’armée française de résister aux tentatives d’enfoncement du front avant sa consolidation jusqu’à la fin de la guerre. Cette bataille de Dixmude marqua en fait l’arrêt de l’invasion allemande. Il raconta ensuite son action courageuse lorsqu’il défendit le clocher du village de Oud-Stuivekenskerke, un poste d’observation stratégique cible des artilleurs allemands[3].  Une chapelle évoque encore cet épisode[4]

ÉRIK LAMBERT


[1] https://mondieuetmontout.com/Menu-Pere-Martial-Lekeux-Mes-Cloitres-dans-la-tempete.html
[2] La guerre de tranchée conduisait à des corps à corps qui pouvaient s’achever à la pelle ou à la pioche. Ce pouvait aussi être des sapes comme en porte la trace le front de la somme (Lochnagar Crater (trou de la gloire) à La Boisselle https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/le-trou-de-mine-de-la-boisselle-lochnagar-crater-trou-de-gloire-un-symbole-de-la-grande-guerre-et-la-propriete-d-un-anglais-1038687.html ) ou l’épisode du tunnel de la mort au Chemin des dames en Champagne (1917) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/16/mystere-de-la-guerre-de-14-18-le-tunnel-du-winterberg-livre-ses-premiers-secrets_6059854_3210.html
[3] https://mondieuetmontout.com/Pere-Martial-Lekeux-o.f.m.-Histoire-d-une-tour.html
[4] https://www.rtbf.be/14-18/article_oud-stuivekenskerke?id=8295420

mettre en cohérence ma propre vie avec celle du monde

« Ayez à cœur de vivre calmement, de vous occuper chacun de vos propres affaires et de travailler de vos mains comme nous vous l’avons ordonné.
Ainsi, votre conduite méritera le respect des gens du dehors, et vous ne manquerez de rien. » (1Thessaloniciens 4, 11-12)

J’ai lu ces versets proposés par la liturgie dans les derniers jours de ce mois, et je me suis interrogé sur le sens qu’ils peuvent avoir pour moi aujourd’hui ; s’occuper de ses propres affaires, travailler de ses mains, ma conduite, qu’est que cela signifie pour moi en cette fin d’été 2021 ?

J’ai 75 ans aujourd’hui, âge auquel les clercs, qu’ils soient diacres, prêtres ou évêques ne peuvent plus exercer de responsabilités dans l’église ; je pense qu’il serait sage d’appliquer ce principe aux autres activités qui rythment nos jours et donc je m’interroge : quelles sont les responsabilités que j’exerce encore et qu’il serait bon que j’abandonne. Sans prendre les versets de l’apôtre Paul « au pied de la lettre », je m’interroge sur le bien fondé de ce que j’apporte à la collectivité dans les domaines où j’interviens, et comment choisir entre mes intérêts propres et ceux du commun ?

En effet, j’entends ces versets de la première lettre aux Thessaloniciens comme un appel à mettre en cohérence ma propre vie avec celle du monde ; n’y a-t-il pas là les prémices du principe du bien commun, l’un des piliers de la doctrine sociale de l’Eglise ?

En ce temps où l’une des préoccupations principales de notre planète est la défense de l’humanité contre un méchant virus, nous voyons apparaître les clivages entre les personnes ou collectivités qui privilégient le bien commun et celles qui défendent des intérêts particuliers au détriment de tous. L’exemple le plus criant au niveau des individus est le refus de la vaccination par ceux qui mettent en avant la primauté du principe de la liberté individuelle ; ce principe peut-il tenir lorsque la vie de la collectivité est en jeu ?
Au plan national, la préoccupation dominante semble être la préparation de l’élection présidentielle de 2022 ; avec quels électeurs ? La très faible participation aux scrutins régionaux du début d’été a confirmé le désintérêt progressif de nos concitoyens pour la démocratie. Durant le repos estival, j’ai pris le temps de lire le livre de Jérôme Fourquet, « L’archipel français », qui tente une explication à ce phénomène en montrant sa complexité à partir des études et données statistiques accumulées sur plusieurs décennies. Sa conclusion est que notre pays est devenu progressivement (il n’est pas le seul dans cette situation en Europe) une nation éclatée en un certain nombre d’ilots qui n’ont plus de références culturelles communes : « une nation multiple et divisée qui n’a plus de référentiel commun ». Il fait apparaitre quelques causes de cette situation : le chômage, conséquence de la désindustrialisation de certaines régions dans la phase de mondialisation, la ghettoïsation de quartiers urbains par la concentration de la pauvreté et par la drogue, le recul de l’éducation, en grande partie lié aux ghettos, mais pas uniquement. Si les causes sont anciennes, mais ont connues une accélération durant les cinquante dernières années, les remèdes, eux, n’apparaissent pas comme des évidences. Faut-il désespérer pour autant ?
Mais que faire ?

Les questions s’accumulent et je ne trouve pas les réponses ; alors je vais essayer de suivre les recommandations de Paul et me concentrer sur mes « propres affaires », sans pour autant oublier les autres.

Jean-Pierre Rossi

« Claire d’Assise, un exemple lumineux pour le monde… » 2ème partie

Bien des aspects de la vocation et de la spiritualité de celle qui aime à se nommer « la petite plante de saint François » peuvent éclairer notre vie de foi aujourd’hui. Après avoir abordé, dans la 1ère partie, la pauvreté et la symbolique du miroir, arrêtons-nous, dans cette seconde partie, sur la joie et l’action de grâce.

La joie et l’action de grâce

Toute la vie de Claire est action de grâce. Il y a, ancrée en elle, une joie profonde que ni la maladie, ni les épreuves ne sauraient ternir.
Joie, tout d’abord, d’avoir été appelée : « Entre autres bienfaits que nous avons reçus et que nous recevons chaque jour de notre donateur, le Père des miséricordes, et pour lesquels nous devons davantage rendre des actions de grâces au glorieux Père du Christ, il y a notre vocation , dont nous lui sommes d’autant plus redevables qu’elle est plus parfaite et plus grande. » (TestCl 2-3) Claire rappelle d’ailleurs dans son Testament que, sur le chantier de Saint-Damien, François, sous l’action de l’Esprit-Saint, lança cette prophétie que le Seigneur ensuite accomplit : « Il y aura là des dames dont la vie renommée et la sainte conduite glorifieront notre Père céleste dans toute sa sainte Église. » « En cela, nous pouvons considérer la très copieuse bienveillance de Dieu pour nous, Lui qui, à cause de son abondante miséricorde et de sa charité, a daigné, par son saint, parler ainsi de notre vocation et de notre élection. » (TestCl 14-16)

Joie de suivre le Seigneur Jésus-Christ sur le chemin de la pauvreté pour s’unir à lui, joie de celle qui a fait don de tout son être pour répondre à l’amour de Celui qui la fait vivre, épouse du souverain Roi. Joie de contempler dans le miroir du Christ la lumière divine au point d’en être irradiée ; sœur Aimée en témoigne lors du Procès de canonisation : « Quand elle revenait de prière, son visage paraissait plus clair et plus beau que le soleil ; de ses paroles émanait une douceur inénarrable, au point que sa vie paraissait toute céleste. » (PCl IV, 4) Joie de découvrir les dons de Dieu en tout et en tous ; sœur Angeluccia nous dit que, lorsque les sœurs sortaient du monastère, « elle les exhortait à ce que, quand elles voyaient les arbres beaux, fleuris et feuillus, elles louent Dieu ; semblablement, quand elles voyaient les hommes et les autres créatures, toujours, de tout et en tout, elles louent Dieu. » (PCl XIV, 9)

Claire se réjouit tout au long de ses Lettres des progrès spirituels d’Agnès et souligne que le bien accompli par l’une des sœurs rejaillit sur toutes : « A la nouvelle de ta bonne santé, de ton heureux état et de tes succès favorables – ils me font comprendre que tu es pleine de vigueur dans la course que tu as entreprise pour obtenir la récompense céleste – je suis d’autant plus remplie de joie et exulte d’autant plus dans le Seigneur que, je le sais et en suis convaincue, tu supplées admirablement à ce qui fait défaut, en moi comme dans nos autres sœurs, pour suivre les traces de Jésus-Christ pauvre et humble. En vérité, je puis me réjouir et personne ne pourrait me rendre étrangère à une joie si grande » (3LAg 3-5) Elle la supplie donc de ne pas laisser s’éteindre en elle cette joie : « Toi aussi, réjouis-toi donc toujours dans le Seigneur, très chère, et que ne t’enveloppent pas l’amertume et la brume, ô dame bien-aimée dans le Christ, joie des anges et couronne des sœurs. » (3LAg 10-11) Elle l’invite à marcher vers le Seigneur dans l’allégresse et la confiance, en embrassant la pauvreté du Christ, et à persévérer sur ce chemin, malgré les obstacles : « Tiens ce que tu tiens, fais ce que tu fais et ne le lâche pas ; mais d’une course rapide, d’un pas léger, sans entrave aux pieds, pour que tes pieds ne prennent pas même la poussière, sûre, joyeuse et alerte, marche prudemment sur le chemin de la béatitude, sans croire à rien, sans consentir à rien qui voudrait te détourner de ce propos, qui mettrait sur ta route de quoi te faire tomber pour que tu n’accomplisses pas tes vœux au Très-Haut dans la perfection où t’a appelée l’Esprit du Seigneur. » (2 LAg 11-14)

Ainsi, toute sa vie, Claire n’a cessé de louer le Seigneur et de rendre grâce « au dispensateur de la grâce ». A l’exemple du bienheureux François, auquel elle se réfère si souvent, elle a choisi de suivre comme lui le Christ pauvre. Elle a découvert combien vivre sans « rien en propre » rend libre. Une liberté intérieure, source de joie et d’espérance, qui lui a donné de pouvoir tout accueillir comme un don du Seigneur, de pouvoir accueillir sa propre vie comme une grâce et d’en faire une action de grâce. Peu de temps avant sa mort, elle adresse ces dernières paroles à son âme : « Va en paix car tu as une bonne escorte pour le voyage. Va car Celui qui t’as créée t’a sanctifiée et, te protégeant toujours comme une mère son fils, il t’a chérie d’amour tendre. Seigneur, bénis sois-tu, toi qui m’as créée. » (Vie 46)

Qu’à son école nous apprenions à contempler Dieu et à le louer dans toutes ses œuvres, à nous réjouir de la vie reçue de ses mains, en lui disant à notre tour : « Seigneur, bénis sois-tu, toi qui m’a créé. »

P. Clamens-Zalay

Premier discours après le dernier repas et le lavement des pieds 13, 31-14, 31 (2ème partie)

Une révélation sur la Trinité

La trame du discours est nettement trinitaire : les 3 personnes sont nommées.
Qu’apprenons-nous sur Dieu Trinité ? Qu’il ne s’agit pas d’un Dieu en soi, autosuffisant, d’une communauté divine close sur elle-même, ni non plus d’un être statique.
Dieu Trinité est ici défini comme étant essentiellement un Dieu pour nous, en ce sens que la raison d’être de la Trinité, c’est d’exister « pour d’autres », pour les hommes.
Dieu trinité se révèle ici comme un mouvement vers les hommes, c’est une communauté qui se penche vers l’homme. Il s’agit donc d’un être dynamique.

➡️ C’est ce qu’a réalisé l’incarnation, mais le prochain envoi de l’Esprit va encore intensifier cette volonté de Dieu Trinité de faire sa demeure chez les hommes.

➡️ Jésus révèle aux disciples que son incarnation n’était autre que l’expression de cette dynamique de la Trinité. Son incarnation l’a rendu à la fois solidaire du Père et solidaire des hommes. Il y a chez lui, constamment ce double mouvement de haut en bas et de bas en haut :
• Il était dans son humanité l’expression visible du Père, sa « Parole » (aspect de la vérité)
• Il a été le type parfait de l’humanité en position de retour vers le Père (aspect du chemin)
• Glorifié, il va envoyer aux disciples l’Esprit sanctificateur (aspect de la vie).

L’heure de l’incorporation trinitaire des disciples

➡️ « Chez mon Père il y a beaucoup de demeures… » Le Christ ne repart pas là-haut pour y jouir d’une gloire solitaire. Le Père lui associe dès maintenant des frères d’adoption.

➡️ De même que le Fils est dans le Père, de même c’est déjà l’humanité amie de Dieu qui, dans le Christ, entre dans la gloire (14, 20). Et le Christ est son éternel intercesseur désormais.

➡️ L’Esprit Saint est envoyé ici-bas pour être déjà à la fois :
• l’assistant juridique contre le « monde » (le mal), pour disputer au « monde » l’homme sauvé, parce que cet homme sauvé est précisément le bien de la Trinité, et qu’il relève entièrement désormais de sa souveraineté
• et pour être le vivificateur, le sanctificateur, celui qui est non seulement avec eux, mais en eux.

Les fruits de cette incorporation trinitaire

S’ils sont d’une qualité peu commune, ils le doivent à cette sorte de surdimension accordée aux disciples :

➡️ La loi de charité : l’amour fraternel. Ce sera l’expression au dehors de l’amour dont ils ont été eux-mêmes aimés par Dieu-Trinité. La loi de charité ne trouve sa justification dans un impératif volontariste, mais dans la constatation que l’homme a été d’abord aimé ! et puisque il bénéficie maintenant d’une condition filiale trinitaire, il est normal qu’il exprime lui aussi au dehors la dynamique trinitaire.

➡️ L’efficacité des œuvres, autrement dit de la mission, qui, curieusement, seront peut-être plus grandes que celles du Christ (14, 22). C’est la Trinité qui, par nous, manifestera sa puissance.

➡️ La paix : non pas la tranquillité, l’absence de vagues, le confort individuel ; mais la paix ‘chrétienne’ qui est essentiellement une paix « filiale », et qui se définit comme la conviction inébranlable que nous sommes dans l’intimité des trois personnes divines.

➡️ La prière de demande (14, 13-14). Les disciples vont bénéficier d’une sorte d’assurance automatique, car étant désormais « de la maison » et fils dans le Fils, ils seront exaucés comme le Fils. C’est ce que veut dire l’expression « demandez en mon nom », demandez en moi, comme si c’était moi.

Fr Joseph

Prière d’octobre

Au Moyen-âge, la mort était omniprésente. Elle était présentée sous des aspects terrifiants, les démons menant un ultime combat pour essayer de s’emparer de l’âme. Dans ce contexte, la foi confiante de Claire et sa reconnaissance envers Dieu pour le don de la vie sont d’autant plus admirables (PC 3, 20).

Sœur Philippa témoigne
Comme la sainte Mère approchait de la mort, elle commença à parler ainsi :
« Pars en paix, en toute sécurité, tu seras bien accompagnée, car Celui qui t’a créée t’a aussi sanctifiée, il a mis en toi son Esprit-Saint et t’a toujours regardée comme une mère regarde son enfant qu’elle aime ». Et elle ajouta : « Sois béni, Seigneur, toi qui m’as créée. »

Seigneur, tu nous montres en sainte Claire une parfaite adoratrice en esprit et en vérité. Apprends-nous à communier de tout notre être à ton œuvre d’amour, dans l’écoute vigilante de ta parole, le don de nous-mêmes et l’espérance de ton Royaume.

Et si d’étranges idées inspiraient les décideurs ?

L.Rhinehart, Jésus-Christ président (Jesus Invades George : An Alternative History) Forges de Vulcain, 458 pages, 20 €.

Jeune, jamais il ne me serait venu à l’esprit qu’un jour un raz-de-marée populiste pût s’emparer du monde voire de la France. C’était l’ère des illusions qui repoussait les bateleurs de foire dans des profondeurs groupusculaires. 
Pourtant, avant les sinistres rodomontades du président-histrion Trump, il y eut George Walker Bush, 43ème Président des États-Unis. Homme le plus puissant de la planète, coutumier des gaffes et des lapsus, il fut à l’origine d’un néologisme peu flatteur à son endroit : le bushisme
Luke Rhinehart, écrivain américain, auteur d’un ouvrage « culte » semi-autobiographique L’Homme-dé[1], imagine que Jésus, un peu naïf, demande à son père de tenter de mettre un terme aux souffrances de l’humanité en prenant le contrôle de l’âme d’un homme de grand pouvoir en évitant toutefois une nouvelle crucifixion. Il jette son dévolu sur le Texan néoconservateur en lutte contre le terrorisme George Walker Bush. Le choix n’est pas dû au hasard puisque le Président américain fut frappé par un renouveau mystique lors de son double mandat. L’humour est omniprésent mais derrière cette posture de façade, émergent nombre de questions afférentes aux décisions prises durant les 8 ans de cette présidence. Habité par le Christ qui s’exprime à sa place sans qu’un Bush simplet et impuissant puisse l’en empêcher, le « Président-Jésus » conduit la politique américaine sur des voies très surprenantes pour son entourage médusé. Est-il devenu fou ? Un exorcisme est nécessaire afin de le faire revenir à la raison. Mais n’est-ce pas le malin qui se fait passer pour Jésus ? 
Uchronie malicieuse dans laquelle apparaissent ceux qui ont côtoyé le Président : sa femme, mais surtout Dick Cheney prêt à remplacer avantageusement un Bush pris de folie et Donald Rumsfeld, membre fondateur du think tank néoconservateur Project for the New American Century. On s’affiche chrétien mais tout de même pas au point de prendre des décisions inspirées de l’Évangile. Nul doute que l’esprit de George Walker a sombré lorsqu’il annonce que l’armée américaine doit arrêter de tuer des hommes et qu’il convient qu’elle se retire d’Irak. Inspiré par Jésus, il part sans escorte au cœur de Sadr City, échappant miraculeusement à tous les attentats. Même Karl Rove[2] ne parvient pas à faire entendre raison à son poulain. Rhinehart profite de sa farce burlesque pour dénoncer les mœurs politiques et les combinaisons dont sont friands les politiciens d’outre atlantique[3]. Il n’hésite pas à blâmer les sombres actions de la politique extérieure américaine par la bouche du Machiavel républicain. Ainsi, la politique moyen-orientale qui permet à Israël de créer la premier pays prison de l’histoire[4] ou les mensonges qui ont « justifié » l’intervention de 2003 en Irak[5]. Rove se réjouit de la crédulité des deux tiers de l’opinion américaine persuadés que Saddam Hussein et al-Qaida développaient une bombe atomique fourrée à l’arsenic et que, Egypte et Arabie saoudite étaient des alliées alors que presque tous les terroristes du 11 septembre étaient saoudiens ou égyptiens. Rhinehart égratigne aussi au passage les démocrates et suggère ce que sont les limites de la démocratie à une époque où nos nations sont menacées par le populisme. Il rejoint là un illustre ancêtre déjà soucieux au XIX°siècle des dérives inhérentes à ce système politique[6].  Espiègle, sans retenue, l’auteur n’hésite pas à imaginer la nuit trioliste ébouriffante offerte à Laura. Mais, Jésus ne s’intéresse pas vraiment aux péchés, il privilégie de grandes questions : « quand beaucoup de monde se fait tuer, ou meurt de faim ou vit dans des conditions horribles ».[7] Bush imagine disposer des pouvoirs de Jésus et tente même de marcher sur les flots du lac de Tibériade lorsqu’il se rend en Israël. George se plaint tout de même de ce Jésus, mec taciturne voire autoritaire.
Mais le trio infernal a perdu le contrôle de sa marionnette devenue celle du Galiléen. La loufoquerie du Président ne plaît pas à l’administration républicaine qui apprécie peu ces étranges idées de partage, de générosité, de paix[8].
La mission de Jésus est un échec et Dieu s’interroge : « Ça ne marche jamais. Je commence à Me dire que j’ai dû arranger les choses pour que ça finisse toujours comme ça » [9]
Rhinehart, disparu à l’automne dernier, avait déjà imaginé un savoureux roman, celui d’une invasion d’extra-terrestres en forme de ballons de plage poilus[10], adeptes du jeu et de la rigolade, offre à la faveur de Jésus-Christ président une belle satire de l’administration Bush, de la société et de la démocratie américaines ; théâtre des machinations, des magouilles, des mensonges au service d’ambitions et d’intérêts particuliers. 

ÉRIK LAMBERT.


[1] L.Rhinehart, (de son vrai nom George Powers Cockcroft), L’Homme-dé, 1971. Un psychiatre joue les décisions prises dans sa vie aux dés. [2] Karl Rove, https://www.courrierinternational.com/article/2003/06/05/karl-rove-le-cerveau-de-george-bush
[3] Karl Rove, voulant discréditer un candidat démocrate, avait volé du papier à en-tête dans son bureau puis avait rédigé des invitations assurant « de la bière gratuite » et « des filles » lors d’une réception organisée peu de temps après. Il avait ensuite distribué les invitations à des marginaux et des clochards.
[4] Page 205 sur les territoires palestiniens. 
[5] Page 207.
[6] « Aux États-Unis, la majorité se charge de fournir aux individus une foule d’opinions toutes faites, et les soulage ainsi de l’obligation de s’en former qui leur soient propres. Il y a un grand nombre de théories en matière de philosophie de morale ou de politique, que chacun y adopte ainsi sans examen sur la foi du public ; et, si l’on regarde de très près, on verra que la religion elle-même y règne bien loin comme doctrine révélée que comme opinion commune (…) la foi dans l’opinion commune y deviendra une sorte de religion dont la majorité sera le prophète. »
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Vol .2.
[7] Page 369.
[8] Clin d’œil à la chanson de Moustaki qui est si émouvante. https://www.youtube.com/watch?v=JcuMkP16K5o
[9] Page 457.
[10] L.Rhinehart, Invasion, Paris, Forges de Vulcain, 448 pages.