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La coopérative Coop’Cot et les frères capucins de Créteil

©Frères capucins Créteil

Depuis le printemps 2020, la communauté des frères capucins de Créteil s’investit dans un projet de coopérative de consommation.

Témoignage de Frère Dominique Lebon, OFM Capucin (15 janvier 2021).

Notre communauté de frères capucins, après avoir participé pendant deux années à une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), s’est investie dans un projet de coopérative de consommation à Créteil : la Coop’Cot. Ce projet s’est concrétisé au printemps 2020 avec l’ouverture d’une épicerie située dans le centre commercial de Créteil-L’Échat. L’objectif est d’offrir au plus grand nombre une alimentation saine, aussi bien pour les humains que pour notre planète, de qualité, au prix juste pour les producteurs et les consommateurs.

A ce jour, 180 familles sont adhérentes à la coopérative et contribuent à son fonctionnement. Chaque adhérent participe aux décisions. Chacun donne 3 heures de son temps, toutes les 4 semaines, pour effectuer les diverses tâches inhérentes au fonctionnement de la Coop’Cot. Cela aide à avoir des prix justes et raisonnables. Les produits proposés sont à marge fixe et les bénéfices sont réinvestis dans le projet.
Participer à la Coop’Cot amène à changer quelques habitudes : par exemple, cela prend plus de temps que de faire les courses à la supérette du coin. Cela oblige à ralentir. Le bénéfice, c’est que l’on est organisé ensemble pour une consommation responsable. Que l’on peut consommer des produits qui ont un bon goût et qu’à la coopérative, on se sent un peu comme chez soi, dans une ambiance vraiment cordiale.
Nous, les frères capucins, nous essayons aussi d’être attentifs à ce que la Coop’Cot atteigne son objectif social, qu’elle puisse, comme elle le souhaite, s’ouvrir au plus grand nombre, et en particulier aux milieux modestes. Déjà aujourd’hui il y a une certaine diversité sociale chez les adhérents. Nous ne pouvons pas oublier que les plus pauvres sont les premières victimes de la malbouffe, et donc des maladies que celle-ci entraîne.

✅ Pour en savoir plus, rendez vous sur le site de Coop’Cot
✅ Découvrez aussi « Tout est lié » un webzine sur l’écologie intégrale qui a recueilli le témoignage de Frère Dominique Lebon, ofm Capucin

Maximilian Kolbe

Maximilian Kolbe
1894 – 1941

Dans ma prime jeunesse, je fus souvent témoin de vives discussions dans ma famille, particulièrement lorsque nous nous rendions en Autriche. Nos racines franco-autrichiennes avaient conduit certains à s’engager dans la résistance et d’autres à nourrir des sympathies pour les thèses nazies. Même si les éclats de voix s’achevaient autour d’un Apfelstrudel et de verres de Schnaps, mon esprit était toutefois sollicité par ces controverses. Mon grand-père, actif FFI durant le conflit, profitait des vacances pour me faire découvrir des lieux de mémoire et me conter l’histoire de personnages peu ordinaires. En cela, il marchait dans les pas de mes instituteurs, férus du roman national. Avec le recul du temps, maintenant qu’il a disparu, son visage surgit parfois au détour d’un lieu, au fil d’une ligne dans un livre, au gré d’une exposition ou d’un spectacle. Devenu adulte, je pus me rendre là, où vécurent, où moururent ces femmes et ces hommes, dont les noms étaient demeurés dans ma mémoire. Ainsi, à plusieurs reprises, me suis-je rendu à Auschwitz-Birkenau. L’expérience ne peut laisser indemne tant les stigmates de l’horreur sont présents. On y côtoie les manifestations diaboliques de l’âme humaine mais aussi l’Amour de Dieu. Parmi tous les héros qui peuplèrent les récits de mon enfance figurait Maximilian Kolbe. 

Si les nazis avaient regroupé les religieux dans un même camp de concentration, celui de Dachau, certains échappèrent à cette logique. De 1938 à 1945, 2 720 prêtres, séminaristes et moines catholiques furent déportés par les nazis, ainsi qu’environ 141 pasteurs protestants et prêtres orthodoxes[1]. En Pologne, le plus grand complexe concentrationnaire du Troisième Reich est resté quasiment dans l’état où les Soviétiques le trouvèrent le 27 janvier 1945. Lorsque l’on arrive sur ce lieu plongé dans un silence sépulcral, on est saisi par l’immensité du site : entre 40 et 55 kilomètres carrés[2]. Le 29 juillet 2016, le Pape François fut bouleversé par ce calme lugubre lorsqu’il pria longuement dans la cellule où mourut Maximilian Kolbe[3]. Dans le livre d’or, François écrivit cette phrase qu’il signa :« Seigneur, aie pitié de ton peuple, Seigneur, pardon pour tant de cruauté ».

C’est en ce lieu, où je retins difficilement mes larmes, au bloc 11 du bâtiment 18, que ’ai retrouvé celui dont m’avait parlé mon grand-père des dizaines d’années auparavant. Un prêtre franciscain qui donna sa vie pour un de ses frères humains.

Le parcours de Saint-Maximilien Kolbe fut singulier[4]. En effet, adversaire résolu du national-socialisme et du communisme, il menait par ailleurs un véhément combat contre les juifs, considérant que le judaïsme était un « cancer qui ronge le corps du peuple ». Le fervent catholicisme que nourrissaient les Polonais conduisait en ces années à un sévère antisémitisme et rien ne prédisposait le frère franciscain à protéger les enfants d’Israël.

Né Rajmund Kolbe, en 1894 dans une famille très pieuse, de parents tisserands et tertiaires franciscains, il eut en 1906 une vision de la Vierge de Czestochowa qui l’incita à entrer en religion. Dans cette vision, la Vierge lui aurait proposé deux couronnes : une blanche pour la pureté et une rouge pour le martyre. Elle lui aurait demandé de choisir ; il aurait accepté les deux. Dès 1910, à l’âge de 16 ans, il rejoignit l’Ordre des Frères Franciscains conventuels à Lvov, où il reçut le nom de frère Maximilien Marie.

En 1912, il fut envoyé à Rome pour poursuivre ses études et fut ordonné prêtre le 28 avril 1918 avant de devenir docteur en philosophie et théologie l’année suivante. En octobre 1917, avant d’être ordonné prêtre par le cardinal Basilio Pompii, il avait fondé avec six confrères la Milice des Chevaliers de l’Immaculée, mouvement marial au service de l’Église et du monde.
Sensible aux moyens de communication d’alors, soucieux de remplir sa mission d’évangélisation, il créa par ailleurs un mensuel spirituel afin de diffuser la pensée de la Milice puis imagina un centre de vie religieuse et apostolique appelé « la Cité de l’Immaculée », « Niepokalanow ». Cette communauté regroupa environ 600 religieux. En 1922, pour promouvoir le culte de Marie, il fonda en son honneur, un quotidien, Le Chevalier de l’Immaculée tiré à 300 000 exemplaires pour atteindre un million d’exemplaires en 1938. Le quotidien était vendu bon marché afin de toucher les plus démunis. Toujours avide d’annoncer l’évangile, il fonda ensuite une maison d’édition et lança une station de radio qui avaient aussi l’ambition de lutter contre le sionisme et la franc-maçonnerie, de convertir schismatiques et juifs. Porteur d’évangile, au service de Marie, il se rendit en 1930 au Japon avec quatre frères et y fonda un couvent sur une colline proche de Nagasaki, le « Jardin de l’immaculée ». Curieusement, ce fut le seul bâtiment resté debout lors de l’explosion de la bombe atomique en 1945.

Revenu en Pologne en 1936, il assista à l’invasion du pays par les troupes allemandes puis soviétiques. La fraternité de Maximilian Kolbe hébergea alors des réfugiés polonais catholiques ou juifs. Les nazis l’arrêtèrent avec ses frères franciscains puis le relâchèrent après lui avoir fait subir des sévices. En février 1941, il fut à nouveau arrêté par la Gestapo pour avoir accueilli des réfugiés. Interné à Varsovie, il fut transféré à Auschwitz le 28 mai 1941. Or, afin de décourager les évasions, il était établi à Auschwitz que si un homme s’échappait, dix hommes seraient tués en représailles. En juillet 1941, un homme ayant fui, le commandant Karl Fritsch[5] dit aux prisonniers « Vous allez tous payer pour cela. Dix d’entre vous seront enfermés dans le bunker de famine sans nourriture ni eau jusqu’à leur mort ». Les dix furent sélectionnés. Parmi eux, Franciszek Gajowniczek, sergent de l’armée polonaise, emprisonné pour avoir aidé la résistance polonaise. Franciszek[6] se serait alors écrié : Ma pauvre femme ! Mes pauvres enfants ! Que vont-ils faire ?’ Quand il poussa ce cri de détresse, le Père Maximilian Kolbe s’avança et aurait dit au commandant : « Je suis prêtre catholique. Laisse-moi prendre sa place. Je suis vieux. Il a une femme et des enfants. » Le commandant Fritsch accepta la substitution. Maximilian Kolbe fut donc jeté dans une cellule du bloc des condamnés, avec les neuf autres prisonniers qu’il soutint par la prière et l’oraison ; les hymnes et les psaumes, communs aux Juifs et aux chrétiens. Encore vivant après avoir passé deux semaines sans rien ni boire ni manger, un Kapo[7] lui administra une injection de phénol le 14 août 1941. Son corps fut brûlé le 15 août, jour de la fête de l’Assomption de la Vierge Marie à laquelle il avait voué sa vie[8]. Gajowniczek fut libéré du camp d’Auschwitz ; il avait survécu pendant plus de 5 ans et assura : « Aussi longtemps que j’aurai de l’air dans les poumons, je penserai qu’il est de mon devoir de parler aux gens de l’acte d’amour héroïque accompli par Maximilien Kolbe. ». Béatifié le 17 octobre 1971, Saint Maximilien fut canonisé, reconnu martyre de la foi le 10 octobre 1982 en présence de Franciszek Gajowniczek.

Pour vous, mes enfants, pour vous jeunes qui ne cheminerez pas dans la vie avec des témoins de l’horreur, pour vous qui avez besoin de vous identifier à des héros ; regardez Maximilan Kolbe, debout aux côtés de Marin Luther King, d’Oscar Romero, de Dietrich Bonhoeffer au portail ouest de l’abbaye de Westminster. Lancez-vous « dans l’aventure de la miséricorde » qui consiste à « construire des ponts et à abattre des murs de séparation » pour « secourir le pauvre » et « écouter ceux que nous ne comprenons pas, qui viennent d’autres cultures, d’autres peuples, ceux que nous craignons parce que nous croyons qu’ils peuvent nous faire du mal »[9]

« Que notre amour se manifeste particulièrement quand il s’agit d’accomplir des choses qui ne nous sont pas agréables. Pour progresser dans l’amour de Dieu, en effet, nous ne connaissons pas de livre plus beau et plus vrai que Jésus-Christ crucifié. » Saint Maximilien Kolbe.

                                                                       Érik Lambert.


[1] Cf. G. Zeller, La Baraque des prêtres, Dachau, 1938-1945, Paris, Tallandier, 2015.

[2] http://www.enseigner-histoire-shoah.org/outils-et-ressources/fiches-thematiques/les-grandes-etapes-de-la-shoah-1939-1945/etude-de-cas-le-complexe-dauschwitz-birkenau-1940-1945.html

[3] https://www.sudouest.fr/2016/07/29/le-pape-francois-a-auschwitz-seigneur-pardon-pour-tant-de-cruaute-2451508-4834.php   https://www.youtube.com/watch?v=iuPlQK46efE 

[4] https://www.youtube.com/watch?v=Xy2-G6A2Tqk

[5] Karl Fritsch fut un des multiples rouages de la machine exterminatrice d’Auschwitz. Le plus connu, qui reconnut et décrivit toutes les atrocités commises, fut Rudolf Höss qui a inspiré le « roman » de R. Merle, La mort est mon métier paru en 1952.

[6] Signe du destin ? Franciszek signifie François

[7] Aux côtés des 3 000 SS du camp d’Auschwitz, des Kapos, criminels de droit commun chargés de surveiller les autres prisonniers et de les faire travailler. S’ils ne se montrent pas assez efficaces et donc brutaux, ils sont déchus de leur statut et renvoyés avec les autres prisonniers, ce qui signifie pour eux une mise à mort généralement atroce dans la nuit qui suit. De fait, les premiers prisonniers qui arrivèrent à Auschwitz furent trente Kapos allemands.  

[8] ‘ « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 9-17)

[9] Pape François, JMJ, Cracovie, 28 juillet 2016.

Prière du Cardinal Newman

Rayonne à travers moi
Seigneur Jésus.
inonde-moi de ton Esprit et de ta vie.
Prends possession de tout mon être
pour que ma vie ne soit
qu’un reflet de la tienne

Rayonne à travers moi, habite en
moi,
et tous ceux que je rencontrerai
pourront sentir ta Présence auprès
de moi.
en me regardant ils ne verront plus
que Toi seul,
Seigneur !

Demeure en moi et alors je
pourrai,
comme Toi. rayonner.
au point d’être à mon tour
une lumière pour les autres,
lumière, Seigneur,
qui émanera complètement de Toi,
c’est Toi qui, à travers moi,
illuminera les autres.

Ainsi nia vie deviendra une
louange à ta gloire,
la louange que tu préfères,
en te faisant rayonner sur ceux qui
nous entourent.
Par la plénitude éclatante de
l’amour
que te porte mon cœur.

Amen.

Un Livre

Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ
Olivier Rey

Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ.
Olivier Rey.
Éditions Conférence. Collection Choses humaines. 306 pages. 25 €

Olivier Rey propose une passionnante étude de la représentation religieuse, de Jésus à nos jours, dans un livre de grande qualité, abondamment illustré, d’un prix extraordinairement modique (25 €) pour un travail aussi soigné. La réflexion de l’auteur nous fait visiter ou revisiter l’Histoire de l’art, et nous éveille également à une réflexion profonde et plus que jamais opportune sur ses rôles, ses dérives, son avenir.

Dès sa naissance, le christianisme est confronté à l’interdit judaïque sur les représentations de Dieu dont la communication est conçue comme verbale, à l’exclusion de toute autre. Mais devenu témoin de l’incarnation en Jésus, l’homme peut dès lors se voir à l’image de Dieu, en tant que copie. « Voici donc l’immense « défi » auquel le christianisme confronte l’image : par la figuration, introduire à la transfiguration de l’ici-bas en ici-haut. » La contemplation de l’image de Jésus porte à se rapprocher du Père par la voie de la ressemblance commune et à le contempler dans le visage du frère humain, du prochain. L’image comporte le danger du fétichisme, c’est-à-dire d’adorer l’œuvre elle-même au lieu de ce qu’elle invite à contempler. C’est oublier que la fonction de l’art religieux n’est pas d’évoquer le sensible, mais l’intelligible. Ainsi, l’image artistique de Jésus représente non pas son humanité sensible, mais ce qui est intelligible, divin, dans son humanité. Ce défi fut relevé différemment en Orient avec l’icône et en Occident avec la relique ; plus d’ici-haut, en somme, en Orient, et plus d’ici-bas en occident, mais aussi plus de liberté. Chacune des traditions assume à sa manière un rôle de dévotion conjugué à une fonction ornementale. En Occident, la peinture assume également une fonction de pédagogie populaire en remplacement de la lecture inabordable des textes, et celle de favoriser la méditation privée des lettrés, à travers les enluminures par exemple.

L’image religieuse fait entrer l’invisible dans le visible, à l’imitation de l’incarnation, selon l’assertion de Denys l’aéropagite : « Dieu n’est rien de ce qui n’est pas, rien de ce qui est ». Elle associe donc longtemps figuratif et non-figuratif de manière à inviter à regarder au-delà de la représentation explicite, matérielle, car « (…) en même temps que chaque créature fait signe vers le Créateur, elle manifeste aussi la distance qui l’en sépare ». Mais peu à peu, avec la Renaissance, un certain naturalisme — une attention grandissante portée aux éléments naturels et à leur interprétation — fait reculer le symbolisme, induisant une perte de la dimension religieuse au profit de la dimension esthétique, et la peinture qui nourrissait la méditation vise dès lors à provoquer la sensation. C’est l’époque de la Réforme ou l’iconoclasme protestant, paradoxalement, contribue à sa manière à l’avènement de l’ère artistique en générant le collectionnisme des œuvres qu’il a révoquées. L’Église réagit en accroissant encore le caractère artistique des représentations, s’éloignant ainsi radicalement et définitivement de l’icône. Et les représentations de Dieu, humanisées ou au contraire éthérées, disparaissent à mesure que le monde se désenchante et que la relation entre art et dévotion se dissout pour ne plus devenir qu’une abstraction tout humaine.

Dans son achèvement contemporain, l’évolution aboutit à ce constat dont chacun fera la part de la perte ou du progrès : « Le sacré n’est plus dans les figures à peindre mais dans la figure de l’artiste ».

Et pendant ce temps là…

En ce début d’année, la pandémie, qui sévit depuis une année, continue de nous assaillir et perturbe la vie quotidienne de toute l’humanité. Nous en souffrons tous et supportons plus ou moins facilement, chacun selon son tempérament, cette situation qui implique fortement l’ensemble des personnels de santé et mobilise l’attention des dirigeants. Notre santé avant tout ! Les conséquences immédiates sont bien visibles et, malgré les dispositifs déployés par les gouvernants, les gens continuent de mourir dans la solitude des EHPAD et des hôpitaux, la situation économique se détériore dans tous les secteurs d’activité. La jeunesse, particulièrement affectée économiquement et culturellement, se désespère. Nous en souffrons tous, d’une manière ou d’une autre.

Les médias nous assaillent, eux aussi, au moins autant que la pandémie elle-même, sur l’évolution de la maladie, ses conséquences, les vaccins, les traitements, et multiplient les débats et informations souvent contradictoires sur le sujet, à tel point que nous pouvons conclure que personne ne sait de quoi il retourne. On ne parle plus que de ça et cela conditionne toute notre existence …

Et pendant ce temps là … le pape François invite à la fraternité universelle
Après Laudato Si, le pape poursuit sa recherche franciscaine avec l’encyclique Fratelli Tutti, Tous frères, une fraternité universelle, comme Saint François l’a rêvée. Cela interpelle la famille franciscaine et j’en citerai quelques passages pour illustrer notre actualité.

Fratelli Tutti: « Le XXIe siècle « est le théâtre d’un affaiblissement du pouvoir des États nationaux, surtout parce que la dimension économique et financière, de caractère transnational, tend à prédominer sur la politique. » (172)
« aujourd’hui, aucun état isolé n’est en mesure d’assurer le bien commun de sa population « (153)

Et pendant ce temps là … notre maison brûle
La gouvernance globalisée continue d’imposer son dictat sur la planète, au détriment des peuples et au profit des forts ; états ou conglomérats, c’est toujours la force qui domine. Cette gouvernance poursuit son exploitation forcenée des hommes et de la planète. Jacques Chirac a dit un jour « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ; malgré leur adhésion à la convention de Paris en 2015, nombre de pays, sous la pression des lobbies, peinent à mettre œuvre les politiques qui permettraient d’atteindre les objectifs fixés ; nous en avons un bel exemple chez nous avec le glyphosate. La planète Terre n’en peut plus d’être maltraitée, par les souffrances que nous lui infligeons, qui se traduisent par une lente et continue dégradation de la vie. Les convulsions de la terre, tempêtes, pluies diluviennes ou tremblements de terre qui en résultent, sont autant de signaux d’alerte qui ne sont pas pris en compte.
La montée du populisme qui se nourrit du nationalisme, partout dans le monde, et l’arrivée au pouvoir de dirigeants niant la crise environnementale et favorisant une économie orientée par la recherche du profit maximum, a encore accéléré cette dégradation.

Fratelli Tutti: « Incontestablement, « jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien ». Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Jamais plus la guerre ! »(258)

Et pendant ce temps-là … les conflits persistent
Dans les relations internationales, les Etats-Unis, avec la complicité des monarchies du golfe Persique et d’Israël, et en imposant un embargo sur l’Iran a donné un très mauvais signal, pour la recherche d’une solution pacifique des tensions au Moyen Orient ; en abandonnant l’Afghanistan, la Syrie et l’Irak, à leur sort, ils les condamnent à subir la loi de l’obscurantisme. La Chine de son coté poursuit sa répression à Hong Kong et sur les minorités Ouigours et Népalaises et poursuit ses pressions sur Taiwan.
Des conflits que l’on pensait éteints reprennent de la vigueur, conflits interethniques entre nomades et sédentaires, conflits pour le contrôle des territoires et l’exploitation des ressources de la terre, frontières contestées, conflits religieux … Des guerres se poursuivent sur tous les continents, et nos armées y participent parfois, sans contrôle de nos représentants élus, c’est-à-dire sans notre accord. Sans parler des livraisons d’armes de notre industrie aux belligérants …
Les condamnations des nations de l’Union Européenne, plombées par les désaccords entre états qui rendent sa diplomatie muette ont aussi peu de poids que celles de l’ONU. Que font les peuples européens pour peser sur leurs dirigeants ? Que faisons-nous ?

Fratelli Tutti: « Les migrants, si on les aide à s’intégrer, sont une bénédiction, une richesse et un don qui invitent une société à grandir » (135)
« Cela nécessite une législation globale, internationale pour les migrations » (132),
Le déploiement d’une collaboration internationale visant au développement intégral de tous les pays » (138)

Et pendant ce temps là … les migrations se poursuivent
Les migrants qui fuient la misère, la répression, la guerre, continuent de déferler sur l’Europe, qui les accueille dans des conditions indignes. Mais, si nous paraissons impuissants à les aider, eux sont déterminés, parce qu’ils savent ce qu’ils ont quitté.


Fratelli Tutti: « La fraternité a quelque chose de positif à offrir à la liberté et à l’égalité. »(103)
« Le droit à la propriété privée ne peut être considéré que comme un droit naturel secondaire et dérivé du principe de la destination universelle des biens créés … « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu’elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne » »(120)
« Chacun n’est pleinement une personne qu’en appartenant à un peuple, et en même temps, il n’y a pas de vrai peuple sans le respect du visage de chaque personne. »(182)

Et pendant ce temps là … les affaires continuent
Les riches continuent de s’enrichir et les pauvres de s’appauvrir, partout dans le monde, mais aussi près de chez nous, nous en sommes témoins chaque jour. Le chômage augmente et atteint des niveaux jamais connus depuis que les statistiques existent. Des millions de personnes continuent de souffrir de la faim, alors que beaucoup, chez nous, vivent confortablement confinés et repus.



Nous savons ce qu’il nous reste à faire: à nous de jouer !
Après cet inventaire peu réjouissant et un peu austère, je ne peux terminer qu’en vous souhaitant une année de bonheur, vécue dans l’espérance d’un avenir radieux, d’une fraternité que François nous invite à bâtir ensemble.

Jean-Pierre Rossi

Églises contre théâtres ?

Le monde du spectacle est l’un des secteurs d’activité les plus touchés par les restrictions décidées en haut-lieu, sans aucune visibilité quant aux espoirs de reprise, toujours renvoyée aux calendes grecques d’une amélioration sanitaire. Cette limite indéterminée, fluctuante, est un horizon ressenti comme arbitraire alors même que les lieux de spectacle ont engagé de longue date toutes les dispositions préconisées et suffisantes. Ainsi, nombreux sont les artistes désorientés qui ne comprennent pas que les lieux de culte dont la disposition matérielle est similaire à leurs lieux de travail puissent eux ouvrir à peu près librement.

D’une posture anticléricale assez répandue dans ces milieux du spectacle, ils interprètent cela comme un favoritisme d’État, fruit d’un mélange des genres entre Églises et Pouvoir, et se sentent les parents pauvres, « non-essentiels », d’une société où il se vivent souvent comme marginalisés. C’est évidemment une position puérile que d’accuser d’injustice celui qui n’en est pas, ou moins, victime que soi, plutôt que de restituer les responsabilités avec discernement au niveau où elles se prennent, et en l’espèce de « bouffer du curé » plutôt que d’engager une réflexion, voire une action, sur les incohérences de la gestion gouvernementale. Mais c’est là un des défauts courants du monde du spectacle dont je me permets de parler pour en avoir longtemps fait partie : un désintérêt habituel assez général pour la chose politique, et même citoyenne, un corporatisme non dénué d’un certain sentiment de supériorité, d’indifférence hautaine pour les conditions d’existence de ceux qui constituent pourtant leur public (hors certains rites caritatifs qu’ils voient parfois comme une simple possibilité d’affichage promotionnel). La situation extrêmement critique dans laquelle les artistes se trouvent aujourd’hui leur rappelle cruellement qu’ils font partie de la société, parce qu’en en étant exclus de fait, ils prennent brutalement conscience, peut-être, qu’ils en faisaient partie au delà de la billetterie et d’un succès attendu. Ils pourraient par exemple, au lieu de crier à la collusion du sabre et du goupillon, réfléchir aux dimensions sociales de leurs professions, à leurs rôles et à leurs places particulières dans l’humanité, la civilisation. Ils verraient peut-être enfin combien l’exercice de leur art s’est engagé de plus en plus, et sournoisement, dans la voie d’un échange de type commerçant avec un public qu’ils ont de plus en plus tendance à percevoir malgré eux comme un marché. Qu’est-ce qui est « essentiel » pour un artiste : gagner de l’argent ou se livrer à sa création ? Les deux bien sûr, car il faut bien vivre. Mais lorsque le gain détermine la création, peut-on encore parler d’art, et d’artistes ? Dire que ce que vivent les professions artistiques aujourd’hui est la mort de l’art et de la culture reviendrait à avouer qu’elles ne vivent que par, et donc pour, l’argent. Ce n’est heureusement pas le cas de très nombreux artistes de toutes disciplines dont la plupart, d’ailleurs, n’ont pas attendu la crise sanitaire pour manger de la vache enragée, quand il y en avait. Ceux-là, habitués au dénuement, survivront. Mais comme pour l’ensemble des acteurs économiques, ce sont les petites productions, les petites salles, les petits réseaux qui sortiront exsangues — ou ne sortiront jamais — de cette interminable disette. Le marché sera alors entièrement dégagé pour les produits de l’industrie culturelle aux reins autrement solides, et l’art aura complètement fini d’être l’émanation d’une population qui choisit en son sein des porte-voix pour traduire en mots, en sons, en images, la multitude de choses qui la traversent.

Mais si les artistes remettent la création authentique au centre de leur travail et de leurs préoccupations, l’humanité saura bien leur refaire la place qu’ils ont depuis l’origine des temps, et le public pourrait bien vite se désintéresser de la culture industrielle marchande pour redevenir ainsi une population en quête de sens. La rude épreuve que les artistes traversent est peut être l’occasion de cette très profitable remise en question. Encore faut-il s’y risquer… Peut-être après tout que ce que certains artistes envient aujourd’hui à l’Église, sans le voir ni le comprendre, bien plus que le privilège momentané de l’ouverture au public, c’est justement sa faculté à se remettre en question à travers les siècles pour se recentrer sur son rôle évangélique et salutaire, comme François d’Assise l’a poussée à le faire en son temps et comme le pape François s’y efforce courageusement aujourd’hui. Alors si c’est ça les amis : à vous de jouer !

Jean Chavot

Abbé Franz Stock

Il est des figures d’Église demeurées trop longtemps ignorées. Celle de Franz Stock en est une. Ce prêtre né en 1904 en Westphalie était l’aîné d’une modeste et fervente famille catholique. Très jeune, Franz aspira à devenir prêtre ; rien de bien original. Mais en 1926, il participa aux rassemblements internationaux de jeunes organisés par Marc Sangnier[1]. Le souci de Sangnier, laïc engagé, consistait à réconcilier l’Église avec le monde moderne et à œuvrer pour la paix. Ce fut une expérience qui marqua le futur séminariste de Paderborn[2]. Il participa avec 800 autres jeunes Allemands au sixième « Congrès démocratique international pour la paix » qui rassembla 6 000 jeunes de 33 pays différents. Il rencontra un Français très engagé socialement, Joseph Folliet[3], qui fonda les Compagnons de Saint-François.  

Favorable à un « pacifisme d’action », Folliet approcha en effet les délégués du Quickborn (on pourrait traduire par fontaine d’eau vive voire fontaine de jouvence) dont l’un des animateurs était Franz Stock. Ce mouvement était d’inspiration franciscaine et invitait à découvrir les bienfaits de la nature, du chant et de la marche[4]. Sa formation de prêtre le conduisit souvent en France et il fut, du reste, le premier étudiant allemand à s’inscrire à l’Institut Catholique de Paris. Fasciné par la France, il maîtrisait à la perfection le français. En 1930, avec le professeur Hans Wirtz, Franz[5] Stock fonda les Pionnieren des Heiliges Franziskus[6], branche allemande du mouvement des Compagnons de Saint-François.

En 1934, le cardinal-archevêque de Paris, monseigneur Verdier le nomma recteur de la paroisse allemande de Paris. Cet intellectuel et artiste qui peignait et lisait avec passion Pascal, Saint-François de Sales et Paul Claudel fut confronté dans son sacerdoce aux conflits qui agitaient l’Allemagne hitlérienne. Sa paroisse était fréquentée par de fervents nazis mais aussi par des réfugiés politiques ou raciaux qui venaient, toutes confessions confondues, chercher aide et secours auprès de Franz Stock.

Quand l’Allemagne occupa la France en 1940, le père Franz Stock devint aumônier des prisons allemandes à Paris. Une de ses tâches fut d’assister les otages et résistants condamnés à mort par les occupants[7]. Il accompagna de multiples condamnés à mort dont Honoré d’Estienne d’Orves, et Gabriel Péri[8], député communiste de Seine-et-Oise et membre du comité central du PCF, qui confia à Franz Stock son alliance afin qu’il la remette à son épouse. L’«aumônier de l’enfer »[9] cousit deux poches à l’intérieur de sa soutane, pour transmettre des objets, des messages et des écrits entre les détenus, leurs familles et leurs proches. Il offrit son soutien pastoral à ceux qui le souhaitaient et visita les détenus des prisons de Fresnes, de la Santé et du Cherche-Midi. À la fin de la guerre, il fut fait prisonnier par les Américains et confié aux Français. Il fut chargé d’organiser puis de diriger le « séminaire des barbelés »[10] rassemblant les séminaristes allemands prisonniers de guerre. L’ambition était de promouvoir la réconciliation et de jeter les bases d’une Europe nouvelle. Plus de 600 prêtres furent formés dans ce séminaire avant qu’il ne fût fermé en juin 1947. Franz Stock resta en France pour s’occuper des Allemands qui y séjournaient, mais les efforts qu’il avait dû déployer pendant la guerre puis à la tête du séminaire l’avaient tellement épuisé qu’il mourut à l’hôpital Cochin le 24 février 1948, âgé de 44 ans.[11] Il fut enterré le 28 février 1948 dans un complet dénuement au cimetière de Thiais. Considéré encore comme prisonnier de guerre, sa famille n’eut pas le droit de venir, et nul hommage ne fut rendu à cet homme de Paix. Apprenant à temps son décès, Mgr Roncalli[12], ignorant les précautions officielles, assista aux obsèques et, au nom de l’Église, rendit à l’abbé Stock l’hommage que la France n’osait lui rendre en affirmant :« Franz Stock, ce n’est pas un nom, c’est un programme ! ». Le 3 juillet 1949, les anciens résistants français rendirent à leur tour hommage à Franz Stock au cours d’une cérémonie commémorative publique au Dôme des Invalides. Enfin, le samedi 15 juin 1963, les restes de l’abbé Stock furent exhumés en présence de nombreux représentants de divers mouvements de la Résistance. Le monument funéraire, offert par les familles des anciens prisonniers et fusillés français, reconnaissantes, fut transféré à Chartres. Beau symbole de réconciliation : ce 15 juin 1963, Franz Stock fut enterré en l’église Saint-Jean-Baptiste de Rechèvres[13] alors qu’était ratifié le traité de Paris pour l’amitié franco-allemande. En 2009, L’archevêque de Paderborn, Mgr Hans-Joseph Becker, ouvrit une procédure de béatification en faveur de Franz Stock qui est en cours d’examen à Rome depuis 2014.

ÉRIK LAMBERT.


[1] Né en 1873, fondateur du Sillon, revue puis mouvement, il nourrit l’ambition de concilier le spiritualisme chrétien et les revendications populaires pour la justice sociale. Aspira à créer un mouvement démocrate-chrétien.
[2] Paderborn, ville du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Ouest de l’Allemagne) où se trouve un grand séminaire.
[3] Joseph Folliet s’est intéressé à l’apostolat social et à la politique. Ce fut aussi un grand spirituel. Lors d’un voyage à Assise, il découvrit le message franciscain et fonda en 1927 Les Compagnons de Saint François. Il participa aux premières activités de la J.O.C (Jeunesse ouvrière chrétienne), de la J.E.C (Jeunesse étudiante chrétienne) et de la J.A.C (Jeunesse agricole chrétienne). Actif dans le journalisme, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Temps Présent, il dirigea La Chronique Sociale de France. Résistant, Il participa à Témoignage Chrétien et s’engagea dans le réseau Mitterrand des prisonniers de guerre.
Après le conflit, il demeura très engagé pour le respect de la personne humaine, particulièrement lors de la guerre d’Algérie. Il devint prêtre en 1968.
[4] Apparu après la première guerre mondiale dans les cercles catholiques, ce groupement était l’un des nombreux mouvements de jeunesse qui se caractérisaient par le retour vers la nature, l’importance donnée à la communauté, un style de vie simple, la responsabilité du travail de groupe, l’indépendance et la proximité avec les renouveaux théologiques. Les randonnées et les campements en faisaient naturellement partie, l’abstinence d’alcool et de tabac jouait un grand rôle. Le sentiment d’appartenir à une communauté reçut une nouvelle importance grâce à la liturgie : la messe célébrée en communauté, les efforts pour la communion fréquente et surtout le combat pour une nouvelle compréhension des symboles liturgiques furent théologiquement réfléchis et mis en pratique. Celui qui appartenait à l’un de ces groupements de jeunesse pouvait se considérer comme faisant partie de l’avant-garde du catholicisme allemand.
[5] Prénom peut-être prémonitoire…Franz signifie François.
[6] Les pionniers de Saint-François.
[7] F. Stock, Journal de guerre : 1942-1947 : écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf.
[8] Honoré d’Estienne d’Orves : https://www.herodote.net/29_aout_1941-evenement-19410829.php
[9] R.Closset, L’Aumônier de l’enfer, Salvator , 1965.
[10] Au Coudray, près de Chartres. https://www.chartres-tourisme.com/explorez/toutes-les-visites/seminaire-des-barbeles-1360810
[11] « Jamais », écrivit le résistant Edmond Michelet, « Franz Stock ne se demande : est-ce un Allemand ou un Français ? Est-il chrétien, juif ou incroyant ? Est-il innocent ou coupable ? Une seule question se posait pour lui : a-t-il besoin de moi ? Comment puis-je alléger ses souffrances ? ».
[12] Futur Jean XXIII.
[13] https://www.chartres-tourisme.com/explorez/toutes-les-visites/eglise-saint-jean-baptiste-de-rechevres-1360797

« Patience et longueur de temps font-elles plus que force ni que rage ?»

Durant l’année écoulée, ce qui nous était apparu, de prime abord, comme un « simple virus » a suffi pour déstabiliser nos scientifiques et nos politiques, et pour mettre à mal notre existence au quotidien. Patience… Combien de fois n’avons-nous pas entendu ou prononcé cette injonction, tant il est vrai que notre monde, habitué à vivre, non le présent, mais l’immédiateté, a perdu le sens de cette vertu.

La patience est avant tout un attribut de Dieu. Dans l’Ancien Testament, Dieu est décrit comme miséricordieux et « lent à la colère » ; certes il punit en cas de nécessité, mais le plus souvent, il se montre longanime. Les manquements de l’homme à son Alliance ne le rebutent pas, et il laisse au pécheur le temps pour se repentir et revenir à lui. Son amour est fidèle et patient, il ne se dément pas, il sait attendre. Nombreux sont les passages proches de celui-ci : « Le Seigneur est miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein de fidélité. » (Ps 103,8) Et s’il advient que l’homme fasse preuve de patience, c’est qu’il a acquis une certaine sagesse : « Mieux vaut un homme lent à la colère qu’un héros, un homme maître de soi qu’un preneur de villes. » (Pr 16,32)

La Bible nous parle également d’une autre forme de patience : l’endurance, c’est à dire la persévérance dans la foi face aux épreuves, aux doutes, à l’incompréhension, à la souffrance, ou dans l’attente que se réalisent les promesses de Dieu. Des exemples nous en sont donnés à travers de grandes figures : Abraham, Moïse, Job, les prophètes…

C’est la patience de l’homme de foi qui ne se décourage pas, qui reste constant, même dans le malheur, qui s’en remet à la volonté de Dieu car il sait que son Seigneur ne l’abandonnera pas. C’est la patience du croyant qui attend dans la confiance que s’accomplissent les promesses divines et qui espère contre toute espérance.

Dans le Nouveau Testament la patience se conjugue avec l’espérance, celle du salut final « Car notre salut est objet d’espérance ; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérer : ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec constance » (Rm 8,24-25), celle des biens célestes à venir « vous avez soutenu un grand assaut de souffrances […] Ne perdez donc pas votre assurance ; elle a une grande et juste récompense. Vous avez besoin de constance, pour que, après avoir accompli la volonté de Dieu, vous bénéficiez de la promesse. » (He 10,32-38) Dieu ne choisit pas d’éprouver l’homme, par contre c’est l’espérance qui a pris corps en Jésus Christ qui permet au chrétien de tenir et de vérifier sa foi dans l’épreuve « Tenez pour une joie suprême, mes frères, d’être en butte à toutes sortes d’épreuves. Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit la constance » (Jc 1,2-3), « Heureux homme, celui qui supporte l’épreuve ! Sa valeur une fois reconnue, il recevra la couronne de vie que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. Que nul, s’il est éprouvé ne dise : C’est Dieu qui m’éprouve. Dieu en effet n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne » (Jc 1,12-13). Le croyant se conforme ainsi au Christ, exemple parfait de la patience dans l’épreuve jusqu’à la mort : « Car c’est une grâce que de supporter, par égard pour Dieu, des peines que l’on souffre injustement […] Or, c’est à cela que vous avez été appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces. » (1 P 2,19-21) Bien loin d’être passive, la patience se traduit par une attente active et dynamique qui engage tout notre être ; Paul et Pierre nous invitent à « courir avec constance l’épreuve » à laquelle nous sommes confrontés, notre patience s’en trouvera alors fortifiée. Enfin, Paul nous rappelle que nous vivons par l’Esprit et que nous devons marcher sous son impulsion, or « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). Le fruit de l’Esprit par excellence c’est l’amour et c’est l’amour seul qui produit la patience car : « il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune […] Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Co 13, 5-7)

François d’Assise, lui aussi, souligne que c’est dans les difficultés que se mesure notre patience : « Ce qu’un serviteur de Dieu possède de patience et d’humilité, on ne peut pas le savoir tant que tout va selon ses désirs… » (Adm 13). Dans le Cantique des Créatures, il loue la persévérance de ceux « qui supportent épreuves et maladies » en conservant la paix, il reprend également l’image de la couronne de vie qu’ils recevront du Très-Haut. Par ailleurs, il associe patience et humilité : humilité de celui qui renonce à sa volonté propre pour s’abandonner en toute confiance à celle du Père.

Souhaitons que l’année nouvelle nous redonne le goût de la patience…Patience envers nos frères et sœurs : il ne s’agit pas d’apprendre à les supporter mais d’apprendre à les aimer toujours davantage car seul l’amour peut transformer leur cœur et le nôtre. Patience face aux épreuves : quand tout semble se dérober, c’est dans la foi que nous puiserons l’espérance qui nous maintiendra fermes et résolus, car notre Père ne peut se détourner de nous. Nous savons bien que son amour et sa tendresse pour nous ne passeront jamais…

P. Clamens-Zalay

Saint Jean Chapitre 11 Versets 1-54

La Résurrection de Lazare

Remarques préliminaires

1. Utiliser le mot « résurrection » pour Lazare est équivoque ; au sens strict, il ne devrait s’appliquer qu’à Jésus, devenu « corps glorieux ». Pour Lazare, c’est plutôt le ‘retour à la vie’.

2. C’est le récit le plus long du 4ème évangile. Mais aussi le plus central (le 11ème des 21 chapitres). Il sert en quelque sorte de charnière aux deux grandes parties de l’évangile : il « clôt » le livre des « signes » (ch. 1-12), et prépare celui de « l’heure de la gloire » (ch. 13-21). C’est à partir du retour à la vie de Lazare que les juifs décident définitivement de mettre Jésus à mort. C’est parce qu’il a rendu la vie à Lazare qu’on va prendre la sienne.

3. Ce signe est le 7ème et dernier « miracle-signe » opéré par Jésus (4 en Galilée + 3 à Jérusalem) :
• Cana
• Guérison du fils de l’officier à Capharnaüm
• Guérison du paralytique de Bethzatha (Jérusalem)
• Multiplication des pains
• Marche sur la mer
• Guérison de l’aveugle-né (Jérusalem)
• Le retour à la vie de Lazare (Jérusalem)

Introduction

Lazare est un « Signe » : c’est à dire qu’il n’est pas qu’un fait, il est une prédication au travers d’un geste, une révélation en acte.
Révélation de deux vérités insoupçonnées, du moins pour un regard purement humain, purement « charnel », dirait Jean :

1. Jésus laisse deviner ici le mystère de sa condition transcendante ;
2. et en rendant la vie à Lazare, il symbolise sa propre résurrection prochaine.

La mystérieuse condition transcendante de Jésus

1. Après la guérison du paralytique de la piscine de Bézatha, Jésus disait : « En vérité, en vérité, je vous le dis, le Fils ne peut rien faire de lui-même, mais seulement ce qu’il voit faire au Père ; car ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. C’est que le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu’il fait ; il lui montrera des œuvres plus grandes encore, de sorte que vous serez dans l’étonnement. Comme le Père en effet, relève les morts et les fait vivre, le Fils aussi fait vivre qui il veut » (5, 19-21).
C’est ce qui se passe pour Lazare quand Jésus lui rend la vie.
Et l’on comprend alors le début de cet épisode, le retard de Jésus et l’une ou l’autre de ses réflexions : « Cette maladie n’aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu : c’est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié » (11, 4)
« … Notre ami Lazare s’est endormi, je vais aller le réveiller » (11)
« … Lazare est mort ! et je suis heureux pour vous de n’avoir pas été là, afin que vous croyiez » (15)

2. « … afin que vous croyiez ». Que les disciples croient à quoi ? Pas seulement au pouvoir de Jésus de faire des miracles, mais à sa condition tout à fait transcendante, qui seule explique un tel pouvoir sur la vie et sur la mort.
Et cette condition transcendante (cette ‘gloire’), c’est la condition même du Père.

3. Cette révélation sur la condition transcendante de Jésus est bien marquée par la progression de la triple confession de foi de Marthe (21-27)
• D’abord, tout comme sa sœur Marie après elle, la simple foi au pouvoir de Jésus sur la maladie : « … si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (21.32).
• Puis, sa foi (Marthe) à la résurrection générale à la fin des temps (24).
• Puis, sa profession de foi complète : je crois que tu es, Seigneur, de filiation et d’origine divine : « Oui, je crois que tu es la Résurrection et la vieque tu es le Messie, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde » (27). Marthe croit à ce Messie insoupçonné et stupéfiant, qui se prétend maître de la vie. C’est déjà le credo chrétien.

Fr Joseph

Prière de confiance (Suite)

Seigneur,
Donne-moi un cœur pur – afin que je te voie,
Un esprit humble – afin que je t’entende,
L’esprit de l’amour – afin que je te serve,
L’esprit de la foi – afin que je demeure en toi.

Toi
que je ne connais pas
mais à qui j’appartiens.

Toi
que je ne comprends pas
mais qui m’as voué à ma destination, Toi.