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EDITO mai 2023

Les maux de la gouvernance

La pénibilité au cœur du refus populaire du recul de l’âge de la retraite a mis au jour une aggravation générale de la souffrance au travail. Elle a trois expressions : avec l’empilement de superviseurs de la supervision et de gestionnaires de la gestion, le poids hiérarchique dans l’entreprise est devenu étouffant et la tâche écrasante ; le travailleur est entravé dans le bon accomplissement de sa tâche par des préconisations hiérarchiques qui nient sa compétence et le conduisent trop souvent, contre sa conscience mortifiée, à mal faire ; privé de vision du sens et du devenir de sa tâche dans l’œuvre commune, il voit son action, et par là sa personne, réduites à celle d’un automate. En même temps que la concentration des richesses, on assiste à l’aspiration de la responsabilité et du pouvoir de décision vers les sommets hiérarchiques dont s’ensuit l’inefficacité, voire l’arrogante impéritie d’« élites » coupées des réalités (exemple : l’héroïsme des soignants a maintenu l’hôpital à flot pendant le covid alors que ses gestionnaires beaucoup mieux payés auxquels ils ont dû désobéir pour agir étaient totalement inutiles et dépassés). La souffrance au travail est donc essentiellement causée par une gouvernance qui vise, davantage qu’à la juste répartition de l’effort et du gain, au renforcement du pouvoir et à l’accroissement de la richesse d’éminences isolées qui ne descendent jamais de leurs hauteurs qu’en parachute doré.

La même involution s’observe de manière analogue dans l’organisation de notre vie collective — la politique — comme le conflit sur l’âge de la retraite l’illustre de façon presque obscène. Ce qu’il est convenu d’appeler la « classe politique », formée de professionnels qui tendent à ne plus représenter qu’eux-mêmes, aspire elle aussi tout le pouvoir de légifération et de décision, avec là aussi le même résultat de concentration extrême et sa conséquence d’impéritie patente que la population subit de plein fouet (délabrement des services publics, décrépitude des institutions, inflation, dette…). La richesse collective que constitue le débat démocratique, spectaculairement dégradée, est en outre confisquée par une sphère médiatique consanguine des cercles de pouvoir et régie par de grands groupes industriels ou financiers. Dans une démocratie où un ministre (Franck Riester) ne craint pas de déclarer que le débat ne peut s’organiser qu’« autour des sujets sur lesquels on est d’accord », on peut s’attendre de la part du peuple souverain à d’énergiques rectifications de l’ordre du jour ainsi qu’à une grave et dangereuse perte de confiance dans les institutions gouvernementales. Rappelons que le mot ministre, dérivé de minus, signifie « serviteur », et que l’oublier met la société en péril : une gouvernance avisée résout les conflits ; une gouvernance qui s’exerce en son propre nom ne génère que désordres et violence.

Animés par la charité, les catholiques ont le moyen et le devoir d’apporter remède aux maux de la gouvernance. Mais s’ils sont retenus par une sécularisation de la société qui cantonne leur influence à la sphère privée, ils le sont plus encore par les maux qui affectent leur propre gouvernance ecclésiale, très loin d’être exemplaire, comme le souligne cruellement le rapport Sauvé : tant de crimes auraient-ils été possibles si les coupables n’avaient pas été isolés dans une superbe où ils concentraient pouvoir institutionnel et, prétendument, richesse spirituelle ? Reconstruire une saine gouvernance dans l’Église est la responsabilité de tous les fidèles inspirés par l’Évangile. Par lui, le « Très-Saint-Père » est plus justement et simplement nommé « serviteur des serviteurs de Dieu » car « Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9,35). Rappelons-nous et rappelons à nos propres ministres qu’à la veille du supplice, Jésus récusa le nom de « Maître » — que pourtant il est, et seul est — en accomplissant le geste du lavement des pieds dévolu aux esclaves (Jean 13,1-15). Il réitéra alors l’exhortation qu’il avait prononcée en dénonçant la domination hypocrite des scribes et des Pharisiens : « Pour vous, ne vous faites pas appeler Maître; car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. N’appelez personne sur la terre votre Père : car vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Docteurs ; car vous n’avez qu’un seul Docteur, le Christ. » (Matthieu 23,8-10). Faisons que par nous, aujourd’hui encore, Jésus proclame à tous que dans l’Église comme dans la Cité jusque dans le bureau ou l’atelier, le principe d’une juste gouvernance est celui de l’humilité fraternelle.

Le comité de rédaction

« Heureux les pacifiants !…»

C’est ainsi que frère Daniel PAINBLANC, Capucin de la communauté de Créteil, introduisait son intervention pour notre journée de retraite régionale, sur le thème « Etre artisan de Paix », le dimanche 19 mars 2023, au couvent des Capucins de la rue Boissonade, à Paris.
Etre pacifié pour être pacifiant…

Comment être en paix avec soi-même, avec l’humanité et la création ? Comment la paix émane-t-elle de nous ? Comment faire vivre la justice et la paix qui sont inséparables ? Comment être fraternel ?

Nos fraternités sont des lieux de communion, de conversion et de pacification où nous sommes appelés à découvrir notre vocation, à changer notre regard sur l’autre, à avoir et à conserver un cœur humble et courtois, même dans les situations de conflits.


Ainsi, si l’amour est un acte de volonté, la fraternité aussi. Etre frère mineur, c’est une manière évangélique d’être au monde !

Frère Daniel nous a invités à ne pas nous appesantir, à aller davantage de l’avant dans le sillon de l’esprit de François d’Assise, et, en ce temps de Pâques, à « commencer » une vie nouvelle d’artisans de Paix et de Fraternité…

Événements d’Avril

Parcours spirituel franciscain «Jusqu’en Dieu»
du samedi 15 avril, 18h au dimanche 23 avril 2023, 14h

Animé par Brigitte Gobbe, laïque franciscaine et les frères Eric Moisdon, ofm , Marcel Durrer, et Pascal Aude ofmcap

Ce parcours nous initie à entrer dans la contemplation de Dieu à travers toute réalité qu’il crée, ainsi que l’a vécu saint François : « Mon Dieu et toute chose !», lui qui fut rendu capable de saisir par l’amour de l’Esprit en lui tout être dans ce qu’il a d’unique et de précieux, ainsi que les liens entre tout. Le parcours, par de moyens variés – lecture et enseignements, implication du corps et des sens, liturgie, oraison et accompagnement – aide à déployer progressivement ce regard du cœur et de la foi.
Il s’agit d’une expérience bien spécifique, en silence, mais fortement fraternelle et active. Elle est un moyen de resourcement et de structuration spirituels et franciscains. La durée tient au texte de Bonaventure qui déploie les 7 jours de la création, et en fait de notre recréation.

Foyer Sainte Anne – 16, rue d’Avanne ,25320 MONTFERRAND LE CHATEAU –
Tél. : 03 81 56 51 38
foyersteanne@wanadoo.fr
https://foyersteanne.jimdofree.com/

Téléchargez le tract d’inscription 👉 C’est ici


Pèlerinage des mamans avec Marie en Terre sainte

Pèlerinage en Terre Sainte du 26 mai au 1er juin 2023
Le saviez-vous ? Saint François d’Assise nourrissait une grande dévotion pour Marie qu’il fit patronne de son Ordre. Fr. Carlos vous fera découvrir les trésors mariaux de la spiritualité franciscaine. Frère Carlos Gutierrez prêche des retraites et guide plusieurs fois par an en Terre sainte et en Italie.

En savoir + 👉 C’est par là


Marche vers Assise

Expérimenter l’Evangile avec François et Claire
Du 15 au 28 juillet 2023

• Un temps pour découvrir Saint François, Sainte Claire et leur spiritualité .
• Une expérience évangélique partagée ,dans les ermitages de la Vallée de Riéti et à Assise.
• Une vie simple, itinérante, fraternelle ,avec des temps de réflexion, de partage et de prière.
Ouvert à tous sans limite d »âge !

Pour les infomations pratiques et le programme détaillé.
Téléchargez le tract d’inscription

UN CARDINAL ENGAGÉ AUPRÈS DES PETITS.

Cardinal Paulo Evaristo Arns

C’est une époque déjà bien lointaine celle durant laquelle la Guerre froide régentait le monde. Obsédés par la menace communiste, les États-Unis soutenaient des dictatures sous prétexte de défendre les valeurs qui leur paraissaient les seules dignes de leur « modèle ». Ainsi en fut-il en mars 1964 lorsque le président brésilien João Goulart annonça une réforme agraire et la nationalisation de différentes compagnies pétrolières. La proximité du socialisme cubain incita certains à songer que le Brésil s’inspirait de l’expérience castriste. Un soulèvement militaire survint, poussant le Président Goulart à choisir l’exil alors que le Maréchal Castelo Branco mettait en place un régime de renforcement de l’exécutif et de libéralisme économique. Mais à partir de 1968, le régime militaire se heurta à une opposition qui, ne pouvant plus revêtir une forme parlementaire, se manifesta par des démonstrations de rue, des émeutes étudiantes, du terrorisme voire des enlèvements de diplomates étrangers. Une partie du clergé et même de l’épiscopat se rallia ouvertement à cette opposition. Les autorités plongèrent dans la dictature, renvoyant le Parlement, et gouvernant par décrets. Un comité de policiers et de militaires fut chargé de la lutte contre les activités subversives, n’hésitant pas à pratiquer la torture. Lutter pour la démocratie et les droits de l’homme fut le combat que menèrent certains prélats de l’ensemble de l’Amérique latine durant les années 1960-1980. 

Les franciscains ne furent pas absents de cette lutte. Il en fut ainsi de Paulo Évaristo Arns qui quitta ses fonctions d’archevêque de Sao Paulo, à l’âge de 76 ans, le 31 mai 1998. Il demeura vingt-sept ans à la tête de l’un des plus grands diocèses catholiques du monde, ouvrant ses paroisses aux persécutés du régime militaire, soutenant les actions des paysans sans terre, militant contre le néolibéralisme « qui laisse 32 millions de Brésiliens hors de la société ».

Évaristo Arns naquit le 14 septembre 1921 à Forquilhinha, dans l’État de Santa Catarina[1] dans le sud du Brésil, cinquième de treize enfants d’une famille d’immigrants allemands. Il entra en 1940 chez les franciscains au sein desquels il fut ordonné prêtre en 1945. Sa province franciscaine l’envoya en France étudier les langues anciennes et il obtint un doctorat de lettres classiques à la Sorbonne. Il repartit ensuite au Brésil où il se consacra principalement  à l’enseignement. Le 3 juillet 1966, Paul VI le nomma évêque auxiliaire de São Paulo, avant qu’il ne succède en 1970 au cardinal Agnelo Rossi. À la tête du diocèse de ce poumon économique qu’était Sao Paulo, il n’hésita pas à dénoncer les exactions de la dictature militaire et la pratique de la torture. Son combat fut permanent entre 1964 et 1985. Son élévation à la dignité de Cardinal à seulement 51 ans ne l’empêcha pas de continuer à mener un combat contre la dictature. Il contribua à faire sortir du Brésil des photocopies de documents gouvernementaux prouvant l’utilisation de la torture par les militaires. Défenseur acharné de l’option préférentielle pour les pauvres[2], il vendit le palais épiscopal pour construire des logements sociaux et n’hésita pas à affronter la Curie romaine à laquelle il reprocha sa bureaucratie, la façon dont fut traité le théologien de la libération Leonardo Boff[3] et le morcellement de son diocèse en cinq morceaux pour gêner son action. En effet, jugé trop proche de l’Église populaire et des théologiens de la libération, il accepta, en 1989, le découpage de son diocèse décidé par le Vatican. Il s’engagea auprès des plus démunis, en particulier ceux vivant dans les favelas et les quartiers périphériques de Sao Paulo, la mégapole brésilienne de 30 millions d’habitants, à l’image de l’immensité brésilienne. En 1985, Paulo Evaristo Arns créa l’ONG ‘la Pastorale de l’Enfant’ avec l’aide de sa sœur, la pédiatre Zilda Arns, décédée en Haïti lors du tremblement de terre de 2010. Cette ONG créée sous l’impulsion de l’Unicef et de l’ONU lutta contre la mortalité infantile particulièrement élevée au Brésil. Il était alors urgent de créer une mission destinée à pallier les carences du gouvernement dans la prévention et la santé publique. 

Après son retrait en 1998, il laissa la place au cardinal Claudio Hummes, un autre franciscain, Alors qu’il quittait sa mission, il déclara : « Je ne m’en vais pas. Je veux rester avec le peuple et je demeure aux côtés de ceux qui souffrent. Il est vrai que l’Église catholique passe par un moment de stagnation. Il y a une disproportion entre l’augmentation de la population de la ville de Sao Paulo et le nombre des fidèles pratiquants ». Il estimait toutefois que le problème n’était que provisoire. « Ce phénomène arrive presque toujours à la fin de chaque siècle. Certains catholiques sont attirés par d’autres religions. Il ne faut pas trop se plaindre et avoir foi dans l’avenir. Quand nous entrerons dans le nouveau millénaire, il faudra dire joyeusement : Regarde, tout commence de nouveau. Crois avec l’espérance plein le cœur ! » Par ailleurs, il pensait que la division de l’Église entre une aile progressiste et une aile conservatrice durerait jusqu’à la fin des temps. 

Il justifia à nouveau l’irruption et les razzias dans les supermarchés du Nordeste[4] menées par les victimes de la sécheresse, en affirmant que « Jésus donne raison à ceux qui  ont faim et qui font tout ce qui est possible pour tuer cette faim. Par contre, dévaliser les grands magasins, sans qu’une extrême nécessité l’exige, est un désastre ». 

Ce lauréat de la Médaille Nansen[5] et du prix Niwano[6] pour la paix retourne à l’enseignement, se consacrant à la chaire Unesco pour la paix, les droits de l’homme et la tolérance de l’Université d’État de São Paulo. Sa voix, très écoutée sur le continent, continue régulièrement à se faire entendre, ainsi en 2002 quand il reprocha ouvertement à Jean-Paul II d’avoir bloqué le débat sur le célibat sacerdotal.

L’ «intrépide pasteur » comme le qualifia le Pape François  mourut le 14 décembre 2016 à l’âge de 95 ans d’une bronchopneumonie. Sous la dictature, il s’éleva contre ceux qui violaient les droits de l’homme. Il avait par ailleurs donné un signal prophétique en lien avec la réalité vécue par le peuple, évitant à l’Église du cœur économique brésilien de succomber à la tentation ecclésiastique de ne se soucier que de « questions domestiques ». Au contraire, il engagea l’Église dans les quartiers pauvres de la périphérie de la grande ville, participant à la lutte ouvrière, aux mouvements sociaux et aux grands problèmes politiques brésiliens. Son combat ne fut pas sans danger et du reste, une biographie intitulée Dom Paulo Evaristo Arns, Un Homme aimé et persécuté[7], parue en 1999 au Brésil, écrite par deux journalistes Evanize Sydow et Marilda Ferri, révéla des faits inédits sur la vie de l’ancien archevêque de Sao Paulo. Entre autres, un attentat contre le prélat brésilien à la fin du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) à Saint-Domingue en 1992. 

Il n’était pas et il n’est toujours pas de tout repos de se battre aux côtés des petits. 

Érik Lambert.


[1] Coincé entre l’État du Parana au nord et celui du Rio Grande do Sul au sud. Il a une frontière avec l’Argentine.
[2] L’expression « option préférentielle pour les pauvres » ou « option prioritaire pour les pauvres » a été pleinement intégrée à l’enseignement social de l’Église par Jean Paul II. Elle vient d’Amérique latine, en premier lieu du courant de la théologie de la libération, ainsi que des développements réalisés par les évêques lors de deux rencontres du CELAM (Conférence épiscopale d’Amérique latine et des Caraïbes). Au CELAM de Medellin (1968), il est question de viser « une répartition des tâches et du personnel apostolique qui donne effectivement la priorité aux milieux sociaux les plus pauvres et les plus nécessiteux », mais c’est à Puebla (1979) que fut directement utilisée l’expression « option préférentielle pour les pauvres ». De là, elle va s’étendre à l’Église entière. L’expression « option prioritaire pour les pauvres » est apparue sur un continent profondément marqué par la présence massive des pauvres mais surtout par leur émergence consciente sur la scène continentale. C’est l’époque où sévissaient en Amérique latine de nombreuses dictatures utilisant des méthodes répressives à l’égard des mouvements populaires et où se développait l’implantation de multinationales au comportement prédateur. De fortes pressions nord-américaines s’exerçaient : le fameux rapport Rockefeller en 1969 fut suivi des deux Documents de Santa Fé qui recommandaient au gouvernement nord-américain de lutter contre le courant de la théologie de la libération, jugé néfaste. Dans ce contexte, il n’apparaissait plus possible à un certain nombre de théologiens et de pasteurs de penser la foi chrétienne sans l’articuler sur un comportement, une pratique sociale et politique qui favorise la libération des pauvres. 
[3] https://franciscains94.com/2023/02/28/un-franciscain-engage-leonardo-boff/
[4] Les données issues des enquêtes menées par l’Institut brésilien de géographie et statistique (IBGE) indiquent de façon très claire que le Nordeste est la région du Brésil où la pauvreté affecte la proportion de population la plus importante.
[5] La distinction Nansen pour les réfugiés doit son nom à un célèbre explorateur norvégien, Fridtjof Nansen. Non content d’avoir exploré les régions polaires du globe, il fut aussi la première personne à occuper le poste de Haut-Commissaire pour les réfugiés. Nommé par la Société des Nations alors que l’Europe luttait pour se reconstruire au lendemain de la Première Guerre mondiale, Fridtjof Nansen a durablement marqué les esprits par la force de son engagement en faveur des réfugiés.
Depuis 1954, la distinction Nansen donne lieu à l’attribution d’une médaille et de 150’000 dollars américains mis à disposition par les gouvernements suisse et norvégien. Elle est décernée, chaque année au mois d’octobre, à une personne ou à un groupe en récompense de leur dévouement exceptionnel en faveur de la protection des réfugiés.
Par l’intermédiaire de ses lauréats, la distinction Nansen cherche ainsi à illustrer les valeurs de persévérance et de conviction face à l’adversité défendues par Fridtjof Nansen.
[6] Depuis 40 ans, le prix Niwano de la paix est remis chaque année par la fondation japonaise Niwano. La fondation cherche tous les ans à mettre à l’honneur une personnalité ou un groupe en reconnaissance d’un travail social ou d’un engagement en faveur de la paix, des droits de l’homme et du développement, basé sur une conviction religieuse.
[7] Evanize Sydow et Marilda Ferri, Dom Paulo: um Homem Amado e Perseguido

Le père Éric de Rosny, tel que je l’ai connu

Vous trouverez dans la rubrique « culture – deux livres » une présentation d’un passionnant recueil d’articles d’Éric de Rosny : « Cultures et guérisons »

Je m’appelle Pierre-Thierry EMALIEU. Je suis religieux camerounais, membre de la Congrégation des Missionnaires Xavériens. Le père jésuite Éric de Rosny, à propos duquel je fais ce témoignage, a surtout vécu, pendant son séjour Camerounais, à Douala, ville où j’ai grandi. Outre la direction d’un collège (le collège Libermann) qui a formé une frange importante de l’élite intellectuelle camerounaise, les Jésuites y animent un centre spirituel, une paroisse, et l’aumônerie des prisons.
Le père de Rosny a été professeur au collège Libermann. Quand j’étais au lycée, il partageait la vie de la communauté jésuite du Centre spirituel de Bonamoussadi. A Douala, et dans d’autres régions du Cameroun, il était bien connu en raison de sa manière atypique d’habiter le ministère presbytéral. En effet, le prêtre catholique français qu’il était, avait vécu l’itinéraire initiatique proposé, dans la culture du peuple douala, à ceux qui se destinent à devenir « nganga », c’est-à-dire prêtres et guérisseurs traditionnels. Dans un contexte où, en dépit des travaux des théologiens africains qui posaient les jalons d’une inculturation du christianisme en Afrique, la pastorale ordinaire des diocèses désormais dirigés par des évêques africains avait tendance à s’inscrire dans une logique d’affrontement vis-à-vis des religions traditionnelles, son attitude bienveillante à l’égard de celles-ci suscitait des interrogations et des réactions contrastées. En effet, des chrétiens convaincus de ce que l’assomption de la foi chrétienne devait être articulée aux éléments lumineux des cultures africaines, trouvaient en lui un repère ; ceux qui prétendaient avoir radicalement rompu avec le « monde des ancêtres » le critiquaient virulemment ; les adeptes des religions traditionnelles saluaient en lui le prêtre qui avait reconnu et accueilli avec respect les richesses de celles-ci. Son bureau du Centre spirituel de Bonamoussadi était fréquenté par de nombreuses personnes désireuses d’être accompagnées, dans leur quête de guérison et de sens, par celui que l’on appelait affectueusement le « prêtre-guérisseur ».
J’eus l’occasion de le rencontrer personnellement à Yaoundé, au cours de mon premier cycle de théologie. La communauté du théologat xavérien à laquelle j’appartenais l’avait invité, dans un premier temps, à donner une conférence sur le thème des pratiques de guérison dans les cultures traditionnelles africaines ; il avait ensuite été sollicité pour l’animation d’une semaine de retraite selon les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Sa personnalité nous avait alors fortement impressionnés : une grande paix et une profonde tendresse se dégageaient de lui ; il parlait des « choses » de la culture traditionnelle sans porter sur elles aucun jugement. Cela tenait sans aucun doute à son réflexe d’anthropologue. Par ailleurs, la sérénité avec laquelle il s’exprimait laissait entrevoir la rencontre harmonieuse qui s’était opérée en lui, au fil des années, et probablement au prix de douloureuses « conversions », entre le christianisme occidental d’où il venait, et les religions sous-jacentes aux cultures des ethnies camerounaises au sein desquelles il témoignait du Christ. Sans cesser d’être français, il était devenu camerounais dans l’âme ; l’altérité des religions traditionnelles à laquelle il s’était ouvert, loin de l’aliéner, lui avait fait découvrir le « lieu » à partir duquel parler de Jésus-Christ à l’homme africain !

Père Pierre-Thierry EMALIEU, sx.

« Regard franciscain sur le travail »

Lorsque François d’Assise aborde la question du travail, c’est toujours en référence à ses frères et, pour lui, il s’agit essentiellement de travail manuel. C’est ainsi qu’il fait clairement la distinction entre « labor », le travail accompli de ses mains, tel celui du paysan ou de l’artisan de l’époque, et « opus » ou « operatio » qui correspond davantage à une occupation, un ouvrage, c’est-à-dire une activité licite, ou encore la prière, la prédication, l’étude.
« Les frères qui savent travailler, travailleront, et exerceront le métier qu’ils connaissent, si ce n’est pas contraire au salut de leur âme et s’ils peuvent s’y adonner honnêtement… Et que chacun reste dans la profession et le métier où il se trouvait quand il a été appelé. » (1 Reg 7, 3.6), « Je veux que tous mes frères travaillent et se donnent de la peine ; ceux qui ne connaissent pas de métier, qu’ils en apprennent un. » (2 Cel 161)
Pourquoi François insiste-t-il autant sur la nécessité pour les frères de travailler ?
Tout d’abord, parce que ce doit être le moyen principal de subsistance des frères : non pas pour gagner un salaire, mais pour n’être à la charge de personne. S’ils n’ont pas de métier, les frères se font engager pour toutes sortes de travaux : vannerie, poterie, maçonnerie, récolte des olives et des noix, distribution d’eau…et le plus souvent, ce sont les travaux des champs, puisqu’ils peuvent se faire embaucher comme journaliers, même lorsqu’ils sont sur les routes. En échange, ils reçoivent un paiement en nature, mais en aucune façon de l’argent. François est très strict sur ce point : « En compensation de leur travail, ils pourront recevoir ce qui est nécessaire à la vie du corps, pour eux et pour leurs frères, à l’exclusion de la monnaie et de l’argent. » (2 Reg 5,3) Et si, d’aventure, leur tâche accomplie, ils ne reçoivent rien, alors ils iront quêter comme le font les plus pauvres : « Lorsqu’on ne nous aura pas donné le prix de notre travail, recourons à la table du Seigneur en quêtant notre nourriture de porte en porte. » (Test 22)
Ensuite, pour François, le travail est un excellent remède contre l’oisiveté qu’il exècre : « Les tièdes, ceux qui ne s’adonnent à aucun travail habituel, il disait que le Seigneur les vomirait de sa bouche. Personne ne pouvait demeurer devant lui à ne rien faire sans recevoir de mordantes leçons. » (2 Cel 161) Il n’a de cesse d’exhorter ses frères à ce sujet et de les mettre en garde, car il considère que l’oisiveté est la porte ouverte à toutes sortes de tentations, qu’elle ne peut qu’entraîner au mal, en pensées ou en paroles, qu’elle est donc l’ennemie de l’âme. Et Thomas de Celano de se lamenter sur les libertés prises par certains frères, au fil du temps, avec les directives de François, et de fustiger les paresseux : « ils veulent se reposer avant même d’avoir travaillé…ils sont inaptes à la contemplation. Ils scandalisent tout le monde par leur comportement, travaillent plus des mâchoires que des mains…sans se fatiguer, ils vivent de la sueur des pauvres gens…ils ne sont même pas dignes de porter l’habit. » (2 Cel 162)
Le travail est également une aide, un service auprès des plus petits, de ceux que la société méprise (les paysans, les lépreux…) ; il est aussi un exemple s’il est vécu pleinement dans un esprit de minorité : « Ils étaient des « mineurs », soumis à tous, ils cherchaient la dernière place et l’emploi méprisé qui pourrait leur valoir quelque avanie…ils trouvaient à s’employer honnêtement, et là ils se faisaient, avec humilité et dévotion, les serviteurs de tous…ils ne s’adonnaient qu’à des travaux saints, justes, honnêtes et utiles, exemple d’humilité et de patience pour tout leur entourage. » (1 Cel 38-39) C’est pourquoi François rappelle aux Ministres et aux prédicateurs qu’ils doivent « mendier et travailler manuellement comme les autres frères pour le bon exemple et pour le profit de leurs âmes et de celles d’autrui. » (LP 71) Évangéliser le peuple de Dieu, c’est lui porter la parole du Christ, mais c’est aussi témoigner par sa vie, en partageant les conditions d’existence des plus pauvres, en peinant à la tâche comme eux, et avec eux.
Enfin, François donne des recommandations à ses frères sur la manière d’exercer leur travail : ils doivent le faire « avec fidélité et dévotion, de telle sorte que, une fois écartée l’oisiveté ennemie de l’âme, ils n’éteignent point en eux l’esprit de prière et de dévotion dont toutes les valeurs temporelles ne doivent être que les servantes. » (2 Reg 5, 1-2) Se donner à son travail de tout son cœur, certes, mais sans en faire une fin en soi, pour qu’il ne devienne pas un obstacle à la rencontre et à l’union avec Dieu.

De plus, il insiste pour que ce travail n’aille pas à l’encontre de leur condition de « frères mineurs » : il ne doit pas les placer en situation de pouvoir ou de domination sur autrui, il ne doit pas non plus les conduire à posséder ou à manipuler de l’argent : « Que nul des frères, placé ici ou là pour un service ou un travail chez autrui, ne soit jamais trésorier, chancelier ni intendant…mais il se fera petit et soumis à tous ceux qui habitent la même maison. » (1 Reg 7,1-2) « Tous les frères s’appliqueront à suivre l’humilité et la pauvreté de notre Seigneur Jésus-Christ…Si nous avons de quoi manger et nous vêtir, nous devons nous en contenter. Ils doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades et des lépreux, et des mendiants des rues. » (1 Reg 9,1-2)
Un dernier point : le travail manuel est devenu très vite une source de tensions au sein de l’Ordre, déjà du vivant de François, beaucoup de frères lui préférant le travail intellectuel, la prédication, ou toute autre tâche. Dans la lettre qu’il adresse à Antoine de Padoue pour l’autoriser à enseigner la théologie, François semble revoir sa position et reconnaitre dans cette activité un réel travail ; il lui fait, d’ailleurs, la même recommandation qu’aux travailleurs manuels : « Il me plaît que tu enseignes aux frères la sainte théologie, à condition qu’en te livrant à cette étude, tu n’éteignes pas en toi l’esprit de prière et de dévotion, ainsi qu’il est marqué dans la Règle. » (8 Let 2)
Pour conclure, Franciscains aujourd’hui, nous avons nous aussi à « annoncer le Christ par la vie et par la parole » (Projet de Vie 6). Alors quel regard portons-nous sur notre travail ? N’est-il qu’un moyen de gagner notre vie et de consommer toujours plus ? Si nous avons des talents dans notre secteur d’activités, les mettons-nous au service de la communauté ? Si nous avons des responsabilités, les exerçons-nous dans un esprit de minorité ? Sommes-nous prêts à agir, dans notre milieu professionnel, pour améliorer les conditions de travail de chacun et pour que règne une plus grande solidarité ? Veillons-nous suffisamment à ce que le travail ne vienne pas étouffer en nous l’Esprit du Seigneur ?
On pourrait multiplier les questions à l’infini et ce, d’autant plus aujourd’hui, alors que c’est le sens même du travail qui interroge…
A l’exemple de François, notre Projet de Vie nous invite à estimer « le travail comme un don, et comme un moyen de participer à la création, à la rédemption et au service de la communauté humaine. » (PDV 16)

P. Clamens-Zalay

Pour aller plus loin 👉 « François et le travail des frères » de Pierre Béguin, paru dans Evangile Aujourd’hui, n° 179

Quelques témoignages anciens sur Saint Jean et le quatrième évangile (suite)

Avec ces témoignages qui nous viennent d’Asie Mineure et qui, par Irénée qui avait connu Polycarpe qui avait connu saint Jean, nous relient aux sources apostoliques ; on peut citer aussi les témoignages de Clément, d’Origène, d’Eusèbe, qui, ceux-là, passent par l’Orient et la Terre-Sainte.

Clément d’Alexandrie est né à Athènes, vers 150 ; après des voyages au cours desquels il a visité notamment la Palestine, il s’est fixé à Alexandrie vers 180 et y a fondé une école célèbre. Il est mort vers 211-216.
A propos des Evangiles il dit :
« Pierre ayant prêché la doctrine publiquement à Rome et ayant exposé l’Evangile par l’Esprit, ses auditeurs qui étaient nombreux, exhortèrent Marc, en tant qu’il l’avait accompagné depuis longtemps et qu’il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu’il avait dit : il le fit et transcrivit l’Evangile à ceux qui le lui avaient demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils, pour l’en empêcher ou pour l’y pousser.
Quant à Jean, le dernier, voyant que les choses corporelles avaient été exposées dans les Evangiles, poussé par ses disciples, et divinement inspiré par l’Esprit, il fit un Evangile spirituel. » (Eusèbe VI.XIV.6-7)

Origène qui était né à Alexandrie en 185, a été le disciple de Clément et son successeur à la tête de la célèbre Ecole. Après avoir voyagé lui aussi, il a été ordonné prêtre, vers 230, en Palestine, et s’est retiré à Césarée, où pendant 20 ans il a fondé et dirigé une école elle aussi demeurée célèbre. Il a écrit l’un des premiers commentaires de l’Evangile selon Jean.
Voici son témoignage :

« Comme je l’ai appris dans la tradition au sujet des quatre Évangiles qui sont aussi seuls incontestés dans l’Eglise de Dieu qui est sous le ciel, d’abord a été écrit celui qui est selon Matthieu, première¬ment publicain, puis apôtre de Jésus Christ : il l’a édité pour les croyants venus du Judaïsme, et composé en langue hébraïque. Le second est celui selon Marc qui l’a fait comme Pierre le lui avait indiqué : celui-ci d’ailleurs le déclara son fils dans son Epître catholique, où il dit « L’Eglise élue, qui est à Babylone vous salue, ainsi que Marc mon fils ».
« Et le troisième est l’Evangile selon Luc, celui qui a été loué par Paul et composé pour les croyants venus de la gentilité. Après tous, l’Evan¬gile selon Jean. »

Dans les Commentaires sur l’Evangile selon Jean, il dit :

« Que faut-il dire de celui qui a reposé sur la poitrine de Jésus, de Jean, qui a laissé un Evangile, en déclarant pouvoir faire plus de livres que le monde ne pourrait en contenir, et qui a aussi écrit l’Apocalypse, où il reçoit l’ordre de se taire et de ne pas écrire la voix des sept tonnerres ? Il a laissé aussi une Epître, de très peu de lignes, et peut-être une deuxième et une troisième … » (Eusèbe : Hist. Eccl. VI.XXV. 4-6).

Eusèbe enfin, né vers 265 à Césarée de Palestine, a été évêque de cette ville en 313. Il a recueilli l’enseignement d’Origène dont il a été le disciple. Il a écrit aussi son « Histoire ecclésiastique », 9 volumes, recueil précieux de tous les témoignages apostoliques des premiers siècles.

A propos de saint Jean il dit :

« En ces temps-là, demeurait encore en vie, en Asie, celui qu’aimait Jésus, Jean, à la fois apôtre et évangéliste, qui gouvernait les Eglises de ce pays, après être revenu, à la mort de Domitien, de l’île où il avait été exilé (III.XXIII.I). »
« Et maintenant, indiquons les écrits incontestés de cet apôtre. Et tout d’abord il faut certainement recevoir l’Evangile selon Jean qui est reconnu par toutes les Eglises sous le ciel. C’est à juste titre qu’il a été placé par les anciens au quatrième rang après les trois autres, comme il est évident par ce qui suit. Les hommes inspirés et vraiment dignes de Dieu, je dis les apôtres du Christ, ont été extrêmement purifiés dans leur vie et ont orné leurs âmes de toute vertu ; mais ils connaissaient mal la langue : c’est par la puissance divine et capable de prodiges qui leur avait été accordée par le Sauveur qu’ils étaient forts ; ils ne savaient pas expliquer les enseignements du Maître par la persuasion et l’art des discours, et ils ne l’essayaient même pas. Seules la démonstration de l’Esprit divin qui collaborait avec eux et la puissance thaumaturgique du Christ qui agissait par eux, leur étaient utiles. » (III.XXIV.1.3)

Fr Joseph

Prière

Saisir avec douceur

Seigneur,
Toi qui as dit « Bienheureux les doux,
Ils posséderont la terre »,
donne-moi de saisir
chaque chose avec douceur;
le téléphone et la valise,
la plume et le balai,
la fourchette et le plat,
et surtout la main qui se tend vers moi.

Seigneur,
Toi qui as dit « Apprenez de moi
car je suis doux et humble de cœur »,
donne-moi d’accueillir
toute chose avec douceur ;
la joie et la peine,
l’encouragement et la critique,
l’instant tel qu’il est
et surtout l’autre tel qu’il se présente.

Vierge pleine de grâce,
Vierge du Sourire,
restaure en moi la divine douceur,
apprends-moi a guérir ceux que j’ai blessés,
que ta tendresse fasse surgir sur mes lèvres
les paroles qui rétablissent la paix.

Soeur Emmanuelle

Une Expo un livre

Les néo-romantiques sortent des nimbes de l’oubli.

Précipitez-vous au musée Marmottan-Monet qui ouvre ses salles aux oubliés de l’art moderne. Prenez du temps car, avant de découvrir ces artistes « post-Picasso », vous pourrez flâner au fil des salles de cet hôtel particulier perdu aux confins des boulevards des maréchaux. Des impressionnistes, de belles œuvres de Berthe Morisot, des œuvres de la fin du XVIIIème siècle, des enluminures et des peintures de la Renaissance s’offrent aux regards des visiteurs. Jusqu’au 18 juin 2023, une exposition permet de découvrir de grands méconnus: les néo-romantiques, peintres du milieu des années 1920 à la fin des Trente Glorieuses. Qui étaient-ils ?

Un groupe hétéroclite composé d’une poignée de Français, d’un solide contingent de Russes, et de quelques électrons venus d’ailleurs.
Ils s’appelaient Christian Bérard, Thérèse Debains, Pavel Tchelitchew, les frère et soeur Berman, Serebriakoff, Kristians Tonny. Lorsqu’ils exposèrent pour la première fois à la galerie Druet, rue Royale, à Paris, il était difficile de qualifier leur inspiration : « Néo-humanistes » ? « néo-romantiques » ? Une constante au-delà de la diversité : un certain mal de vivre. En effet, leurs thèmes de prédilection sont la mélancolie, l’exil, la nostalgie. Des scènes de genre, des paysages, des portraits qui plongent dans les préoccupations de leur temps : métaphysique, psychanalyse, surréalisme. Ce n’est pas un hasard du reste si au milieu de leurs toiles s’immisce subrepticement deux artichauts solitaires peints par Chirico. Leur palette de couleurs est souvent sombre, on ne sait plus où est la réalité, la fiction ; on flotte dans un imaginaire féérique pris par la main de Christian Bérard qui nous guide dans cet univers fascinant. Toutes ces œuvres méritent qu’on les rencontre à Marmottan. Comment demeurer insensibles à ces peintres originaux, loufoques, créatifs en diable, animés d’une poétique mélancolie qui sourd dans chacune des salles ? Ces peintres nous entraînent durant toute la visite dans une ambiance étrange et mystérieuse. On parvient au bord d’une triste lagune vénitienne qui accueille toute une série d’objets, puis au fil de cinq tableaux, on traverse un camp de bohémiens aux toiles de tente déchirées, au sol sec ; morne existence de ces familles. On partage le désespoir d’une femme effondrée, probablement en pleurs dans un décor de misère seule Gorgone mortelle, non plus femme fatale mais à la fatale destinée.

Comment ne pas être ébloui par le cabinet-ruine de Léonor Fini et Eugène Berman qui répond à l’armoire anthropomorphe bordée de créatures ailées aux chevelures ondoyantes ? Il ne manque plus que de diffuser dans la salle la superbe chanson Des Dingues et des paumés d’Hubert-Félix Thiéfaine.

Appréciés et soutenus par Christian Dior, Elsa Schiaparelli, les mondaines Marie Laure de Noailles et Marie Blanche de Polignac, Helena Rubinstein, les poétesses Gertrude Stein et Édith Sitwell, l’écrivain Julien Green ou encore Jean Cocteau, Jeanne Lanvin, Louis Jouvet et tant d’autres, ils sombrèrent toutefois dans un inexplicable oubli ; peut-être écrasés dans la « Picassomania ». Ni abstraits, ni cubistes, difficile dès lors de se faire une place en ces temps.
Ils évoluèrent avec leur époque et certains tel Tchelitchew participèrent au psychédélisme des années 1970 et firent vibrer les couleurs vives.
Il est encore temps ! Partez donc à la découverte de ces œuvres, de ces artistes, qui bouleversent et s’offrent à vos regards jusqu’au 18 juin au Musée Marmottan-Monet, à la faveur de l’exposition « Néo-romantiques, Un moment oublié de l’art moderne 1926-1972. »

Érik Lambert


Cultures et Guérisons
Éric de Rosny – L’Intégrale

Le père Pierre-Thierry Émalieu, de la Congrégation des missionnaires xavériens a bien voulu joindre à cette présentation son témoignage vivant et éclairant que vous trouverez dans notre rubrique « Partage ».

Éric de Rosny, Cultures et guérisons Édition Livreo Alphil, 2022,
1264 pages, 49€.
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Jeune missionnaire jésuite marqué par la guerre d’Algérie, Éric de Rosny débarque en 1957 à Douala, port camerounais sur le point de connaître une expansion spectaculaire, pour y enseigner dans un collège. Les souffrances de certains de ses élèves le touchent ; leurs manifestations et leurs causes indéchiffrables le frappent tant la distance culturelle lui semble infranchissable. Mais il n’est pas homme à reculer devant l’inconnu. Porté par sa foi profonde et animé par une curiosité d’anthropologue qui manifeste son indéfectible amour du prochain, il s’installe dans un quartier populaire, apprend la langue de ses voisins et découvre l’importance vitale pour eux du « guérisseur », ou nganga, seul à même de les protéger contre le mal et son véhicule : la sorcellerie. Gagnant le soutien de sa hiérarchie, il alerte les autorités sur l’erreur et les dangers de traduire hâtivement les termes d’une culture dans une autre et lutte pour leur faire admettre les bienfaits et la complexité de la tradition, en particulier l’opposition foncière entre guérisseur et sorcier, sauvant notamment de la prison Din, son ami nganga qui l’initie à partir de 1970 aux « réalités cachées de la terre », ou ndimsi.

Cinq ans après, « les yeux ouverts » du prêtre (ordonné en 1961), aux facultés d’intuition antérieurement stimulées et éduquées par les exercices spirituels ignaciens, sont dessillés sur le mal, la violence inhérente à l’humanité, qui mine d’angoisse les êtres et leurs relations. Il comprend que différemment de notre conception héritée des Grecs du corps matériel et de l’âme immatérielle, la tradition africaine décrit l’être humain doté de deux corps matériels, l’un visible et l’autre tout aussi matériel, quoique invisible, et que les maux de l’angoisse naissent de leur disjonction. Il observe comment et combien la collectivité, la famille, le village sont déterminants pour la santé de l’individu, et réciproquement : quand la médecine occidentale soigne un organe pour guérir un corps, la médecine traditionnelle africaine soigne toute la personne pour guérir tout le groupe. Éric de Rosny fait sienne la définition de l’OMS : « La santé est un bien-être parfait, physique, psychique, et social », en insistant sur le dernier terme. « Guérir, c’est d’abord rétablir un ordre cosmique » écrit-il, trouvant sa place de « tradipraticien » et de prêtre parmi les trois grandes entités d’intervention contre la maladie : l’hôpital ; la tradition ; les Églises, dont il ne privilégie aucune au détriment d’une autre, les considérant comme complémentaires chacune dans son domaine d’action. La très grande valeur de sa recherche et de sa pratique provient de ce qu’il ne renie jamais rien de sa propre culture, ni encore moins de sa foi et de sa religiosité, tout en s’ouvrant de la façon la plus large et audacieuse au monde qui s’offre à ses deux paires d’yeux, celle qui voit le visible et celle qui voit l’invisible dans « la révélation d’une réalité maintes fois regardée sans être vue ». Sa position de praticien, de prêtre catholique comme d’anthropologue n’est jamais celle du jugement, il est au contraire toujours soucieux du service du prochain dans le plus grand respect, en particulier devant ce qui échappe à sa compréhension, réalisant ainsi une fructueuse inculturation. « Au-delà ou en deçà de la vision de mes visiteurs, je perçois une expérience de la vie qui, elle, nous est commune et qui seule importe » écrit-il à propos de ceux qui viennent le consulter au Centre de Rencontre catholique. Il ne se montre jamais critique qu’envers le charlatanisme qui opère dans la sphère traditionnelle et envers son pendant dans celle des Églises : l’agressif prosélytisme pentecôtiste Importé des USA.

Les trois volumes de ce recueil de presque tous les articles écrits par Éric de Rosny jusqu’à se mort en 2012 se lisent comme une épopée de connaissance et d’amour de l’humanité. L’écriture est souple, imagée, directe, en un mot généreuse comme son auteur qu’on a un plaisir et une gratitude infinis à suivre dans ses découvertes, ses descriptions et ses réflexions, dans ses voyages, ses explorations au cœur d’une Afrique visible et invisible, si mal connue de nous du fait de notre tendance à couvrir le chant du monde de ritournelles à notre gloire occidentale, à penser que tout ce qui ne nous ressemble pas est erroné ou archaïque. Éric de Rosny est l’exception qui sauve car il observe, participe, se donne sans jamais oublier d’où il regarde, réfléchit et agit : « Toutes ces données qui viennent d’un monde très ancien et qui n’est pas celui de ma culture, je les respecte, je me les explique en partie mais je ne les adopte pas ». Ce n’eût pas été honorer l’Afrique que de se prendre pour un Africain. C’est si vrai que le 1er juillet 2002, il fut élevé à la dignité des vingt-sept « hommes-souche » garants de la tradition.

Jean Chavot


Pour Tommy
Quand un père dessinait pour son fils dans le camp de Terezin

B.Fritta, H. Azoulay, Pour Tommy, 22 janvier 1944,
Éditions du Rocher, 2023, Monaco,
160 pages, 17,90€.

Le philosophe Raymond Aron écrivit dans ses Mémoires« Le génocide, qu’en savions-nous à Londres ? Ma perception était à peu près la suivante : les camps de concentration étaient cruels, la mortalité y était forte ; mais les chambres à gaz, l’assassinat industriel d’êtres humains, non, je l’avoue, je ne les ai pas imaginés et, parce que je ne pouvais pas les imaginer, je ne les ai pas sus ». Après la guerre, l’opinion eut du mal à percevoir ce que fut la spécificité de la Shoah. La magnifique chanson de Jean Ferrat Nuit et Brouillard était une ode à la liberté sansdistinguer les Juifs des résistants : « Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux ». Ce fut dans les années 1970 qu’émergea une prise de conscience de ce que fut cette extermination. Nombre de livres sont parus depuis. L’ouvrage de Berdich Fritta est une belle pierre à la mémoire de l’indicible. L’artiste s’appelait en fait Fritz Taussig, qui, après une formation artistique à Paris, devint dessinateur dans un ­cabinet d’architecture praguois, puis graphiste pour la publicité. Il adopta un pseudonyme, Fritta, avec lequel il contribua au Prager Tagblatt et à un magazine satirique tchèque antifasciste Simplicus, inspiré du périodique allemand Simplicissimus et de l’hebdomadaire français L’Assiette au beurre

Pour Tommy est le recueil de dessins réalisés par un père pour le troisième anniversaire de son petit garçon Thomas-Tommy né en janvier 1941. L’enfant fut interné à Theresienstadt avec sa mère en juillet 1942, six mois après son père, dans ce qui était la vitrine des camps-ghettos[1] nazis, vitrine visitée durant huit heures en juin 1944 par une délégation du CICR qui suivit un parcours préétabli[2]. À partir du 22 janvier 1944, Fritta croqua Tommy, le dessina, imaginant ce qu’aurait pu être sa vie de bébé autre part, en d’autres temps. Fritta dirigea la Zeichenstube – atelier de dessin graphique- du camp, chargée entre autres, d’organiser la construction de la ligne de chemin de fer qui traversait le camp. Or, il exploita cette position pour utiliser le matériel à sa disposition afin d’immortaliser la vie quotidienne des détenus de Terezin. À travers ses dessins sombres en noir et blanc, il dénonçait l’horreur de la Shoah en Bohême-Moravie. Les nazis apprirent que des dessins étaient diffusés hors de Theresienstadt. Fritta fut torturé par Eichmann puis déporté à Auschwitz, où il mourut rapidement de dysenterie et d’un empoisonnement du sang. Toutefois, il avait pu cacher ses dessins dans une caisse de métal enterrée dans une cour de ferme. L’ami de Fritta, Léo Haas, lui-même artiste juif polyvalent, considéré comme appartenant au courant expressionniste, exhuma les œuvres à la libération. La maman du petit Tommy ayant péri du typhus en février 1945, seul Tommy avait survécu, Haas et son épouse Erna adoptèrent Thomas. 

La première page s’ouvre sur un gâteau d’anniversaire et trois bougies puis la deuxième montre Tommy, bébé cadum, angelot joufflu aux fesses roses, regardant par la fenêtre, les pieds sur une valise qui porte son numéro « AAL/710 ». Il regarde vers le futur ; son papa l’imagine voyageant à dos de tortue, en avion ou en bateau ; faisant profession de musicien, d’ingénieur, de détective, de boxeur, de peintre, mais surtout pas d’homme d’affaires ou de général. Il le dessine avec sa future fiancée en un conte de fées qui n’en ai pas un, au milieu des fleurs, des papillons sous le regard bienveillant d’un soleil joyeux. Au cœur de l’horreur, un rayon de lumière sans qu’apparaisse le camp, si ce n’est peut-être avec un mur en ruines symbole d’une espérance en un avenir radieux hors du ghetto : « Ce livre est le premier d’une longue série que je veux peindre pour toi »

Le dernier cadeau d’un père à son fils, le seul souvenir empli de tendresse et d’amour qui demeure pour ce petit bonhomme devenu grand, c’est ce recueil de dessins à feuilleter inlassablement. Le défi est de mettre des mots pour imaginer qui était ce père finalement inconnu. C’est aussi la tâche à laquelle s’est livré Hélios Azoulay, écrivain, poète, acteur, compositeur, clarinettiste dans la seconde partie de l’album comportant quelques œuvres plus sombres de Fritta. Quelques lignes jetées à la suite d’un mot, d’un lieu comme un répertoire. 

Tout ceci fait œuvre mémorielle car six millions de personnes éliminées est quelque chose de difficile à imaginer mais personnifier une telle catastrophe la rend plus accessible. À la mort de Tommy en 2015, ses quatre enfants léguèrent Tomíckovi au Musée juif de Berlin. Pour Tommy ; c’est une clef contre l’oubli. 

Érik Lambert


[1] En 1941, les nazis établissent un ghetto à Theresienstadt (Terezin), une ville de garnison située dans le nord-ouest de la Tchécoslovaquie, pour y interner les Juifs de Bohême-Moravie, des Juifs âgés et des personnes « émérites » du Reich, ainsi que plusieurs milliers de Juifs des Pays-Bas et du Danemark. Bien que le ghetto, gouverné par la SS, soit en pratique un camp de transit pour les Juifs avant leur départ pour les camps d’extermination, il est également présenté à des fins de propagande comme une « implantation juive modèle ». La vie dans l’enceinte du ghetto de Theresienstadt est administrée par le « Ältestenrat » (Judenrat), dirigé par Jacob Edelstein. Malgré la surpopulation, la pénurie alimentaire et les travaux forcés, l’importance des activités culturelles et éducatives à l’intérieur du ghetto reflète le désir de vivre des prisonniers et leur besoin de se divertir face à l’épreuve. Fin 1943, lorsque les premiers rapports sur les camps d’extermination font surface, les nazis décident de présenter Theresienstadt à une commission d’enquête de la Croix-Rouge internationale. Dans le cadre des préparatifs de la visite de la commission, ils procèdent à un plus grand nombre de déportations vers Auschwitz, afin de réduire la surpopulation du ghetto. Des boutiques factices, un café, une banque, une école, des jardins d’enfants et autres sont ouverts et des jardins fleuris sont aménagés dans l’ensemble du ghetto. La commission de la Croix-Rouge vient visiter le ghetto le 23 juin 1944. Les rencontres avec les détenus ont été méticuleusement planifiées. A l’issue de la visite, les nazis produisent un film de propagande au sujet de la nouvelle vie des Juifs placés sous la protection du Troisième Reich. Une fois le film achevé, la plupart des acteurs, ainsi que la quasi-totalité des dirigeants indépendants et la grande majorité des enfants du ghetto sont envoyés dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau. La surpopulation, la malnutrition et les conditions sanitaires épouvantables entraînent la prolifération de maladies au sein de la population du ghetto. En 1942, 15 891 personnes, soit la moitié de la population du ghetto, meurent à Theresienstadt. Plus de 155 000 Juifs passeront par Theresienstadt avant sa libération le 8 mai 1945. Au total, 35 440 personnes périrent dans le ghetto et 88 000 de ses habitants furent déportés et assassinés. Site de Yad Vashem : https://www.yadvashem.org/fr/shoah/a-propos/ghettos/theresienstadt.html#narrative_info
[2] https://www.youtube.com/watch?v=p1vC5DvqVBk

Edito d’Avril 2023

« Le cri du pauvre monte jusqu’à Dieu, mais il n’arrive pas à l’oreille de l’homme. »

Ainsi s’exprimait Lamennais en 1834 dans Paroles d’un croyant, puisant son inspiration dans les paroles du Christ. Le cri des pauvres arrive-t-il aujourd’hui aux oreilles des catholiques ou sont-ils voués à défendre un ordre social établi ? Dès 1945, la présence de Gaston Tessier, de Georges Bidault, d’Eugène Claudius-Petit au sein du CNR illustra l’engagement catholique dans les mesures assurant la sécurité physique et économique des travailleurs par le contrat de travail. Mais force est de constater que les politiques néolibérales, la globalisation et les conséquences de la révolution numérique remettent en cause l’ambitieuse architecture de protection sociale patiemment tissée depuis deux siècles. L’actuelle réforme des retraites, dans la droite ligne du constant « détricotage » des dispositions du programme intitulé « Les Jours heureux par le CNR », montre qu’il s’agit bien d’un choix de société. Les chrétiens ne peuvent y rester indifférents car il en va du bonheur de l’être humain.

La finance et le capital donnent le la. Le travailleur n’est qu’une variable d’ajustement parmi d’autres. Les lobbies privilégient leurs intérêts sans se soucier des plus démunis. Ils amassent pour amasser. Comment le chrétien pourrait-il demeurer muet alors que l’intérêt commun est bafoué par l’hégémonie arrogante de l’infime minorité qui s’attribue le bénéfice du travail du plus grand nombre ? Car ne nous y trompons pas : si les plus riches encensent la « valeur travail », c’est pour s’octroyer la plus grande part de la richesse en mettant à profit la technologie. Aujourd’hui encore, l’Évangile incite les chrétiens à être soucieux des conditions d’existence et des souffrances des plus petits car la dignité de chaque personne humaine est essentielle. Si l’Église ne doit abandonner personne sur le bord de la route, et si elle doit aussi cheminer avec les nantis, elle a d’abord vocation à être en Dom Helder Camara, en Oscar Romero, en l’abbé Pierre, en Jacques Gaillot, en Mère Thérésa, en Jerzy Popiełuszko. Pourtant l’institution, craignant sans doute de s’aliéner les bien-pensants, a déserté le monde ouvrier : Pie XII mit fin à l’expérience des prêtres-ouvriers qui pointaient à l’usine et parfois même s’engageaient dans les conflits sociaux et politiques ; Jean-Paul II humilia le prêtre et poète Ernesto Cardenal. Mais où doit se trouver l’Église si ce n’est aux côtés des humbles ? Nombreux sont les laissés pour compte du règne de l’économique et du financier. L’’être humain n’a que peu de valeur dans une société technologique lancée dans la course folle d’un « progrès » prométhéen. « Aucun effort de pacification ne sera durable, il n’y aura ni harmonie, ni bonheur dans une société qui s’ignore, qui met en marge et abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même » déclara le pape François lors des JMJ de Rio.

Les chrétiens ont un rôle à jouer : celui de gardien du souci de l’humain. Ils ont le devoir de faire entendre la voix de l’Évangile dans une société qui multiplie exclusions et injustices. Alors, oui ! Le cri de Lamennais est toujours celui des chrétiens face à l’iniquité de réformes qui pèsent toujours sur les petits au profit des riches. « … que le riche et le patron se souviennent qu’exploiter la pauvreté et la misère et spéculer sur l’indigence sont choses que réprouvent également les lois divines et humaines. Voilà que le salaire que vous avez dérobé par fraude à vos ouvriers crie contre vous, et la clameur est montée jusqu’aux oreilles du Dieu des armées » Frères et sœurs en Christ, souvenons-nous de ces paroles de Léon XIII et soyons des combattants de la justice afin de proclamer la Vérité.

Le comité de rédaction