« je ne meurs pas, j’entre dans la Vie »
Certains jours sont épinglés dans nos mémoires — comme le jour de l’An, ou le 11 septembre à New-York — et d’autres parce qu’ils nous touchent plus personnellement. En cette saison automnale, la date du 2 Novembre fait figure d’intruse. De quoi s’agit-il ? Qui d’entre nous, aujourd’hui, connaît le sens de ce jour particulier que certains calendriers nomment encore : « souvenir des défunts ».
Disons tout de suite que la manière anonyme de nommer cette date fait oublier le souvenir de ces hommes et de ces femmes qui furent vivants pour nous, avant de disparaître. L’histoire de chacune et chacun a d’abord le poids de sa vie personnelle avant d’entrer dans le silence de l’Histoire de l’humanité.
Tous donnent leur vie, certains sans violence et sans bruit, d’autres d’une manière tragique ou brutale, certains dans une lutte quotidienne ignorée et d’autres dans une lutte déclarée, blessés par l’ennemi du moment ou marqués par l’issue d’un conflit. La mort peut être la fin d’un combat au goutte à goutte, mais la vie est donnée et c’est le versant positif du cycle de la vie et de la mort, le mystère pascal auquel personne n’échappe.
Thérèse de Lisieux ne fit pas beaucoup parler d’elle durant sa brève existence menée à l’écart de tout, par choix et aussi à cause de l’épreuve de la maladie. Proche de la mort, elle murmure cette parole : « je ne meurs pas, j’entre dans la Vie ». Elle donne, en peu de mots, la réalité de la vie spirituelle et c’est une Bonne Nouvelle dont elle témoigne : la Vie éternelle n’est pas un temps précis, ni passé ni à venir. Thérèse donne une autre lecture de la Vie : L’Eternité en Dieu pulvérise les catégories de notre histoire humaine.
La référence à l’Evangile apporte quelques éléments de ce qu’est la vie nouvelle en Dieu. L’expression « Ne me retiens pas » en dit long sur la distance et la proximité du royaume. Et nous sommes tous concernés. À partir de la résurrection de Jésus, les disciples ne peuvent plus s’interroger : « qui nous roulera la pierre
du tombeau » ? Cette question devient vaine dans l’univers de Dieu.
En entrant dans la foi, nous entrons dans le mystère de Dieu et nous passons de la mort à la vie. Nous devenons des « Eveillés » et nous comprenons mieux cette parole de Paul : « vous êtes le corps du Christ». C’est une identité et un projet à intégrer à notre propre parcours personnel.
Faire mémoire de ceux et de celles qui nous ont précédés, c’est se situer à ce niveau de l’existence. Evoquer leur souvenir, c’est prendre en compte la vie et la mort données pour que d’autres vivent. Leur vie nous réconforte, nous fortifie et nous en sommes pleins de reconnaissance. Le jour particulier du 2 Novembre comporte ce passé invisible d’une vie traversée qui nous construit et dont nous sommes solidaires.
Fr. Thierry