Le Frère Pierre REINHARD, franciscain-prêtre (1932-2011)

A été une figure marquante de la fondation missionnaire confiée aux Franciscains du Nord Togo.

Né le 19 septembre 1932 à LA GRAND’COMBE (Gard/ diocèse de Nîmes), dans une famille de 9 enfants. Il entra au noviciat franciscain le 1er octobre 1950 à Gillevoisin, et fut ordonné prêtre le 27 juin 1959 à Orsay.
Il poursuivit des Etudes de catéchèse à l’Institut catholique de Paris (1959-1961)

En septembre 1959 Pierre part pour la fondation missionnaire franciscaine du nord Togo, qui deviendra le diocèse de Dapaong. Après deux années de préparation sur place, essentiellement par l’étude de la langue, Pierre exercera diverses charges :
Directeur de l’école des catéchistes de Bombuaka : de 1964 à 1984. Responsable de la catéchèse du diocèse
Supérieur des franciscains du Togo, de 1969 à 1978, Vicaire général du diocèse en 1979

Le 1er mars 1984, après la démission de Mgr Barthélémy HANRION, Pierre est nommé Administrateur Apostolique du diocèse, en attendant que l’on puisse nommer évêque un prêtre originaire du pays. Il exerce cette charge jusqu’en 1991.

Pierre continuera à servir : économat du diocèse, vicaire du dimanche. Il poursuit aussi ses études de la langue et de la culture Moba dont, il fut un des meilleurs connaisseurs.

Pierre laisse une œuvre écrite importante :
Dictionnaire, Grammaire, Description de la langue Moba, Proverbes du pays Moba
Traductions des textes liturgiques, des quatre Evangiles, du Livre des Actes des Apôtres,
Il a aussi animé les équipes chargées de préparer des parcours de catéchèse.
Et divers rituels : Baptême des adultes par étapes, bénédiction des chapelles, Funérailles
Pierre avait plusieurs cordes à son arc : l’apiculture, la viticulture, le volley-ball.

Nommé gardien de la maison franciscaine de Maogjwal, à Dapaong.
En 1996, Pierre est nommé Délégué du Provincial de la Province de France Ouest, pour la fondation franciscaine de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Bénin et Togo), A ce titre il travaillera à la création de la Province franciscaine du Verbe incarné (actuellement : Côte d’ivoire, Bénin, Burkina-Faso et Togo).A la création de cette Province, en 2001, Pierre, comme les autres frères européens, a opté pour l’appartenance à cette Province africaine.

Il est entré dans la Paix de Dieu, le dimanche 27 février 2011 à Paris, dans sa 79è année, après 61 ans de vie religieuse et 52 de sacerdoce.
Il a laissé le souvenir d’un religieux fervent, bon animateur de la vie en fraternité, animé d’un vrai zèle missionnaire, assumant avec conscience et compétence les diverses charges qui lui furent confiées.
La messe de funérailles a été célébrée vendredi 4 mars 2011, dans la chapelle du couvent de Paris7, rue Marie-Rose, 75014 PARIS. L’inhumation a eu lieu le samedi 12 mars 2011 à Dapaong (Togo)

Fr Luc Mathieu, ofm

L’APOCALYPSE

Le genre « Apocalyptique » :

Dans l’AT nous avons Daniel, mais aussi dans Ezéchiel (1.2.38.39), Isaïe (24-28 ; 34-35), Zacharie (9-14), Joël. Dans le NT, le livre de l’apocalypse, mais aussi Mc 13 (discours eschatologique) et parallèles ; 2 Th. 2, 1-12.

C’est un genre littéraire qui a pris naissance dans le judaïsme tardif. Mais avant tout disons que nous avons fait de ce mot ‘apocalypse’ un synonyme de catastrophe ! Une apocalypse, c’est une révélation. En temps de crise, on revient d’instinct aux apocalypses comme aux sources de l’espérance. Nous verrons la raison de cela plus tard. Mais pour l’instant, disons qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle espérance : celle qui est lucide, qui pousse dans les moments de conflits et d’affrontements. Une espérance fondée sur la fidélité de Dieu, maître de l’avenir.
Le mot ‘apocalypse’ veut dire : « écarter le voile » ; donc « révéler ». Pour comprendre cela, il faut sortir d’une conception grecque que nous avons concernant le temps. On dit assez souvent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : cela montre une conception cyclique du temps. Pour l’homme de la Bible, le temps est linéaire : c’est une histoire qui avance, tout en progressant, vers un terme. Alors le prophète intervient dans cette histoire pour susciter, encourager, mais aussi mettre en garde. Sa mission est de faire vivre à plein ses contemporains dans le présent en leur révélant le plan de Dieu. Cette parole est, donc, liée essentiellement aux circonstances présentes. Alors, s’intéresse-t-il à l’avenir ? Oui, mais en tant qu’il donne sens au présent, c’est-à-dire rappeler le but de la marche : Dieu et son règne. Mais le jour de Dieu reste voilé aux yeux des humains.
Dans un temps de crise, le prophète sent que ces paroles ne suffisent pas. Et parce que les temps sont durs, parce que les événements contredisent le dessein de Dieu, on cherche à voir ce dessein, voir cette fin des temps. Dieu est censé, à ce moment-là, écarter le voile. La prophétie devient apocalypse.
Le point essentiel de l’apocalyptique, c’est l’annonce d’un grand jour où Dieu établira son Royaume sur la terre et jugera les hommes. Il faut donc discerner les signes précurseurs.

Comment fonctionne cette apocalypse ?

Pour comprendre la démarche, prenons l’exemple du ‘saut en longueur’.
Celui qui va sauter se trouve à un point donné : la planche d’appel. Mais pour sauter le plus loin possible, il commence par reculer de 50 à 60 mètres, puis il les parcourt à toute vitesse ; quand il arrive à la planche il saute emporté par son élan.
Un autre exemple. Quand nous avons une décision importante à prendre, on commence généralement par regarder notre passé – et à partir de cette analyse, on parie dans le même sens sur l’avenir.
L’auteur d’apocalypse fonctionne pareillement. Il ignore la fin des temps autant que nous. Mais il est sûr d’une chose : Dieu est fidèle. Donc, pour savoir ce qui se passera à la fin des temps, il relie l’histoire de son peuple en cherchant à découvrir les grandes lois de l’agir divin ; à partir de là, il projette à la fin des temps ces grandes lois. Mais attention, ces grandes lois ne concernent pas la vie morale ou religieuse des hommes. L’auteur du livre de Daniel écrit lors de la persécution des années 165/164 avant notre ère. Et pour savoir comment tout cela se terminera, il regarde un autre temps difficile, celui de l’exil (entre 587 et 538). Il parcourt alors rapidement l’histoire entre 587 et 164, puis il projette en avant ce qu’il a découvert dans ce survol historique. Il ne voit pas des événements précis, mais la façon dont Dieu, fidèle à lui-même, achèvera l’histoire. Cela « le voyant » ne peut le faire qu’en ayant recours à des images et à un langage symbolique, parce que les mots sont déficients. Prenons des exemples : « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête » – « Il était écroulé de rire », ou encore « Je ne vais pas attendre 107 ans ». En utilisant ces expressions, ni celui qui les utilise, ni celui qui les reçoit, ne les prend au pied de la lettre. On fait plutôt attention à ce qu’elles suggèrent.

Le langage apocalyptique est codé :

Blanc
Rouge
Noir
7
6
666
3 ½






12
4
3
10
1000
144000
Les yeux
La main
La tête
Les ailes
Les jambes et les pieds
Corne
Cheveux blancs
Robe longue
Ceinture en or
Debout
Assis

Victoire, pureté
Meurtre, violence, sang des martyrs
Mort, impiété
Chiffre parfait, la plénitude
(7-1) = l’imperfection
Le comble de l’imperfection
(7:2) = temps de l’épreuve
Ce chiffre peut apparaître sous plusieurs formes :
1 temps, des temps et ½ temps
3 ans ½ ou 3 jours ½ ou 42 mois ou 1260 jours.
👉 C’est la même valeur symbolique 👈
Israël, ancien et nouveau
Le monde créé
Chiffre du ciel
Quantité importante
Une très grande quantité
12 x 12 x 1000 (tous les élus)
La connaissance
La puissance
L’autorité
La mobilité
La stabilité

Puissance
Éternité
Dignité sacerdotale
Pouvoir royal
Résurrection
La stabilité

Fr. Joseph

« François…ou quand l’autorité se fait service. » 1ère partie

A l’époque de François, celui ou celle qui était à la tête d’une communauté religieuse portait un titre qui n’était pas sans évoquer une certaine forme de pouvoir : le « supérieur » d’une congrégation, par exemple…François n’a rien voulu de tel pour ses frères. Dès qu’il a fallu structurer et organiser la vie de l’Ordre, il s’est démarqué de cette conception d’un pouvoir très hiérarchisé, et parfois sans partage, au sein même de l’Église. Pour celui qui aura la responsabilité de ses frères, François a retenu le titre de « ministre », c’est-à-dire de « serviteur » : « Sur aucun homme, mais surtout sur aucun autre frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination. Comme dit le Seigneur dans l’Évangile, les princes des nations leur commandent, et les grands des peuples exercent le pouvoir ; mais il n’en sera pas de même parmi les frères : qui voudra être le plus grand parmi eux sera leur ministre et serviteur, et le plus grand parmi eux sera comme le plus petit. » (1 Reg 5, 9-12)

Pour François, exercer son « autorité », terme qu’il utilise plus volontiers, ne peut se faire que dans un esprit de service, qui se vit dans l’humilité et la minorité.
Le Christ qu’il se plaît à contempler est un Christ humble et pauvre de cœur qui s’est abaissé pour nous rejoindre dans notre condition humaine et nous révéler l’amour du Père, un Père dont il s’est fait le serviteur obéissant jusqu’à la mort, comme nous le rappelle Paul quand il exhorte les Philippiens à faire régner entre eux humilité et service, à l’exemple de Jésus : « n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun, par l’humilité, estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus : lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2, 3-8)

Observer le Saint Évangile et suivre les traces du Seigneur Jésus Christ, telle est la Règle de François pour lui et pour ses frères, à qui il confère l’appellation de « mineurs » : les plus petits parmi les hommes, les humbles serviteurs de tous. « On ne donnera à aucun frère le titre de prieur, mais à tous, indistinctement celui de frères mineurs. Ils se laveront les pieds les uns aux autres. » (1 Reg 6,3)
Le lavement des pieds, geste d’amour et d’humilité que Jésus accomplit en s’abaissant, lui le Maître, pour prendre la condition de serviteur, va inspirer à François sa conception de l’autorité, dans un esprit de service et de minorité. « Vous m’appelez le « Maître et le Seigneur » et vous dites bien, car je le suis. Dès lors si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » (Jn 13, 13-15)

Certains textes nous décrivent l’empressement des frères à vivre de cet esprit : « Enracinés dans la charité et l’humilité et fondés sur elles, chacun révérait l’autre comme son maître et seigneur. Et ceux que signalaient leur fonction ou leurs capacités, se reconnaissaient à leur plus grande humilité et leur souci de toujours prendre la dernière place. » (AP 26b)
Et pour ceux qui s’en écartent, François ne manque pas de le leur rappeler, quitte à être cinglant : « Malheur au religieux qui, appelé à de hautes fonctions, refuse ensuite d’en descendre de son plein gré. Heureux le serviteur qui, appelé malgré lui, à de hautes fonctions, n’a d’autre ambition que de servir les autres et de s’abaisser sous leurs pieds. » (Adm 20, 3-4)

Il va même plus loin : non seulement il demande à ses frères de se faire les plus petits, les minores, de se considérer comme des serviteurs inutiles, mais il leur demande également d’être soumis à toute créature : « Jamais nous ne devons désirer d’être au-dessus des autres ; mais nous devons plutôt être les serviteurs et les sujets de toute créature humaine à cause de Dieu. » (1 Let 47)

Il se montre également très circonspect vis-à-vis des frères trop férus d’études et de science car il sait pertinemment que le savoir peut éloigner du service des frères et peut aussi donner un réel pouvoir sur autrui : « La science, disait-il, rend difficile l’obéissance ; elle entretient une certaine raideur qui refuse de se plier aux exercices d’humilité. » (2 Cel 194) « Négliger la vertu pour courir après la science était un spectacle qui lui causait beaucoup de peine, surtout de la part de ceux qui cherchaient ainsi à éluder la vocation dans laquelle ils avaient d’abord été appelés…Mes frères que travaille un appétit excessif pour la science, disait-il, se trouveront les mains vides au grand jour du rendement des comptes…Il ne disait pas cela pour détourner de l’étude de l’Écriture Sainte, mais pour leur éviter à tous une passion immodérée de la science et, pour certains, il aurait aimé les voir vraiment généreux plutôt qu’à demi érudits » (2 Cel 195)

François n’était pas quelqu’un de faible et de mièvre, comme certaines représentations pourraient nous le laisser imaginer, il avait un fort tempérament et des propos parfois très durs. C’est un long processus de conversion qui l’a conduit à renoncer à tout ce qui peut s’apparenter au pouvoir et à la domination, pour suivre le chemin de la désappropriation : se détacher de tout bien, se libérer de toute forme de possession, se dépouiller totalement jusqu’à délaisser sa volonté propre pour mieux s’abandonner à celle du Seigneur (en consentant, par exemple, à remettre l’avenir de l’Ordre entre les mains de Dieu…). Et il encourage ses frères sur cette voie : « Mais nous, nous avons rompu avec le monde ; nous n’avons plus rien d’autre à faire que de nous appliquer à suivre la volonté du Seigneur et à lui plaire. » (1 Reg 22, 9)

Exercer l’autorité reçue en se faisant l’humble serviteur de tous, en écartant toute tentation ou volonté de domination et en se conformant à l’exemple du Christ, lui le Serviteur par excellence, voilà ce que François nous enseigne à travers sa vie et ses écrits.
« Dieu tout puissant, éternel, juste et bon, par nous-mêmes nous ne sommes que pauvreté ; mais toi, à cause de toi-même, donne-nous de faire ce que nous savons que tu veux, et de vouloir toujours ce qui te plaît ; ainsi nous deviendrons capables, intérieurement, purifiés, illuminés et embrasés par le feu du Saint-Esprit, de suivre les traces de ton Fils notre Seigneur Jésus-Christ. » (3 Let 50-51)

P. Clamens-Zalay

Prière

Nous te rendons grâce

Père de toute tendresse,
nous te rendons grâce,
toi qui es venu à la rencontre du peuple que tu aimes.
Tu nous as parlé par les prophètes
et en ces temps, qui sont les derniers,
tu nous as parlé par ton Fils bien-aimé.
Nous t’en supplions,
ouvre nos cœurs à la présence de ton Esprit Saint
pour qu’il nous donne d’accueillir en nous
la Parole vivante que tu nous offres aujourd’hui.

Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne

EVENEMENTS DE JUILLET

Nouveau site internet de Franciscans International,
une voix franciscaine à l’ONU

Depuis un an et demi, Franciscans International travaille à la construction d’un site web avec un objectif simple en tête : rendre leur travail plus accessible.

Les Franciscains travaillent sur une grande variété de sujets à travers le monde – cela peut parfois devenir complexe. Il est possible maintenant de trouver un aperçu simple de la façon dont sont traduits ce travail de terrain en action concrète aux Nations Unies. De nouvelles sections ont été ajoutées qui permettent de s’informer sur les activités de plaidoyer thématiques et régionales et de voir en un coup d’œil les dernières activités dans chaque domaine.

Le site est accessible en six langues dont le Français.

Pour l’explorer 👉 c’est ici et pas ailleurs !


Vacances franciscaines en famille

Quand 👉 Du 23 au 30 juillet 2023
👉 Aux grottes de St Antoine à Brive la Gaillarde (Corrèze)

Tous appelés à la sainteté,
A la suite de François, vivre les conseils évangéliques

Matin : Pour les adultes, enseignements et partage.
Pour les enfants et adolescents :Activités spirituelles et détentes.
Après-midi : Découverte de la région, loisirs en famille

☀️ Vous êtes intéressés☀️, informations pratiques et programme détaillé sur 👉 le tract d’inscription


Marche vers Assise
Expérimenter l’Evangile avec François et Claire
Du 15 au 28 juillet 2023

👐 Ouvert à tous sans limite d »âge ! 👐
• Un temps pour découvrir Saint François, Sainte Claire et leur spiritualité .
• Une expérience évangélique partagée ,dans les ermitages de la Vallée de Riéti et à Assise.
• Une vie simple, itinérante, fraternelle ,avec des temps de réflexion, de partage et de prière.

Informations pratiques et programme détaillé 👉 tract d’inscription


Une semaine en montagne au chalet Frère Soleil du 13 au 20 août 2023

Une semaine en montagne simple, joyeuse, sportive et fraternelle à l’entrée du Parc des Ecrins.

Informations pratiques et programme détaillé 👉 Tract d’inscription

EDITO mai 2023

Les maux de la gouvernance

La pénibilité au cœur du refus populaire du recul de l’âge de la retraite a mis au jour une aggravation générale de la souffrance au travail. Elle a trois expressions : avec l’empilement de superviseurs de la supervision et de gestionnaires de la gestion, le poids hiérarchique dans l’entreprise est devenu étouffant et la tâche écrasante ; le travailleur est entravé dans le bon accomplissement de sa tâche par des préconisations hiérarchiques qui nient sa compétence et le conduisent trop souvent, contre sa conscience mortifiée, à mal faire ; privé de vision du sens et du devenir de sa tâche dans l’œuvre commune, il voit son action, et par là sa personne, réduites à celle d’un automate. En même temps que la concentration des richesses, on assiste à l’aspiration de la responsabilité et du pouvoir de décision vers les sommets hiérarchiques dont s’ensuit l’inefficacité, voire l’arrogante impéritie d’« élites » coupées des réalités (exemple : l’héroïsme des soignants a maintenu l’hôpital à flot pendant le covid alors que ses gestionnaires beaucoup mieux payés auxquels ils ont dû désobéir pour agir étaient totalement inutiles et dépassés). La souffrance au travail est donc essentiellement causée par une gouvernance qui vise, davantage qu’à la juste répartition de l’effort et du gain, au renforcement du pouvoir et à l’accroissement de la richesse d’éminences isolées qui ne descendent jamais de leurs hauteurs qu’en parachute doré.

La même involution s’observe de manière analogue dans l’organisation de notre vie collective — la politique — comme le conflit sur l’âge de la retraite l’illustre de façon presque obscène. Ce qu’il est convenu d’appeler la « classe politique », formée de professionnels qui tendent à ne plus représenter qu’eux-mêmes, aspire elle aussi tout le pouvoir de légifération et de décision, avec là aussi le même résultat de concentration extrême et sa conséquence d’impéritie patente que la population subit de plein fouet (délabrement des services publics, décrépitude des institutions, inflation, dette…). La richesse collective que constitue le débat démocratique, spectaculairement dégradée, est en outre confisquée par une sphère médiatique consanguine des cercles de pouvoir et régie par de grands groupes industriels ou financiers. Dans une démocratie où un ministre (Franck Riester) ne craint pas de déclarer que le débat ne peut s’organiser qu’« autour des sujets sur lesquels on est d’accord », on peut s’attendre de la part du peuple souverain à d’énergiques rectifications de l’ordre du jour ainsi qu’à une grave et dangereuse perte de confiance dans les institutions gouvernementales. Rappelons que le mot ministre, dérivé de minus, signifie « serviteur », et que l’oublier met la société en péril : une gouvernance avisée résout les conflits ; une gouvernance qui s’exerce en son propre nom ne génère que désordres et violence.

Animés par la charité, les catholiques ont le moyen et le devoir d’apporter remède aux maux de la gouvernance. Mais s’ils sont retenus par une sécularisation de la société qui cantonne leur influence à la sphère privée, ils le sont plus encore par les maux qui affectent leur propre gouvernance ecclésiale, très loin d’être exemplaire, comme le souligne cruellement le rapport Sauvé : tant de crimes auraient-ils été possibles si les coupables n’avaient pas été isolés dans une superbe où ils concentraient pouvoir institutionnel et, prétendument, richesse spirituelle ? Reconstruire une saine gouvernance dans l’Église est la responsabilité de tous les fidèles inspirés par l’Évangile. Par lui, le « Très-Saint-Père » est plus justement et simplement nommé « serviteur des serviteurs de Dieu » car « Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9,35). Rappelons-nous et rappelons à nos propres ministres qu’à la veille du supplice, Jésus récusa le nom de « Maître » — que pourtant il est, et seul est — en accomplissant le geste du lavement des pieds dévolu aux esclaves (Jean 13,1-15). Il réitéra alors l’exhortation qu’il avait prononcée en dénonçant la domination hypocrite des scribes et des Pharisiens : « Pour vous, ne vous faites pas appeler Maître; car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. N’appelez personne sur la terre votre Père : car vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Docteurs ; car vous n’avez qu’un seul Docteur, le Christ. » (Matthieu 23,8-10). Faisons que par nous, aujourd’hui encore, Jésus proclame à tous que dans l’Église comme dans la Cité jusque dans le bureau ou l’atelier, le principe d’une juste gouvernance est celui de l’humilité fraternelle.

Le comité de rédaction