Prière

De l’aurore où le monde s’éveille
au crépuscule où la terre s’endort dans les ténèbres
Ô Dieu, nous te rendons grâce pour tous tes bienfaits.

Humblement, dans le silence de nos cœurs
Nous nous prosternons devant Toi
Le Créateur de toutes choses.
Nos yeux émerveillés contemplent
la beauté de tes œuvres
Seigneur, tu nous combles de joie.

Que nos prières et nos chants s’élèvent vers Toi,
Père miséricordieux
Pour acclamer ton amour sans fin
Toi notre refuge, notre citadelle.
Par la mort de ton Fils
sur la croix et sa résurrection,
nous sommes rachetés de nos fautes.

Bénissons le Seigneur, à jamais.

Éric d’Harcourt

Un Livre

Aurore-Marie Guillaume, Vie d’Hildegarde

Aurore-Marie Guillaume, Vie d’Hildegarde, Éditions Conférence, 2024, 80 pages, 17€
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Abbesse du monastère de Disibodenberg puis de l’abbaye de Rupertsberg, qu’elle fonda dans des circonstances héroïques, et enfin de celle de Eibingen qui en fut l’émanation, Hildegarde de Bingen est une grande figure de la vie monastique et religieuse du XIIè siècle allemand et européen, siècle de transition entre le haut et le bas Moyen-Âge qui vit une période d’expansion démographique, de grands défrichements, de développement du tissu urbain, de progrès technique, juridique et intellectuel, d’élan artistique avec l’émergence du gothique et de renouveau religieux avec l’essor de l’ordre cistercien porté par Bernard de Clairvaux après sa fondation par Robert de Molesme à l’abbaye de Cîteaux en 1098, l’année même de la naissance d’Hildegarde.

Rien ne prédispose la petite Hildegarde d’une santé fragile à une telle longévité (elle s’éteint en 1179) ni au destin hors norme qui s’ouvre devant elle à ses huit ans lorsque ses parents de petite noblesse palatine la confient au couvent de Disibodenberg. La fillette est poursuivie depuis sa tendre enfance par des visions et des voix qu’elle récuse, fuit et cache. Au prix de durs et longs combats contre l’appel réitéré avec insistance, contre elle-même, contre la domination masculine qui règne dans les clergés régulier comme séculier et contre la rigidité de l’institution qu’elle réforme profondément, la vie monastique lui offre le cadre propice non seulement à exprimer son mysticisme visionnaire exacerbé, mais aussi à développer ses multiples talents de poète, d’écrivain, d’illustratrice, de musicienne, de prédicatrice, de conseillère des plus puissants personnages de son époque comme des plus humbles qui la sollicitent bien au-delà de son abbaye, car sa renommée de guérisseuse des corps et des âmes dépasse de très loin les rives du Rhin, et même les limites de son siècle. En effet, les importants traités de médecine médiévale qu’elle a laissés inspirent encore aujourd’hui nombre d’herboristes et d’adeptes de thérapies plus ou moins empreintes de chamanisme. Cette vogue méritée repose toutefois trop souvent sur une double approximation : celle de l’anachronisme (peut-on parler de médecines douces au Moyen-Age ?) et surtout celle qui dissocie l’activité et la recherche d’Hildegarde de sa foi inébranlable, de sa religiosité profonde où se mêlent mysticisme et philosophie naturelle, théologie et poésie auxquelles ses visions extatiques confèrent une énergie de conviction et de sensation hors du commun. Hildegarde qui les consigna dans deux ouvrages de grande portée et de grande beauté — Scivias et le Liber divinorum operum — dut néanmoins patienter huit siècles, en dépit des miracles que lui attribue la tradition, avant d’être canonisée en 2012 par Benoît XVI.

Anne-Marie Guillaume, excellemment documentée et passionnée par son sujet, nous raconte de manière vivante et complète la vie multiple et mouvementée de cette femme du temps des croisades, sans rien omettre des doutes, des combats, des joies et des peines, des conquêtes et des humiliations qui jalonnent ce destin d’exception. Cette Vie d’Hildegarde dément deux idées reçues trop communément ancrées : l’une qui se représente le Moyen-Âge comme un long millénaire d’obscurité, de guerres, de disettes et d’épidémies que la Renaissance aurait sauvé du naufrage définitif ; l’autre, née de la même ignorance, qui considère l’Église comme un monolithe imperturbable, niant la grande diversité d’êtres et d’idées dont elle est animée depuis l’origine et qui, notamment au Moyen-Âge, fut un incontestable facteur de progrès et d’émancipation dont Hildegarde de Bingen est l’une des figures les plus importantes et séduisantes.

Jean Chavot

événements février

Pèlerinage à Assise et aux ermitages

DU MARDI 11 AU LUNDI 17 JUIN 2024
Proposé par la Fraternité franciscaine de Normandie
Sous la conduite du frère Henri Laudrin.
‼️Il reste une dizaine de places disponibles, inscription avant le 1 mars 2024.
Le Programme 👉 C’est ici
Bulletin d’inscription 👉 Cliquez et vous l’avez !


Retraite spirituelle : Les Paraboles, semences d’humanité

DU MARDI 21 MAI A PARTIR DE 16H AU MARDI 28 MAI A 10H
Animée par Sr Elisabeth Robert, franciscaine

👉 Aux grottes de Saint Antoine à Brive (Corrèze)
Pour s’inscrire 👉 C’est juste là !

Roger Bacon, un des plus grand savants de son temps (Suite)

3. Roger Bacon, un intellectuel plongé dans l’effervescence intellectuelle médiévale, … ET DEVINT UN DES PLUS GRAND SAVANTS DE SON TEMPS. 

À la mort de Grégoire X, le 10 janvier 1276, une succession de papes –  Innocent V, Adrien V et Jean XXI[1] – figea la situation de Roger Bacon jusqu’à l’accession au trône pontifical de Nicolas III, un membre de la puissante famille Orsini. En vain Roger s’adressa-t-il au Pape Nicolas influencé par le général des franciscains et subit des épreuves pendant quatorze ans, jusqu’en 1292. En effet, à la mort de Jérôme d’Ascoli[2] devenu Pape sous le nom de Nicolas IV, le nouveau général de l’ordre, Raymond Gaufredi[3] rendit à Bacon sa liberté. Toutefois, épuisé, âgé de presque quatre-vingts ans, il mourut peu de temps après à Oxford. 

Quelle fut l’influence de Bacon sur la pensée médiévale ? 
Il engagea une réflexion philosophique plutôt traditionnelle qui défendit l’idée d’unité essentielle de la matière dans les trois espèces[4] et s’intéressa aux notions de pluralité des formes et de degrés formels[5]. Dans Quaestiones supra undecimum primae philosophiae Aristotelis, Bacon fit de l’intellect agent et de l’intellect possible deux parties – l’une supérieure, l’autre inférieure – de l’âme humaine. Dans Quaestiones alterae, il rejeta cette opinion, qu’il attribua à tort à Averroès, et il se rangea à l’avis d’Aristote, d’Avicenne et des théologiens qui faisaient de l’intellect agent une « intelligence séparée ». Dans des œuvres ultérieures, il identifia l’intellect agent à Dieu. Cette évolution se retrouva dans sa conception de l’immortalité de l’âme – tour à tour fixée dans l’intellect agent puis dans l’intellect possible – et jusque dans son épistémologie générale, où, après avoir tenté d’accommoder la psychologie aristotélicienne à la doctrine augustinienne des « deux raisons » (supérieure et inférieure), il finit par placer dans l’intellect agent divin le principe unique de l’illumination de l’âme humaine, générateur d’une connaissance simultanément définie comme sagesse.

Il exposa ouvertement les « péchés » de son temps dans l’étude de la théologie, ces « péchés » étaient au nombre de sept, comme il l’affirma, dans l’Opus Majus. Le premier péché était la prépondérance de la philosophie (spéculative). La théologie était une science divine, elle devait donc reposer sur des principes divins, traiter de questions touchant à la Divinité, et ne pas s’épuiser dans des cavales, des divagations et des distinctions philosophiques. Le deuxième péché consistait en l’ignorance des sciences les plus appropriées et nécessaires aux théologiens ; ils n’étudiaient que la grammaire latine, la logique, la philosophie naturelle et une partie de la métaphysique : quatre sciences très peu importantes selon Bacon. Ils négligeaient d’autres sciences plus nécessaires : les langues étrangères, les mathématiques, l’alchimie, la chimie, la physique, les sciences expérimentales et la philosophie morale. Un troisième péché était la connaissance défectueuse des quatre sciences qu’ils cultivaient : leurs idées étaient constituées d’erreurs et d’idées fausses, parce qu’ils n’avaient aucun moyen d’accéder à la compréhension réelle des auteurs dont ils tiraient toutes leurs connaissances, puisque leurs écrits abondaient en expressions grecques, hébraïques et arabes. Même les théologiens les plus grands et les plus estimés montraient dans leurs œuvres à quel point le mal s’était répandu. Un autre péché était la préférence pour le Liber Sententiarum[6] et le mépris des autres matières théologiques, en particulier de la Sainte Écriture. Selon lui, celui qui expliquait le Livre des Sentences était honoré de tous, tandis que le lecteur de la Sainte Écriture était négligé. On accordait à l’exposant des Sentences une heure convenable pour dispenser son cours, et s’il appartenait à un ordre ; un compagnon et une salle spéciale ; alors que le lecteur de la Sainte Écriture était privé de tout cela et devait mendier l’heure de son cours pour le donner selon le bon plaisir de l’exposant des Sentences. Ailleurs, le lecteur des Sentences disputait[7] et était appelé maître, tandis que le lecteur du texte biblique n’était pas autorisé à disputer. Une telle méthode, était selon lui inexplicable et très préjudiciable au Texte Sacré qui contenait la parole de Dieu, et dont la présentation offrait de nombreuses occasions d’appréhender des sujets désormais abordés dans les différentes Summæ Sententiarum. Plus désastreux encore était le cinquième péché : le texte de l’Écriture Sainte était sérieusement dénaturé, surtout dans « l’exemplar Parisiense », c’est-à-dire le texte biblique utilisé à l’Université de Paris et répandu par ses étudiants dans le monde entier. La confusion fut aggravée par de nombreux érudits et ordres religieux qui, dans leurs efforts pour corriger le texte sacré, ne firent qu’accroître les erreurs. Le pire de tous les péchés était la conséquence de ce qui précède : l’erreur ou le doute quant au sens spirituel. La corruption du texte sacré et l’ignorance des langues bibliques étaient, d’après Bacon, à l’origine de ces errements. En effet, comment pouvaient-ils saisir le sens réel de l’Écriture Sainte sans cette connaissance, puisque les versions latines étaient remplies d’expressions grecques et hébraïques ? Le septième péché était la manière erronée de pratiquer la prédication. Il considérait que l’éloquence devait être accompagnée de science, et la science d’éloquence ; car « la science sans éloquence est comme une épée tranchante dans les mains d’un paralytique, tandis que l’éloquence sans science est une épée tranchante dans les mains d’un homme furieux ».

Bacon ne se contenta pas de critiquer mais fit des propositions. Après avoir éliminé « les quatre causes générales[8] de toute ignorance humaine », il convenait de se convaincre que toute science a sa source dans la révélation orale et écrite. L’Écriture Sainte était une source inépuisable de vérité à laquelle tous les philosophes humains, y compris les païens, puisèrent leurs connaissances ; par conséquent, aucune science, qu’elle soit profane ou sacrée, ne pouvait être vraie si elle était contraire à l’Écriture Sainte. Pour atteindre la sagesse, il fallait maîtriser les langues : le latin, le grec, l’hébreu et l’arabe. Le latin ne suffisait pas, car de nombreux ouvrages intéressants étaient écrits dans d’autres langues et non encore traduits, ou mal traduits, en latin. Outre les langues, il y avait d’autres moyens, comme les mathématiques, l’optique[9], les sciences expérimentales et la philosophie morale, dont l’étude était nécessaire à tout prêtre. Il admirait Aristote tout en estimant que l’expérience était la « reine des sciences », la seule capable de provoquer et de vérifier leurs résultats considérant par ailleurs que les mathématiques constituaient la clé de voûte des autres sciences. 

Dans ces ouvrages, Roger Bacon évoqua la réflexion de la lumière, les mirages et les miroirs ardents, le diamètre des corps célestes et leur distance, leur conjonction et les éclipses. Il expliqua les lois du flux et du reflux, démontra que le calendrier julien[10] était erroné. Il expliqua par ailleurs la composition et les effets de la poudre à canon, il songea aux vaisseaux à vapeur et aux aérostats, aux microscopes et aux télescopes. Son influence fut sensible dans le domaine des sciences naturelles. Les méthodes et le déroulement des cours dans les écoles ecclésiastiques du Moyen Âge, les efforts de révision et de correction de la Bible latine déployés avant le Concile de Trente[11], l’étude des langues orientales préconisée par certains érudits avant le Concile de Vienne[12], fut largement inspirée par Roger Bacon. 

Ses œuvres philosophiques aspiraient à faire connaître les philosophes arabes aux philosophes chrétiens. Il s’attacha à discerner les rapports existant entre la théologie et la philosophie, les bénéfices qu’elles apportaient et les services qu’elles se rendaient mutuellement. Bacon alertait afin de ne pas confondre la physique avec la divination, la chimie avec l’alchimie, l’astronomie avec l’astrologie. À la fois mystique et rationaliste, Bacon considéra l’unité consubstantielle des sciences et de la théologie. C’est ainsi, par exemple, il estima qu’on ne saurait expliquer le phénomène de l’arc-en-ciel sans combiner les données des mathématiques, de l’expérience et de l’exégèse, puisqu’elles nous en livrent respectivement les causes matérielle, efficiente et finale. En établissant les bases de la méthode expérimentale, il fut le précurseur des grands médecins du XVIIIe et du XIXe siècle. Ainsi, affirma-t-il que le cerveau était le centre du système nerveux, ce qui était contraire à l’opinion d’Aristote et des Arabes.

Bacon fut donc un savant en avance de plusieurs siècles. Il fut pour son époque un esprit novateur, soucieux du progrès de la science. Surnommé « Doctor mirabilis » c’est-à-dire « Docteur admirable » il fut philosophe, savant et alchimiste, considéré comme l’un des pères de la méthode scientifique. Pour lui, « aucun discours ne peut donner la certitude, tout repose sur l’expérience » expérience scientifique ou religieuse. Il est désormais considéré comme l’un des plus éminents savants de son temps.

Érik Lambert.


[1] Seul pape portugais. L’imprécision des listes de papes de cette époque fit qu’il prit par erreur le nom de Jean XXI au lieu de Jean XX.
[2] Le ministre général de l’ordre franciscain, Jérôme d’Ascoli, le fit emprisonner pour « certaines nouveautés suspectes », de 1277 à 1279. Il fut pape de 1288 à 1292, premier franciscain élu à cette fonction.
[3] Général de 1289 à 1295. À noter qu’il y eut deux ans de vacance du trône de St Pierre. Puis un ermite fut élu à Pérouse et prit le nom de Célestin V. Il abdiqua après cinq mois de règne et fut canonisé le 5 mai 1313 par Clément V.
[4] Spirituelle, sensible, et intermédiaire. 
[5] Au XIII° siècle, la controverse évolua, et un des aspects les plus significatifs de cette évolution fut l’apparition d’une question particulière, à savoir celle des formes « partielles ». Cette question engageait le point de savoir si les composés complexes — les êtres humains et les animaux en général — possédaient autant de formes substantielles qu’ils possédaient d’organes corporels.
[6] Le livre des sentences. Les Quatre livres de sentences de Pierre Lombard étaient un traité de théologie composé vers 1146. Il s’agissait de l’un des livres les plus importants du Moyen Âge. Il fut utilisé dans les universités médiévales comme manuel théologique de base, à partir des années 1220 jusqu’au XVIᵉ siècle.
[7] Au sens latin. la disputatio médiévaleconsistait en une technique de discussion complexe. Il n’y avait pas de modèle standard de disputatio. Il y avait même autant de disputatio que de facultés médiévales (faculté des arts, de droit, de médecine, de théologie, etc.) et d’époques qui la pratiquèrent. La disputatio était une méthode de discussion orale qui se développa principalement à partir du 13ème siècle ; elle fut concomitante avec la création des universités. Vers la fin du 13ème siècle, elle se développa aussi comme technique de recherche. Nous n’avons aucune trace des disputatio à proprement parler – qui sont par définition orales – mais nous avons néanmoins ce que l’on nomme desQuestions disputées, c’est-à-dire des versions écrites remaniées par les maîtres. La disputatio était une discussion extrêmement codifiée, tant au niveau des rôles que du contenu de la discussion. Les premiers étaient déterminés à l’avance et le second lancé et initié par le maître, souvent pour répondre à d’autres maîtres des autres universités européennes. B. C. Bazan définit la disputatio comme suit : « La disputatio est une forme régulière d’enseignement, d’apprentissage et de recherche, présidée par le maître, caractérisée par une méthode dialectique qui consiste à apporter et à examiner des arguments de raison et d’autorité qui s’opposent autour d’un problème théorique ou pratique et qui sont fournis par les participants, et où le maître doit parvenir à une solution doctrinale par un acte de détermination qui le confirme dans sa fonction magistrale ».
[8] Il s’agissait de pas tomber dans les quatre erreurs qui empêchaient même les hommes érudits d’atteindre le sommet de la sagesse, à savoir : « l’exemple de personnes faibles et peu fiables, l’exemple d’une autorité faible et peu fiable, le maintien de la coutume, la prise en compte de l’opinion des ignorants et la dissimulation de sa propre ignorance, ainsi que l’étalage d’une sagesse apparente »
[9] Il doit être considéré comme l’un des fondateurs de l’optique ; il met au point la théorie des miroirs ardents ; il explique, le premier, la formation de l’arc-en-ciel par l’action des rayons réfléchis et réfractés dans un milieu diaphane.
[10] Le 1er janvier de l’an 708 de la fondation de Rome (l’an 45 av. J.-C.) entra en vigueur à Rome un nouveau calendrier conçu sous l’égide de Jules César. Ce calendrier a été employé sans modification pendant près de deux millénaires et c’est une version à peine modifiée en 1582 par le pape Grégoire XIII qui s’imposa sur toute la planète. Le lendemain du jeudi 4 octobre 1582, les Romains se réveillèrent le vendredi… 15 octobre 1582. Cette nuit du 4 au 15 octobre 1582 avait été choisie par le pape Grégoire XIII pour l’entrée en application de sa réforme du calendrier julien. Grégoire XIII décida d’attribuer désormais 365 jours, et non 366, à trois sur quatre des années de passage d’un siècle à l’autre. Les années en 00 ne sont pas bissextiles sauf les divisibles par 400 : 1600, 2000, 2400… Cette modeste réforme ramène à 25,9 secondes l’écart avec l’année solaire. Par ailleurs, le pape décida de rattraper les dix jours de retard du calendrier julien entre le 4 et le 15 octobre 1582. La réforme s’étendit peu à peu à l’ensemble des pays. Le calendrier grégorien est aujourd’hui d’application universelle ou à peu près.
[11] Le pape Paul III Farnèse convoqua en 1542 un grand concile œcuménique à Trente. Il débuta officiellement le 13 décembre 1545. Le pape lui donna pour objectif de revigorer l’Église catholique qui s’en trouva profondément modifiée. Face au développement du protestantisme, le Saint-Siège comprit la nécessité d’engager une grande réforme au sein de l’Église catholique. Le mouvement prit le nom de Contre-Réforme, ou Réforme catholique, par réaction à la Réforme protestante. Le concile imposa en premier lieu de strictes règles de conduite au clergé et en particulier aux évêques. Il améliora la formation des prêtres et promut l’enseignement du catéchisme. Il confirma aussi la préséance du Saint-Siège à la tête de la hiérarchie catholique. Le concile de Trente clarifia par ailleurs l’interprétation catholique des Saintes Écritures, en particulier le dogme de la justification ou de la grâce : à la différence des luthériens qui estimaient que Dieu décidait in fine de sauver ou non un homme et de lui accorder la vie éternelle, les prêtres conciliaires précisèrent que l’homme pouvait être porté aux bonnes actions salvatrices s’il disposait de la grâce et lui concédèrent une certaine marge de liberté
[12] Les études orientales et la connaissance de l’Orient en Occident peuvent être renvoyées aux époques médiévales en raison de l’existence de traductions des manuscrits ou l’enseignement des langues et des sciences des langues orientales. On remarque que son existence formelle a été inaugurée dans l’Occident chrétien par le Concile de Vienne, qui a décidé en 1312 de créer une série de chaires de langues « arabe, grecque, hébraïque et syriaque à Paris, Oxford, Bologne, Avignon et Salamanque ».

Partage de février

La terre nouvelle (M.L. King)

Je fais le rêve qu’un jour la haine s’évanouira entre le père et le fils.
L’amour les réunira à la même table, un même vin coulant dans leurs verres. Ils se frapperont sur l’épaule et deux grands rires confon¬dus me diront qu’enfin ils se comprennent.

Je fais le rêve qu’un jour des hommes sortiront de leurs maisons les mains pleines d’argent et de possessions égoïstement amassées et qu’une fois encore, pour tous ceux qui n’ont rien, le pain sera multiplié.
J’attends le jour où l’homme ne profitera plus de l’homme ; les marchés d’esclaves disparaissant chez le blanc, le jaune et le noir ; la femme cessant d’être un objet pour devenir l’épouse et la mère ; l’ouvrier n’ayant plus peur de son employeur, parce qu’une justice règlera leur rapport ; le bien portant donnant la main à l’handicapé, et l’handicapé ayant une place au milieu de nous.

Je fais le rêve qu’un jour des soldats, laissant tomber leurs armes, courront embrasser ceux d’en face.

Je rêve de ce soir où le vieillard pourra s’endormir calmement au milieu de ses enfants, sans se sentir en trop ou en plus, retissant des liens entre ceux qui n’ont plus la patience de s’écouter, redonnant à des êtres bousculés, traqués par le travail la valeur du temps perdu et le goût du silence.

Je rêve encore que l’homme soit heureux d’être homme, faisant brûler ses masques, ses bassesses, sa gloriole trop fade ;
qu’il soit content d’être à sa place ; que jamais je ne le retrouve parvenu irresponsable, froufroutant dans quelques hiérarchie.

Je rêve enfin de gens heureux, qui auront mis l’amour avant toutes choses.

« Une Règle qui se veut Projet de vie… » 1ère partie

Le Projet de Vie de l’Ordre Franciscain séculier, ou Fraternité Franciscaine séculière, est issu d’une première Proposition de vie faite en 1221 aux frères et sœurs de la Pénitence, contemporains de François d’Assise, touchés par sa prédication et désireux de suivre son exemple, en conservant leur état laïc. Puis sont venues les Règles approuvées par les papes Nicolas IV, Léon XIII et, plus près de nous, par Paul VI en 1978. Certes, de nos jours, le terme de « Règle » peut en rebuter certains, mais ce texte se veut avant tout « chemin » pour vivre l’Évangile qui est au cœur de notre vocation franciscaine. Observer cette Règle, c’est donc, à la suite de François, centrer toute son existence sur le Christ et s’engager à vivre de sa Bonne Nouvelle.
« La Règle et la vie des franciscains séculiers est la suivante : vivre l’Évangile de Notre Seigneur Jésus Christ en suivant les exemples de saint François d’Assise, qui fit du Christ l’inspirateur et le centre de sa vie avec Dieu et avec les hommes. » (PDV 4)
De la Règle qu’il fit écrire pour ses frères du Premier Ordre, François dit ceci : « Après que le Seigneur m’eut donné des frères, personne ne me montra ce que je devais faire, mais le Très-Haut lui-même me révéla que je devais vivre selon le saint Évangile. Alors je fis rédiger un texte en peu de mots bien simples, et le seigneur pape me l’approuva. » (Test 14-15)
De même, notre Projet de Vie s’attache-t-il à nous donner de grandes orientations, fidèles à la spiritualité franciscaine, et nous invite-t-il à « passer de l’Évangile à la vie et de la vie à l’Évangile. » (PDV 4) Bien sûr, le contexte historique de François n’est pas le nôtre, mais notre société connait toujours des souffrances et des inégalités criantes qui nous appellent à témoigner de l’Évangile pour construire un monde plus fraternel, démontrant ainsi toute l’actualité de ce Projet de Vie.
Pauvreté, simplicité, désappropriation, paix, joie, fraternité…en sont quelques accents parmi d’autres.

François, le fils du riche marchand d’Assise, a vu évoluer la société médiévale au profit d’une nouvelle classe, celle de la bourgeoisie commerçante. En voulant s’affranchir du système féodal, les communes rêvaient de liberté et d’égalité, mais, bien vite, elles ont été rattrapées par le pouvoir de l’argent, créant alors de nouvelles injustices et plus de pauvreté.
En répondant à l’appel du Seigneur, François décide de conformer sa vie à celle du Christ qui s’est fait pauvre et humble au milieu des hommes. Il fait le choix d’une pauvreté radicale, volontaire, et non subie, qui consiste à n’avoir rien en propre. A l’évêque d’Assise qui s’inquiète d’un tel mode de vie, il déclare : « Monseigneur, si nous avions des propriétés, il nous faudrait aussi des armes pour les défendre, car elles sont source d’interminables querelles et procès. Et tout cela n’est qu’entrave à l’amour de Dieu et du prochain. Voilà pourquoi nous ne voulons d’aucun bien matériel en ce monde. » (AP 17d)
Et le texte d’ajouter : « sa réponse plut beaucoup à l’évêque »…

Aujourd’hui, plus que jamais, l’argent est roi dans notre société, totalement axée sur la consommation et douée d’imagination pour en multiplier le besoin à l’infini. Que ne met-elle cette créativité au profit des plus pauvres ! Le fossé se creuse inexorablement entre ceux qui s’enrichissent toujours plus et ceux qui ne connaissent que la précarité et l’exclusion. Par ailleurs, l’argent donne à celui qui le possède une capacité à peser sur toutes les grandes décisions. Il lui confère un pouvoir sur l’autre : la faculté de le dominer, de le manipuler ou de l’écraser.
Comme nous le rappelle le pape François dans « La joie de l’Évangile » : « L’argent doit servir et non pas gouverner ! ».
D’où la nécessité de transformer notre rapport à l’argent pour proposer un modèle économique plus juste et plus respectueux de la dignité humaine. Il s’agit de donner à l’argent sa juste place, sans en faire une idole, pour que chacun puisse vivre décemment. Et notre Projet de Vie nous y invite: « les laïcs franciscains useront avec détachement des richesses matérielles qu’ils pourraient posséder, bien conscients que selon l’Évangile ils ne sont qu’administrateurs des biens qu’ils ont reçus en faveur des enfants de Dieu. » (PDV 11)
A nous d’être inventifs pour construire un monde plus solidaire, pour retrouver et faire valoir le sens du partage et de la gratuité (de grâce, expliquons à nos jeunes que revendre sur Internet un cadeau, sitôt reçu, n’est pas une option, que la seule qui vaille c’est de l’offrir pour en faire profiter d’autres !), pour redécouvrir dans nos relations, comme dans nos choix de vie cette belle vertu franciscaine appelée ‘simplicité’…
François nous enseigne les voies de la désappropriation, long chemin de conversion pour apprendre à juger autrement de ce qui nous est réellement nécessaire, pour découvrir que l’on peut se détacher de tout ce que l’on possède et tout recevoir comme un don de Dieu. Pour n’avoir que Dieu, pour seul désir et pour seule richesse, lui qui est « le Bien », « tout Bien », « le souverain Bien ».
Se désapproprier de tout, renoncer même à sa volonté propre pour se conformer à celle du Père, pour se rendre libre et disponible, afin de mieux rejoindre et aimer ses frères en Christ.
Et peut surgir enfin, comme une évidence, le désir de rejeter toute forme de domination sur l’autre, que ce soit par l’argent, par le rang ou par le savoir : « dans l’esprit des Béatitudes, « pèlerins et étrangers » en route vers la maison du Père, ils veilleront à se libérer de tout désir de possession et de domination. » (PDV 11)

Un tel Projet de Vie peut nous sembler utopique ou inaccessible…N’oublions pas alors ces paroles de François à frère Léon : « Quelle que soit la manière qui te semblera la meilleure de plaire au Seigneur Dieu et de suivre ses traces et sa pauvreté, adopte-la, avec la bénédiction du Seigneur et ma permission. » (Billet de François à frère Léon)
En insistant sur ce passage constant de l’Évangile à la vie et de la vie à l’Évangile, la fraternité est ce lieu de discernement qui permet à chacun, chacune, selon ses charismes, de vivre de l’Esprit du Seigneur et de témoigner de l’Amour de Dieu et du Salut offert à tout homme.
« 800 ans après la conversion de François à l’Évangile, nous sommes appelés à redécouvrir l’Évangile comme Livre de VIE (…) Retournons donc à l’Évangile et notre vie retrouvera la poésie, la beauté et l’enchantement des origines. Retournons à l’Évangile et notre vie sera délivrée de notre esclavage, de nos peurs, de nos tristesses et nous sauverons les hommes nos frères de leurs misères et de leurs esclavages, de leurs peurs et de leurs tristesses. » (José Carballo, Libérons l’Évangile et l’Évangile nous rendra libres, Chapitre Général OFM, 2006)

P. Clamens-Zalay

Apocalyspse de Saint Jean

PLAN de l’APOCALYPSE

I – Le Christ en charge de son Eglise (1-3) :
– Vision du FILS de 1’HOMME (1, 9-20)
– Lettres aux 7 églises (2-3) : une tournée pastorale du Christ.
II – L’Eglise affrontée à Israël (4-11) :
– Liturgie autour du trône (4)
– Les 7 sceaux (5-8, 1)
– Les 7 trompettes (8, 2 – 11)
III – L’Eglise affrontée à une puissance totalitaire (12-20) :
– La femme et le dragon
– Les 2 bêtes
– Les 7 coupes
– Jugement et ruine de Babylone.
IV – La Jérusalem nouvelle (21-22)

LE CHRIST EN CHARGE de SON EGLISE
(ch. 1 à 3)

PROLOGUE (1/1-3)
Ce Prologue aura son correspondant exact à la fin du livre = 22, 6-20. Remarquable technique d’inclusion. … » Révélation de J.C.  » = dévoilement de J.C. – Jean préférera ensuite « témoignage de J.C. » = martyre de J.C. A la fois « révélation » que fait J.C. et qui concerne l’œuvre et la condition divine de J.C. … » ce qui doit arriver vite  » (tiré de Daniel 2, 28-29) = II s’agit ici de la venue du Christ.

Une cascade de personnages :

– Dieu le Père (tout part de lui, il est l’origine et la source).

– Puis une série de « médiateurs »


: le Christ,
: son Ange (parce que Jean qui va paraître n’est pas sur le même plan que le Christ, d’où la nécessité d’un Ange pour communiquer de l’un à l’autre),
: Jean (qui reçoit mission d’écrire).

– Enfin une « assemblée liturgique »: un lecteur + tous les auditeurs {qui ont mission d' »écouter », c.-à-d. de recevoir positivement, de mettre en pratique ce qu’ils entendent).
 » Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent« … C’est la 1ère des 7 béatitudes de l’Apocalypse (1, 3-14, 13 ; 16, 15 ; 19, 9 ; 20, 6 ; 22, 7.14).
… »car le moment est proche… » : La Bible distingue entre le « temps » et le « moment ». Le temps (« chronos » en grec), c’est la chronologie, la succession des événements. Le moment (« kairos » en grec), c’est la fraction du temps durant laquelle le Dieu de l’Alliance se manifeste aux yeux de son peuple.
« kairos » (le moment) se trouve 7 fois dans l’Apocalypse (1,3 ; 11,18 ; 12,12 et 3 fois en 14 – 22, 10).

ADRESSE
Cette ADRESSE est bâtie en forme de dialogue liturgique avec l’assemblée chrétienne :

1 _ Salutation par Jean (4-5a)
… « grâce et paix » : « grâce » = bienveillance gratuite de Dieu. « Paix » = état de plénitude, par intimité avec Jésus. … « de la part de DIEU-TRINITE »
: le Père, désigné en 3 termes « qui est, qui était et qui vient« . Jean s’inspire d’un targum palestinien qui commentait « Je suis celui qui suis » d’Ex. 3, 14 en « Celui qui est, qui était et qui sera« , mais il le transforme en disant « et qui vient » pour marquer, non plus l’être intime de Dieu dans son éternité, mais son intervention imminente en faveur de son peuple.
: L’Esprit chiffré par 7 = L’Esprit Saint dans la totalité de ses actions.
: Jésus Christ qualifié en 3 termes (mort, ressuscité, exalté) par réutilisation du Psaume 89, 28.38 (« témoin fidèle » = martyr- « premier-né des morts » = ressuscité – « Prince des rois de la terre » = exalté, avec suprématie sur toutes forces historiques hostiles).

2 _ Réponse de l’Assemblée (5b-6)
– Louange toute centrée sur Jésus, qui est désigné en 3 actions :
1} « Celui qui nous aime » = seul présent de l’indicatif de tout le NT. pour exprimer la permanence de l’amour de Jésus
2) « qui nous a délivrés par son sang« .
3} « qui a fait de nous un royaume de prêtres » : un « royaume » parce que nous sommes ceux sur qui le Christ règne;
« de prêtres » parce que nous sommes ceux qui ne cessent de faire monter vers Dieu la louange pour la Création et pour l’Histoire Sainte. L’arrière-fond de ces 3 actions divines = Ex 19, 16.
Et toute l’assemblée ponctue : Amen !

3_ Prophétie de Jean : le Christ vient ! (7)
– Jean s’inspire à la fois de Daniel 7, 13 (« voici qu‘au milieu des nuées venait comme un fils d’homme« ), et de Zacharie 12, 10,14 (« ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé… »). Comme Matthieu racontant la Passion (24, 30), Jean combine Daniel et Zacharie pour montrer que la venue glorieuse du Christ va s’imposer à tous, même aux ennemis du Christ qui seront pris de remords.
– Oui, Amen ! conclut toute 1’assemblée.

4_ Auto-proclamation de Dieu (8)
– Remarquer comment cette conclusion fait inclusion avec le v. 4 du début. … « Je suis l’Alpha et l’Omega… » = Je suis là de A à Z, depuis la Création jusqu’à l’achèvement du Salut ! Il est tout à fait remarquable que la formule sera reprise par le Christ lui-même en 22, 13, proclamant ainsi sa parfaite égalité avec Dieu.

Fr Joseph ofm

Édito de février

Un 14 février particulier

La tradition anglo-saxonne de la Saint-Valentin a pris un caractère toujours plus commercial à mesure qu’elle se globalisait, entachant la fête des amoureux d’une contradiction consumériste à laquelle il est malheureux de s’habituer, d’autant plus criante cette année que le 14 février coïncide avec le mercredi des Cendres qui marque l’entrée dans le Carême. Quel sens ces quarante jours de jeûne traditionnel laissé à l’appréciation de chacun revêtent-ils à notre époque où le calendrier mercantile supplante celui des rites et des saisons, dépeuplant les églises et les réunions amicales et familiales au profit des boutiques où l’achat se substitue au geste d’amour ?

Tandis que le matérialisme de notre société du bien-être forcené nous pousse constamment à la consommation, c’est bien à l’amour que le Carême nous invite, et non à la privation. Car il convient de comprendre la signification du jeûne dans une tout autre logique, et pour cela de revenir sur la place centrale qu’occupe la nourriture dans la vie individuelle et collective. Elle est non seulement la condition de la survie biologique de l’individu mais tout aussi indispensablement, et de toute antiquité, celle de la collectivité, le prétexte autour duquel se forment les réunions de toute nature et de toutes dimensions, du banquet à la simple tasse de café partagée au comptoir entre deux collègues. C’est pourquoi la nourriture a son importance dans le christianisme en tant qu’elle est nécessaire à la vie, comme l’Évangile nous le dit en de multiples occasions, à commencer par la Cène et en continuant par l’Eucharistie, partage du pain et du vin. Au reproche que ses disciples ne jeûnent pas comme ceux de Jean, Jésus adresse cette réplique de grande portée : « Aussi longtemps qu’ils ont avec eux l’époux, ils ne peuvent jeûner. » (Marc 2, 19). Notre religion n’est pas centrée sur la mortification ni le jeûne, pas même sous la forme d’interdits alimentaires inexistants, mais sur l’Incarnation, la communion — le partage — et le respect de la Création avec, dès la genèse, l’indication d’une saine et juste alimentation pour toutes les espèces. Se nourrir, c’est toujours prélever une part de vie, si minime semble-t-elle, et le jeûne est une manière de mesurer ses justes besoins afin de préserver l’équilibre de la création.

Tandis que des populations entières souffrent cruellement de la faim, il y a dans nos sociétés d’abondance, luxe de gens bien nourris, certaines invitations au jeûne de confort, pour maigrir, pour l’expérience, pour son « développement personnel »… Le jeûne apporte en effet d’incontestables bienfaits, guérit même nombre de maladies chroniques. Mais s’il n’est que l’autre versant de la gloutonnerie, il peut se révéler aussi purement et dangereusement autocentré qu’elle. Il en va tout autrement du Carême qui consiste à gagner en ouverture et en confiance, laquelle est inhérente à la foi, en faisant la différence entre la faim réelle et le simple besoin de manger. Car la faim n’est pas seulement celle du corps, facile à satisfaire pour ceux qui en ont la chance, mais plus tenaillante encore une faim de l’âme, une faim d’amour divin, celle du pain que nous prions chaque jour notre Père de rassasier : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Mt 4,4). En revanche, le besoin de manger n’est que la manifestation d’une angoisse fondamentale devant la fragilité apparente de l’existence quand Dieu n’est pas accueilli. Ce faux besoin jamais satisfait entraîne l’individu dans une spirale délétère et c’est en lui, donc en nous, que le consumérisme compulsif de notre société mercantile trouve son meilleur allié destructeur.

Le Carême perpétue la mémoire des quarante jours de jeûne au désert par lesquels Jésus triompha là où Israël avait chuté. Dédié à l’écoute de la Parole de Dieu, le Carême permet de mieux s’en emparer comme de l’aliment qui éloigne les tentations, au premier rang desquelles celle de la toute puissance trompeusement offerte par Satan qui, puisqu’il refuse la Parole, ne voit dans le jeûne qu’affaiblissement. Comme François d’Assise muni par humble précaution de quelques morceaux de pain, entrons joyeusement dans le Carême à l’imitation de Jésus. Nous n’en embrasserons que mieux ceux que nous aimons.

Le comité de rédaction