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Le vin réjouit le cœur de l’homme

« Bonum vinum laetificat cor hominis … » (Qo 10,19) Sapa, le vin cuit, est à l’origine de sapientia, l’homme sage étant celui qui a du goût. Ce goût de Dieu, donc, est une allégresse pour l’homme qui sait en jouir, reconnaître à Dieu toute sa saveur. Saint Thomas explique ainsi le don de sagesse, le plus grand, puisqu’il le lie à la vertu de charité qui ne passera jamais. Cette jouissance de Dieu, qui n’est pas sensible en soi, mais peut rejaillir dans le corps, ne peut être vécue qu’en accueillant le don de l’Esprit Saint, auquel nous ne faisons pas obstacle, en le lais-sant se déployer, par notre connaissance et notre agir. La foi en Dieu, l’amour de Dieu est insé-parable d’une connaissance de ce qu’Il est, de ce qu’Il révèle. Il ne peut exister aucune opposi-tion entre la science et la charité, et si l’une empiétait sur l’autre, ce ne pourrait être de leur faute, mais de celle du sujet qui ne sait trouver l’équilibre en lui-même.

Quel mari oserait dire à sa femme qu’il l’aime profondément tout en se moquant éper-dument de ce qu’elle est ou de ce qu’elle dit ? Cet amour ne serait qu’une domination objecti-vante détestable, qui ne voit dans l’autre, non pas un tout, un sujet qui se tient lui-même dans une unité fragile, mais n’en extrait qu’une partie, objet de jouissance personnelle. Comment dire ainsi aimer Dieu et ne pas se soucier de ce qu’Il est, de ce qu’Il nous a dit et continue de nous enseigner par son Église ? Telle a été depuis deux mille ans l’enjeu de toute théologie, de tout exposé de la foi, de tout enseignement : comment rendre compte de la doctrine chré-tienne sans la trahir, sans la réduire à ses idées propres. Depuis le péché originel, la tentation de l’homme est toujours celle de dominer l’autre — la femme, par Eve, symbolise le mystère auquel il est confronté — et d’en user pour son propre plaisir.

Rester fidèle à la doctrine chrétienne est une ascèse depuis cette histoire de pomme croquée, un travail humble et parfois même difficile : non seulement nous n’avons plus les faci-lités de nos premiers parents pour saisir les mystères de la foi, mais la doctrine elle-même heurte le monde : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. » (Jn 15,18) Et nous en sommes de ce monde, ne nous en excluons pas avant notre mort : que ne cherchons-nous pas à édulcorer l’enseignement du Christ, du Catéchisme, pour ne pas choquer les autres, pour ne pas nous choquer…, pour ne pas nous convertir ! Et pourtant, quelle fierté de savoir que l’Église s’est opposée à la torture ou à l’esclavage alors que la société n’y voyait aucun pro-blème, quelle fierté de reconnaître que la femme a la même dignité que l’homme, révolution-nant ainsi les mentalités antiques.

Comment s’imaginer s’en sortir avec ses propres forces ? Les dons de l’Esprit sont néces-saires pour une véritable fidélité à la doctrine, à l’enseignement que Dieu nous révèle, notam-ment le don d’intelligence qui nous fait pénétrer la richesse des mystères, celui de science qui nous aide à lire toute réalité terrestre sous le regard de Dieu, celui de sagesse qui nous fait goûter Dieu et nous permet de tout ordonner à Lui. L’invocation de l’Esprit Saint dans la prière est bien nécessaire, pour écouter avec attention, comprendre avec acuité, enseigner avec clar-té. Tel est l’exemple des saints théologiens qui nous ont précédés tout au long de l’histoire de l’Église ; l’avertissement du théologien Hans Urs von Balthasar doit nous alerter personnelle-ment : pourquoi sainteté et théologie se sont-elles tant séparées depuis le XIIIe siècle ? De grandes figures nous rappellent cependant que ce lien est toujours possible, saint Robert Bel-larmin, saint François de Sales…, et, sans vouloir aucunement précéder le jugement de l’Église, ne peut-on pas songer aussi à Benoît XVI ?

De même que Claudel nous invite à écouter la Bible à genoux, ainsi le théologien suisse nous invite à avoir la même attitude en théologie. Double exigence qui est celle du chrétien, penser et prier, alliage, équilibre de nature et de grâce, quand l’ordre transcendantal fonde l’ordre prédicamental : « Accipite et bibite, hic est enim calix sanguinis mei. »

Benoît Bottineau

Né en 1997, Benoît est séminariste en études de théologie au séminaire de Toulon.

Comment témoigner de sa foi en milieu professionnel ?

Notre cadre d’emploi ne nous permet pas toujours de témoigner ouvertement de l’Evangile. Mais de larges ouvertures sont possibles dans le comportement évangélique que nous pouvons avoir, conformément à ce que dit Jésus aux disciples : « Que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. » (Mt 5, 16)

Après quinze années de service comme inspecteur des Finances publiques où j’ai pu occuper différentes fonctions (gestionnaire de compte des grandes enreprises, contrôle fiscal, maîtrise d’ouvrage d’applications numériques), j’ai souhaité devenir professeur des écoles. Mon désir était de servir au plus près les besoins intellectuels et émotionnels de personnes dont j’allais avoir la responsabilité continue six heures par jour : des élèves d’école primaire.

Témoigner de sa foi comme inspecteur des Finances publiques pouvait se concrétiser au quotidien dans les relations de bienveillance et de transparence, non seulement à l’égard des collègues mais aussi envers les usagers du service public. La neutralité du service public ne m’autorise pas en effet à verbaliser cette foi.

En changeant de ministère, j’ai voulu me rendre plus utile aux enfants et aux familles, de manière beaucoup plus concrète. L’Ecole est souvent la première institution que les familles vont rencontrer de manière quotidienne, en particulier dans les quartiers de réseau d’éducation prioritaire. Avec une présence permanente à leurs côtés, je représente pour les élèves un exemple modélisant, à la fois pour le raisonnement, mais aussi dans le comportement. Cela m’amène à être exigeant vis-à-vis de moi-même et à me dépasser : la bienveillance est constamment requise et le respect de la parole donnée est impératif pour créer la confiance et le cadre nécessaire aux travaux de la classe dans une ambiance sereine.

Le respect des valeurs de la République et la laïcité dans la classe et dans l’école sont aussi un outil, par le cadre de neutralité qu’il pose et qui permet aux enfants de se contruire et de grandir librement par essai et erreur, à l’abri d’influences extérieures prématurées. Il est important que l’enfant puisse oser penser librement dans un cadre neutre et sécurisant.

Sur le plan philosophique, la raison est importante : elle est l’outil qui permet de s’orienter dans la vie sur les plans techniques et parfois relationnels. C’est ce que nous valorisons dans les classes. La foi permet d’avancer là où la raison se tait ou est impuissante. Sa découverte et sa compréhension peuvent se faire avec les autres et dans les familles qui sont de petites églises.

Témoin silencieux de Jésus-Christ Seigneur et Sauveur, je tente de manifester un comportement qui puisse à la fois faire grandir, aider à devenir libre de juger et de penser et susciter chez les élèves un
vrai souci des autres.

Jean Alvarez, fraternité Émile Romanet

L’enseignement catholique

Le 30 août 2024 marquera le jour de ma 23ème rentrée scolaire au sein de l’Éducation Nationale et de l’enseignement catholique, et, en écrivant ces lignes, je me demande combien d’années encore je vais réussir à exercer mon métier avec sérénité.

Le métier d’enseignant est un des plus beaux métiers du monde : il permet de transmettre et de recevoir, de construire avec les jeunes, de les faire grandir en leur inculquant des valeurs comme le respect et la tolérance. Ce qui m’a animée depuis le début et m’a apporté un épanouissement professionnel s’est heurté ces dernières années aux dysfonctionnements d’une société malade. Que s’est-il passé ?

Issue d’une famille modeste des Deux-Sèvres, mes sœurs et moi avons été baptisées par tradition et parce que cela représentait une étape importante dans la vie de notre famille. Cependant je n’ai jamais reçu d’éducation religieuse avant mes 11 ans. A l’entrée au collège, nos parents ont fait le choix de nous inscrire dans l’enseignement catholique. Ils voulaient nous protéger des violences que nous subissions à l’école de notre quartier et nous offrir l’accès à la réussite scolaire. J’étais consciente que cela représentait un sacrifice financier pour eux et j’ai vécu ma scolarité au collège l’Espérance comme dans une bulle de protection. Nous étions en 1989 et la vie dans notre cité des 3000 (appelée aussi la Rose-des-Vents) n’était pas de tout repos. Aujourd’hui, j’éprouve de la gratitude et de la reconnaissance à l’égard de cette institution, et particulièrement à l’égard des professeurs et des encadrants qui m’ont toujours octroyé un espace de confiance et de liberté, et cela tout en m’imposant un cadre et des règles. Si l’enseignement et l’éducation que j’y ai reçus n’ont pas fait de moi une catholique pratiquante, ils m’ont apporté la confiance et des valeurs que j’ai aujourd’hui plus de mal à transmettre à des élèves en perte de repères.

Ma carrière d’enseignante a débuté en même temps que les premières journées nationales des assises de l’enseignement catholique, en 2000, et que les politiques d’éducation prioritaire dans l’Éducation Nationale. Il soufflait un vent de réformes et les formations de l’ISFEC et de l’IUFM dont je bénéficiais me donnaient le sentiment que la « guerre privé/ public » s’estompait, et disparaissait. Nous travaillions ensemble avec mes collègues du public et du privé. Ce qui importait était d’avancer en faisant preuve de plus de considération des individus. J’ai choisi l’enseignement privé catholique pour différentes raisons et je partage les valeurs de l’humanisme chrétien. Aussi je continue de croire que nous pouvons tous ensemble construire une école ouverte aux différences, soucieuse des libertés de chacun et en faire un espace de paix, un sanctuaire. Dans tous les établissements catholiques que j’ai fréquentés, nous accueillions des élèves en difficulté ou aux profils sociaux très divers ; et les efforts pour inclure l’autre dans sa différence étaient un succès chaque fois que les moyens humains et financiers étaient déployés. Quelques années plus tard, je constate que malgré cette volonté commune de réformer l’école dans le bon sens, les difficultés demeurent.

Aujourd’hui, j’enseigne dans un établissement catholique de province et le profil des élèves (issus de catégories sociales moins élevées) et celui des professeurs (globalement moins impliqués dans la pastorale) est très différent de celui que j’ai connu en région parisienne, mais les conséquences sur notre travail qui sont liées à la transformation de notre société restent les mêmes partout. Lorsque j’évoque plus haut les dysfonctionnements d’une société malade, des élèves en perte de repères ou les difficultés que je rencontre au sein de l’enseignement catholique, je fais référence à tout ce qui rend mon quotidien plus difficile qu’il ne l’était lorsque j’ai commencé ce métier. Jusqu’à présent, je n’avais pas à faire face à autant de situations familiales compliquées et très diverses (mésententes des familles quant à l’éducation, détresse de parents dépassés, souffrances d’enfants qui n’ont ni cadre ni limites, parents omniprésents ou absents, familles dans le jugement…). Dans la solidarité de notre équipe, je vis et côtoie avec impuissance le mal être de notre corps enseignant (manque de reconnaissance et de moyens, manque de confiance, de soutien ou de cohésion dans la communauté, fossé entre les discours et les actes…) et je constate avec tristesse que les politiques actuelles vont à l’encontre du bien-être de l’école. Non, les groupes de niveaux et le regroupement d’élèves en difficulté ne fonctionnent pas. Nous l’expérimentons tous les jours, cela fonctionne pour les « bons élèves », pour « l’élite » mais pas pour ceux qui sont en difficulté. Les établissements ne devraient-ils pas éviter de « ghettoïser » les élèves ? Je me demande si les enseignants de Stanislas ressentent le même mal être que celui des professeurs de mon petit collège de province ? En effet, l’enseignement catholique est lui aussi confronté aux problèmes que connaissaient déjà les établissements publics de mon quartier il y a 35 ans.
Je me sens impuissante lorsque je me retrouve face à une classe qui concentre plusieurs élèves en grandes difficultés scolaires : des élèves TDAH, des élèves dyslexiques, des élèves aux troubles psychiatriques ou souffrants d’anxiété mais aussi des élèves dont les bases éducatives sont si différentes les unes des autres. Nous avons besoin d’encadrants et de petits effectifs mais aussi d’un climat de confiance pour réussir notre mission d’enseignants-es /éducateurs-trices.
N’est-il pas temps de dépasser les guerres politiques privé/public pour apporter à l’école les moyens financiers et humains qui sont aujourd’hui plus qu’indispensables ?

V. Cerceau, professeur d’espagnol
Le 26/04/2024

AIME-MOI, TEL QUE TU ES

Moi, dit Dieu, tel que je suis,
Je t’aime, toi, tel que tu es.
Je t’aime personnellement, car tu es unique pour moi
et je suis le seul à connaître ton nom nouveau
Je t’aime passionnément, avec ce caractère unique qu’est la jalousie divine…
jusqu’à donner ma vie pour toi
Je t’aime divinement, en toute gratuité et toute éternité…
de toujours à toujours
Et je ne changerai jamais

Je connais ta misère, les combats et les tribulations de ton âme ; la faiblesse et les infirmités de ton corps ; je sais ta lâcheté, tes péchés, tes défaillances ; je te dis quand même : « Donne-moi ton cœur : aime-moi comme tu es ».
Si tu attends d’être un ange pour te livrer à l’amour, tu ne m’aimeras jamais. Même si tu retombes souvent dans ces fautes que tu voudrais ne jamais connaître, même si tu es lâche dans la pratique de la vertu, je ne te permets pas de ne pas m’aimer.
Aime-moi comme tu es. A chaque instant et dans quelque position que tu te trouves : dans la ferveur ou dans la sécheresse, dans la fidélité ou dans l’infidélité.
Aime-moi tel que tu es. Je veux l’amour de ton cœur indigent ; si pour m’aimer tu attends d’être parfait, tu ne m’aimeras jamais. Ne pourrai-je pas faire de chaque grain de sable un séraphin tout radieux de pureté, de noblesse et d’amour ? Ne pourrai-je pas, d’un seul signe de ma volonté, faire surgir du néant des milliers de saints, mille fois plus parfaits et plus aimants que ceux que j’ai créés ? Ne suis-je pas le tout-puissant ? Et s’il me plaît de laisser pour jamais dans le néant ces êtres merveilleux et de leur préférer ton pauvre amour !
Mon enfant, laisse-moi t’aimer ; je veux ton cœur. Je compte bien te former, mais en attendant, je t’aime comme tu es. Et je souhaite que tu fasses de même ; je désire voir, du fond de ta misère, monter l’amour. J’aime en toi jusqu’à ta faiblesse. J’aime l’amour des pauvres ; je veux que, de l’indigence, s’élève continûment ce cri : « Seigneur, je t’aime ! » C’est le chant de ton cœur qui m’importe. Qu’ai-je besoin de ta science et de tes talents ? Ce ne sont pas des vertus que je te demande, et si je t’en donnais, tu es si faible que bientôt l’amour-propre s’y mêlerait ; ne t’inquiète pas de cela.
J’aurai pu te destiner à de grandes choses ; non, tu seras le serviteur inutile ; je te prendrai même le peu que tu as car je t’ai créé pour l’amour. Aime ! L’amour te fera faire tout le reste sans que tu y penses ; ne cherche qu’à remplir le moment présent de ton amour.
Aujourd’hui, je me tiens à la porte de ton cœur comme un mendiant moi, le Seigneur des seigneurs. Je frappe et j’attends, hâte-toi de m’ouvrir, n’allègue pas ta misère. Ton indigence, si tu la connaissais pleinement, tu mourrais de douleur. Cela seul qui pourrait me blesser le cœur, ce serait de douter et de manquer de confiance.
Je veux que tu penses à moi à chaque heure du jour et de la nuit ; je ne veux pas que tu poses l’action la plus insignifiante pour un motif autre que l’amour.
Quand il te faudra souffrir, je te donnerai la force ; tu m’as donné l’amour, je te donnerai d’aimer au-delà de ce que tu as pu rêver. Mais souviens-toi : « Aime-moi, tel que tu es. » N’attends pas d’être un saint pour te livrer à l’Amour, sinon tu n’aimeras jamais.

Anonyme

Partage de mars

La vie, dans laquelle nous sommes aujourd’hui, peut nous inspirer cette question. Partagés que nous sommes entre des situations dramatiques personnelles ou collectives, et des faits exceptionnels, sources d’émerveillement, nous pouvons nous demander :« à quoi, cela sert de vivre ? »

Il y a plus de 100 ans, c’était la fin de la guerre 14-18, nous n’y étions pas, mais nous avons quand même pris le temps d’évoquer cette hécatombe : nous n’en sommes pas fiers et nous constatons encore que cela n’a pas servi de leçon pour l’avenir.

Aujourd’hui, je veux évoquer le document que le pape François nous a offert récemment pour nous faire remarquer que nous sommes tous « appelés par Dieu à la sainteté dans le monde actuel ». Il est bon d’entendre ce message malgré les tentations du monde, et les prétentions humaines ; l’accès à Dieu est offert à tous mais cela ne se fait pas sans Lui. Les héros du moment ont, pour nous, un visage humain, ils sont à proximité, même s’il leur arrive d’être des êtres d’exception. Dieu entre aussi par une petite porte, il entre dans la dynamique communautaire et nous accompagne dans ce long chemin de foi et d’amour.
« Personne ne se sauve tout seul » voilà une clé importante de l’incarnation et du bonheur pour tous. Nous en sommes encore loin mais n’attendons pas que Dieu fasse à notre place ce qui relève de notre énergie et de notre intelligence.

Nous en avons un exemple récemment, avec le synode qui s’est tenu à Rome pour les jeunes et avec eux. Quel témoignage de travail collectif, sous l’action de l’Esprit ! Chaque jour l’action de l’Esprit est visible dans les témoignages et les propositions, pour que l’Eglise progresse. Chacun est renvoyé à sa propre expérience de vie, sur son terrain, car le projet de Dieu est unique mais les modalités sont multiples et variées. Nous sommes, en effet, tous appelés à devenir des vivants, pas en image ni en plâtre mais en chair et en os. Nous pouvons offrir un témoignage personnel dans notre vie quotidienne.

Un repère essentiel : le bien commun, avant le repli sur soi. S’il y a de l’amour dans ce que nous vivons, la vie ordinaire deviendra extraordinaire. . Nous sommes peut-être invisibles aux yeux du monde, mais nous sommes dans le cortège de tous ceux qui veulent un temps meilleur à vivre. Dieu devient plus visible et c’est ensemble que nous manifestons sa présence et son action. L’Espérance qui nous habite est à la base de la vie nouvelle qui ressurgira autour de Pâques. Courage, debout !

Thierry Gournay Lille, le 21 2 2024

Partage de février

La terre nouvelle (M.L. King)

Je fais le rêve qu’un jour la haine s’évanouira entre le père et le fils.
L’amour les réunira à la même table, un même vin coulant dans leurs verres. Ils se frapperont sur l’épaule et deux grands rires confon¬dus me diront qu’enfin ils se comprennent.

Je fais le rêve qu’un jour des hommes sortiront de leurs maisons les mains pleines d’argent et de possessions égoïstement amassées et qu’une fois encore, pour tous ceux qui n’ont rien, le pain sera multiplié.
J’attends le jour où l’homme ne profitera plus de l’homme ; les marchés d’esclaves disparaissant chez le blanc, le jaune et le noir ; la femme cessant d’être un objet pour devenir l’épouse et la mère ; l’ouvrier n’ayant plus peur de son employeur, parce qu’une justice règlera leur rapport ; le bien portant donnant la main à l’handicapé, et l’handicapé ayant une place au milieu de nous.

Je fais le rêve qu’un jour des soldats, laissant tomber leurs armes, courront embrasser ceux d’en face.

Je rêve de ce soir où le vieillard pourra s’endormir calmement au milieu de ses enfants, sans se sentir en trop ou en plus, retissant des liens entre ceux qui n’ont plus la patience de s’écouter, redonnant à des êtres bousculés, traqués par le travail la valeur du temps perdu et le goût du silence.

Je rêve encore que l’homme soit heureux d’être homme, faisant brûler ses masques, ses bassesses, sa gloriole trop fade ;
qu’il soit content d’être à sa place ; que jamais je ne le retrouve parvenu irresponsable, froufroutant dans quelques hiérarchie.

Je rêve enfin de gens heureux, qui auront mis l’amour avant toutes choses.

Partage de Janvier

La Vierge Marie est penchée au bord
De son cœur profond comme une fontaine
Et joint ses deux mains pour garder plus fort
Le ciel jaillissant dont elle est trop pleine

La Vierge Marie a fermé les yeux
Et voilé son cœur de ses deux paupières
Pour ne plus rien voir, pour mieux entendre
Un souffle qui fait trembler ses prières…

Un Ange a parlé tout bas dans la chambre
Toi seule, ô Marie, entends ce qu’il dit,
Toi seule dans l’ombre et le Paradis.
Il a semé Dieu tout grand dans tes membres.

Je ne l’ai pas vu. Mais en s’en allant
-J’étais sur le pas ému de la porte-
Il a laissé choir dans mon cœur tremblant
Un grain murmurant du Verbe qu’il porte.

Il a fait tomber à la place en moi
La plus ignorée et la plus profonde
Un mot où palpite on ne sait pas quoi,
Un mot dans mon sein pour le mettre au monde.

Ah ! comment un mot sortira-t-il bien
De moi que voilà qui suis peu savante ?
Mais le Saint-Esprit -je suis sa servante-
S’Il veut qu’il me naisse y mettra du sien.

Il y a dans toi, Vierge un petit Roi
Ton petit enfant, un Dieu ! Trois ensemble !
Et nul ne s’en doute. Il y a dans moi
Un petit oiseau dont le duvet tremble.

Marie-Noël

Faire l’Église du Christ

« Nous aimons notre Église avec ses limites et ses richesses, c’est notre Mère. C’est pourquoi nous La respectons, tout en rêvant qu’Elle soit toujours belle.
Une Église où il fait bon vivre, où l’on peut respirer, dire ce que l’on pense. Une Église de liberté.
Une Église qui écoute avant de parler, qui accueille au lieu de juger, qui pardonne sans vouloir condamner, qui annonce plutôt que de dénoncer.
Une Église de Miséricorde.
Une Église où le plus simple des frères comprendra ce que l’autre dira, où le plus savant des chefs saura qu’il ne sait pas, où tout le peuple manifestera.
Une Église de sagesse.
Une Église où l’Esprit-Saint pourra s’inviter parce que tout n’aura pas été prévu, réglé et décidé à l’avance.
Une Église ouverte.
Une Église où l’audace de faire du neuf sera plus forte que l’habitude de faire comme avant.
Une Église où chacun pourra prier dans sa langue, s’exprimer dans sa culture, et exister avec son histoire.
Une Église dont le peuple dira non pas « voyez comme ils sont organisés », mais « voyez comme ils s’aiment ».
Église de nos villages, Église des banlieues, des rues et des cités, Tu es encore petite, mais Tu avances. Tu es encore fragile, mais Tu espères. Lève la tête et regarde : le Seigneur est avec Toi ».

Mgr. Guy Deroubaix
Ancien évêque de la Seine Saint-Denis

Message sur le Bonheur…

« Vous pouvez avoir des défauts, être anxieux et même être en colère, mais n’oubliez pas que votre vie est la plus grande entreprise du monde. Vous seul pouvez l’empêcher d’échouer. Vous êtes apprécié, admiré et aimé par tant de gens. Rappelez-vous qu’être heureux ce n’est pas avoir un ciel sans orage, une route sans accident, un travail sans effort, une relation sans déceptions.
« Être heureux signifie trouver la force dans le pardon, l’espoir dans les batailles, la sécurité dans la peur, l’amour dans la discorde. Ce n’est pas seulement pour profiter du sourire, mais aussi pour réfléchir à la tristesse. Il ne s’agit pas seulement de célébrer le succès, mais d’apprendre des échecs. Il ne s’agit pas seulement de se sentir heureux avec des applaudissements, c’est d’être heureux en anonyme. Être heureux n’est pas une fatalité du destin, mais un exploit pour ceux qui peuvent voyager en eux-mêmes.
« Être heureux, c’est arrêter de se sentir victime et devenir l’auteur de son propre destin.  » C’est marcher à travers les déserts, mais être capable de trouver une oasis au fond de l’âme. C’est remercier Dieu chaque matin pour le miracle de la vie. Être heureux, c’est ne pas avoir peur de ses sentiments et pouvoir parler de soi. Ayez le courage d’entendre un « non » et de trouver confiance dans la critique, même quand c’est injustifié. C’est embrasser ses enfants, câliner ses parents, passer des moments poétiques avec ses amis, même quand ils nous font du mal.
« Être heureux, c’est laisser vivre la créature qui vit en chacun de nous, libre, joyeuse et simple. Vous avez la maturité de pouvoir dire :  » j’ai fait des erreurs ». C’est avoir le courage de dire que je suis désolé. C’est avoir le sens de dire « j’ai besoin de toi ». C’est avoir la capacité de dire « je t’aime ». Que votre vie devienne un jardin d’opportunités de bonheur… qu’au printemps il soit un amoureux de la joie et en hiver un amoureux de la sagesse.
« Et quand vous faites une erreur, recommencez à zéro. Parce que seulement alors tu seras amoureux de la vie. Vous découvrirez qu’être heureux ce n’est pas avoir une vie parfaite. Mais utiliser les larmes pour irriguer la tolérance. Utilisez vos défaites pour entraîner votre patience.
« Utilisez vos erreurs avec la sérénité du sculpteur. Utilisez la douleur pour vous connecter au plaisir. Utilisez les obstacles pour ouvrir les fenêtres de l’intelligence. Ne jamais abandonner… Surtout n’abandonne jamais les gens qui t’aiment. N’abandonnez jamais d’être heureux, car la vie est un spectacle incroyable. « .

En quoi la pratique de l’art nous élève-t-elle ?

Lorsque frère Joseph m’a demandé en quoi la pratique de l’art m’élevait, la question tombait comme une coïncidence. En effet la veille, je partageais mon parcours avec un artiste qui venait d’intégrer le Groupement Intensité dont je fais partie. A la fin de la conversation, il conclut : « la pratique de l’art a vraiment contribué à t’élever ». Comment en est-il arrivé là ? Par une suite d’exemples, dont je n’avais pas réellement conscience, et qui montraient que je m’étais ouverte aux autres. Contrairement au stéréotype qui veut que l’artiste soit un être égocentrique et enfermé dans son atelier, pour progresser dans ma pratique, j’ai dû, petit à petit, sortir de ma tanière et m’intéresser au monde qui m’entoure.

Le désir de créer m’est tombée dessus, une nuit alors que j’étais adolescente. A partir de ce moment, créer était devenu vital. Créer me donnait le sentiment d’exister. J’étais plus à l’écoute des ressentis et j’ai commencé à regarder les choses différemment. Je cherchais l’inspiration et je l’ai trouvée partout autour de moi. Pratiquer l’art m’a ancrée dans la réalité et d’un coup tout est devenu intéressant. Le monde qui m’entourait, loin d’être insipide ou laid, s’est révélé passionnant : une œuvre à part entière, véritable source d’inspiration.
Après une première période d’euphorie créative, un manque s’est fait sentir. Dessins, peintures, expériences, s’entassaient et tombaient aussitôt dans l’oubli. Tout ce que je vivais, seule avec moi-même semblait incomplet. Il manquait l’autre. Ainsi après avoir appris à ouvrir les yeux, j’allais apprendre à partager.

Lors de mon premier vernissage, ma mère est venue. Personne d’autre. Probablement parce-que je n’avais invitée qu’elle. Lorsque des inconnus me demandaient si j’étais l’artiste, je ne savais même plus mon nom, et de toute façon je n’avais pas trop envie de leur parler puisque je ne les connaissais pas. Partager ce n’est pas seulement montrer ce qu’on fait, c’est prendre soin de l’autre, s’intéresser à lui, l’inviter, créer un lien.
L’art est une leçon de vie. Il m’a appris énormément de choses mais pour ma part ce sont vraiment ces deux points _ ouvrir les yeux et partager_ qui m’ont élevée.

A mon tour j’ai posé la question aux personnes que j’ai rencontrées en expo (un bon moyen d’engager la conversation) et aux lecteurs de mon infolettre.

Les points qui sont le plus souvent revenus sont :
• L’ouverture aux autres et à l’espace.
• L’apprentissage de l’humilité, la quête et la recherche permanente. Le besoin de prendre du recul.
• Amélioration de notre bien-être.
• Voir la réalité avec d’autres lunettes et apprendre à apprécier les différences de points de vue.

Un petit rusé m’a aussi envoyé la réponse de Chat GPT, l’IA qui fait la une de l’actualité depuis quelques temps. Elle a répertorié six points qui forment un résumé bien complet. Je laisse les plus curieux aller lui poser la question. Pour les autres, voici sa conclusion :
« Dans l’ensemble, la pratique de l’art peut vous élever en vous permettant de vous exprimer, de développer votre créativité, d’améliorer votre perception, d’explorer de nouvelles idées, de trouver un bien-être émotionnel, et de stimuler votre réflexion et votre remise en question. C’est une expérience enrichissante qui peut contribuer à votre épanouissement personnel et à votre croissance intellectuelle et émotionnelle. » (Chat GPT)
Et vous, en quoi l’art vous élève-t-il ?

Merci à Frère Joseph, Marianne Martinez, Brigitte Loriers, Françoise Salmon et Philippe Sauvan-Magnet pour leurs contributions à cet article.

Laura Loriers alias Le Graveur Fou
Auteur des Péripéties d’une artiste au XXIe siècle.
www.legraveurfou.com