Padre Pio, une vie campanienne

On peut être peu sensible aux miracles et peu enclin au mysticisme tout en étant bousculé par certains phénomènes inexplicables. On peut être rétif à la vénération, être résolument méfiant voire hostile aux pratiques mercantiles, mais interpellé par les miracles, manifestation de Dieu révélant sa présence par un acte étrange qui ne semble pas pouvoir être expliqué scientifiquement. On peut être dubitatif, moqueur, mais tout de même intrigué par ces foules attirées par le saint capucin de San Giovanni Rotondo. Le pape François lui-même se rendit en mars 2018 sur les terres de Padre Pio. Il y avait alors 50 ans que le saint considéré comme le plus populaire d’Italie était mort et cent ans qu’étaient apparus les stigmates de la Passion du Christ sur ses mains, ses pieds et sa poitrine. Le souverain pontife célébra la messe face au sanctuaire devant 40 000 fidèles. Mais qui était ce personnage tant vénéré ?

Ce fut à l’ouest de la chaîne des Apennins en ses terres fertiles couvertes de vignobles, d’oliviers, d’orangers et de citronniers, à l’ombre du tempétueux Vésuve, que naquit Francesco Forgione le 25 mai 1887 en la petite cité béneventane de Pietrelcina. Dans cette partie méridionale de l’Italie qui borde la baie de Naples, Grazio et Maria Giuseppa baptisèrent dès le lendemain de sa naissance leur enfant, comme cela se pratiquait souvent à l’époque. Le petit Francesco, très pieux, de santé fragile, se rendait à l’église le matin et le soir afin de prier. Un de ses directeurs spirituels affirma que le jeune Francesco était confronté à des expériences mystiques dès l’âge de 5 ans. En toute naïveté, le petit garçon pensait que tous les autres enfants recevaient des grâces similaires. Certains racontaient qu’il s’était consacré à Dieu dès l’âge de 5 ans et que Jésus lui était apparu sur l’autel de l’église de sa paroisse et avait posé la main sur sa tête. Francesco fit sa première communion à l’âge de 12 ans et sa confirmation un an plus tard. Il était issu d’une famille paysanne pauvre et ses parents ne savaient ni lire ni écrire. Pourtant, ils formaient de grands espoirs et espéraient que leur fils devînt prêtre. Or, petit garçon, Pio confia à ses parents son désir de devenir religieux. Ceux-ci demandèrent alors aux frères capucins du monastère le plus proche de l’accepter. À cette époque, Pio n’avait été à l’école publique que pendant trois ans et les frères répondirent qu’il devait attendre encore avant d’être admis.

Confiant en la vocation de son fils, son père souhaita lui offrir une éducation de qualité qui nécessitait qu’il gagnât plus d’argent. Il décida donc de partir pour l’Amérique travaillant en Jamaïque et à New York. Ainsi, put-il envoyer de l’argent en Italie pour que Francesco pût bénéficier d’un professeur particulier ce qui permit que le 6 janvier 1903 à l’âge de seize ans à l’adolescent d’entrer au noviciat de l’Ordre des Frères Mineurs Capucins à Morcone. Ce fut en ce lieu que, le 22 du même mois, il revêtit l’habit franciscain et prit le nom de Frère Pio. Une fois achevée l’année du noviciat, il fit profession en émettant les vœux simples et, le 27 janvier 1907, les vœux solennels, …

Érik Lambert

Message sur le Bonheur…

« Vous pouvez avoir des défauts, être anxieux et même être en colère, mais n’oubliez pas que votre vie est la plus grande entreprise du monde. Vous seul pouvez l’empêcher d’échouer. Vous êtes apprécié, admiré et aimé par tant de gens. Rappelez-vous qu’être heureux ce n’est pas avoir un ciel sans orage, une route sans accident, un travail sans effort, une relation sans déceptions.
« Être heureux signifie trouver la force dans le pardon, l’espoir dans les batailles, la sécurité dans la peur, l’amour dans la discorde. Ce n’est pas seulement pour profiter du sourire, mais aussi pour réfléchir à la tristesse. Il ne s’agit pas seulement de célébrer le succès, mais d’apprendre des échecs. Il ne s’agit pas seulement de se sentir heureux avec des applaudissements, c’est d’être heureux en anonyme. Être heureux n’est pas une fatalité du destin, mais un exploit pour ceux qui peuvent voyager en eux-mêmes.
« Être heureux, c’est arrêter de se sentir victime et devenir l’auteur de son propre destin.  » C’est marcher à travers les déserts, mais être capable de trouver une oasis au fond de l’âme. C’est remercier Dieu chaque matin pour le miracle de la vie. Être heureux, c’est ne pas avoir peur de ses sentiments et pouvoir parler de soi. Ayez le courage d’entendre un « non » et de trouver confiance dans la critique, même quand c’est injustifié. C’est embrasser ses enfants, câliner ses parents, passer des moments poétiques avec ses amis, même quand ils nous font du mal.
« Être heureux, c’est laisser vivre la créature qui vit en chacun de nous, libre, joyeuse et simple. Vous avez la maturité de pouvoir dire :  » j’ai fait des erreurs ». C’est avoir le courage de dire que je suis désolé. C’est avoir le sens de dire « j’ai besoin de toi ». C’est avoir la capacité de dire « je t’aime ». Que votre vie devienne un jardin d’opportunités de bonheur… qu’au printemps il soit un amoureux de la joie et en hiver un amoureux de la sagesse.
« Et quand vous faites une erreur, recommencez à zéro. Parce que seulement alors tu seras amoureux de la vie. Vous découvrirez qu’être heureux ce n’est pas avoir une vie parfaite. Mais utiliser les larmes pour irriguer la tolérance. Utilisez vos défaites pour entraîner votre patience.
« Utilisez vos erreurs avec la sérénité du sculpteur. Utilisez la douleur pour vous connecter au plaisir. Utilisez les obstacles pour ouvrir les fenêtres de l’intelligence. Ne jamais abandonner… Surtout n’abandonne jamais les gens qui t’aiment. N’abandonnez jamais d’être heureux, car la vie est un spectacle incroyable. « .

« François…ou quand l’autorité se fait service. » 3ème partie

Après avoir vu comment François appelait ses frères à exercer leur autorité au sein de l’Ordre, en particulier les ministres, nous avons, nous aussi, à nous interroger sur la manière dont nous vivons nos responsabilités. Quel que soit le domaine dans lequel elles se situent – familial, professionnel, sociétal, mais aussi associatif ou religieux – elles peuvent aisément devenir lieu de pouvoir et d’abus de toutes sortes.
Dans notre famille, notre autorité parentale fait-elle place à l’écoute et au dialogue ? Vise-t-elle à accompagner l’enfant, à le guider au mieux dans son apprentissage de la liberté, pour qu’il puisse grandir et s’épanouir pleinement ? La tentation est grande, parfois, de lui imposer des schémas et des choix de vie qui ne sont pas les siens et qui peuvent être source de souffrances.
Dans notre milieu professionnel, sommes-nous des concurrents acharnés, dans une logique de réussite à tout prix, et donc prêts à écraser l’autre pour avoir le dessus ? Savons-nous travailler en équipe et déléguer les tâches, sommes-nous capables d’accepter des points de vue divergents, ou bien est-ce le « petit chef  » qui sommeille en chacun de nous qui l’emporte ?
Dans nos engagements, vivons-nous la charge que nous exerçons, à titre bénévole, comme un appel et un service pour la communauté, comme une mission pour laquelle nous sommes mandatés et qui peut s’interrompre à tout moment ? Ou avons-nous, peut-être malgré nous, le sentiment d’être indispensables, et donc irremplaçables ?
Les différentes responsabilités que nous avons à assumer tout au long de notre existence nous sont confiées et elles nous confèrent une forme de pouvoir dont nous ne sommes ni l’origine, ni la fin.
Pour les vivre dans « un esprit chrétien de service » (Projet de Vie 14), il nous faut, tout d’abord, rechercher la volonté de Dieu, et donc prendre le temps de la prière, afin de mieux discerner, accueillir et faire nôtre cette volonté divine : « Que rien ne se fasse sans ton avis, et toi non plus, ne fais rien sans Dieu » (Saint Ignace d’Antioche, Lettre à Polycarpe). C’est ainsi que nous pouvons être amenés, par exemple, à accepter une charge que nous n’aurions pas envisagée ou souhaitée de nous-même.
Il nous faut, également, ne jamais oublier que ces responsabilités nous sont données pour un temps défini, et il est primordial qu’il en soit ainsi afin que nous ne soyons pas tentés de nous les approprier de manière définitive. Sinon, notre autorité risque fort de se transformer en pouvoir, avec toutes les dérives que nous connaissons. En avoir conscience dès le départ peut nous aider à garder suffisamment de distance pour vivre cette autorité dans la sérénité et le détachement, nous démarquant ainsi de la société actuelle qui nous pousse, tout au contraire, à la personnalisation à outrance…
Ce faisant, il nous devient alors plus facile de partager cette autorité et de mettre en chemin ceux et celles qui pourront à leur tour l’exercer.
François se plait à rappeler que le ministre de l’Ordre est le serviteur de ses frères, le cardinal Franc Rodé, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, utilise, lui, cette belle expression : « le service de l’autorité » (Faciem tuam, Domine, requiram, 11 mai 2008). L’autorité en soi n’est pas un mal, elle est même nécessaire dans la vie d’un groupe, mais elle doit avoir le souci du bien commun et, par conséquent, être animée par l’esprit de service.
Et si nous voulons réellement que notre autorité se fasse service, il nous faut impérativement changer de mœurs et convertir notre mode de gouvernance… Prendre le temps d’écouter, alors même que nous avons souvent à agir dans l’urgence ; créer un climat de confiance qui privilégie le dialogue, autorise le débat et ne craint pas la contradiction. Apprendre à respecter le rythme de chacun, à discerner les qualités et à promouvoir les talents des uns et des autres. S’appliquer à se montrer le plus juste et le plus équitable possible. Savoir affronter les tensions inévitables, voire les conflits, sans les ignorer ou les minimiser, en s’efforçant de les résoudre collectivement, dans un climat qui se voudra apaisé. Faire preuve de patience, de bienveillance, mais être aussi capable de fermeté lorsqu’une décision doit être prise, car l’autorité, pour être utile et efficace, ne se satisfait pas des éternels atermoiements.
Enfin, l’exercice de l’autorité, même lorsqu’il se veut au service des autres, peut être en butte aux incompréhensions et générer peu à peu le doute, le découragement et conduire à une certaine forme d’isolement. S’il faut, à un moment ou à un autre, en passer par un examen humble et honnête de la situation et par une éventuelle remise en question, il est avant tout indispensable de pouvoir conserver la paix de l’âme…Seule la prière peut nous guider sur ce chemin de l’amour du Père, un amour fidèle et miséricordieux en toutes circonstances.
Notre Projet de Vie précise qu’une charge de ministre ou de responsable « est temporaire et est un service de disponibilité et de responsabilité à l’égard de la Fraternité et de chacun de ses membres » (PDV 21). Loin de vouloir nous approprier une charge, et encore moins d’en tirer profit, ayons à cœur le service de l’autorité et appliquons-nous à le vivre comme François et ses frères, comme des « mineurs » : les plus petits et les serviteurs…

P. Clamens-Zalay

L’apocalypse de saint Jean

Les différences entre l’Apocalyptique et le Prophétisme

1_ Que veut dire « APOCALYPSE » ?
Ce mot ne veut dire ni catastrophe ni épouvante, mais « dévoilement de quelque chose qui est caché et connu de DIEU seul » – « dévoilement » comme au théâtre lorsque le rideau se lève, ou lors d’un jour d’inauguration lorsqu’on dévoile une statue, une plaque
Dans les temps de crise gravissime, lorsque la foi parait être submergée par le déchaînement des régimes totalitaires qui semblent sur le point d’interdire à jamais la réussite du Dessein de Dieu, les croyants brûlent de connaître la réponse à 2 questions :

1° Pourquoi la Résurrection du Christ, pourtant censée avoir inauguré le temps du Règne de Dieu, peut-elle être ainsi mise en échec ? Jésus n’a-t-il pas triomphé de toutes les puissances mauvaises ?

2° Comment tout cela finira-t-il ? L’Eglise ne va-t-elle pas disparaître ?
Alors un « voyant » se lève, chargé par Dieu de ranimer le courage et de vaincre la désespérance des croyants écrasés , en leur rapportant ce qu’il a vu lorsque Dieu a écarté pour lui le voile qui cache la fin des temps, et donc la signification ultime du cours de l’histoire. Et qu’a-t-il vu ?
Il a vu l’envers des événements, le « dessous des cartes ». Car le théâtre du monde a son correspondant là-haut sur .la grande Scène du Ciel. Si bien que sous le tragique des circonstances, notre voyant est le témoin du gigantesque combat entre les forces divines et les puissances du mal, et il en sait l’issue :
• apparemment le satanisme totalitaire triomphe, mais il va s’effondrer sous peu ;
• le Règne de Dieu est déjà là, malgré les apparences mortifères, car l’Esprit a été donné aux fidèles, et personne ne saurait leur arracher la vrai vie, la vie éternelle qui déjà les pénètre. D’ailleurs les chrétiens qui ont donné leur vie participent déjà au triomphe de 1’Agneau immolé.

2_ Un sens « populaire » qui a perdu son sens originel… – Si dans le langage courant « apocalypse » signifie « catastrophe et vision d’épouvante », on est fort loin du sens originel de « dévoilement ». Mais on comprend la dérive, car les descriptions de Jean ne font pas non plus dans la dentelle.
Alors pourquoi ce scénario d’un tel gigantisme batailleur, alors que l’Evangile respire la paix et la miséricorde ? – C’est que l’Histoire elle-même est à ce moment-là d’un tragique presque insoutenable, tant la puissance totalitaire apparaît monstrueuse et invincible. Où se trouve donc la puissance de Dieu ?
On le voit, la cause de la foi ne peut être qu’un combat au sommet, et l’enjeu ne peut être que colossal : c’est Dieu ou Satan. D’où la démesure littéraire, seule à la mesure d’un enjeu hors mesure.

3_ Un genre fort ancien – Jean va puiser à profusion dans une banque d’images traditionnelles du prophétisme de l’A.T. Il en fera le tissu conjonctif de son livre.
— Dans l’A.T. : Isaïe ch. 6 et 24-27 (vers 593-591) – Ezéchiel (durant l’Exil, 587-538) : vision en 1-2 – Joël (vers 400) : ch. 2-4 – Zacharie (vers 300) : ch. 9-14 – et surtout Daniel (vers 167) : ch. 7 à 12.
— Dans l’INTERTESTAMENT (abondante littérature juive et même chrétienne, juste avant et après JC) : deux « Apocalypses de BARUCH » – « Livre des secrets d’ENOCH » – « Assomption de MOÏSE » – « 4° livre d’ESDRAS », etc…
— Dans le N.T. : Mt 24, 1-36 – Mc 13 – Lc 17, 22-37 ; 21, 5-33 – 1 Th 4, 13 ; 5, 1 et 2 Th 2, 1-12.

4_ « Apocalypse » et « prophétie » – Deux genres cousins (Jean s’intitule lui-même « prophète »), mais il y a quelques nuances :
1)- Contrairement à une idée reçue, le prophète ne parle pas avant tout du futur mais du présent : il est le « haut-parleur » de Dieu qui rappelle sans cesse 1′ »aujourd’hui » de l’Alliance qui se joue dans les circonstances du moment, même s’il lui arrive d’évoquer le futur radieux ou menaçant. Il est essentiellement un « exhortateur ».
Mais quand humainement tout semble désespéré, l’espérance ne se nourrit plus seulement de promesses, elle cherche à « voir » la fin. Alors l’auteur d’Apocalypse prend le relais du prophète pour dévoiler le futur. Au fond il se spécialise en « prophète de la fin des temps ». – Ex. dans 1’Apocalypse, les ch. 2-3 (Lettres aux Eglises) relèvent de la prophétie. Tout le reste, 4 à 22, est du genre apocalyptique.
2)- Autre nuance, la prophétie s’adresse à l’oreille : il faut « écouter » la Parole de Dieu, c’est-à- dire « obéir ». L’apocalypse, elle, s’adresse à l’œil : elle nous en met plein la vue, par un scénario grandiose.

Fr Joseph

Prière

« Seigneur, daignez jeter un regard de miséricorde sur votre Église, attaquée plus que jamais et que ses ennemis s’efforcent d’ébranler en l’arrachant à ses bases, en la séparant de la foi de saint Pierre et de ses successeurs. Ne permettez pas que nous nous séparions de ce centre d’unité, que nous affrontions la tempête sur une autre barque que sur celle de Pierre, que nous bâtissions l’édifice de notre salut sur un autre rocher que sur celui où vous avez élevé votre Église. »

Emmanuel d’Alzon (1810-1880), fondateur des Augustins de l’Assomption.

Une expo Un livre

Éternel MUCHA : un artiste humaniste père de l’art nouveau

Grand Palais immersif, 110 rue de Lyon, 75012 Paris. Jusqu’au au 05/11/2023, Tarif : 20 €
En savoir + 👉 c’est ici

La Révolution industrielle contribua à dynamiser l’économie, le commerce et la vie culturelle. La presse, l’édition, le théâtre, les spectacles, les loisirs sollicitaient la publicité qui se développa spectaculairement. Les affiches publicitaires devinrent l’une des manifestations de l’expansion commerciale et furent souvent perçus comme des objets culturels et esthétiques. Les travaux haussmanniens en couvrant Paris de palissades offrirent des supports privilégiés aux affiches. L’urbanisation, l’expansion du monde ouvrier et de la bourgeoisie contribuèrent au débat afférent à la démocratisation de l’art et à l’embellissement des rues ; autant de facteurs propices au développement de l’affiche. C’est dans ce contexte que l’artiste-affichiste tchèque Alfons Mucha trouva la célébrité, celle d’une figure de l’Art nouveau parfois qualifié de « style nouille ». Ce style c’est celui des courbures élégantes, des arabesques de fleurs, de végétaux, de motifs naturels, de figures élancées de femmes sensuelles, idéalisées aux longues chevelures ondoyantes ; telles d’éthérées icônes byzantines apparaissant dans des nimbes oniriques. Végétaux, silhouettes et contours ornementaux sont de couleurs aux tons doux et pastel.
Le Grand Palais Immersif, contigu à l’opéra Bastille, nourrit l’ambition de présenter l’univers singulier de « l’éternel Mucha » à la faveur de projections géantes en offrant parfois au visiteur l’opportunité de s’allonger confortablement afin de profiter des réalisations graphiques. Animations interactives, ambiance musicale et créations olfactives se découvrent au fil d’une flânerie en trois actes : l’affichiste, l’Exposition universelle de 1900 et l’affirmation des racines slaves de Mucha dans le contexte nationaliste généré par le crépuscule des grands empires continentaux. L’interactivité permet même de créer sa propre affiche en s’inspirant de l’artiste, de ses modèles et compositions florales et de s’adresser la création par voie électronique.
Le premier acte est visuel. Il se déploie dans une pièce immense au plafond à hauteur démesurée, dotée d’un écran géant sur lequel apparaissent progressivement, à la faveur d’images de synthèse, un mélange d’affiches de publicité, de théâtre ; de notes biographiques et contextuelles. La célébrité de cet artiste survint avec l’affiche Gismonda, drame de Victorien Sardou au Théâtre de la Renaissance, avec la « Divine », la « voix d’or » Sarah Bernhardt. 4 000 affiches à placarder sur les murs de Paris. Tous les artistes de l’imprimeur étant alors en vacances, c’est le jeune Mucha auquel fut confiée la réalisation de la commande. Séduite par l’image d’une femme mystérieuse qui n’est pas seulement l’annonce d’une représentation théâtrale mais qui attire aussi le passant, la tragédienne devint sa muse. La diva lui offre un contrat de six ans, l’introduit dans le milieu du théâtre, dans les cercles mondains, et lui apporte la renommée.
Mucha imagine un nouvel idéal féminin à la beauté en harmonie avec la nature, la chevelure cernée de traits noirs, s’échappe et se prolonge pour devenir à son tour un motif linéaire. La femme est omniprésente dans l’œuvre de Mucha y compris lorsqu’il abandonne les affiches pour se consacrer à la gloire des peuples slaves. Avec lui, l’affiche n’est plus description, elle devient un art à part entière.
À la demande de l’Empereur François-Joseph, il est chargé de décorer le pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l’Exposition Universelle de 1900. C’est l’événement mondial qui fit entrer à nouveau la France dans le concert des grandes puissances qu’elle avait quitté après le désastre de 1870. Bilan d’un siècle ou aurore de temps heureux ? Ce fut une manifestation de ce que l’on nomma avec une illusion nostalgique : la « Belle Époque ». Trottoir roulant à deux vitesses, grande roue, immense lunette astronomique, Jeux Olympiques d’été, métro parisien, exposition « nègre », fée électricité ; tant de « progrès » qui inspirent « l’Art nouveau ».
Mucha, épris de liberté, initié, engagé dans le combat politique aspirant à l’émergence des nations, artiste philosophe et humaniste espérant un monde meilleur, sollicite son talent artistique pour défendre une cause qui lui est chère : celle des peuples slaves soulevant le joug austro-hongrois. La magnifique Épopée slave est composée de vingt gigantesques tableaux ; vision inspirée du symbolisme, mêlant réalisme et fantastique, avec la voix de Mucha qui résonne lors d’un discours en tchèque. Il appelle au respect de l’identité mais aussi des différences culturelles. Ce franc-maçon n’était pas pour autant insensible aux élans mystiques ; très impliqué dans le courant spiritualiste et la théosophie, il crée une version illustrée du Pater noster en 21 planches.
Le parcours s’achève par une présentation de l’influence de l’esthétique Art nouveau sur certains artistes de rue, tatoueurs, créateurs de comics, d’affiches de concert, de pochettes de disques, de jeux vidéo, …
En définitive, c’est un beau voyage dans les créations du pionnier de l’art de l’affiche, dans l’œuvre d’un homme de son temps. Des cinq sens aristotéliciens, seul le goût n’est pas sollicité par ce spectacle. Les inconditionnels de Mucha tel l’ancien tennisman Yvan Lendl, y trouveront leur compte mais force est d’estimer le « spectacle » comme un peu court et de déplorer l’absence d’œuvres originales. Le tarif de 20 euros paraît par ailleurs quelque peu excessif. Dès lors, pourquoi ne pas terminer cette pérégrination dans l’univers de l’artiste morave en portant ses pas jusqu’au musée Carnavalet, dont l’accès est gratuit, afin d’admirer la reconstitution de la splendide devanture de l’orfèvre et joaillier Georges Fouquet réalisée par Mucha ?

Érik Lambert.


Analyse de la déraison
Un livre d’Augusto del Noce

Édition conférence, Format 16 x 22,5 cm, relié sous jaquette, 752 pages. 35.00 €
Site de l’éditeur 👉 Par ici

Les catholiques regardent parfois la politique avec distance, méfiance, voire avec répugnance : certes, ce n’est pas d’elle qu’ils attendent le salut ni en elle que les vertus s’expriment le mieux. Mais les catholiques sont aussi des citoyens, auxquels leur exigence morale interdit de se désintéresser du sort commun. Ce livre propose des outils précieux à qui cherche à mener son activité politique selon les principes auxquels il s’applique à conformer sa conduite, ce qui exige le double effort de raison garder devant les injonctions progressistes comme de s’affranchir du soutien automatique à l’ordre établi, trop longtemps de règle dans l’Église.

« Analyse de la déraison » rassemble 71 articles rédigés de 1945 à la fin des Trente Glorieuses par Augusto del Noce (1910-1989), sénateur démocrate-chrétien dans ses dernières années et avant tout philosophe italien de premier ordre, méconnu en France comme presque toute la tradition philosophique transalpine pourtant d’une richesse et d’une qualité enviables. Regroupés en trois parties : « Adversaires et approfondissements » ; « Sur la question du divorce » ; « Analyse du langage politique – Christianisme et politique », chacun des articles présente une réflexion approfondie sur les causes et les conséquences de l’athéisation de la société, éclairée par une conceptualisation solide et nourrie de considérations historiques sur des phénomènes que l’auteur a vu se former, se développer et dont il pressentit l’actualité dont nous sommes aujourd’hui les témoins désemparés.
La première partie constate la transformation de la société en « société permissive » — c’est-à-dire dépourvue d’autre principe directeur que celui de la recherche anarchique du bien-être immédiat — sous l’action conjuguée de forces hétérogènes et apparemment contradictoires : marxisme ; révolution sexuelle ; fascisme ; anti-fascisme ; surréalisme ; scientisme ; freudisme… Il n’y est plus perçu l’autorité, principe auquel Augusto del Noce consacre une passionnante étude en rappelant (par son étymologie augere) que l’autorité n’impose pas, mais accroît, fait grandir, et qu’elle se fonde sur la transcendance et non pas sur une quelconque hiérarchie sociale, surtout pas celle que domine une bourgeoisie capitaliste dont la vocation au progrès utilitariste préside à une involution que le philosophe de l’histoire fait remonter aux Lumières. Il montre en outre qu’une permissivité de cette sorte, loin de conduire à une quelconque libération, est la voie royale d’un nouveau totalitarisme : le « totalitarisme de la dissolution », entendons dissolution des valeurs.
La deuxième partie traite de la question du référendum de 1974 pour ou contre l’abrogation de la loi sur le divorce, question tout italienne en apparence, mais qui donne un exemple très convaincant de la manière dont le pseudo-libéralisme cache l’installation du totalitarisme qui s’emploie à la dissolution des vertus traditionnelles considérées comme obstacle au progrès alors qu’au contraire elles structurent indispensablement la liberté. Mais si del Noce récuse cette sorte de progrès qui consiste d’abord à nier Dieu, il réprouve autant le conservatisme étroit qui tue toute dynamique de la tradition — ou transmission, du latin tradere — dont il est vital d’entretenir la dynamique d’actualité toujours renouvelée.
Enfin, la troisième partie explore les termes et pratique de la politique tels qu’un chrétien peut les concevoir en conformité avec ses valeurs afin que celles-ci soient respectées pour le bien commun, en particulier le rejet absolu, au profit de la seule persuasion, de toutes violence et coercition. Del Noce invite à ne pas se laisser abuser par des oppositions dont le spectaculaire masque la réalité des pratiques et des intentions néfastes qui leur sont communes. Ainsi dans l’Italie encore (et toujours !) marquée par le fascisme et l’anti-fascisme discerne-t-il en ceux-ci des modes d’action et de pensée analogues, non pas avec la facilité de qui renvoie les adversaires dos à dos, mais en dénonçant leur commune erreur fondamentale : la négation de la transcendance dont le résultat, qu’il soit révolutionnaire ou réactionnaire, est tôt ou tard le totalitarisme, et c’est là un enseignement d’une inquiétante actualité pour nous : un totalitarisme nécessairement nouveau car jamais il n’apparaît sous la forme attendue.

Augusto del Noce n’est pas un homme d’opinion ; c’est un philosophe au travail avec une rigueur irréprochable, une culture d’une ouverture exceptionnelle et une hauteur de vue étonnamment exempte de préjugés d’où il examine idéologies et Histoire. Il fallait une solide raison pour analyser la déraison…Son éditeur et traducteur français, Christophe Carraud, choisit un titre parfaitement judicieux pour ce recueil d’articles qu’il a lui-même rassemblés, annotés, et dont chacun peut être lu pour lui-même avec grand profit. Que ces 752 pages ne dissuadent donc pas les bonnes volontés de cette lecture providentielle !

Jean Chavot

événements de décembre


Initiation à la spiritualité franciscaine

La famille franciscaine de l’Est francilien (Créteil/ St Denis/Meaux) propose une initiation à la spiritualité franciscaine sur l’année 2023-2024.
Il s’agit d’un cycle de 6 rencontres qui se dérouleront le samedi de 15h à 17h, chez les Sœurs de St François d’Assise, 31 rue du commandant Jean Duhail, 94120 Fontenay-sous-Bois.

Quand 👉 Les samedis 14 octobre, 18 novembre, 16 décembre, 20 janvier, 9 mars, 27 avril.
En savoir plus 👉 Françoise Rousseau 06-71-76-37-33


Présentation du nouveau livre de Michel Sauquet « Trésors de laspiriyualité franciscaine aux XXe et XXIe siècles

Mercredi 6 décembre de 19 h à 21 h
au couvent Saint-François (7 rue Marie-Rose – 75014 Paris)

Au programme :

19 h – 20 h 30 :
• Présentation du livre par Michel Sauquet et Gaële de La Brosse, éditrice aux éditions Salvator
• Table ronde « François d’Assise, un phare pour notre époque » animée par Michel Sauquet, avec :
➢ Frère Sylvain Besson, capucin du couvent Notre-Dame-de Paix
➢ Catherine Delmas-Goyon, vice-ministre nationale de l’Ordre franciscain séculier
➢ Brigitte Foch, présidente de l’association « Chemins d’Assise »
➢ Frère Luc Mathieu, franciscain, animateur de la bibliothèque en ligne Franciscalia
➢ Pierre Moracchini, directeur de l’École franciscaine de Paris
• Lectures de textes par François-Xavier Durye
• Intermèdes musicaux par Grégory Turpin

20 h 30 – 21h : dédicaces autour d’un verre de l’amitié

Entrée libre et sans réservation

Edito de septembre

Le choix de la rentrée

Au retour des vacances, le rêve d’une vie libre et légère (pour ceux qui ont pu la goûter) est vite ramené à la réalité des difficultés quotidiennes accrues dans l’insouciance de l’été. Car comme il est de piètre tradition, des décisions impopulaires y ont été prises : nouvelles augmentations des prix de l’énergie, de la taxe foncière… dont les effets pèseront encore davantage sur les moins favorisés, ajoutant au lourd climat social dont témoigna l’ampleur inédite du toujours actuel conflit des retraites, ainsi que (quoique d’une façon plus confuse) les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel. De même qu’il n’a été apporté qu’une réponse répressive à ces dernières, réponse dont la légitimité, mais aussi l’insuffisance et la brutalité, ne sont pas contestables, de même les réponses gouvernementales aux inégalités criantes, au délabrement général des services publics, au grave dysfonctionnement démocratique et à l’urgence climatique ne sont qu’annonces pour le moins superficielles, perçues par la population comme des effets de manche inconsistants, voire de grossières diversions. Faut-il par exemple se soucier de l’habillement de quelques collégiens plus que des 2 000 écoliers qui vivent dans la rue ? Peut-on se féliciter du « ralentissement » de l’inflation alors que nombre de familles se nourrissent à grand peine et tandis que les profits battent des records indécents, ceux de l’État compris, qui privilégie les impôts indirects les plus injustes et fourbit déjà d’autres 49-3 ? Peut-on se targuer d’une quelconque action climatique lorsque la seule mesure prise alors que sévissait une sécheresse prémonitoire fut de tenter d’interdire les Soulèvements de la Terre dans l’ignorance du caractère de cette association et au mépris du droit ?

Comment ne pas réagir devant les constats que chacun peut faire à moins d’un aveuglement coupable sur les grandes difficultés dans lesquelles se débat la plus grande partie d’entre nous dont les plus fragiles s’enfoncent dans la misère ? Comment peut-on se vivre comme membre du peuple de Dieu et ne pas faire entendre la voix de l’Évangile dans notre monde blessé, déchiré, afin qu’y soient restaurées l’espérance et la charité, en commençant par aider nos politiques et nos grands acteurs économiques à en revenir à une démarche de vérité et de justice, condition d’un retour à l’écoute d’où seulement renaîtra la confiance très largement perdue ? Le pape François, lui, ne ménage pas sa parole au nom de notre Église, ici pour inviter le gouvernement ukrainien aux concessions territoriales nécessaires à la paix, là pour inciter les patrons du MEDEF réunis dans leur université d’été à quitter la posture de mercenaires de la finance pour s’investir dans le « soin de la Création », dans le « bien commun », à retrouver « l’odeur de l’atelier », à protéger la dignité des travailleurs et l’intégrité de la Maison commune, « notre terre [qui] ne résistera pas à l’impact du capitalisme ». L’épiscopat français, en revanche, garde le silence devant les événements qui secouent le pays et les tensions qui en aggravent les fractures ; il ne s’effraie pas, du moins officiellement, des dérives ultra-libérales et autoritaires, des dangers imminents qui minent la cohésion sociale et la démocratie. On peut concevoir que tous nos évêques, comme nous-mêmes, ne sont pas toujours d’accord entre eux, que même certains, à l’instar des conservateurs de l’Église états-unienne, s’opposent aux initiatives de dialogue et aux admonestations du pape François contre la course au profit. On peut également alléguer l’histoire française des relations entre l’Église et l’État pour justifier le mutisme politique, voire se croire obligé à une réserve honteuse après le choc provoqué par le rapport de la CIASE. On peut aussi s’aligner sur la tradition dépassée de garant de l’ordre établi qui traversa l’histoire de l’Église en contradiction avec son rôle civilisateur éminent et de défense des démunis contre les puissants dans les ordres du soin, de l’éducation, de la justice, des Dix Commandements donnés à Israël pour mieux vivre en société aux prêtres ouvriers en passant par les abbayes dont le tissu structura l’Europe et maintint une vie intellectuelle au cours de longs siècles obscurs.

Mais le choix du silence est exclu car les défis majeurs qui se présentent amènent chacun à se prononcer. La Lumière de celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie n’est pas faite pour être placée sous le boisseau. L’Église aujourd’hui est-elle réellement la barque du Christ dans ce monde ? Est-elle capable, en France, d’être témoin de la Bonne Nouvelle, et donc d’apporter une parole critique ? Il en va de la responsabilité et de la conscience de chacun de le déterminer.

Le comité de rédaction