Mais au-delà de ces multiples efforts pour changer de mode de vie pratique, en tant que franciscaine, je ne peux qu’aspirer à une conversion écologique plus profonde, qui soit d’abord une révolution de la fraternité. Un concept en pleine expansion, dans les milieux engagés en la matière, illustre d’ailleurs bien la démarche, c’est celui de permaculture, qui vise à s’inspirer de la nature pour développer des systèmes en synergie, fondés sur la diversité des cultures, leur résilience leur productivité naturelle et leur interaction fertile. Nous voulons en effet que notre projet Propolis soit « permaculturel » tous azimuts, en favorisant certes différents types de productions agricoles selon cette méthode, aussi bien dans le potager, le verger que dans nos jardins de plantes à parfum, aromatiques et médicinales, mais aussi et d’abord en permettant des rencontres fructueuses entre les personnes.
Notre projet vise ainsi à brasser les profils des participants au cursus de formation : étudiants en césure, actifs en reconversion, salariés d’entreprise, chômeurs et retraités. Nous souhaitons aussi que Bonnecombe, qui est très grande et comporte en plus de l’abbaye-même, une ferme et un moulin, puisse accueillir des activité annexes au centre de formation, qui viendraient l’enrichir : lieu de vie et d’accueil pour mineurs migrants ou jeunes en séjour de rupture confiés à l’Aide sociale à l’enfance, artisans du fer, du verre de la pierre et visiteurs, le tout formant comme un écosystème en interaction fertile. Nous voulons aussi que des jeunes et familles résidant dans les cités – emmenés par exemple par l’association Le Rocher – puissent venir passer des séjours à Bonnecombe, en vue de renouer avec la nature et se ressourcer. Enfin, l’Association Propolis se fixe aussi comme objectif, dans ses statuts, le service du département de l’Aveyron et de la région Occitanie. Ceci implique de faire découvrir et aimer ces territoires à nos futurs étudiants et peut-être avant tout, de nous insérer dans le tissu local, à commencer par celui des habitants du village dont l’abbaye dépend. Ceci prend bien sûr un temps fou. Il faut lentement se défaire de l’image de parisiens idéalistes et gagner lentement la confiance des Aveyronnais de souche, un brin méfiants. Humblement, accepter de rester pour longtemps des étrangers.
Pour nourrir ma vie de prière, je ne peux pas m’appuyer sur une fraternité séculière en Aveyron. Car il n’y en a pas. J’ai en revanche reçu un très fraternel accueil au sein de la fraternité de La Drèche dans le Tarn, à une heure de l’abbaye. Je m’intéresse aussi de plus près à la règle de saint Benoît et à sa devise « ora et labora », qui structurera sans nul doute l’emploi du temps de Propolis. Bernard de Clairvaux, le grand saint cistercien et François, le saint d’Assise, sont donc des guides bien utiles sur ce long chemin de la conversion à 360 degrés !
La prétention devait paraître exorbitante. Il faut pourtant la prendre pour ce qu’elle est, ne pas la minimiser. Jésus déclare : il n’y a pas d’autre sauveur que moi, et tous ceux qui veulent être sauvés doivent passer par moi ! Pierre, devant le Sanhédrin dira : « … Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Ac. 4, 12).
Jésus prétend donc être le seul qui puisse nous faire passer d’un état à l’autre :
non seulement
de l’état de pécheur à l’état d’homme « convenable »
mais de l’état
d’homme convenable à l’état filial, c’est à dire selon le cœur du Père.
Ceci a des implications concrètes :
passer du sens de la justice ……………………. au sens de la miséricorde
passer de la vie honnête et droite ………….. au don de sa vie
passer de mesure ……………………………………. à l’illimité
passer du faire par devoir ……………………….. à la gratuit
passer de la satisfaction de se réaliser par soi-même …. au sens de se recevoir d’un Autre.
Le salut n’est donc pas seulement le fait d’être sauvé du péché, mais la grâce de pouvoir accéder au statut de frère du Fils bien-aimé, de quelqu’un qui porte lui aussi les traits et la ressemblance du Père des cieux. Seul le Fils peut nous faire devenir fils et filles.
Le rôle de la porte et du passage obligé, c’est aussi pour le Christ le rôle de rassembleur universel : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail… », c’est à dire plus loin que le peuple juif, à savoir les païens. Ils sont aussi l’objet du dessein du Père. Plus vaste que le peuple de l’Alliance, il y aura l’Alliance des peuples.
Le passage obligé que représente Jésus, c’est aussi pour les juifs, ses auditeurs, le passage obligé d’une conception du Messie à une autre. Il est frappant que Jésus n’évoque pour ainsi dire jamais les satisfactions matérielles et politiques. Au contraire, il parle d’un bon berger qui va jusqu’à « donner sa vie pour ses brebis ». Et plus loin : « personne ne me l’enlève, mais je m’en dessaisis de moi-même. » Jésus Messie, c’est donc Jésus qui va mourir. Consciemment, Jésus endosse ici la livrée du Serviteur Souffrant, dont parlait Isaïe 53, celui dont le sacrifice expiatoire allait sauver la multitude. Victime substitutive de la multitude, Jésus est effectivement le seul par lequel nous devions être sauvés.
Le Père…
le Fils… les Brebis
Dans ce passage, un personnage est évoqué plusieurs fois, celui du Père : 15.17.18.25.29.30 On a nettement l’impression qu’il est le personnage central : • la « vie éternelle », c’est la vie filiale selon le cœur du Père • le rassemblement universel, c’est le dessein ultime du Père • la connaissance que Jésus a des siens est semblable à celle qu’il a du Père • le don de sa vie se fait selon l’acquiescement du Père • ses œuvres, il les opère au nom de son Père • le Père, c’est celui à qui on n’arrache rien • le Fils ne fait qu’un avec le Père. >> Si le Père est le personnage central, c’est parce qu’il est la référence ultime de cette intimité si clairement affirmée de Jésus et des siens.
Tout ce passage du « Bon Pasteur » pourrait se résumer par la formule : « Ce qui va se passer entre Jésus et les siens, c’est précisément ce qui se passe déjà entre le Père et Jésus ». • c’est vrai de la connaissance réciproque (connaître = être en intimité avec) (v. 14) • c’est vrai aussi de ce que représente cette intimité : « personne ne pourra m’arracher mes brebis, comme personne ne peut arracher quelque chose de la main du Père » (v. 29) • c’est vrai, enfin, de l’unité du troupeau (v. 16) qui se devra tout entière à l’unité qui existe entre le Père et le Fils (v. 30).
Conclusion
Il s’agit, dans ce chapitre, d’une révélation théologique sur l’essence de la vie spirituelle dans l’Eglise. Cette vie spirituelle dès ici-bas a son fondement dans les cieux : il se passe entre Jésus et nous quelque chose d’identique à ce qui a lieu au sein de la Trinité.
Sœur Anne ne vois-tu rien venir ? Et Après …Moi. Le déluge !!!
On nous a dit que cette pandémie nous ouvrirait les yeux … Mais rien ne bouge … ou plutôt tout s’emballe comme avant.
L’argent magique. Pas un seul jour où l’on annonce une subvention, une aide, un allègement fiscal et que sais-je encore, alors qu’hier tout était refusé pour cause de déficit. Ces facilités sont les bienvenues mais… mais à la fin, qui assumera ce tour de passe-passe. L’ensemble des contribuables alors que les profiteurs se seront largement servis.
L’hôpital. Aucune remise en cause du système actuel de facturation à l’acte qui conduit à la disparition de l’hôpital public. La revalorisation des rémunérations ramenée à une simple prime circonstancielle payée en janvier. Fermeture de lits toujours en cours.
Plan d’urgence sanitaire. Le projet du gouvernement présenté aux députés puis aux sénateurs sans possibilité d’amendements (tout ou rien). Impossible de trouver un consensus et d’emporter l’adhésion du plus grand nombre.
Assurance chômage. Si la mise en route de la réforme de l’assurance chômage a été suspendue, ce qui est un minimum, rien n’est dit de sa transformation, à défaut de sa disparition. Rappel : le délai de carence porté de trois à six mois pour se voir ouvrir l’accès aux indemnisations. Estimation 700000 pauvres en plus.
Réforme des retraite Elle est suspendue mais elle aura bien lieu.
Financement du logement social. Le 1% patronal géré en parité par les organisations patronales et salariées est ponctionnée directement par l’état qui a le projet de récupérer les fonds avec suppression de la cogestion au profit d’une structure de type promoteur normal…
Renforcement de la politique aux frontières. Au prétexte des attentats horribles, contrôles renforcés, lutte plus musclée vis-à-vis de l’émigration clandestine. Expulsions des plus pauvres,
« FRATELLI TUTTI » Une étoile dans ce ciel bas. Encore mieux que « LAUDATO SI ». Enfin une approche globale où sont nommées d’une part les causes des déchirements et des injustices d’autre part les transformations radicales à mettre en œuvre au nom de fraternité planétaire.
L’après qui s’avance masqué, sera-t-il pire ou meilleur ? L’après ne viendra pas au fil de l’eau : s’accrocher à ce qui est juste et positif dans notre société d’aujourd’hui pour combattre tout recul, discuter, dialoguer et formuler des alternatives pour aller plus loin.
Dans la vie spirituelle, la sobriété n’apparait pas toujours comme telle, mais elle est sœur des vertus que se plaît à saluer St François : pauvreté, simplicité, humilité. Les premiers chrétiens « n’avaient qu’un cœur et qu’une âme », ils mettaient en commun ce qu’ils possédaient et le partageaient avec les plus démunis : « Parmi eux, nul n’était dans le besoin ; car tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait alors à chacun suivant ses besoins. » (Ac 4,32 ; 34-35) Les nouveaux convertis se référaient à cette parole du Christ : « si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens suis-moi ! » (Mt 19, 21-22). A la fin du IIIème siècle, Antoine le Grand fut le précurseur d’un mouvement spirituel qui vit le jour en Égypte. Des hommes quittèrent tout pour rejoindre le désert et y mener une vie ascétique, totalement consacrée à la prière pour les uns, associant prière et travail pour les autres. Les Pères du désert firent le choix du retrait et de la simplification pour se libérer de tout ce qui pouvait entraver leur relation à Dieu. Unis à leur Seigneur, ils étaient en profonde communion avec ce monde dont ils s’étaient éloignés. Leur influence sera grande sur le monachisme occidental car leur ascèse, qui peut parfois nous surprendre aujourd’hui, ne faisait pas d’eux des surhommes, mais des êtres unifiés et pacifiés. C’est précisément ce que rechercha saint Benoît dans sa Règle qui organise la vie des moines à travers trois grandes activités : la prière commune, la lectio divina et le travail manuel. Cette Règle est un modèle d’équilibre inégalé : basée sur la simplicité et la modération, elle prône la sobriété et la rigueur mais limite les excès dans l’ascèse, car cette dernière n’est qu’un moyen au service de la recherche de Dieu et de l’épanouissement de la vie intérieure. Cependant, nous savons bien que l’Église n’a pas toujours été un modèle de sobriété : pendant des siècles elle s’est voulue puissante et triomphante, multipliant à l’excès les richesses et les dorures, oubliant sa vocation à être une Église pauvre pour les pauvres…Fort heureusement, depuis Vatican II, les papes qui se sont succédé ont renoncé au faste et aux apparats et la liturgie a retrouvé « la noble simplicité » du rite et des ornements. Pour autant la sobriété n’est pas l’ennemie de la beauté. Toutes deux peuvent même coexister en parfaite harmonie dans une célébration ou dans un office, dès lors que le beauté ne se veut pas pur esthétisme, mais ouvre à une beauté qui lui est supérieure, La Beauté. Il en est de même dans notre vie d’oraison personnelle. Rien ne doit faire obstacle à la rencontre, à ce cœur à cœur avec Celui qui nous est plus intime que nous-même. Notre Père se dévoile dans le silence. Pour que sa Parole puisse être écoutée, méditée, priée, pour qu’elle prenne corps en nous, il faut pouvoir s’abstraire de ce monde et de toute forme de distraction. Il faut pouvoir également se décentrer de soi, pour être en union avec Celui que nous adorons. « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret ». Contempler le Très-Haut c’est aussi contempler le Très Humble. Dieu s’abaisse jusqu’à nous pour nous rejoindre dans la fragilité de notre condition humaine. Il n’a pas choisi de se révéler dans la gloire, la puissance et la richesse. Le Christ est « un Roi d’humilité, Roi sans palais, Roi sans armée », comme nous le chantons à l’Épiphanie. De la nativité à la mort sur la croix, c’est toujours sous les dehors les plus humbles que se manifeste l’amour divin. Ce mystère de l’humilité de Dieu, St François le contemple dans l’Eucharistie : « Voyez : chaque jour il s’abaisse, exactement comme à l’heure où, quittant son palais royal, il s’est incarné dans le sein de la Vierge ; chaque jour c’est lui-même qui vient à nous, et sous les dehors les plus humbles ; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel entre les mains du prêtre. » (Adm 1,16-18). Si la sobriété se dit dans la simplicité, la pauvreté et l’humilité, il est clair que ces valeurs ne sont pas celles de notre monde. Alors désirer être toujours plus uni au Christ suppose une vie intérieure extrêmement féconde pour se conformer à Celui que nous contemplons et que nous recevons. C’est ainsi que nous pourrons, à l’exemple de François, découvrir l’humilité de Dieu : « Ô admirable grandeur et stupéfiante bonté ! Ô humilité sublime, ô humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu et faites-lui l’hommage de vos cœurs. Humiliez-vous, vous aussi, pour pouvoir être exaltés par lui. Ne gardez pour vous rien de vous, afin que vous reçoive tout entiers Celui qui se livre à vous tout entier. » (L.Ord 27-29)
Toi qui es au-dessus de nous,
Toi qui es un de nous.
Toi qui es
Aussi en nous,
Fais que tout le monde te voie – aussi en moi,
Que je prépare le chemin
Qu’alors je te remercie de tout ce qui m’arrive.
Qu’alors je n’oublie pas la misère des autres.
Garde-moi dans ton amour
Comme tu veux que tous les autres demeurent dans le mien.
Que tout ce qui fait partie de mon être soit à ta gloire,
Et que je ne désespère jamais.
Car je suis dans ta main,
Et en toi sont toute force et toute bonté.
Anarchie et christianisme : voilà un titre qui sonne comme une provocation. On imagine mal en effet réunir deux termes aussi éloignés, voire opposés. En apparence du moins : ils ont pourtant en commun la force des préjugés qui entourent chacun, et à travers lesquels chacun voit l’autre.
Pour l’anarchiste, le chrétien est un suppôt de l’ordre établi dealer d’opium (« du peuple » — même si la formule est de Marx qui n’était pas anarchiste) et pour le chrétien, l’anarchiste est un suppôt de Satan poseur de bombes. Même si, incontestablement, certains anarchistes comme certains chrétiens ont incarné ces caricatures, elles sont loin de les représenter tous dans leurs réalités comme dans leurs intentions. C’est l’objet du livre : passer outre les préjugés afin qu’anarchistes et chrétiens se découvrent, dans leurs vérités et leur diversité, des convergences surprenantes pour les deux. Car l’auteur, Jacques Ellul, philosophe, politologue et théologien converti au protestantisme à dix-huit ans, en avertit dès les premières lignes : « (…) les certitudes à ce sujet sont établies depuis longtemps des deux côtés, et jamais soumises à la moindre interrogation ». Il puise pourtant dans l’Ancien, le Nouveau Testament et les enseignements pratiques de Jésus (qui, jusque devant Ponce Pilate, traite le pouvoir par le mépris) matière à démontrer le refus chrétien de toute domination hors celle de Dieu. Conjointement, il voit dans l’aspiration anarchiste le refus de toute violence et de toute oppression nées de la domination de l’homme par l’homme. Car seul Dieu est tout-puissant, et sa puissance est le contraire de la domination qu’il n’a exprimée qu’en trois occasions : Babel, le déluge, Sodome et Gomorrhe. Car « (…) le vrai visage du Dieu biblique c’est l’Amour ! Et je ne crois pas que les anarchistes seraient d’accord avec une formule qui serait « Ni amour, ni Maître ! ».
Alors qu’ill devient urgent aux yeux de la plupart d’entre nous de réinventer nos institutions politiques usées, dépassées par les réalités nouvelles de nos sociétés et incapables de relever les défis de l’avenir, peut-être est-il temps de revoir nos préjugés afin de tenter des rapprochements autrefois inconcevables et, pourquoi pas, à travers ce petit livre plaisamment écrit, de s’intéresser à la longue tradition, aussi riche que méconnue, d’anarchistes chrétiens et de chrétiens anarchistes.
Jean Chavot
Hold-up Pierre Barnérias et Christophe Cossé
Produit et réalisé grâce à un financement participatif par un journaliste et un producteur expérimentés, le film-documentaire Hold-up a défrayé la chronique après que trois millions de personnes l’ont vu, en version officielle ou piratée, dès le jour de sa sortie (11 novembre). Un record absolu ! C’est dire, quoi qu’on en pense, combien il répondait à une attente dans une période où il est difficile d’y voir clair, et où la confiance de la population dans ses institutions politiques, scientifiques, sanitaires et journalistiques est pour le moins émoussée. Mais répond-il vraiment à cette attente ?
Son objectif premier et proclamé — alerter l’opinion sur les manipulations, les tenants et aboutissants qui marquent la « crise sanitaire » — s’est rapidement retourné contre lui puisque ses auteurs se sont vus taxés eux-mêmes de « manipulateurs complotistes », et cela aussi bien par ceux qui approuvent sans réserves la gestion gouvernementale de l’épidémie que par ceux qui à l’opposé la remettent sévèrement en cause. Le film qui dure environ trois heures est constitué de deux grandes parties. La première expose — à charge contre l’État — les controverses sur les données de l’épidémie et leurs interprétations officielles. La seconde tire argument de la première pour dévoiler et dénoncer un projet (pour ne pas dire un complot) international — le « Reset » — qui mettrait l’épidémie à profit pour opérer une refonte complète des institutions sociales, politiques et économiques de la planète au seul profit d’une mince oligarchie représentée par un gouvernement mondial. C’est dans cette deuxième partie et dans son articulation avec la première, qui semble la justifier, que le film pèche principalement. Il n’en reste pas moins que la première partie pose des questions légitimes et fournit des données solides pour étayer la critique de l’approche gouvernementale de l’épidémie en France, marquée dès l’origine par des approximations, des incohérences et même des mensonges éhontés, de la question des masques à la falsification ou à la manipulation de conclusions « scientifiques » hâtives motivées par des conflits d’intérêt patents, le tout se combinant avec une posture autocratique inquiétante au sommet de l’État, qui disqualifie les institutions démocratiques et locales au profit d’un « conseil de défense » opaque, dont on peut se demander qui il défend exactement, et contre quoi. Mais au lieu de traiter sereinement et honnêtement cette problématique ô combien sensible, le film tombe dans les pires pièges de l’actualité à sensation, en utilisant tous les effets classiques du genre : musique de catastrophe, enchaînements spectaculaires, effets de clair-obscur, démagogie de l’émotion, témoignages suspects mêlés à des témoignages authentiques, experts autoproclamés validés par le côtoiement de personnalités respectables dans un montage si peu honnête que certaines se sont récusées après avoir visionné le film.
On ne peut pourtant pas se contenter de ranger dans la catégorie « complotiste » un documentaire qui connaît un tel retentissement, comme l’ont fait la plupart des grands médias (eux-mêmes propriété d’une dizaine de milliardaires). Parce que tout n’est pas inexact dans la première partie, loin s’en faut, mais surtout parce que la vraie question est : pourquoi les Français se précipitent-ils par millions pour le voir ? La réponse ne peut pas être simple, bien sûr. Mais il semble qu’une des raisons en soit une perte grandissante de confiance, un fossé qui s’élargit entre, d’une part, la population dont trop de catégories sont dans une grande souffrance économique et morale, qui peinent à comprendre des décisions qui leur apparaissent confuses et irrationnelles, et d’autre part un monde politique et médiatique perçu comme enfermé dans ses certitudes et coupé du réel. Comment ne pas comprendre le désarroi de la population devant l’approfondissement de ce fossé ? Rien d’étonnant à ce qu’elle aille chercher ailleurs que dans les canaux officiels la description acceptable du réel indispensable au dialogue. Qu’elle s’en voie privée comporte le risque de compromettre à terme la pérennité des institutions et la stabilité de la société. Vu comme une tentative de sauter ce fossé, le « complotisme » peut aussi exprimer le désir fécond de quelque chose…
L’année 2020 nous aura tous incités à multiplier des liens à distance, par téléphone ou visioconférence, vers des personnes avec qui nos attaches étaient parfois distendues. Comme si l’éloignement, paradoxalement, réussissait à nous rapprocher.
Pour ma part, depuis le mois de mars, j’ai pris l’habitude d’appeler toutes les semaines au téléphone une vieille amie confinée dans la chambre étroite et sombre d’un Ephad aux règles très strictes. À l’approche de ses 95 ans, loin de sa famille, elle voit les toutes dernières années de sa vie restreintes à la solitude et à l’attente. Les visites sont interdites la plupart du temps en raison du taux de contamination dans l’établissement, et les repas lui sont servis dans sa chambre.
Toutes les semaines, nos entretiens téléphoniques commencent de la même façon : « c’est dur ! » Elle me décrit l’épreuve que constituent ces journées entières sans parler à personne, sans lire (elle est devenue presque aveugle), sans autre distraction qu’une télévision qu’elle ne voit que trouble et qui lui apporte beaucoup plus de nouvelles anxiogènes que stimulantes. Mais invariablement, à mesure que notre conversation se poursuit, elle me dit continuer à prier et à cultiver l’espérance, seul moyen pour elle de tenir, en plus du lien que ses amis maintiennent à distance avec elle.
Une telle résistance dans l’épreuve m’impressionne et force mon admiration. Elle fait de nos coups de fil un rendez-vous hebdomadaire que j’attends désormais au moins autant qu’elle. Car comment ne pas s’émerveiller, dans l’ambiance d’incertitude totale dans laquelle nous sommes plongés, le courage et la foi de cette femme qui, comme Job jadis, se refuse à se révolter, et reste à l’écoute, dans sa nuit, de l’amour divin ?
Une telle période de profond abattement, nous savons que saint François l’a bien connue, notamment lorsqu’il a pris conscience des fortes turbulences qui se produisaient à l’intérieur de l’Ordre, comme nous le rappellent si bien les premières pages de Sagesse d’un pauvre. Mais ce qu’Éloi Leclerc, son auteur, fait observer, c’est que François, au cœur de ses souffrances physiques et psychologiques, retient bien moins des ténèbres leur obscurité que les clartés qu’elles révèlent (verrait-on les étoiles en plein jour ?), les germes d’espérance qu’elles contiennent.
François, jongleur de Dieu, poète de la louange, nous dit que les pires drames de ce monde ne sauraient anéantir notre espérance et faire oublier l’amour infini du Père. Par son courage, dans la solitude de sa terne chambre d’Ephad, c’est aussi, en pleine deuxième vague de la pandémie, le message que nous transmet inlassablement cette amie, et qui peut tellement nous aider tous à vivre l’incertain un peu plus sereinement.