Profession solennelle de sœur Denise-Marie, clarisse de la communauté de Cormontreuil

Le deuxième dimanche de l’Avent sœur Denise-Marie a prononcé ses vœux définitifs dans les mains de sœur Alice-Anne, abbesse des clarisses de Cormontreuil.

Cette femme de 71 ans, après un parcours compliqué, a trouvé son port d’attache. Elle vit dans la communauté de Reims depuis 6 ans. Elle dit combien elle y est heureuse. Comme quoi il n’est jamais trop tard !
Libanaise, c’est tout un pays qu’elle emporte avec elle. Et la célébration toute joyeuse fût-elle, était traversée de toutes les souffrances de tant de pays.

Deux heures 30 de célébration ! Et pourtant, plusieurs personnes ont affirmé que cela ne leur avait semblé ni long, ni ennuyeux.
La beauté des chants, l’harmonie des gestes et la qualité de la liturgie ont donné du rythme à cette Eucharistie. Comme quoi la longueur d’une célébration n’est point le seul critère !

Entendre le « oui » définitif d’une personne me touche chaque fois. Cela m’invite à ne pas tomber dans la superficialité mais à vivre à un autre niveau le sens de mon existence…

Frère Michel Laloux, ministre provincial

ANTOINE, L’APÔTRE DES HUMBLES (3ème partie)

En novembre 1225, Antoine fut invité à assister au concile provincial de Bourges. L’objet de cette réunion, présidée par un légat du Pape, était de chercher le moyen de ramener la paix en Languedoc, troublé par les Albigeois, cathares de la région d’Albi, et les querelles entre les princes. Frère Antoine dénonça les causes profondes du conflit qui ravageait le Languedoc : causes religieuses, entretenues par les agissements des Albigeois ; causes sociales, dues à la soif de richesses et d’honneurs des princes du royaume, dont la plupart des sujets vivaient dans la pauvreté ; enfin causes morales, qui selon lui, n’étaient pas les moindres. Il dénonça les mauvais exemples donnés en ce domaine par certains membres de la noblesse, mais aussi du clergé. Fustigeant le comportement de Simon de Sully, archevêque de Bourges, qui appréciait peu les fraticelli[1] ; il reprocha aux évêques, avec des arguments bibliques, leur vie mondaine et luxueuse, et invectiva ceux d’entre eux qui n’avaient pas su ou pas voulu protéger leurs brebis des dangers de l’erreur. Bouleversé par cette parole de feu, Simon de Sully avoua ses fautes en une confession sincère. Antoine prêcha en terre cathare[2], convertit les hérétiques de Rimini et un impie du nom de Bononillo. 

Le 30 mai 1227, il fut nommé supérieur de la fraternité franciscaine du Nord-Italie, envoyé à Rome par le provincial de Sicile, pour assister au grand conseil général. Le pape Grégoire IX[3], émerveillé de son savoir, le surnomma alors « Arca testamenti » tant son exégèse de la Bible était inspirée, souhaitant même le conserver auprès de lui. 

À partir de 1229, atteint d’hydropisie[4], il se fixa dans la région de Padoue où les foules furent si nombreuses pour goûter à ses sermons que l’église locale s’avéra trop petite, poussant Antoine à prêcher dans les prés. Il passait de longues heures au confessionnal et se réservait des moments pour se retirer dans la solitude. La période des miracles peints par Le Titien, Donatello, Van Dyck, Pérugin, Rubens, … sembla commencer à la fin des années 1220. 

Travaillant beaucoup, il était très fatigué, affaibli. Sa santé s’avérait fort précaire. Le cardinal Raynaldo Conti, évêque d’Ostie, l’incita à dicter Sermones dominicales et in Solemnitatibus Sanctorum[5]traité de doctrine sacrée sous forme de recueil de sermons, avec lequel il offrit à ses confrères un instrument de formation pour la vie chrétienne et la prédication de l’Évangile. Des textes que le Pape Pie XII qualifia d’œuvre d’un « docteur et maître illustre en ascétique et mystique ». 

Il prit un peu de repos dans un petit ermitage à Camposampietro, aux environs de Padoue[6] où lui fut aménagé un petit refuge sous un grand noyer pour y passer des journées de contemplation et de dialogue avec les gens simples de ce bourg de campagne. Le vendredi 13 juin 1231, Antoine fut victime d’un malaise, prononça ses derniers mots : « Video Dominum meum[7] ».

En 1263 commença la construction de la basilique qui porte son nom. Une querelle pour obtenir son corps opposa les « Pauvres Dames »[8] et les habitants de Capo di Ponte où Antoine avait passé ses derniers jours, et les Padouans qui réclamaient qu’il fût enterré dans l’Église de la Sainte Mère de Dieu. Le corps fut finalement déposé dans l’église de Padoue. Une délégation fut envoyée à la Curie pour demander un procès de canonisation qui, malgré le peu de temps écoulé depuis la mort d’Antoine, aboutit le 30 mai 1232. 

Érik Lambert


[1] Désigne les dissidents les plus radicaux de la faction dite « spirituelle » qui, dans l’ordre franciscain, oppose à l’aile conventuelle ou orthodoxe la volonté de pratiquer la pauvreté volontaire selon la règle intangible de saint François. La persécution des Fraticelli est un des sujets du roman d’Umberto Eco, Le Nom de la rose.  
[2] Originaires de l’Italie du nord, les « Cathares » professaient une doctrine simple et exigeante, fondée sur le retour à l’Évangile. Ils considéraient que l’Église officielle avait trahi sa mission dès le pontificat de Sylvestre Ier, sous le règne de l’empereur Constantin le Grand (Empereur romain 306 ou 310-337 qui fut le premier empereur romain à avoir reconnu l’importance du christianisme. Un édit de tolérance publié à Milan en 313 mit fin aux persécutions. Lui-même se fit baptiser sur son lit de mort. Après lui, tous les empereurs romains, à une exception près, Julien l’Apostat, furent chrétiens). Les Cathares ne reconnaissaient pas le dogme et les enseignements de l’Église catholique mais se revendiquaient eux-mêmes chrétiens et se désignaient sous cette appellation ou encore sous celle d’amis de Dieu. Ils ne reconnaissaient qu’un seul sacrement, le « consolamentum », qui effaçait toutes les fautes passées et garantissait la vie éternelle. Celui-ci n’étant donné qu’une fois, seuls les Bonshommes et les Bonnes Femmes (appellation usuelle des prédicateurs cathares) se sentaient assez fermes dans leur foi pour le demander en pleine force de leur âge. Ils étaient les seuls à pouvoir donner le « consolamentum ». Les fidèles d’un naturel peu religieux, quant à eux, faisaient en sorte de l’obtenir seulement dès qu’ils sentaient venir la mort, afin de ne pas mourir en état de péché. Les prédicateurs cathares du Midi furent servis par l’image déplorable que donna du catholicisme le clergé local. Prélats et curés se vautraient volontiers dans la luxure mais ne s’en montraient pas moins exigeants à l’égard de leurs ouailles en termes de morale. Au contraire, les parfaits (nom usuel que les inquisiteurs donnaient aux Bonshommes et Bonnes Femmes) affichaient une austérité irréprochable, empreinte de douceur et de sérénité mais témoignaient d’une grande compréhension envers les écarts de conduite de leurs fidèles. Ils vivaient chastement et s’interdisent toute nourriture carnée, prenant au pied de la lettre le commandement biblique : « Tu ne tueras point ». L’hérésie bénéficia de la protection bienveillante des seigneurs, arrive même à se structurer en Église véritable, avec quatre évêchés : Albi, Agen, Toulouse et Carcassonne. Le terme cathare fut une expression injurieuse inventée vers 1165 par le clerc rhénan Eckbert Schinau. Il faisait référence au grec katharos, qui signifie pur et soupçonnait les adeptes de cette secte de manichéisme (le monde est mauvais et il importe de s’en détacher par la quête de la pureté absolue). Les hérétiques furent aussi appelés Albigeois, par référence à Albi. Cette appellation trouva son origine dans le concile qu’a tenu la secte en 1165 dans le château de Lombers, sur les terres du vicomte de Trencavel, pas très loin d’Albi. C’est la première de ses assemblées qui ait laissé une trace écrite. Une croisade fut menée contre eux C’était la première fois qu’une croisade était dirigée contre des gens qui se réclamaient du Christ. L’expédition réunit un certain nombre de seigneurs ainsi que le comte de Toulouse. Elle fut placée sous le haut commandement de l’abbé Arnaud-Amalric, qui n’était autre que le chef du puissant ordre monastique de Cîteaux. Les opérations militaires débutèrent par le sac de Béziers et le massacre de sa population, le 22 juillet 1209. Les Albigeois sont vaincus avec la chute du château de Montségur le 16 mars 1244.
[3] Grégoire IX, Pape de 1227 à 1241, Ordre des frères mineurs. Il canonisa Antoine le 30 mai 1227.
[4] Accumulation anormale de liquide dans les tissus de l’organisme ou dans une cavité du corps.
[5] Sermons pour les dimanches et sermons en l’honneur des Saints.
[6] https://www.santantonio.org/fr/content/camposampiero-santuario-del-noce
[7] Je vois mon Seigneur.
[8] L’ordre de Sainte-Claire ou l’ordre des Clarisses

LA RENCONTRE

J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mais les espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire.
Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue.
Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis :
« Qu’as-tu à me donner ? »
Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsqu’à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas des pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le cœur de te donner mon tout ! ».

Rabindranath Tagore « L’offrande lyrique »

« Sois béni, Seigneur, de m’avoir créée »

Une telle phrase, sortie de son contexte, peut nous surprendre et nous paraître, aujourd’hui, bien présomptueuse…Que voulait donc exprimer sainte Claire en la prononçant au moment de mourir ? S’adressant à elle-même, elle dit à son âme : « Pars en toute sécurité, car tu as un bon guide pour la route ; pars, car celui qui t’a créée t’a aussi sanctifiée ; il t’a toujours gardée et aimée d’un tendre amour, comme une mère aime son fils. Sois béni, Seigneur, toi qui m’as créée ! » (Vie 46)
Dans ces derniers mots, Claire rend grâce au Seigneur de lui avoir fait présent de la vie, mais, plus encore, elle loue son Créateur, Celui qui l’a façonnée avec amour et lui a donné place au sein de la Création.
A aucun moment, elle ne cherche à tirer orgueil de ce qu’elle est par elle-même. C’est bien plutôt un gage d’humilité : Claire se reconnaît comme créature, voulue et modelée à l’image et à la ressemblance de Dieu ; c’est ainsi qu’elle peut s’accepter et aimer en elle ce que le Père a déposé.
C’est le sens même du psaume 138 : « C’est toi qui m’as formé les reins, qui m’as tissé au ventre de ma mère ; je te rends grâce pour tant de prodiges : merveille que je suis, merveille que tes œuvres. » (Ps 138, 13-14)
Claire ne diffère pas de François, lui qui « se réjouissait pour tous les ouvrages sortis de la main de Dieu », « remontait jusqu’à celui qui est la cause, le principe et la vie de l’univers », et « poursuivait à la trace son Bien-Aimé en tout lieu de sa création » (2 Cel 165). Elle, aussi, a cette capacité à percevoir en toute créature la tendresse et la bonté du Créateur pour chacune de ses œuvres. Ainsi peut-on lire dans le procès de sa canonisation : « Lorsque la très sainte Mère envoyait au dehors les sœurs quêteuses, elle les exhortait à louer Dieu chaque fois qu’elles verraient de beaux arbres fleuris et feuillus ; et elle voulait qu’elles fissent de même à la vue des hommes et des autres créatures, afin que Dieu soit loué pour tout et en tout. » (Pr 14,9)
Cette intimité avec le Père, elle l’expérimente également dans sa contemplation du Christ. Comme elle l’écrit dans ses Lettres à Agnès de Prague, le Christ est le miroir qui rend visible le Seigneur Dieu, il est« la splendeur de la gloire éternelle, l’éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache. » (4 LAg 14) Dans sa 2ème lettre, elle exhorte Agnès à regarder le Christ, à le méditer, à le contempler et à n’avoir d’autre désir que de l’imiter. Le contempler, c’est se laisser transformer par lui, en lui. C’est devenir à son tour miroir pour les autres, reflet de la divinité dans ce monde et pour ce monde. « Pose ton esprit devant le miroir de l’éternité, pose ton âme devant la splendeur de la gloire ; pose ton cœur devant l’effigie de la substance divine et transforme-toi tout entière par la contemplation en l’image de la divinité elle-même ». (3 LAg 13-14).
Sœur Aimée dira de Claire: « …lorsqu’elle revenait de l’oraison, son visage paraissait plus clair et plus beau que le soleil ». (Pr 4, 4)
Comme dans toute existence humaine, Claire a connu des difficultés et des souffrances, mais l’espérance et la joie l’ont toujours animée. Joie et allégresse de se faire la servante du Seigneur, joie de suivre les traces du Christ jusque dans sa pauvreté et son humilité. « O bienheureuse pauvreté, qui prodigue des richesses éternelles à ceux qui l’aiment et la pratiquent ! O sainte pauvreté, en échange de laquelle Dieu offre et promet formellement le Royaume des cieux, la gloire éternelle et la vie bienheureuse ! O chère pauvreté, que le Seigneur Jésus Christ a daigné préférer à toute autre chose, lui qui, de toute éternité, régnait sur le ciel et la terre, lui qui a parlé et tout a été fait ! » (1 LAg 15-17) N’avoir rien en propre, se libérer de toute attache, de toute entrave, pour marcher sûre, joyeuse et alerte, d’un pas léger, d’une course rapide sur le chemin de la Béatitude (2 LAg 12-13). Ainsi peut-elle aimer totalement celui qui s’est livré tout entier par amour, celui qui est le seul Bien, le Bien total.
En femme de conviction, elle a dû batailler ferme pour obtenir du pape le privilège de la pauvreté, privilège qu’elle a le bonheur de recevoir peu avant de s’éteindre.
Au moment de quitter ce monde, sa joie devient un chant de louange pour celui qui l’a créée, qui l’a toujours accompagnée et qui l’aime comme une mère aime son enfant. C’est donc dans la joie et la confiance qu’elle s’apprête à rejoindre le Père. Ses dernières paroles sont une action de grâce pour son Créateur, dont l’amour transfigure toute chose et tout être et qu’elle va pouvoir contempler, éternellement, non plus dans le miroir mais dans le face à face.
Qu’à l’exemple de Claire et de François, nous puissions nous aussi, chaque jour, louer le Seigneur dans toute sa Création et le bénir pour tous les bienfaits dont il nous a comblés, faisant de chacun, chacune, un être unique, une merveille, un reflet de l’amour miséricordieux du Père, Lui, « le dispensateur de la grâce ».

P. Clamens-Zalay

L’EGLISE AFFRONTÉE à la ROME TOTALITAIRE(12 – 20 – suite)

3ème partie

  • Une femme (12, 1-2) couronnée de 12 étoiles : c’est la « Fille de Sion » d’Isaïe personnifiant les 12 tribus d’Israël dont devait sortir le Messie, et dont Isaïe avait déjà célébré la parure stellaire (Is. 60, 20).
  • vêtue de soleil, la lune sous les pieds : elle a tous les attributs de la gloire. Pourquoi un tel rang ? Parce que Israël est l’épouse de Dieu (image fréquente chez Osée, Isaïe, Michée, Ezéchiel, le Cantique des cantiques et S. Paul).
  • dans les « tortures » de l’enfantement : allusion probable à la malédiction primitive au Jardin d’Eden, mais aussi aux espérances sans cesse déçues et reportées en Israël concernant la venue du Messie, et surtout au drame de la Passion à travers lequel devait s’opérer la solennelle naissance au ciel du Christ comme Seigneur de l’univers.
  • Un dragon (12, 3-4) « épiant » la femme : c’est le même terme que lors de la scène du Paradis terrestre, où l’on voit le serpent s’en prendre à la femme dès le début de l’humanité.
  • rouge feu : couleur du sang du meurtre ?
  • 7 têtes : intelligence suprême ? Rome aux 7 collines ?… et autant de diadèmes : pouvoir royal-impérial.
  • 10 cornes : très grande puissance, mais pas illimitée (10 n’est ni 7 ni 12).
  • balayant de sa queue le tiers des étoiles : réminiscence de Daniel 8, 10 qui décrivait ainsi la capacité de sauvagerie destructrice du despote Antiochus Epiphane.
  • Un enfant (12, 4-5), un bébé mâle « qui gouvernera les peuples avec une verge de fer » (Ps.2, 9) : le Messie, tout de suite emporté auprès de Dieu = la Résurrection-Ascension.
  • Mais ce raccourci curieux pose question. Pourquoi Jean fait-il l’impasse sur les 30 années de la vie cachée de Jésus, comme si de la naissance à la mort/résurrection il ne s’était rien passé ? – C’est que pour Jean l’intention est autre : il veut nous faire saisir que la Femme et le Messie sont des personnalités redoublées (un peu comme des frères ou des sœurs siamoises), et que dans son film l’une doit prendre tambour battant le relais de l’autre, sans se faire scrupule de télescoper les étapes (Encore une fois Jean ne décrit pas, il signifie ; il ne peint pas, il veut faire saisir une vérité de foi).
  1. Ainsi le Messie enfanté n’est pas seulement celui qu’attendait Israël (l’incarnation), mais le Messie douloureusement enfanté le Vendredi-Saint et solennellement intronisé à la Résurrection comme Seigneur de tout l’univers (Pâques). Car pour Jean l’important c’est Pâques, puisque c’est la résurrection qui révèle avec fulgurance le vrai Messie.
  2. De même la Femme n’est pas seulement le peuple d’Israël, autrefois protégé par Dieu au désert, et qui allait enfanter le Messie. Elle est aussi l’Eglise, la communauté des disciples de Jésus, qui dut contribuer, dans le drame de la Passion, à la naissance au ciel de son Seigneur, avant de devoir être poursuivie, elle aussi, par la vindicte persécutrice de Satan.
    (Jean 16, 20-22) – «  Vous allez gémir et vous lamenter, tandis que le monde se réjouira ; vous serez affligés, mais votre affliction tournera en joie. Lorsque la femme enfante, elle est dans 1’affliction, puisque son heure est venue ; mais quand elle a enfanté, elle oublie les douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde. Vous êtes donc maintenant dans l’affliction ; mais je vous verrai à nouveau, votre cœur se réjouira, et cette joie nul ne vous la ravira. »

    Fr Joseph

Prière de janvier

Dieu Tout-Puissant,
qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour
pour que nous protégions la vie et la beauté.
Inonde-nous de paix, pour que nous vivions
comme frères et sœurs
sans causer de dommages à personne.
Ô Dieu des pauvres,
aide-nous à secourir les abandonnés
et les oubliés de cette terre qui valent tant à tes yeux.

Pape François

Un film

Conclave d’Edward Berger avec Ralph Fiennes, Stanley Tucci, John Lithgow, Sergio Castellitto, Lucian Msamati.
Durée : 2 heures.

Curieux destin d’un film intitulé Conclave, ce qui ne paraît guère habile pour attirer les foules. Pourtant, 600 000 spectateurs sont allés assister à la projection de cette production, qui, comme l’étymologie latine cum clavis -fermé à clef- suppose l’isolement complet des cardinaux électeurs pendant toute la durée de l’élection du pape, et ce, depuis le XIIIe siècle. Le Pape est mort, vive le Pape ! 

Or, les hostilités ne font, en réalité, que commencer. Adaptation du roman éponyme[1] du britannique Robert Harris, auteur à succès, puisant l’inspiration dans les arcanes de l’Histoire[2]. Le personnage principal de ce thriller qui foisonne de robes cardinalices rouges ponceau, rappelant le sang versé par le Christ et les martyrs, de camails et rochets, de calottes et barrettes, est le Doyen du Sacré-Collège réuni pour élire le successeur de Saint-Pierre. Ce rôle est tenu par un remarquable Ralph Fiennes qui doit porter sa croix, affronter tous les camarillas, débusquer tous les silences, turpitudes, simonies et autres secrets qui pourraient perturber l’élection du Souverain Pontife. Lui-même rongé par le doute sur sa foi et sur sa légitimité dans la fonction qui est la sienne, le discret et efficace cardinal Lawrence, est en charge de l’organisation de l’élection du successeur du Pape défunt. Lourde charge logistique, étouffante gestion des ambitions, des compromissions, des palinodies des uns et des autres et tout cela au nom de Dieu. Tous semblent dévorés par le démon du pouvoir. Les journées qui précèdent le conclave voient arriver des quatre coins du monde les cardinaux qui apprennent à se connaître, échangent afin d’identifier le profil qui conviendrait à l’Église. Puis, le conclave s’installe dans la chapelle Sixtine au chant du Veni creator Spiritus. Les portes se ferment et le secret est désormais absolu. Le Doyen découvre petit-à-petit que le Souverain Pontife défunt lui avait caché beaucoup et ce, jusqu’à l’ultime et surprenant dénouement. Au crédit de ce film, on peut apprécier une intrigue à suspense savoureuse et ensorcelante, servie par la bande originale à la sonorité angélique et cristalline du Cristal Baschet, composée par Volker Bertelmann. La photographie est somptueuse, les décors magnifiques même si la résidence qui accueille les prélats respire la lugubre froideur stalinienne des marbres de la « Casa Santa Marta’. La découverte des mystérieux secrets du Vatican, du cérémonial successoral détaillé repose sur un éblouissant jeu d’acteurs mené de main de maître par Ralph Fiennes désormais « oscarisable ». 

Conclave semble s’être donné pour projet de dévoiler les arcanes et les luttes de pouvoir au sein du Saint-Siège. Dénonçant les certitudes « grand ennemi de l’unité, ennemi mortel de la tolérance », certitudes qui écartent le doute, donc le mystère, donc la foi ; Edward Berger dévoile sa pensée. 

Sans doute trop soucieux de dénoncer les contradictions, les faiblesses de l’Église ; les péripéties se succèdent et frisent parfois le grotesque voire l’invraisemblance. Ainsi, l’affrontement entre les conservateurs et les progressistes en appelle au discours extravagant d’un cardinal italien, alors qu’un attentat islamiste est convoqué, suppléant l’Esprit Saint pour éviter que le vote n’accouche d’un compromis funeste. La place même des femmes-religieuses, présentes pour servir en silence cette assemblée totalement masculine manifeste également la dimension « militante » de ce « thriller d’Église » bien mené et captivant. La gravité, la morne humeur des protagonistes, la triste humanité des cardinaux, la sombre lutte de pouvoir dans l’Église, le rituel suranné, le déploiement de privilèges éculés et la richesse qui semble transpirer, risquent fort de combler les contempteurs de l’Église et de surprendre les indifférents qui trouveront étrange cet univers si loin d’eux. Et si finalement la sphère religieuse recluse derrière les murs de la cité vaticane était secouée par les mêmes passions que celles du monde profane ?

Érik Lambert


[1] Conclave, Plon, 2016.
[2] Rome antique avec une trilogie Imperium sur Cicéron, la seconde Guerre mondiale Enigma et Fatherland, l’URSS-Russie avec L’Archange, …

événements de janvier

Intervenants : Michel Sauquet et Philippe Pierre
Coauteurs de deux livres sur l’interculturalité : L’Archipel humain, Vivre la rencontre interculturelle, ECLM, 2022 et l’Abécédaire de l’interculture, 50 mots à prendre en compte par temps d’intolérance, ECLM, 2024

Quand 👉 Le samedi 15 février de 14h30 à 17h
👉 Chez les Sœurs de St François d’Assise,
31 rue du commandant Jean Duhail, 94120 Fontenay-sous-Bois.
Participation 👉 Libre


Thème : La miséricorde
Intervenant : Frère François Comparat, ofm

Quand 👉 Dimanche 16 mars 2025 Accueil à partir de de 9h . Fin à 17h15
👉 Au couvent des Capucins, 32 rue Boissonnade, 75014 Paris,
Métro Raspail ou RER Port-Royal.

Repas partagé – Participation aux frais :10 €
Eucharistie à la fin de la journée.


« Un itinéraire spirituel à la lumière de l’Évangile et les Admonitions de saint François d’Assise »

Retraite animée par sœur Élisabeth Robert, franciscaine ✨

📍 : Maison de la Visitation BP 234 43350 SIDI RAHAL – MARRAKECH
Prix 👉 Sur demande
Inscriptions et informations :
📞 Tel : (00 212) 6 10 04 28 00
📧 Email 👉 animation.tazert@gmail.com


Quand 👉 Du jeudi 29 mai vers 17h, avec la participation à la messe de l’Ascension, au dimanche 1er juin 2025 matin.

Au programme :

  • Approche historique, philosophique et théologique du cantique des créatures.
  • Ecologie intégrale : Cri de la terre et cri des pauvres.
  • Actualité du Cantique des créatures.
  • L’émerveillement et la louange
  • des ateliers : Louer en prenant soin de la création
  • des activités pour les enfants et les jeunes.

Programme détaillé, coûts (jusqu’au 17 janvier 2025) et modalités d’inscription 👉 C’est Ici

Edito de janvier

Vivre simplement pour que simplement chacun puisse vivre

Les chiffres sont effrayants : 9 millions de personnes vivent aujourd’hui en France sous le seuil de pauvreté selon certaines associations, 5 millions selon d’autres, peu importe, c’est trop, beaucoup trop. Dans son rapport 2024, le Secours Catholique, pointe une pauvreté croissante, multiple et complexe, alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres et constate la difficulté à accéder à la protection sociale face à la dématérialisation des démarches administratives. Comment fait-on lorsque l’on ne maîtrise pas Internet ou quand on n’y a même pas accès ? Cela s’appelle l’exclusion.

Récemment, un Français a acheté pour 115 000 euros une banane scotchée au mur avec un ruban adhésif gris à la Foire d’art contemporain de Miami ; une grande marque de luxe commercialise actuellement des « sneakers » (sorte de baskets) salies, usées et déchirées pour plus de 1000 euros, et un « destroyed denim jean », pantalon déchiré de part en part aux couleurs de désespoir est proposé par la même marque pour 3 568,98 euros (sic) ; quant à ces fameuses Rolex dont un publicitaire disait naguère qu’un cinquantenaire qui n’en avait pas encore acquis une avait raté sa vie, la gamme s’étend de quelques milliers à quelques centaines de milliers d’euros. N’en jetez plus !

Entre le scandale de l’exclusion sociale et celui des fortunes outrageantes, nous voici au défi de nous situer et d’agir en laïcs franciscains qui n’ignorent pas le chapitre II de la Deuxième Règle du Poverello d’Assise : « Et que tous les frères soient vêtus de vêtements vils et puissent les rapiécer de sacs et d’autres pièces, avec la bénédiction de Dieu. Et je les avertis et je les exhorte à ne mépriser ni juger les hommes qu’ils voient vêtus de vêtements raffinés et colorés, user d’aliments et de boissons délicats, mais plutôt que chacun se juge et se méprise soi-même. » 

Vertigineux ! Ne pas juger, ne pas rejeter les fautes sur les uns, ne pas tout attendre des autres, mais nous convertir, nous, tout simplement (si l’on peut dire) ! Et rentrer dans une démarche de sobriété partageuse : nous considérer comme gestionnaires et non propriétaires de nos biens ; ne pas perdre la paix de l’âme en donnant trop aux associations ; faire la différence entre besoins et caprices ; accueillir ; protéger nos frères et la Création ; et en résumé vivre simplement pour que simplement chacun puisse vivre[1].  Cette dernière formule, règle d’or du partage, nous rappelle que, comme consommateurs, nous pouvons facilement être des prédateurs. Nous pouvons en effet accroitre la pauvreté par notre oubli des conditions de travail et de rémunération de ceux qui fabriquent nos vêtements ou l’exploitation des enfants dans les mines africaines d’où sont extraits les métaux indispensables à nos (indispensables ?) smartphones. Nulle morale dans ces propos. Notre sobriété peut nous rendre libres, simples, et heureux.

Bien entendu, notre comportement individuel, s’il nous permet de soulager notre conscience (après tout ce n’est pas peccamineux), ne suffit pas. En tant que chrétiens, nous avons aussi un rôle, par nos engagements, nos démarches, nos bulletins de vote, pour tenter d’infléchir les politiques publiques dans le sens du bien commun. Sans juger (refusant ainsi la facilité du « tous pourris ») mais sans nous endormir non plus au cours de l’année qui s’ouvre.

Comité de rédaction


[1] Cette belle formule est empruntée au livre-manifeste des chrétiens du diocèse de Nantes Pour un engagement écologique : simplicité et justice, Parole et Silence, 2014.