Seigneur, mon Dieu, je ne sais pas où je vais,
je ne vois pas la route devant moi,
je ne peux pas prévoir avec certitude où elle aboutira.
Je ne me connais pas vraiment moi-même et,
si je crois sincèrement suivre ta volonté,
cela ne veut pas dire que je m’y conforme.
Je crois cependant que mon désir de te plaire te plaît.
J’espère avoir ce désir au cœur en tout ce que je fais,
et ne jamais rien faire à l’avenir sans ce désir.
En agissant ainsi je sais que tu me conduiras sur la bonne route,
même si je ne la connais pas moi-même.
Je te ferai donc toujours confiance,
même quand j’aurai l’impression que je me suis perdu
et que je marche à l’ombre de la mort.
Je n’aurai nulle crainte car tu es toujours avec moi
et jamais tu ne me laisseras seul dans le péril.
Thomas MERTON, cistercien (1915-1968)
Archives mensuelles : avril 2022
événements d’avril
Retraite pascale à La Clarté -Dieu (Orsay)
« Embrasser le Mystère Pascal avec saint François.
Suivre le Christ jusqu’à la Vie véritable ».
avec fr Eric MOISDON, Franciscain
Quand : du mercredi 13 avril (18h) au dimanche 17 avril (14h)
Où : 95 Rue de Paris, 91400 Orsay
➡️ En savoir plus 👉 Voici le tract
Parcours spirituel franciscain de 8 jours :
Une plongée progressive dans « L’itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu » (Saint Bonaventure)
Une expérience fondamentale de ressourcement spirituel et de structuration franciscaine de la foi.
Quand : Du 8 mai 2022 au 16 mai 2022
Où : Maison d’accueil de l’Ile blanche, à Locquirec en Bretagne
➡️ En savoir plus 👉 Voici le tract
➡️ Combien ça coûte ? 👉 C’est là
➡️ Pour vous inscrire 👉 C’est ici
Retraite Régionale
Le thème de cette journée sera sur la synodalité.
Quand : Le 19 juin 2022 de 09h00 à 17h00.
Où : Couvent franciscain, 7 rue Marie-Rose, 75014 Paris (métro Alésia)
Un Film, Un Livre
« L’homme de Dieu »
un film de Yelena Popovic
«L’homme de Dieu» : un film dramatique grec de langue anglaise de 2021, sur la vie d’un moine orthodoxe grec Nectarios. Il est écrit et réalisé par la serbe Yelena Popovic avec Aris Servetalis dans le rôle de Nectarios d’Égine avec également Mickey Rourke et Alexander Petrov.
Sous la pression populaire, l’église grecque orthodoxe n’a pas longtemps hésité à canoniser quelques quarante ans après sa mort, ce moine Nectarios, persécuté par sa hiérarchie.
«Exilé injustement, condamné sans jugement, calomnié sans motif, voici la vie, les épreuves et les tribulations d’un homme de Dieu, Saint Nectarios d’Égine, qui supporta jusqu’au bout la haine injuste de ses ennemis tout en prêchant la Parole de Dieu sans relâche.» Nous avons en 110 minutes l’histoire de cet homme, peu banal et vraiment édifiant, nouvelle figure incarnée du message évangélique, comme le souligne bien les sites « Sens critique » et « les fiches du cinéma ».
Oui, Nectaire d’Égine a bel et bien existé. C’est pour lui rendre hommage qu’a été produit « L’homme de Dieu ». Ce film nous permet de partager les valeurs de cet homme qui a vécu de 1846 à 1920 dans l’Empire ottoman. À l’époque, la religion avait une tout autre influence sur le monde. Le culte orthodoxe était puissant grâce à cet empire qui fut divisé après la Première Guerre mondiale. Les hommes de foi étaient donc des sages que la population écoutait attentivement. Nectaire d’Égine a été canonisé et il est fêté le 9 novembre dans l’église grecque orthodoxe. Son histoire commence à partir du moment où il s’est fait remercier du Caire, jeune moine plein de zèle et de générosité, dépendant du patriarcat d’Athènes.
Ce moine mène une vie retirée et austère sans rechercher ni les honneurs ni l’approbation des foules. Ce qu’il désire c’est une vie humble, de prière et de charité pastorale, servant de son mieux ses ouailles comme prédicateur dévoué et prenant volontiers la place des plus petits et des plus faibles. Mais une rumeur persistante venue de sa hiérarchie l’accuse d’être fanatique et d’être attiré par le trône patriarcal.
Le film prend le rythme lent des maturations humaines et les méandres d’une calomnie insidieuse, tandis que les communautés dont il est le pasteur lui sont très attachées. Constamment Nectarios recherche le vrai et ce qu’il convient de faire en accord avec l’évangile, même avec la douloureuse hostilité du clergé et de son entourage. De style austère, bon et infatigable, il vit dans une extrême solitude le don de sa personne en s’oubliant lui-même à l’image du Christ, dans la bienveillance et une profonde sollicitude envers son prochain, malgré la persécution des supérieurs.
Soupçonné d’ambition personnelle de la part de ses supérieurs mais estimé des gens et en particulier de jeunes femmes désireuses de fonder un monastère, il est aussi accusé faussement d’abuser sexuellement des religieuses et subit le saccage du nouveau monastère féminin dont il est le fondateur.
Nous assistons à son drame personnel, à ses luttes spirituelles. Finalement c’est « la vox populi » qui le canonise et obtient sa réhabilitation, après une mort semblable à celle de tant d’indigents dans un hôpital d’Athènes et la guérison miraculeuse de son voisin de chambre. Sa hiérarchie reconnaît enfin la valeur de son témoignage et la dignité de sa vie.
Voilà une vraie vie de saint en pleine pâte humaine, à raz de terre, mais à hauteur d’évangile et capable d’édification véritable.
F. Gilles
De l’âme
Un livre de François Cheng
Il faut une belle audace pour publier un livre de cent quatre-vingt-trois pages sous le même titre qu’un des piliers de la connaissance qu’est l’œuvre magistrale d’Aristote. Il faut de toute façon du courage pour s’attaquer au sujet de l’âme, tant est infinie sa complexité, et tant notre monde du bien-être technologique — particulièrement notre France prompte au « ricanement voltairien » — l’a reléguée au rang de vieillerie poétique, au mieux à celui de curiosité psycho-folklorique. Difficile de parler de l’âme, donc sans « paraître ridicule, ringard ». Et pourtant, chacun sent, au siècle du dé-veloppement personnel, qu’il manque quelque chose au dualisme corps-esprit. Car l’âme est bien là, qu’on le reconnaisse ou qu’on le nie, au centre de soi comme unicité, au centre de l’autre comme unité, au centre de tout comme souffle vital. Elle est bien là, et elle manque aux esprits et aux corps qui l’ignorent.
François Cheng entreprend de relever le défi sous la forme d’une correspondance avec une belle jeune fille rencontrée trente ans plus tôt dans le métro, à qui il avait glissé ce mot dans l’oreille, mot qui mit trois décennies à germer, si bien que « sur le tard, [elle se] découvre une âme », et le besoin d’en parler. En parler si l’on veut, car les sept lettres de François Cheng en-voyées à sa « chère amie » ne rendent pas compte, à quelques citations près (au style identique à celui de l’auteur), des réponses de la jeune fille, désormais artiste et femme faite. On n’en voudra pas au poète d’une probable coquetterie littéraire destinée à maquiller en sept missives ce qu’il se refuse à présenter comme sept leçons, ou dissertations, comme celles dont il nous avait régalé avec ses cinq méditations sur la mort et autant sur la beauté. Mais voilà, la marche semble ici trop haute. François Cheng en appelle pourtant à son immense culture, passe en revue les religions ; il a beau décliner le thème avec toutes les ressources de sa qualité et de sa sensibilité littéraires, jusqu’à l’emphase, sa conception de l’âme se trouve finalement résumée en peu de mots dans sa lettre ultime, sans nous avoir appris grand-chose que la tradition ne nous eût déjà apporté : « Dans l’indispensable triade corps-esprit-âme, je reconnais pleinement le rôle de base du corps et le rôle central de l’esprit. Mais du point de vue du destin d’un individu, encore une fois, c’est l’âme qui prime ; elle qui est sa part la plus personnelle, donc la plus précieuse, l’état suprême de son être en quelque sorte. C’est à partir de cet état que chaque être est à même d’entrer en communion avec l’âme de l’univers. » C’est le mérite du livre de nous rappeler la tradition, mais on se demande d’où vient le sentiment qu’il n’aboutit pas, que l’auteur répète plus ou moins la même chose de lettre en lettre. Est-ce une difficulté à nommer Dieu, le risque de « paraître ridicule, ringard », qui lui fait em-ployer des périphrases comme « âme de l’univers » ? Ou autrement dit : n’est-ce pas la tentative de parler de l’âme sans nommer Dieu qui provoque cette impression d’un certain vide ? François Cheng est un grand esprit doté de très louables intentions, c’est indiscutable. Mais s’agissant de définir l’âme, est-il pertinent et suffisant de décrire la beauté, la poésie et l’amour amoureux qui n’en sont, tout au plus, que des manifestations ? Est-il opportun pour que l’âme se révèle de l’invoquer à grand renfort de lyrisme, de préciosité et d’auto-citation ? Évidemment non : au jeu de l’inflation poé-tique, sa gloire s’éclipse et seul l’ego est mis au jour.
Comme chacun d’entre nous devant le mystère de l’âme, François Cheng est tenté, se re-prend, cherche, et le suivre dans cette errance méditative est peut-être la bonne manière de lire son livre, bien meilleure en tout cas que celle, didactique, à laquelle l’artifice littéraire malheureux nous induit. Ainsi l’auteur n’est-il jamais aussi pertinent que lorsqu’il fait parler les autres : comme dans sa quatrième lettre où il cite Pascal (Les Pensées. Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 11 / 24), pour quelques lignes d’une densité extraordinaire, et dans sa sixième lettre entièrement con-sacrée à la vision magnifiquement éclairante de Simone Weil, en particulier dans L’Enracinement. C’est finalement en sachant s’effacer de cette manière que François Cheng montre le mieux la qualité de son esprit, si ce n’est de son âme, car le chemin de sa découverte n’est-il pas l’humilité ?
Jean Chavot
Retraite des fraternités franciscaines séculières de la région Créteil, St Denis, Meaux
Dimanche 27 mars, les fraternités de notre Région se sont retrouvées chez nos frères Capucins de Paris, pour une journée de retraite animée par le frère Joseph Banoub, sur le thème: « Église des hommes, Église de Dieu ».
ÉGLISE DES HOMMES, ÉGLISE DE DIEU
L’Église de Dieu Trinité
Deux événements sont à l’origine de l’Église : tout d’abord, la mort et la résurrection de Jésus, ensuite le don de l’Esprit à la Pentecôte. Et l’Église, tout au long de son histoire, est fondée sur ces deux événements, accomplis par le Christ et par l’Esprit.
L’Église n’est donc pas une institution comme les autres puisqu’elle est voulue par le Christ et fondée par l’Esprit. Elle est aussi un mystère car son côté transcendant dépasse de très loin son côté visible et historique.
Le concile Vatican II décrit l’Église, dans la constitution Lumen Gentium, N°1, « comme un sacrement, comme un signe ou un instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain. » L’Église a donc une visibilité bien concrète porteuse d’un don divin qui la dépasse et qui est invisible. La tradition chrétienne a donné au Christ le titre de « sacrement de Dieu ». S’il est le « sacrement de Dieu », l’Église est le sacrement du Christ et de l’Esprit. Ainsi, l’Eglise est avant tout la réalisation de la Trinité Sainte : elle a été pensée et voulue par le Père, elle a été réalisée par le Fils qui a donné sa vie pour elle et qui ne fait qu’une seule chair avec elle, elle est née de l’Esprit Saint dont elle est le Temple, la demeure parmi les hommes.
L’Église peut-elle prétendre être le Royaume de Dieu sur terre ? Le Christ a inauguré ce Royaume, il est donc déjà là ; mais il est à venir car il ne sera réalisé qu’à la fin des temps. Et l’Église aspire à cet avènement. En attendant, en elle, le Royaume de Dieu est en travail. Mais la croissance du Royaume est freinée par toutes les lourdeurs de l’Église.
Le péché de l’Église
La grandeur de l’Église c’est de vivre sa mission comme un service, mais elle l’a exercée trop souvent comme un pouvoir, c’est sa faiblesse.
L’un des paradoxes de l’Église est que le don de Dieu et du Christ ait été confié à des êtres pécheurs. Elle ne pourra jamais sortir de cette contradiction : elle est foncièrement sainte dans sa source, et elle reste radicalement pécheresse dans sa vie, parce que faite d’hommes et de femmes pécheurs. Divine par sa tête, le Christ, elle est sans cesse irriguée par lui pour sa nécessaire et continuelle conversion.
Quand le christianisme se présente comme une doctrine, il devient une idéologie avec tous ses travers. Il en est ainsi lorsque l’institution donne au peuple de Dieu à croire ‘à’, qui est de l’ordre de la loi, au lieu de croire ’en’, qui est de l’ordre de la foi, de l’amour.
Un signe incontestable de la présence du péché dans l’Église, c’est la division des chrétiens.
Elle est la négation par excellence de la vocation de l’Eglise qui est de rassembler les enfants de Dieu dans l’unité pour laquelle Jésus a prié. Une Église désunie est une Église qui ne révèle pas l’authenticité de la mission de Jésus.
Mais « unité » ne veut pas dire « uniformité ». L’amour entre les églises fait l’unité de l’Église et de cette unité doit découler l’amour pour faire vivre la diversité dans son unité.
… ET À LA LUTTE ENTRE POUVOIR TEMPOREL ET SPIRITUEL. (2ème épisode)
Le nouveau pape était un étrange personnage qui contrastait avec la dignité classique des ecclésiastiques romains : poète, compositeur et chanteur, c’était aussi un joueur de billard et de pétanque et un redoutable cavalier.
Artiste, Clément XIV fonda le musée Clémentin. Il accueillit à Rome le jeune Mozart et lui conféra l’ordre de l’Éperon d’or.
Après le siècle d’or de 1540 à 1640, les jésuites étaient devenus les confesseurs habituels des souverains catholiques mais il leur était reproché un sévère relâchement et une grande hypocrisie comme l’illustra l’affaire du père de Lavalette[1].
L’époque était à l’affrontement entre les puissances et l’influence de l’ordre fondé par St Ignace. Ce fut une période très animée qui portait préjudice à l’image de l’Église. Ainsi, lors des fêtes du carnaval ouvert par la cloche du capitole qui ne sonnait par ailleurs que pour signifier la mort des papes et achevées par les jeux du moccoli lors de laquelle chacun tentait de conserver sa fine bougie allumée suscitant de plaisantes poursuites dans les rues auxquelles participaient princes, ambassadeurs, belles dames mais aussi prélats. Rome changeait le lendemain car on recevait les cendres. Rome était soumis à l’assaut de la franc-maçonnerie interdite par Clément XII en 1738 et par Benoît XIV en 1751 mais elle était prospère durant la seconde moitié du siècle. La contagion maçonnique venue d’Autriche et de France gagnait. En réalité, la maçonnerie d’alors n’était pas un athéisme ; elle souhaitait une religion purifiée et rationalisée et rejoignait en nombre de points le courant janséniste[2]. L’insatisfaction était grande vis à vis de l’état de l’Église. Cette méfiance était sensible jusqu’à Rome où l’on ne cessait d’imprimer et de diffuser livres et libelles[3] hostiles à tous les jansénistes et crypto-jansénistes accusés de vouloir évacuer le dogme et transformer la religion révélée en un vague théisme[4]. À l’ombre même de Saint-Pierre, se réunissait un cercle, l’archetto (l’archet) qualifié de « janséniste » alors que ses membres étaient des catholiques hostiles au laxisme et aux jésuites, mais désireux de tenir compte du progrès des Lumières.
Afin d’accéder au trône de Saint-Pierre, Vincenzo Ganganelli avait adopté une attitude conciliatrice entre les zelantii[5] et le parti des couronnes[6]. Il produisit un billet qui ne contenait aucun engagement ; dans lequel il déclarait « qu’il recourait au souverain pontife le droit de pouvoir éteindre en conscience la société de Jésus, en observant les règles canoniques, et qu’il était à souhaiter que le futur pape fasse tous ses efforts pour accomplir le voeu des couronnes ». Le droit dont il s’agit ne pouvait être contesté par aucun théologien catholique et par les ultramontains[7] moins encore que par tous autres ; le reste était l’expression d’un simple souhait.
Une fois élu, Clément XIV estima que les déclarations qu’il avait faites avant d’être pape, laissant entendre qu’il fallait remettre en cause l’influence des jésuites, avaient été imprudentes. Il louvoya pendant quatre ans, pressé et menacé par les monarchies. Le 13 décembre 1769, Clément adressa aux pasteurs et aux fidèles une encyclique, qui était le programme de son pontificat. Il y recommandait l’obéissance aux princes, le respect et l’amour, et il déclara que le bien de l’Église était inséparable de la paix des États. Le jeudi saint de l’année 1770, il s’abstint de faire procéder à la lecture accoutumée de la bulle In coena domini[8] ; il leva les excommunications prononcées aux termes de cette bulle, contre les administrateurs du duché de Parme ; il réussit à apaiser le roi du Portugal, qui avait menacé le précédent pape[9] de supprimer la nonciature et de nommer un patriarche pour ses États. Malgré l’incessante pression des puissances qui avaient banni les Jésuites, il ne mit aucune hâte à l’instruction de la grande cause relative à l’abolition de cet ordre ; il y procéda lui-même, sans confier à personne le résultat de ses délibérations, sinon peut-être aux pères Buontempi et Francesco, deux religieux de son couvent des Saints-Apôtres, qu’il avait gardés auprès de lui. Confinée dans ses États de plus en plus mal administrés, la Papauté affaiblie se laissa arracher la suppression de la compagnie de Jésus, déjà chassée par les différents souverains catholiques, jusqu’à ce que le 16 août 1773, se rendant aux arguments des cardinaux français et espagnols qui l’avaient élu il publiât le bref Dominus ac Redemptor Noster Jesus Christus[10], qui liquidait les biens de la compagnie de Jésus dans les États de l’Église et laissait aux autres souverains la faculté de le faire dans leurs propres États.
Les cardinaux opposés à cette mesure se livrèrent à une sorte de grève en ralentissant leur activité. L’archevêque de Paris refusa d’appliquer le bref. Déjà frappée par une trentaine de suppressions et d’expulsions par les différents souverains catholiques, la Compagnie organisa son repli : le luthérien Frédéric II et l’orthodoxe Catherine de Russie décidèrent de conserver chez eux les résidences de jésuites. Pour faire fléchir le pape, le gouvernement français avait fait en 1769 occuper Avignon ; la ville fut évacuée en mars 1774.
Les partisans des Jésuites attendaient le châtiment céleste qui devait frapper le pape coupable d’avoir aboli cet ordre ; les plus fanatiques annoncèrent sa mort prochaine, sur la foi des visions de sœur Marie-Thérèse du Cœur de Jésus et de Bernardine Renzi, divulguées par les confesseurs de ces femmes. Des rapports du cardinal de Bernis[11], ambassadeur de France, écrits longtemps avant la promulgation du bref attestaient que Clément avait le pressentiment que l’abolition de l’ordre des Jésuites lui coûterait la vie.
La santé du pape, jusqu’alors vigoureuse, déclina rapidement. Il mourut, le 10 septembre 1774, victime d’un refroidissement à l’âge de soixante-neuf ans après un pontificat de cinq ans. La rumeur se répandit aussitôt qu’il avait été empoisonné. Il fut inhumé en la basilique romaine des Douze-Apôtres. Casanova lui consacra un monument funéraire près du Triomphe de l’Ordre Franciscain de Baciccio. Le tombeau de Clément XIV passe pour l’un des chefs d’œuvre de l’art classique. Le caractère de Clément paraît avoir été celui d’un Franciscain autant qu’il était possible au XVIIIe siècle, épris de simplicité, de recueillement et d’amour des œuvres de Dieu dans la nature. Avant son élévation, il prenait ses délassements dans l’étude de la botanique et de l’entomologie et quelques exercices corporels. Devenu pape, il continua à rechercher le silence et la solitude, ayant pour compagnie préférée quelques religieux de son ordre. De tous les papes, il fut peut-être celui qui a le moins parlé, et l’un de ceux qui ont le plus scandalisé Ies Romains par le mépris des pompes que ce peuple affectionnait.
Érik Lambert
[1] En 1741, il fut envoyé en Martinique où la Mission traversait une grave crise matérielle. Le Père Lavalette parut être l’homme providentiel pour relever la situation. Comme ‘procureur’ il était chargé de trouver les ressources financières nécessaires au bon fonctionnement de la mission. En 1751, les premières accusations de participation à des opérations commerciales furent lancées contre le jésuite français. Antoine Lavalette fut rappelé de Martinique en 1753 pour justifier sa conduite. Juste avant qu’il ne meure, le supérieur général de la Compagnie de Jésus l’autorisa à rentrer dans sa mission, où il devint le Supérieur des Missions Françaises de l’Amérique du Sud en 1754, mais avec un ordre explicite d’arrêter toute entreprise commerciale.
Cet ordre fut ignoré par Lavalette qui poursuivit avec sa compagnie commerciale. Il fut canoniquement suspendu jusqu’à décision du Supérieur Général. Mais avant que décision soit prise Lavalette quitta la Compagnie (1762). Après le bannissement des jésuites du royaume de France, il répudia formellement ses liens avec les jésuites en prononçant le serment qui, en condamnant le caractère pernicieux de l’Ordre permettait aux anciens jésuites de recouvrer leur statut et droits comme citoyens français. Retiré dans son village natal de Valette il meurt le 13 décembre 1767. Ce scandale – et le refus des jésuites français d’accepter d’engager leur responsabilité financière – donnèrent l’opportunité aux ennemis de la Compagnie en France de déclencher des attaques contre celle-ci. Le 6 août 1762, le Parlement de Paris prit un arrêt bannissant la Compagnie de Jésus de France. Malgré l’intervention du pape Clément XIII, Louis XV fut amené à expulser les jésuites le 26 novembre 1767.
[2] Le jansénisme est un mouvement religieux qui a agité l’Église catholique en France, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il est né dans les cercles intellectuels de l’Université de Louvain (Belgique) à la fin du XVIe siècle, en réaction à l’optimisme des jésuites. Ses fondements théologiques ont été exposés par l’évêque d’Ypres Jansenius (Cornelis Otto Jansen de son vrai nom, 1585-1638), d’où son nom. En soulignant comme les protestants l’importance de la « prédestination » dans le chemin qui mène à la vie éternelle, Jansenius et ses disciples se mirent à dos les Jésuites et une grande partie de la hiérarchie catholique. Ils séduisirent par ailleurs des catholiques avides de mysticisme et de retour à une pure spiritualité. Parmi ces derniers, l’abbé de Saint-Cyran, Jean Duvergier de Hauranne, qui devient confesseur puis directeur de conscience de l’abbaye de Port-Royal de Paris et de son abbesse, Jacqueline Arnauld. Des querelles théologiques aigües se déclenchèrent dont l’enjeu, gâta la vie de la cour de Versailles, aboutir à la dissolution de Port-Royal et altérer les relations entre la monarchie française et le Saint-Siège. Sous le règne de Louis XV, le mysticisme janséniste conduisit même à des émeutes dans les rues de Paris, en particulier avec l’affaire de l’Hôpital général. Elle eut pour lointaine conséquence l’expulsion des Jésuites (1764).
[3] Écrit généralement court, diffamatoire, dirigé contre une personne, un groupe de personnes, une corporation.
[4] Doctrine qui admet l’existence d’un Dieu unique et personnel comme cause transcendante du monde.
[5] Cardinaux défenseurs obstinés de la papauté du XVIIème au XIXème siècle.
[6] Soutenant les pouvoirs temporels monarchiques.
[7] Qui soutiennent et défendent les positions traditionnelles de l’Église italienne, le pouvoir absolu, spirituel et temporel du pape.
[8] La bulle pontificale In Cœna Domini (Au repas du Seigneur) prononce une excommunication générale contre tous les hérétiques, les contumaces et les ennemis du Saint-Siège. Elle fut ainsi nommée parce qu’on la lisait publiquement à Rome tous les ans le jour de la Cène (jeudi saint). Elle fut rendue par Paul III en 1536 ; Clément XIV en supprima la lecture en 1770.
[9] Clément XIII.
[10] Jésus-Christ, notre Seigneur et Rédempteur, un écrit apostolique supprimant la Compagnie de Jésus.
[11] Il n’est pas le plus célèbre des cardinaux qui ont orienté les destinées de la France. Moins illustre que Richelieu ou Mazarin, François de Bernis n’en a pas moins joué un rôle majeur dans la diplomatie sous Louis XV et Louis XVI.
Bonne nouvelle !
Seigneur, j’ai regardé le monde. Seigneur, j’ai regardé les hommes. Et j’ai vu la misère des pauvres. J’ai entendu leur silence. J’ai vu tous ceux qui ne comptent pour personne. J’ai vu ces enfants abandonnés par leurs parents et ces parents abandonnés par leurs enfants. J’ai vu tous ceux qu’on rejet¬te, ceux qu’on méprise, ceux qui travaillent sans même avoir un mot à dire, sans avoir une responsabilité à prendre. J’ai vu toutes ces cohortes de jeunes qui cherchent désespérément un sens. Et, j’ai vu aussi la foule des meurtris et des résignés…
Seigneur j’ai vu aussi les guerres et le sang des guerres. Et j’ai entendu comme une rumeur de grandes eaux. J’ai entendu le silence des pauvres et Ta colère, car Tu es Père et ce sont tes propres enfants qui sont là devant nous. Dans leurs cris, comme dans leurs silences, j’ai entendu ton appel insistant : EGLISE, SOIS BONNE NOUVELLE !…
Seigneur j’ai regardé le monde. Seigneur j’ai regardé les hommes. Et j’ai vu aussi la joie de ceux qui s’aiment, la joie d’un couple accueillant un enfant, la joie d’un homme devant sa création. La joie d’un jeune devant toutes les capacités de vie qui s’éveillent en lui. J’ai vu des visages s’éclairer quand fleurit le pardon. J’ai vu des mains s’ouvrir pour que triomphe la vie. J’ai entendu des poèmes faire danser les années…
Et j’ai perçu encore dans la joie et l’espérance des hommes, encore et encore ton appel insistant : Eglise sois BONNE NOUVELLE
Cycle de la passion
La Résurrection 20
On remarquera l’unité profonde des 4 épisodes de ce chapitre 20, qui tendent vers un sommet, la béatitude de la foi : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu ».
S’agit-il de croyance ? Pas seulement le fait de la résurrection : Jésus est revenu ! mais la signification de ce fait : qu’arrive-t-il à Jésus quand il ressuscite ? Et qu’arrive-t-il à ses disciples à ce moment-là ?
Découverte du tombeau vide (20, 1-10)
➡️ Pierre et Jean : les autorités dans l’Eglise primitive (Ac. 1, 13 ; 3, 1-4.11 ; 4, 13-19 ; 8, 14)
➡️ Jean est plein de déférence envers Pierre. Le sens ecclésial est nettement marqué.
➡️ Il vit et il crut :
• qu’a-t-il vu ? des signes (les bandelettes et le suaire roulé à part)
• en quoi a-t-il cru ? à la résurrection de Jésus, car si on avait enlevé le corps durant la nuit, on l’aurait emporté tout enveloppé).
➡️ Dans cette notation « il vit et il crut » peut-être y a-t-il l’aveu discret d’une déficience. Jean aurait-il cru, à ce moment, s’il n’avait pas vu ? C’est une question que nous pouvons nous poser.
➡️ « Ils n’avaient pas encore compris que, d’après l’Ecriture, il devait ressusciter des morts » : allusion au Ps. 16, 9-10 : « Tu ne laisseras pas ton ami voir la corruption ».
Apparition de Jésus à Marie-Madeleine (20, 11-18)
➡️ Evénement très parallèle à celui des ‘Disciples d’Emmaüs’ : la pointe du récit réside dans la reconnaissance de Jésus par le disciple, après la méprise initiale. Marie-Madeleine reconnaît Jésus quand il l’appelle par son prénom, et les disciples d’Emmaüs à la fraction du pain.
Cela veut dire qu’il ne suffit pas que Jésus soit présent à ses disciples, encore faut-il qu’ils le reconnaissent ! Ce sera l’essence même de tout « sacrement » : le point de rencontre entre 2 démarches, celle du Christ (toujours là le premier), et celle du fidèle qui vient à la rencontre.
➡️ « Ne me retiens pas… » Marie-Madeleine se méprend, car Jésus ne sort pas du tombeau pour renouer, comme Lazare, le fil de son existence antérieure, terrestre, il passe à une condition nouvelle, celle des corps glorieux.
Désormais Jésus ne sera plus présent à son Eglise sous sa condition historique palestinienne, il sera le présent/absent : présent par ses sacrements, mais « disparaissant à nos yeux », comme aux disciples d’Emmaüs, comme aux Apôtres après les apparitions et lors de l’ascension, car, dorénavant, il est d’en-haut par tout son être.
➡️ Le message confié par Jésus à Marie-Madeleine comporte trois éléments :
• « Va vers mes frères » : c’est la première fois que Jésus les appelle ‘mes frères’, comme si sa condition de ressuscité renforçait son intimité.
• « Je monte» : c’est le retour de Jésus à la source d’où il est descendu vers nous (cf. 3, 13 ; 6, 38-42)
• « … vers mon Père et votre Père » : c’est l’heure où se réalise le but de l’incarnation : la filiation adoptive (« donner le pouvoir de devenir enfants de Dieu » 1, 12), ce qui veut dire englober les croyants dans la filiation même du Fils unique.
EDITO
En grec le mot « polis » signifie la cité. Pour les Athéniens du Vème siècle, la cité constituait un État. Les citoyens participaient aux affaires publiques de la démocratie ce qui leur conférait des droits mais aussi des devoirs ; exception dans un monde où régnaient les pouvoirs tyranniques. Si l’étymologie « pouvoir du peuple » peut induire en erreur, tant le système antique n’avait guère à voir avec ce que nous vivons en France de nos jours, il n’en demeure pas moins que les idées de Dracon, Solon, Pisistrate et Clisthène ont essaimé. En démocratie le chrétien est-il légitime à participer aux débats et à s’engager ?
En cette période très agitée au cours de laquelle les joutes françaises pré-électorales paraissent très superficielles, la question paraît presque futile.
Pourtant, en son temps, le Christ s’engagea. Hérode ne fit il pas massacrer des enfants par crainte d’affronter un rival potentiel ? Jésus ne s’éleva-t-il pas contre l’ordre établi ? (Lc 22, 25 et 31-32) N’a-t-il pas refusé de participer à la révolte contre l’occupant romain ? N’a-t-il pas, contre les usages, côtoyé Romains, parias juifs, collecteurs d’impôts,…? Ne fut-il pas accusé d’être hostile aux Romains bien qu’il considérât qu’il convenait de verser l’impôt à César ? Enfin, ne mourut-il pas de manière infamante, nanti de l’acronyme fort politique « Jésus de Nazareth, roi des juifs », son tombeau gardé par des soldats mandés par des pharisiens soucieux d’éviter que des disciples n’exploitassent « politiquement » sa mort ? S’il est vrai que Paul appela les Corinthiens à éviter de s’engager par orgueil, le chrétien n’en a pas moins une conscience, ce que Paul rappela : « Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui. ». Or, lorsque d’aucuns en appellent aux racines judéo-chrétiennes et invoquent l’héritage du Galiléen, les chrétiens doivent-ils demeurer muets ?
Les racines s’entremêlent et si nous cherchons désespérément à les discerner, il convient de puiser dans l’effervescence médiévale qui brassa des peuples, des cultures, des croyances. Rendons à César ce qui est à César et à Eisenhower ce qui lui appartient. En effet, le diable prit le visage des totalitarismes, qu’ils fussent antisémites ou athées, et il fut vaincu. Dès lors, les années 1950 furent celles de la renaissance du judéo-christianisme démocratico-compatible. Cette renaissance du concept de judéo-christianisme fut l’occasion d’appréhender la géopolitique sous l’angle d’un choc des civilisations. Ces errements simplificateurs ont volé en éclats à la faveur du conflit russo-ukrainien ; les nostalgies d’une époque fantasmée, sublimée, sont autant de placebos réducteurs qui conduisent à l’exclusion. Or, le christianisme est universel, il est né au Proche-Orient et il s’est épanoui sur tous les continents : il est de tous les temps et de tous les lieux.
L’Évangile est politique, il en appelle à notre responsabilité, celle qui conduit à ne pas se jeter dans le bras d’un sauveur par peur d’un monde qui semble nous échapper. Invoquer un homme ou une femme providentiel par aveuglement peut mener au chaos. Le Christ n’aspira pas à endosser ce rôle sur terre lorsqu’il répondit à Pilate : « Mon Royaume n’est pas de ce monde ». Alors que nous serons amenés à glisser un bulletin dans l’urne, il nous faut exercer notre devoir de citoyen, mais aussi de chrétien. Notre choix sera celui de l’universalité, de l’Amour de nos frères et sœurs en Christ, car les politiques sont au service du bien commun et non de quelques groupes qui, au nom de supposées racines défendues par un obscurantisme né de certitudes devenues vérités, font de l’exclusion leur fonds de commerce. L’Évangile porte un message d’Amour et de liberté ; il nous reste donc, à l’aube de la Semaine Sainte, à faire le choix de la liberté et de l’accueil du pauvre et du petit.