« Le pardon…Pourquoi ? Comment ? » (1ère partie)

Le pardon dans le premier Testament

Les Israélites ont longtemps eu une image comptable du péché et la conviction que leur Dieu pouvait punir un pécheur à travers ses descendants, jusqu’à ses arrière-petits-enfants. L’épisode du veau d’or et la rupture de l’Alliance, qui enflamment la colère de leur Seigneur et devraient conduire à leur extermination, leur révèlent peu à peu un autre visage de Dieu, celui d’un Dieu de pardon : « le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché ». (Ex 34,6-7) Et s’il ne laisse rien impuni, Dieu accède cependant à la prière de Moïse et renouvelle son Alliance : « c’est un peuple à la nuque raide que celui-ci, mais tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu feras de nous ton héritage. » (Ex 34,9)

Trop souvent Israël se montre infidèle à cette Alliance et déçoit l’amour de son Seigneur, mais c’est l’amour qui l’emporte malgré tout, celui tout à la fois d’un père et d’une mère pour son peuple : « C’est pourtant moi qui avais appris à marcher à Ephraïm, les prenant par les bras, mais ils n’ont pas reconnu que je prenais soin d’eux. Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour, j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson contre leur joue et je lui tendais de quoi se nourrir…Mon cœur est bouleversé en moi, en même temps ma pitié s’est émue. Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne reviendrai pas détruire Ephraïm ; car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis saint : je ne viendrai pas avec rage. » (Os 11,3-4.8-9) Ainsi le cœur de Dieu n’est pas celui de l’homme, ses pensées et ses chemins non plus. Ce n’est pas la mort du pécheur qu’il souhaite mais sa conversion, pour lui manifester sans fin sa tendresse et son pardon car son Alliance est indéfectible. « Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme malfaisant ses pensées. Qu’il retourne vers le SEIGNEUR, qui lui manifestera sa tendresse, vers notre Dieu qui pardonne abondamment. » (Is 55,7) « J’ai juré de ne plus m’irriter contre toi et de ne plus te menacer. Quand les montagnes feraient un écart et que les collines seraient branlantes, mon amitié loin de toi jamais ne s’écartera et mon alliance de paix jamais ne sera branlante, dit celui qui te manifeste sa tendresse, le SEIGNEUR.» (Is 54,9-10)

C’est cette confiance dans la fidélité et l’amour sans faille de Dieu que traduisent les psaumes. Ainsi, Dieu pardonne au pécheur qui confesse sa faute : « Je t’ai avoué mon péché, je n’ai pas couvert ma faute. J’ai dit : Je confesserai mes offenses au Seigneur, et toi, tu as enlevé le poids de mon péché. » (Ps 32,5), miséricordieux, il retient sa colère et choisit d’effacer le péché. Loin de rejeter ou de mépriser le pécheur qui s’humilie et se repend, il le purifie, il fait de lui une créature nouvelle et le comble de joie, la joie d’être sauvé. (Ps 51) Là encore, le pardon de Dieu est associé à sa bonté, à sa tendresse, à son amour, pour ses enfants (Ps 103,8-14), comme pour tous ceux qui l’invoquent : « Seigneur, tu es pardon et bonté, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent ». (Ps 86,5)
Après l’Exil, le peuple est appelé à la repentance et à la confession de ses péchés en priant le « Dieu des pardons » (Ne 9,17) car, si Israël ne l’a pas écouté et s’est détourné de ses commandements, lui, est toujours prêt à renoncer au châtiment annoncé dès lors qu’il y a une authentique démarche de conversion : « Revenez à moi de tout votre cœur avec des jeûnes, des pleurs, des lamentations. Déchirez vos cœurs, non vos vêtements et revenez au SEIGNEUR, votre Dieu : il est bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et plein d’une bonté fidèle. Il regrette le malheur. Qui sait, peut-être aura-t-il encore du regret et après lui laissera-t-il une bénédiction » (Jl 2,12-14)

Avec le Livre de Jonas, le pardon ne s’adresse plus aux seuls fils d’Israël, mais il est offert à tous les hommes. Récit savoureux dans lequel le prophète, craintif et incrédule, découvre que la Parole qu’il porte agit, presque malgré lui, sur les éléments, les animaux, et le cœur des Ninivites, bien plus prompts à se convertir que ses frères juifs. Il va même jusqu’à reprocher à Yahvé d’avoir renoncé à détruire Ninive, la ville symbole du péché et du vice, l’autre Sodome. Mais Dieu, avec la patience et l’humour qui le caractérisent, lui révèle peu à peu la portée universelle de sa bienveillance et de sa miséricorde.

Enfin, le Livre de la Sagesse loue la toute-puissance de Dieu et son amour pour tout ce qu’il a créé. Il est celui qui use de clémence envers tous, qui n’enferme pas les hommes dans leur péché mais attend qu’ils se repentent, qui les reprend et les corrige afin qu’ils croient en lui. Car il est le Tout-Puissant, celui qui gouverne avec justice, le Dieu dont c’est la nature même de pardonner.
« Tu as pitié de tous parce que tu peux tout, et tu détournes les yeux des péchés des hommes pour les amener au repentir. Tu aimes tous les êtres et ne détestes aucune de tes œuvres : aurais-tu haï l’une d’elles, tu ne l’aurais pas créée. Et comment un être quelconque aurait-il subsisté, si toi, tu ne l’avais voulu ou aurait-il été conservé sans avoir été appelé par toi. Tu les épargnes tous, car ils sont à toi, Maître qui aime la vie. Aussi tu reprends progressivement les coupables et tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, afin qu’ils renoncent au mal et qu’ils croient en toi, Seigneur. » (Sg 11,23-12,2).

P. Clamens-Zalay