EDITO

Fête de la Toussaint

Dès la fin du quatrième siècle, les persécutions ayant cessé, l’Église voulu fêter ses innombrables martyrs connus et inconnus. On fixa la fête au dimanche suivant la Pentecôte pour rappeler que c’est dans la force de l’Esprit qu’ils puisèrent leur force. En Orient cette date n’a pas changé. En revanche, à Rome en 610, elle fut déplacée au 13 mai, date de la transformation du Panthéon antique en église à la mémoire de tous ces martyrs. Ce lieu attira vite les foules et devint un but de pèlerinage.

Jacques de Voragine, un Dominicain du 13ème siècle, raconte : « Plus tard, encore, (vers 837) un pape nommé Grégoire transporta au 1er novembre la date de la fête anniversaire de cette consécration : car à cette fête les fidèles venaient en foule, pour rendre hommage aux saints martyrs, et le pape jugea meilleur que la fête fût célébrée à un moment de l’année où les vendanges et les moissons étaient faites, les pèlerins pouvaient plus facilement trouver à se nourrir ».

Sa place à la fin de l’année liturgique se justifie aussi comme un couronnement de la grâce du Christ et comme la vision de notre propre gloire future.

Réservée jusque-là aux seuls martyrs, la fête s’étend désormais à tous les saints. Mais les choses vont se gâter quand le grand abbé de Cluny, Odilon, (au milieu du 11ème siècle) réussit à associer les défunts à la fête. Aussitôt, les morts jetèrent leur drap funéraire sur la joie de la fête et la Toussaint devint une fête triste car chacun pense à ses proches disparus.

Il est important de laisser à la Toussaint son caractère de fête, car c’est bien de triomphe, de réussite finale qu’il s’agit, de fierté devant tant d’hommes et de femmes qui nous ont précédés. Leur exemple devient pour chacun de nous une force pour avancer. Oui, cette belle fête est aussi pour nous. Elle nous invite à oser aller de l’avant, à reconnaître et à développer nos talents. Jésus nous rappelle que nous sommes la lumière du monde or, notre monde se débat dans beaucoup de difficultés : jamais idéologies plus sombres, plus désespérantes, plus absurdes n’ont été proprement cultivées, jamais autant de solitudes, de déprimes. C’est à nous que Jésus dit : allez les illuminer, non de votre lumière mais de ma lumière dont je vous demande d’être les reflets. Cela suppose, au-delà des paroles, un témoignage concret de la vie et un accueil de l’autre.

Oui, la Toussaint nous permet d’avoir de l’ambition mais en faisant bien la différence entre « être » ambitieux et « avoir » de l’ambition. Sans ambition, nos existences, nos sociétés sont menacées de fadeur. L’ambition n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle peut nous faire succomber aux sirènes du pouvoir ou de l’argent ou de toute autre prétention qui me place au-dessus des autres, mais elle peut aussi nous appeler à donner de l’ampleur à notre vie. Tout est donc dans l’usage que l’on va en faire. Dans nos vies, il y a ce qui est habituel et ce qui est exceptionnel, il y a la capacité simple et l’ambition. Nous devons essayer de nous dépasser et de savoir prendre des risques calculés. Nous sommes tous capables de donner de l’ampleur à notre vie tout en en mesurant les risques.

La fête de la Toussaint nous rappelle que nous avons avec nous un témoin de l’ambition, celui qui, de pages en pages d’évangile, n’a de cesse de vouloir que ceux qu’il nomme ses disciples, aillent au-delà de ce qu’ils font et non au-delà de ce qu’ils sont. Il leur est demandé de mettre en œuvre leurs talents, d’avoir le courage simple d’être soi. De mettre en œuvre les exigences du métier d’homme et de devenir ce que l’on est comme le rappelle saint Augustin « Deviens ce que tu es ».
La bonne ambition c’est d’être pleinement homme et la Toussaint en est la compilation à travers les âges.

Frère François Comparat ofm