EDITO DE JUILLET

Liberté ou sécurité ?

Le 7 juin dernier, dans le cadre d’une « clarification » du code de procédure pénale voulue par le gouvernement, le sénat autorisait l’activation du micro et de la caméra du téléphone portable à l’insu de son propriétaire. S’il est vrai que cette disposition est limitée dans son usage, il n’en reste pas moins qu’elle prend place dans un ensemble dont nombre de sénateurs — entre autres — dénoncent la confusion, et plus généralement dans un recul constant des libertés pu-bliques et privées. La raison invoquée, qui rendrait nécessaires ces atteintes répétées, est partout et toujours la même : la sécurité. Celle-ci n’étant pas plus assurée pour autant, la course en avant qui en résulte, de lutte anti-terroriste en mesures anti-covid, fait penser à la définition de la folie selon Einstein : faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent. Quoi qu’il en soit, la question du rapport entre sécurité et liberté s’impose à nous, et plus précisément celle du poids de la technologie dans leur balance.

On voit déjà un paradoxe dans l’usage actuel de la technologie en elle-même. Destinée à offrir de nouvelles possibilités et donc de nouvelles libertés, elle se trouve produire l’effet contraire en réduisant l’autonomie et le pouvoir de décision de l’individu qui, par exemple, confie ses choix d’itinéraire, d’achat, d’opinion et même de vie sentimentale à des applications, au détriment de son libre arbitre, de la rencontre avec le prochain et des cadeaux de la providence. Certes, il ne s’agit pas là à proprement parler de sécurité, mais de praticité. Toutefois les deux se confondent dans l’illusion d’une maîtrise du destin si absolue qu’en seraient écartés tout danger, toute épreuve, toute surprise… rêve d’une sécurité parfaite où se vivrait la satisfaction de tous les désirs : une sorte d’Éden 2.0, en somme, où, démiurge de sa propre existence, chacun en contrôlerait tout, de la procréation assistée à la mort décidée.

Jésus est apparu dans un monde en proie à de multiples craintes et dangers. Mesurons ce que le décalogue et les lois mosaïques apportèrent de structuration et de sécurité au peuple hé-breu. Ces lois organisèrent la vie et la liberté collectives de manière plus harmonieuse et durable, telle la règle du sabbat protégeant le repos du travailleur. En accomplissant un miracle ce jour-là, ou lorsque ses disciples affamés arrachèrent des épis, Jésus fut accusé de transgresser la loi divine. Au contraire, il n’était pas venu l’abolir, mais l’accomplir, c’est-à-dire lui donner tout son sens divin que la stricte observance littérale des Pharisiens avait fini par dévoyer : « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat », dit-il. En prenant cette liberté, Jésus nous montre que c’est le Père qui nous l’accorde par Sa loi et que toute autre liberté que l’homme se donne à lui-même doit être rendue — pour employer un raccourci — à César. Cela signifie pour un chrétien que la liberté consiste à se laisser défaire de ses penchants contraires à l’Évangile afin de pro-gresser dans la voie de la sainteté. Jésus ne l’impose jamais, ses recommandations sont toujours précédées de « Si tu veux… ». Mais il ne s’agit pas d’affirmer une volonté personnelle, bien plutôt de la soumettre à celle du Père, sur la terre comme au ciel : « Père, si tu le veux […] non pas ma volonté, mais la tienne. », dit-il encore au jardin de Gethsémani.

Dans notre société technologique que son idolâtrie du confort rend sourde au Verbe divin, comment s’étonner que la liberté se conçoive comme l’espace du bon plaisir que rien ne limite, pas même les lois naturelles. Et comment s’étonner qu’il en résulte un sentiment profond et diffus de désordre, de menace, lequel engendre dans un cercle terriblement vicieux une demande crois-sante de sécurité. Que la technologie soit appelée au secours pour l’assurer montre à quel point celle-ci occupe dans les esprits la place d’un dieu omnipotent. Pourtant, quiconque est animé par la foi l’apprend chaque jour : il n’est de liberté ni de sécurité qu’en Dieu, unies en une seule et même grâce qui est le salut.

Le comité de rédaction