Car il ne restera plus jamais rien de l’innocence crédule qui m’habitait, plus rien de l’élan salvifique qui me tenait.
Car veuve, je n’ai plus personne à mes côtés pour entendre mon désarroi et porter ma tristesse.
Car je ne verrai plus jamais cet homme, abusé, avec lequel j’ai travaillé, que j’ai entendu être remercié dans le couloir ce lundi pour son témoignage lors d’une assemblée paroissiale, sans pleurer dans mon cœur. Et tant d’autres…
Car il ne me reste plus qu’une déception abyssale. Parce qu’en son sein, j’ai défendu son intégrité face aux accusateurs, croyant les clercs qui m’entouraient.
Je travaille dans l’Eglise, j’y suis engagée… corps et âme ! et je souffre. Comment continuer à chanter, à concevoir de beaux documents en y mettant tout mon cœur sans me dire : « tu les enveloppes de miel, tu les attires, tu les touches au cœur… tu les trompes ! » Il s’agit bien de cela. Je me sens trompée. L’Eglise nous a accueillis, mon époux et moi, et nous avons été d’une grande sincérité. L’a-t-on été envers nous ? Avec le temps, j’ai su que non. Et je redoute ce que je pourrais encore découvrir.
La souffrance des révélations, en rien comparable à celle des victimes, ne saurait nous appeler au repli. Le rapport de la CIASE (si intègre !) dont les nombreuses et précises recommandations nous invite à un travail en profondeur. L’Eglise doit se réformer. Pour elle-même et pour le monde Je crains que le cléricalisme grandissant ne conduise les communautés vers un entre-soi rassurant, contentes d’elles-mêmes, s’agenouillant tous les dimanches derrière leur pasteur, pour les victimes. Le Christ est venu nous sauver. Il nous veut debout et manches retroussées, prêts à servir ! L’Église ne se sauvera qu’en revenant à Jésus. Le veut-elle ? Faut-il là aussi accepter la déflagration ?Il me reste, à moi, la contemplation de la beauté du monde. Elle seule me sauve. Et je sais que des nouveautés y germent déjà.
Suzanne
Famille Cor Unum.