GUILLAUME D’OCKHAM, UNE PENSEE FRANCISCAINE ENGAGEE DANS LA QUERELLE DES UNIVERSAUX. EPISODE 2.

Le terme de Moyen-Âge laisse penser que le monde occidental fut plongé dans les ténèbres avant de renaître au XVI°siècle. La vie était alors scandée par la religion et l’on imagine parfois que les esprits étaient étouffés par ce contexte. Or, les débats étaient vifs et les franciscains participaient aux disputationes dont étaient friands les Romains. Guillaume d’Ockham, sans nul doute le Guillaume de Baskerville créé par Umberto Eco dans Le Nom de la rose, s’engagea dans les controverses de son temps. Ses écrits participèrent aux conflits théologiques du XIV°siècle et influencèrent peut-être la pensée de Martin Luther.

Les intellectuels d’alors puisaient une part de leurs réflexions chez les philosophes grecs antiques ou plutôt sur le peu de leurs œuvres parvenu jusqu’à eux. Guillaume bouscula les idées de son temps en considérant que pouvoir temporel et pouvoir spirituel étaient de natures différentes …séparation de l’Eglise et de l’Etat avant l’heure. On trouve là une des causes de l’affrontement avec le pape Jean XXII.

Par ailleurs, il distingue théologie et philosophie et s’interroge sur les universaux c’est-à-dire les concepts universels comme homme, animal, chat, … : sont-ils choses ou seulement mots ? Il y a un chat noir mais le noir existe-t-il ou n’est-ce qu’un mot ? On peut concevoir l’existence du noir « ante rem », avant la chose : le noir n’a besoin d’aucun objet particulier pour être le noir. Il peut être envisagé « in re » : le noir existe bien universellement en tant que noir, mais dans les choses. Enfin, il est possible de considérer que ce n’est qu’à travers l’expérience qu’un sujet peut en percevoir l’universalité « post rem », après la chose donc. Qu’est-ce qui existe le plus ? Le chat qui miaule ? Ou l’idée de chat qui est dans notre esprit qui nous conduit à penser que l’animal en question est un chat? Guillaume estime que les mots ne sont que des signes conventionnels à la signification arbitraire. Sa pensée influença les concepts rationalistes, le « principe de simplicité » Pluralitas non est ponenda sine necessitate (les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité) Ce qui pourrait signifier « les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées ». Ce principe fut appelé le rasoir* d’Ockham ». Controverse scolastique** sur la nature et l’origine des idées générales qui a hanté les intellectuels du Moyen-Âge. Le principe du rasoir d’Ockham consiste à ne pas utiliser de nouvelles hypothèses tant que celles déjà énoncées suffisent afin d’éviter de complexifier le problème.
Bref, notre Guillaume montre que les franciscains relevaient le défi de la pensée et n’hésitaient pas à s’engager dans des débats qui n’étaient pas sans danger.

Erik LAMBERT

*Rasoir : Inutile de chercher une explication compliquée, faisant appel à des principes hors du champ de l’expérience (essences des universaux, volonté divine, miracle…), quand une explication simple, à partir de ce que nous connaissons déjà, suffit à rendre compte d’un phénomène qui se manifeste à nos sens.
** Scolastique : Philosophie et théologie enseignées au Moyen-Âge par l’Université.