Du 9-3 à l’Aveyron central

Témoignage sur un changement de vie
(1ère partie) 

Vue de l’abbaye cistercienne de Bonnecombe dans l’Aveyron

Membre de la fraternité franciscaine séculière depuis le 4 octobre 2016, je travaillais jusqu’au 1er août 2020 comme salariée, au sein de l’association Le Rocher Oasis des Cités, une association catholique d’éducation populaire implantée dans 9 quartiers urbains en difficulté. La particularité de cette association est d’avoir des équipes qui font le choix de venir vivre dans les cités. Nous habitions au nord de Bondy, en Seine-Saint-Denis, mon mari Émeric et moi, pour cette raison. Parallèlement à ma mission de responsable des relations institutionnelles du Rocher, je travaillais depuis 2015 avec Émeric à un projet de centre de formation sur l’écologie environnementale et sociétale. Ce projet rejoignait en effet nos aspirations respectives : celle d’Émeric à protéger la nature, née de ses nombreux voyages à pied dans des contrées sauvages et la mienne à mener une vie plus fraternelle avec toutes les créatures, inspirée de notre frère François. Nous nous étions aussi fortement sentis encouragés dans notre entreprise par la sortie de l’encyclique Laudato si’ en juin 2015, qui montrait bien que « tout est lié ».

Nous avions assez rapidement baptisé notre projet « Propolis ». L’allégorie nous semblait bonne. Nous voulions que notre projet serve l’homme et la nature. La propolis est en effet une substance fabriquée par l’abeille pour entretenir et assainir la ruche, en colmater les fissures. Il suffisait de considérer la ruche comme notre « maison commune » : planète ou/et communauté humaine. Nous cherchions bien sûr un lieu pour établir Propolis et de fil en aiguille, une piste s’est ouverte en Aveyron, fin novembre 2017. L’abbaye cistercienne de Bonnecombe, au sud de Rodez, était en effet disponible à ce moment-là et l’évêché de Rodez et Vabres, qui en est propriétaire, cherchait repreneur. Nous avons décidé de faire le saut en nous installant en Aveyron, non loin de Bonnecombe, en avril 2019, puis en nous établissant à l’abbaye-même le 1er août 2019. Nous continuons aujourd’hui d’étudier la faisabilité de notre projet dans ce bien, bâti en 1167 et très largement reconstruite à la fin du XIXème siècle, heureusement dans un style médiéval.  

Notre projet Propolis visera notamment à promouvoir un style de vie sobre et heureux, en faveur de cinquante étudiants pendant 9 mois, de septembre à mai, qui   viendront se former sur les questions environnementales et sociétales, en vivant à Bonnecombe, avec des cours le matin et des activités manuelles et ateliers d’échanges de talents l’après-midi. Mais, sans attendre le lancement du projet, nous tentons déjà de convertir dans ce sens notre vie quotidienne, encouragés par les traditions rurales et la beauté de la nature de notre nouveau territoire d’adoption.  Alors bien sûr, la conversion écologique ne se fait pas en un jour. En témoignent les exemples suivants. Comme l’abbaye est située dans une combe et que la côte est raide et sinueuse pour en sortir, il est très difficile d’opter pour le vélo et je passe mon temps à prendre ma voiture pour faire des courses et des démarches administratives diverses. Je rêve du moment où nous pourrons relancer la production hydroélectrique du moulin de l’abbaye, qui a fonctionné jusqu’en 1997, pour alimenter une voiture électrique. Je vais aussi toujours régulièrement au supermarché, car le potager – qu’une bénévole zélée a lancé en juin 2020 –, ne donne pas encore de quoi alimenter la table tous les jours. Mais, là aussi, les perspectives sont prometteuses, puisqu’au printemps prochain, le potager devrait s’agrandir d’une forêt-jardin. Qu’il est difficile aussi de résister à une proposition amicale ou familiale de « petit voyage » en avion vers l’Europe centrale, le Proche-Orient, etc. Heureusement que l’enclavement de l’Aveyron freine la bougeotte. Dans un autre registre, à présent que la pollution due au numérique a dépassé celle provoquée par le transport aérien [1], il devient urgent de devenir plus sobre dans sa production d’emails, ses envois de photos, de vidéos, etc. Il faut donc sans cesse arbitrer sur l’utilité/coût pour la planète de chaque action de communication pour notre confort personnel et pour notre projet. 

Il faut donc se remettre en question sur tous les fronts…

Christine Fisset  (FFS)


[1] Le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre du monde, c’est 1,5 fois plus important que le transport aérien ! Envoyer un simple mail rejette en moyenne 10 grammes de CO², soit l’énergie nécessaire pour faire fonctionner les machines qui envoient, transportent et stockent les informations. Plus une pièce jointe est volumineuse, plus cela pollue. Enfin, toute donnée stockée en ligne consomme de l’énergie. 
Sources : The Shift Project /Greenpeace.