Dieu est-il pour nous « le Consolateur » ? 1ère partie

Dans l’Ancien Testament, le croyant, accablé par l’épreuve, a conscience que ce monde ne peut lui apporter de réelle consolation : « Que de fois ai-je entendu de tels propos, et quel pénibles consolateurs vous faites ! » (Jb 16,2) « J’espérais la compassion, mais en vain, des consolateurs, et je n’en ai pas trouvé. » (Ps 69,21). C’est pourquoi il se tourne vers Dieu qui, seul, peut le secourir et le réconforter : « Agis avec éclat en ma faveur, alors mes ennemis seront confondus en voyant que toi, Seigneur, tu me secours et me consoles. » (Ps 86,17)

Aussi l’Exil à Babylone est-il pour le peuple d’Israël une expérience traumatisante : il se sent oublié de tous et, surtout, il a le sentiment d’être abandonné par son Dieu. C’est le temps de la détresse, de la désolation. C’est le temps des Lamentations…Mais cet abandon ne pouvait durer qu’ « un bref instant », le Seigneur revient vers Jérusalem : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem… » (Is 40,1) « Cieux, criez de joie, terre exulte, que les montagnes poussent des cris car Yahvé a consolé son peuple » (Is 49,13) « C’est moi, je suis celui qui vous console » (Is 51,12).

Dans le Livre de la consolation  (Is 40-55), le verbe « consoler », utilisé à de multiples reprises, a pour sens : « permettre de pousser un profond soupir de soulagement ». Sa racine, NHM, renvoie à la racine NHsM du récit de la création, dans lequel Yahvé insuffle son haleine de vie à Adam et en fait un être vivant. Il ne s’agit donc pas seulement pour Dieu de soutenir ou de réconforter Israël mais plus encore de lui transmettre un second souffle créateur. Au sortir de l’épreuve, il donne à son peuple de reprendre souffle, de renaître…

En intervenant en faveur de Jérusalem, le Seigneur accomplit les promesses annoncées par les prophètes : « Je changerai leur deuil en allégresse, je les consolerai, je les réjouirai après leurs peines. » (Jr 31,13) Ce Dieu consolateur a la sollicitude d’un berger, la tendresse d’un père ou d’une mère, l’amour d’un époux : « Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche, on vous caressera en vous tenant sur les genoux. Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai » (Is 66,12-13), « On ne te dira plus « Délaissée » et de ta terre on ne dira plus  » Désolation ». Mais on t’appellera « Mon plaisir est en elle » et ta terre sera épousée. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t’épousera. Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet. » (Is 62, 4-5)

 Israël vit dans l’attente de sa restauration : « Ainsi parle Yahvé : Je me tourne de nouveau vers Jérusalem avec compassion. Mon Temple y sera rebâti », « Mes villes abonderont encore de biens. Yahvé consolera encore Sion, il fera encore choix de Jérusalem. » (Za 1,16-17) car Jérusalem retrouvera sa splendeur et son rayonnement universel. C’est l’envoyé du Seigneur, le messie, qui accomplira cette œuvre de consolation et de salut (Is 61-62). Cette espérance se prolonge dans le Nouveau Testament : le peuple attend la venue du Messie, la « Consolation d’Israël » (Lc 2,25).

Dans la version grecque de l’AT, « consoler », traduit par le verbe « parakaleo », prend alors le sens de « venir aux côtés d’une personne isolée ». Le NT utilisera ce verbe pour dire que le Dieu qui console se manifeste auprès des hommes en son Fils. Jésus se présente comme le Serviteur, le Messie attendu. Il est celui qui est présent auprès des pauvres, des malades, des affligés et de tous ceux qui sont persécutés (Lc 4,18-21). Et lorsqu’il rejoint le Père, il ne les laisse pas orphelins puisqu’il leur envoie l’Esprit Saint, le Paraclet, qui sera leur Défenseur et leur Consolateur.

Avec Paul, une nouvelle théologie de la consolation s’élabore: de l’épreuve même, vécue en union aux souffrances du Christ, peut surgir la consolation et cette dernière rejaillit alors sur les autres fidèles (2 Co 1,3-11) car elle trouve sa source dans la foi au Christ Ressuscité. Si elle est parfois une réponse ponctuelle à une situation de grande détresse, elle est bien plus que cela : elle est une grâce, un don définitif fait à tout croyant (2 Th 2,16-17) Ainsi, la consolation est « la confirmation concrète du salut de Dieu en chaque existence individuelle, le deuxième souffle donné de façon totalement gratuite. Etre consolé, c’est faire l’expérience de la Résurrection. »  (Nicolas Rousselot, Les notions de « consolation » et de « désolation » dans la spiritualité d’Ignace de Loyola)

P. Clamens-Zalay