« Les laïcs franciscains accueilleront, d’un cœur humble et courtois, tout homme comme un don du Seigneur et une image du Christ. » (Projet de Vie 13)
1ère partie : Que nous dit la Bible ?
L’orgueil se manifeste, le plus fréquemment, par un sentiment de supériorité à l’égard de tous ou de certains en particulier. L’orgueilleux aspire aux honneurs et aux meilleures places, qu’il pense lui être dus (Mt 23,6s ; Lc 14,7-11), il cherche à s’élever à tout prix, bien souvent au mépris de ses semblables. La figure du pharisien, dans les Évangiles, en est le meilleur exemple : dans la parabole qui les présente, lui et le publicain, priant au Temple (Lc 18,9-14), il s’exprime ainsi : « Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain » . Le pharisien, confiant en sa propre justice, établit des comparaisons pour affirmer sa supériorité et rabaisser ses congénères. Il s’arroge même le droit de les critiquer et de les juger. A multiples reprises, Jésus condamne sévèrement cette prétention : « tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18,14 ; 14,11 ; Mt 23,12). Les textes bibliques fustigent l’orgueil des puissants de ce monde (les princes, les riches, les scribes, les pharisiens, les prêtres, les docteurs de la Loi) car il éteint en eux toute forme de justice et de charité. L’orgueil se traduit de diverses manières : dédain et insolence (Ps 6,17 ; 21,24), envie et jalousie, forfanterie et arrogance (Jc 4, 13-17), refus d’écouter ou de se soumettre, volonté de s’imposer, animosité et ironie, vanité et hypocrisie de ceux qui se donnent pour modèles mais dont le cœur est corrompu : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le Royaume des cieux ! Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient ! […] Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi […] au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence des justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité. » (Mt 23,13 ; 23 ; 28)
Mais l’orgueil peut aussi affecter la relation à Dieu : l’homme cherche à s’élever face à Dieu et prétend être son égal (Gn 3,5). L’orgueil lui fait refuser toute forme de dépendance à son Créateur et le pousse à s’attribuer le seul mérite de ce qu’il est, de ce qu’il a, à se suffire à lui-même. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Co 4,7).
Le Siracide dépeint l’orgueil comme détestable aux yeux de Dieu car il éloigne l’homme de son Seigneur : « L’orgueil déplait à Dieu […] Pourquoi tant d’orgueil pour qui est terre et cendre, un être qui, vivant, a déjà les tripes dégoûtantes ? […] Le principe de l’orgueil, c’est d’abandonner le Seigneur et de tenir son cœur éloigné du Créateur. Car le principe de l’orgueil, c’est le péché, celui qui s’y adonne répand l’abomination […] L’orgueil n’est pas fait pour l’homme » (Si 10, 6-18)
A l’inverse de l’orgueil, l’humilité est l’attitude de celui qui reconnait avoir tout reçu de Dieu et qui admet n’être rien par lui-même (Ga 6,3) si ce n’est un serviteur inutile, un être pécheur, sauvé par pure grâce et non par ses mérites. « C’est Yahvé qui fait mourir et vivre, qui fait descendre au shéol et en remonter. C’est Yahvé qui appauvrit et qui enrichit, qui abaisse et aussi qui élève. Il retire de la poussière le faible, du fumier il relève le pauvre, pour les faire asseoir avec les nobles et leur assigner un siège d’honneur. » (1 S 2,6-8) « La crainte de Yahvé est discipline de sagesse, avant la gloire, il y a l’humilité. » (Pr 15,33) Au long de son histoire, Israël traverse toutes sortes d’épreuves qui vont lui enseigner l’humilité. Les humiliations subies, personnelles ou collectives, lui font prendre conscience de sa totale impuissance et de sa misère spirituelle dès lors qu’il s’écarte de son Seigneur. Il peut alors revenir à lui avec un cœur brisé (Ps 51(50), 19) et s’abandonner à lui dans la confiance, en se reconnaissant pauvre et pécheur (Ps 25 ; 106 ; 130). Le pauvre des psaumes est celui qui craint Yahvé, il est son ami et son serviteur (Ps 86). Avec Sophonie, pauvreté et humilité se rejoignent (So 2,3), les « Pauvres de Yahvé » sont les « humbles de la Terre » et au Jour du Seigneur le Reste d’Israël sera « un peuple humble et pauvre » (So 3,12).
Enfin, l’humilité est le signe du Christ. Il est le Messie humble annoncé par Zacharie (9,9) ; mais surtout, nous dit St Paul, « Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix ! » (Ph 2,6-8). Jésus est un maître « doux et humble de cœur » qui invite à se mettre à son école (Mt 11,29) car c’est aux tout-petits, aux humbles de ce monde, que Dieu choisit de manifester sa sagesse (1 Co 1,27-31). Dans le Nouveau Testament, l’humilité apparait comme un fruit de l’Esprit qui se conjugue avec la charité. A la suite du Christ, l’humilité parfaite consiste donc à se faire petits par amour de Dieu, et, au nom de cet amour, à se mettre à l’écoute de ses frères et de ses sœurs, à revêtir la tenue de service pour leur laver les pieds. « Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Mc 9, 35).
P. Clamens-Zalay