Voilà maintenant 3 ans que je suis bénévole dans une petite école primaire catholique à Paris et y propose des séances destinées au développement des « compétences psychosociales » (pour reprendre le jargon officiel en cours ! ;-). Il s’agit de séances destinées à mieux se connaître, notamment par la découverte et la « gestion » des émotions qui nous traversent. Une manière de contribuer à l’apaisement des relations et à l’éducation à la paix.
Toute ma source vient de la Communication NonViolente (CNV) de Marshall B. Rosenberg : suite aux stages « modules de bases » que j’avais eu la grâce de pouvoir suivre, je souhaitais ardemment la partager tant cela m’avait apporté. Et je pensais tout spécialement aux enfants dans un premier temps : moi j’avais attendu d’avoir 40 ans pour apprendre ça, quel temps perdu ! Je me disais que je pouvais déjà en partager au moins quelques « miettes », ce serait toujours ça de gagné pour eux ! Les séances que je propose ne prétendent donc pas être une transmission fidèle de la CNV (il faut beauooooooocoup de temps pour l’intégrer et la pratiquer vraiment !), cependant elles s’en inspirent largement.
Au début j’ai commencé dans une seule des 3 classes maternelles de l’école : celle de Silvia, rencontrée providentiellement lors d’une journée Foi et Lumière chez nous à Fontenay-sous-Bois, et par qui je suis entrée dans cette école. Puis, assez rapidement, le lien se créant dans le secteur des maternelles (il est « géographiquement » un peu à part), je suis intervenue dans les 2 autres classes. Il s’agit de 3 classes maternelles Montessori, avec des enfants âgés de 3 à 6 ans en moyenne (les petite, moyenne et grande sections y sont donc mélangées, à proportion aussi égale que possible), et les maîtresses sont également éducatrices Montessori, formées à l’Institut Maria Montessori.
En arrivant là, j’avais un double objectif : apprendre et m’imprégner le plus possible de cette pédagogie qui m’intéressait beaucoup, pour ensuite partager dans cette dynamique là ce que j’avais compris et intégré du processus de CNV. Cela repose donc depuis le début sur une étroite coopération avec les maîtresses et leurs aides maternelles, et le partage de nos compétences respectives dans un dialogue ouvert aux tâtonnements. Maria Montessori n’ayant pas développé cet apprentissage spécifique (pas en vogue ni au programme scolaire à son époque), nous avions conscience d’innover quelque chose tout en tâchant de rester fidèles à l’esprit d’une pédagogie qui nous précède et nous dépasse, avec l’humilité que cela requiert, notamment par l’accueil de nos erreurs comme faisant partie de notre apprentissage et de notre avancée « pas à pas ». Le fait que nous ayons posé cela dès le début était très libérant à mes yeux, dans le sens où nous ne nous sommes pas fait peser d’attentes ni d’exigences surdimensionnées. L’expérience a été très chouette, et cette première année a aussi été l’occasion de créer de nouveaux outils dans l’esprit de cette pédagogie, et destinés à l’apprentissage des émotions et des besoins (au sens où on l’entend dans le jargon CNV, c’est-à-dire uniquement nos besoins vitaux, ces « énergies de vie » universelles, ces « forces motrices » intérieures qui nous meuvent et nous poussent à développer des stratégies concrètes au service de la vie, pour sa protection et sa croissance – même si on fait aussi le contraire ! Le terme « besoin » n’est donc pas ici employé au sens d’un manque, ni pour désigner une « stratégie » concrète comme cela peut être courant dans notre langage habituel. Par exemple on dira facilement « j’ai besoin d’un stylo » à un moment où il nous manque. En CNV, on distinguera bien la « stratégie » du « besoin », et on ira chercher quelle est l’énergie profonde qui nous anime lorsque nous cherchons la « stratégie » stylo dans cette situation précise et en cet instant t (on pourrait imaginer que c’est le « besoin », la force vitale d’expression/de communication qui est motrice à ce moment-là et me pousse à chercher un stylo pour écrire un message à quelqu’un).
La deuxième année, ayant aussi créé des liens avec les autres institutrices l’année précédente, j’ai continué avec les maternelles, et commencé des séances dans une des autres classes (avec une pédagogie classique : dans cette école seules les maternelles suivent la pédagogie Montessori). Là, c’était une toute nouvelle expérience, avec des séances plus structurées et à durée limitée dans le temps. Un nouvel apprentissage donc, avec des enfants d’une toute autre tranche d’âge, un autre format pour leur partager la CNV, et une autre forme de coopération avec la maîtresse. Une découverte très riche aussi !
Puis le confinement est arrivé et a tout interrompu. Et lorsque je suis revenue, je me suis plutôt rendue disponible pour aider là où c’était nécessaire, la situation étant inédite et l’année scolaire touchant déjà à sa fin.
L’an dernier nous avons eu une année presque normale avec seulement une semaine de fermeture des écoles primaires, ce qui a été très chouette car j’ai pu, cette fois-ci, intervenir tout au long de l’année dans les 8 classes de l’école. Avec les maternelles j’ai continué à peu près sous le même mode que la première année (j’étais toutefois moins présente du fait de mon investissement dans les autres classes), et du CP au CM2, nous avons calé avec chacune des maîtresses, le mode, la durée et le rythme des séances. Là aussi j’ai énormément apprécié la collaboration avec les maîtresses, le partage d’expérience et de compétences, ainsi que leur soutien pour vérifier avec elles que ce que je proposais était bien adapté aux enfants de la tranche d’âge concernée et pour la « gestion de groupe » (dans laquelle je n’avais pas de compétences particulières, et je les prenais en général seule par demi groupes, ce qui fût parfois assez sportif !).
Je rends grâce de tout mon cœur au Seigneur qui par sa Providence a permis cela, et éprouve une profonde gratitude à l’égard de la Congrégation qui m’encourage et me soutient dans cette riche expérience. Je vois que cela m’apporte beaucoup, et me permet de continuer mon apprentissage de la CNV en la pratiquant avec les enfants. Et ce, d’autant plus que le besoin de cohérence, que nous avons tous, est particulièrement « sensible » chez eux. Cela a aussi plein de sens pour moi dans la mesure où ce processus m’aide à vivre davantage de cohérence intérieure pour vivre l’Evangile, notamment pour contribuer à la paix, paix qui est si chère à notre spiritualité franciscaine ! Et cette découverte de nos besoins profonds, ces énergies si vitales qui nous meuvent, est toujours un cadeau : les rejoindre par ce processus est source d’émerveillement et de gratitude devant l’infinie bonté de Dieu et la beauté de sa création. Et bien sûr, comme pour tout le reste, rien n’est définitivement acquis : c’est toujours à re-commencer !!! 😉
Sr Elisabeth Desportes, Sœurs de Saint François d’Assise