Édouard-Martial Lekeux, religieux-soldat franciscain. (2nde partie)

Le livre qu’il écrivit : Mes cloîtres dans la tempête, consistait en des souvenirs de guerre ; un ouvrage largement diffusé durant l’entre-deux-guerres. Le roman Passeurs d’hommes, quant à lui, s’inspirait des tentatives d’évasion au cours de la première guerre depuis la Belgique vers les neutres Pays-Bas. Les aventures du remorqueur Atlas V de Jules Hentjens évoquées par Lekeux rappellent quelque peu Invasion 14de Maxence Van der Meersch. L’ouvrage du religieux franciscain connut une certaine notoriété et fut adapté au cinéma par René Jayet5 peu de temps avant le second conflit mondial. Écrivain prolixe, il publia de multiples ouvrages de théologie mystique6 et de livres autobiographiques ou hagiographiques. Tout comme Van der Meersch, sa plume était au service de sa foi. 
Avant que n’éclate le second conflit mondial, Lequeux s’inquiéta de l’émergence de l’idéologie nazie. Il fut conforté par les positions d’un autre frère mineur, le pape Pie XI qui, exprima ses craintes dans l’encyclique Mit brennender Sorge7 (« Avec une vive inquiétude »), rédigée en allemand, pour attaquer le racisme, le mythe du sang et celui de la terre. Le souverain pontife déclara du reste en 1938 : « Spirituellement, nous sommes des Sémites. ». Il prit position contre le rexisme de Léon Degrelle8 lors d’une conférence : Avant le désastre. 
La deuxième guerre le surprit à Alexandrie au service des plus démunis. Il rejoignit alors Londres afin d’offrir ses services au gouvernement belge en exil d’Hubert Pierlot. À l’issue du conflit, il fut professeur au couvent franciscain du Chant d’Oiseau à Woluwe-Saint-Pierre, près de Bruxelles avant de mourir à Liège en 1962.   Saint-François fut son guide, les guerres constituèrent un de ses thèmes de prédilection. Il raconta ce que fut la réalité vécue par des êtres humains, les souffrances d’un siècle, celui des nationalismes, des totalitarismes, des conflits guerriers et idéologiques ; un siècle de grandes mutations. Face à ces bouleversements, la foi et la religion du Christ constituèrent la voie d’espérance. Chrétien dans le monde, franciscain dans ses choix philosophiques, Lekeux mérite que l’on évoque sa mémoire.

 Érik LAMBERT

5 https://www.cinema-francais.fr/les_films/films_j/films_jayet_rene/passeurs_d_hommes.htm6 L’Art de Prier http://www.franciscains-paris.org/biblio/base/notice14494
7 L’encyclique met en garde contre le nazisme. L’encyclique rappelle l’incompatibilité entre toute politique raciste et les valeurs de l’Église catholique. Il en profite pour critiquer vivement la remise en cause du Concordat signé, en 1933, entre le Saint Siège et l’Allemagne (un accord qui avait pour but de protéger les catholiques allemands). Pie XI ironise enfin gravement sur le culte du chef et sur cette espèce de religion nationale que le IIIe Reich met en place. Il s’élève ouvertement contre l’hitlérisme.
8 Léon Degrelle, nazi notoire, collaborateur à la tête des SS wallons durant la guerre. Il avait fui en Espagne à l’issue du conflit. Hitler aurait dit que s’il avait eu un fils, il eut aimé qu’il fût comme Degrelle. Le dernier SS belge Jean Vermeire, décédé en octobre 2009 avait dispersé les cendres à Berchtesgaden, le Nid d’Aigle de Hitler.