L’apocalypse de saint Jean

Les différences entre l’Apocalyptique et le Prophétisme

1_ Que veut dire « APOCALYPSE » ?
Ce mot ne veut dire ni catastrophe ni épouvante, mais « dévoilement de quelque chose qui est caché et connu de DIEU seul » – « dévoilement » comme au théâtre lorsque le rideau se lève, ou lors d’un jour d’inauguration lorsqu’on dévoile une statue, une plaque
Dans les temps de crise gravissime, lorsque la foi parait être submergée par le déchaînement des régimes totalitaires qui semblent sur le point d’interdire à jamais la réussite du Dessein de Dieu, les croyants brûlent de connaître la réponse à 2 questions :

1° Pourquoi la Résurrection du Christ, pourtant censée avoir inauguré le temps du Règne de Dieu, peut-elle être ainsi mise en échec ? Jésus n’a-t-il pas triomphé de toutes les puissances mauvaises ?

2° Comment tout cela finira-t-il ? L’Eglise ne va-t-elle pas disparaître ?
Alors un « voyant » se lève, chargé par Dieu de ranimer le courage et de vaincre la désespérance des croyants écrasés , en leur rapportant ce qu’il a vu lorsque Dieu a écarté pour lui le voile qui cache la fin des temps, et donc la signification ultime du cours de l’histoire. Et qu’a-t-il vu ?
Il a vu l’envers des événements, le « dessous des cartes ». Car le théâtre du monde a son correspondant là-haut sur .la grande Scène du Ciel. Si bien que sous le tragique des circonstances, notre voyant est le témoin du gigantesque combat entre les forces divines et les puissances du mal, et il en sait l’issue :
• apparemment le satanisme totalitaire triomphe, mais il va s’effondrer sous peu ;
• le Règne de Dieu est déjà là, malgré les apparences mortifères, car l’Esprit a été donné aux fidèles, et personne ne saurait leur arracher la vrai vie, la vie éternelle qui déjà les pénètre. D’ailleurs les chrétiens qui ont donné leur vie participent déjà au triomphe de 1’Agneau immolé.

2_ Un sens « populaire » qui a perdu son sens originel… – Si dans le langage courant « apocalypse » signifie « catastrophe et vision d’épouvante », on est fort loin du sens originel de « dévoilement ». Mais on comprend la dérive, car les descriptions de Jean ne font pas non plus dans la dentelle.
Alors pourquoi ce scénario d’un tel gigantisme batailleur, alors que l’Evangile respire la paix et la miséricorde ? – C’est que l’Histoire elle-même est à ce moment-là d’un tragique presque insoutenable, tant la puissance totalitaire apparaît monstrueuse et invincible. Où se trouve donc la puissance de Dieu ?
On le voit, la cause de la foi ne peut être qu’un combat au sommet, et l’enjeu ne peut être que colossal : c’est Dieu ou Satan. D’où la démesure littéraire, seule à la mesure d’un enjeu hors mesure.

3_ Un genre fort ancien – Jean va puiser à profusion dans une banque d’images traditionnelles du prophétisme de l’A.T. Il en fera le tissu conjonctif de son livre.
— Dans l’A.T. : Isaïe ch. 6 et 24-27 (vers 593-591) – Ezéchiel (durant l’Exil, 587-538) : vision en 1-2 – Joël (vers 400) : ch. 2-4 – Zacharie (vers 300) : ch. 9-14 – et surtout Daniel (vers 167) : ch. 7 à 12.
— Dans l’INTERTESTAMENT (abondante littérature juive et même chrétienne, juste avant et après JC) : deux « Apocalypses de BARUCH » – « Livre des secrets d’ENOCH » – « Assomption de MOÏSE » – « 4° livre d’ESDRAS », etc…
— Dans le N.T. : Mt 24, 1-36 – Mc 13 – Lc 17, 22-37 ; 21, 5-33 – 1 Th 4, 13 ; 5, 1 et 2 Th 2, 1-12.

4_ « Apocalypse » et « prophétie » – Deux genres cousins (Jean s’intitule lui-même « prophète »), mais il y a quelques nuances :
1)- Contrairement à une idée reçue, le prophète ne parle pas avant tout du futur mais du présent : il est le « haut-parleur » de Dieu qui rappelle sans cesse 1′ »aujourd’hui » de l’Alliance qui se joue dans les circonstances du moment, même s’il lui arrive d’évoquer le futur radieux ou menaçant. Il est essentiellement un « exhortateur ».
Mais quand humainement tout semble désespéré, l’espérance ne se nourrit plus seulement de promesses, elle cherche à « voir » la fin. Alors l’auteur d’Apocalypse prend le relais du prophète pour dévoiler le futur. Au fond il se spécialise en « prophète de la fin des temps ». – Ex. dans 1’Apocalypse, les ch. 2-3 (Lettres aux Eglises) relèvent de la prophétie. Tout le reste, 4 à 22, est du genre apocalyptique.
2)- Autre nuance, la prophétie s’adresse à l’oreille : il faut « écouter » la Parole de Dieu, c’est-à- dire « obéir ». L’apocalypse, elle, s’adresse à l’œil : elle nous en met plein la vue, par un scénario grandiose.

Fr Joseph