« Cultiver la patience… »

« Patience ! » Voilà bien une exhortation que nous n’avons cessé d’entendre depuis notre plus jeune âge et qui, loin de nous aider, nous aura souvent exaspérés…La patience n’est pas la qualité première du petit enfant qui vit dans la satisfaction immédiate de ses besoins et ne sait pas encore ce qu’est attendre et désirer. Mais les adultes que nous sommes sont-ils réellement devenus des modèles de patience ? On pourrait en douter, tant est longue, au quotidien, la liste des situations qui peuvent nous heurter ou nous irriter, en famille, comme en société.
Les incivilités ou les manques de respect à notre égard ; les imprévus ou les retards dans ce que nous avions préparé et programmé de longue date ; l’incompréhension ou le rejet de nos idées; les décisions qui nous sont imposées par les circonstances ou par notre entourage ; et surtout, tout ce qui fait que l’autre n’est pas moi et que ses paroles, son comportement et ses « petites habitudes » me le rendent, par instants, insupportable.
Ce sont autant de situations qui peuvent nous amener à sortir de nos gonds.
Pourquoi ? Parce qu’elles viennent contrecarrer nos besoins, nos envies, nos désirs, nos projets, parce qu’elles viennent bousculer et parfois blesser notre ego, parce qu’elles nous semblent être un affront ou une injustice envers notre cher « moi »… (cf. Adm 14)
Nos raisons de perdre patience peuvent être parfaitement légitimes et compréhensibles, devons-nous nous en accommoder pour autant ? Et tout bien considéré, notre patience n’est-elle pas plutôt une forme d’impatience déguisée, consistant, la plupart du temps, à supporter tant bien que mal ce qui nous agace, jusqu’à ce qu’une certaine « goutte d’eau » ne nous fasse exploser ?
Est-ce bien là la vraie patience, celle dont nous parle la Bible ?
Lorsque Paul fait référence au fruit de l’Esprit, il cite la patience : « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). Le fruit de l’Esprit par excellence c’est l’amour et c’est l’amour seul qui produit la patience car : « il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune […] Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Co 13, 5-7)
Dès lors, on comprend aisément que la patience est beaucoup plus que ce à quoi nous sommes tentés de la réduire…Elle est une vertu, un don de l’Esprit, que nous ne pouvons vivre que dans l’amour.
« Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonnés, faites de même, vous aussi. Et par-dessus tout, revêtez l’amour : c’est le lien parfait. » (Col 3,12-14)
Paul nous invite à revêtir l’homme nouveau, à nous laisser guider par l’Esprit pour que nous devenions capables, sous son influence, d’imiter le Christ et d’agir « comme » lui, en aimant nos frères comme le Seigneur nous aime, jusqu’à leur pardonner tout ce qui peut blesser cet amour.
« Où règnent patience et humilité, il n’y a ni colère, ni trouble » nous dit Saint François, dans l’admonition 27. Oui, la vertu de la patience a ceci de particulier, c’est qu’elle s’accompagne de douceur et d’humilité, des attributs de Dieu que François se plaît à chanter : « Tu es amour et charité, tu es sagesse, tu es humilité, tu es patience, tu es beauté, tu es douceur » (Louanges de Dieu, 4)
Peut-être est-ce justement la douceur et l’humilité qui font parfois défaut à notre humaine patience…
Si nous voulons vivre en enfants de Dieu, il nous faut donc nous convertir chaque jour pour faire nôtres les mœurs du Père et suivre les traces de son Fils. Notre Projet de Vie nous y appelle, en ces termes : « Comme « frères et sœurs de la pénitence », en raison même de leur vocation, animés du dynamisme de l’Évangile, ils conformeront leur façon de penser et d’agir à celle du Christ, par ce changement intérieur radical que l’Évangile appelle « conversion » ; celle-ci est à reprendre tous les jours. » (PDV 7)
Disciples de Jésus, ayons à cœur de cultiver cette précieuse vertu de la patience, en nous mettant à l’école de celui qui est « doux et humble de cœur ». Nous pourrons nous aussi répondre à l’appel que Paul lançait aux Éphésiens : « En toute humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres dans l’amour. » (Ep 4,2)

P. Clamens-Zalay