LES DEUX BETES (ch. 13)

  1. la BETE qui MONTE de la MER (13, 1-10) – L’imagerie est empruntée à Daniel, dont les « 4 bêtes » symbolisaient les empires, mais qui vont être fusionnées par Jean en un monstre hybride revêtu des attributions de ces 4 bêtes :
    (Daniel 7, 2-8) – « Au cours de la nuit, dans ma vision, je regardais …Quatre bêtes énormes sortirent de la mer, … La première ressemblait à un lion, et elle avait des ailes d’aigle … La deuxième bête ressemblait à un ours ; … Je continuais à regarder : je vis une autre bête, qui ressemblait à une panthère ; … Puis, … je vis une quatrième bête, terrible, effrayante, extraordinairement puissante ; elle avait des dents de fer énormes ; elle dévorait, déchiquetait et piétinait tout ce qui restait. Elle était différente des trois autres bêtes, et elle avait dix cornes. Comme je considérais ces cornes, il en poussa une autre, plus petite, au milieu ; trois des premières cornes furent arrachées devant celle-ci. Et cette corne avait des yeux comme des yeux d’homme, et une bouche qui tenait des propos délirants. « 
    — La mer : double allusion
    1) géographique : la Méditerranée, tout entière contrôlée par Rome.
    2) Biblique : le repaire du mal et de la mort, la patrie des monstres.

10 cornes : très grande puissance, ou allusion à 10 rois vassaux ? étant donné aussi les 10 diadèmes ?
… On dirait le chiffre du Dragon. Ce que confirme ce qui suit : « le dragon lui donna sa puissance ».
La bête ne cesse de proférer des blasphèmes : allusion aux titres divins que revendiquent les empereurs, ainsi qu’aux injures à Dieu et au Christ.
pouvoir d’agir durant 42 mois : toujours le même temps limité, ici celui de la persécution.
les habitants de la terre : ceux qui adorent la bête, par opposition aux chrétiens dont les noms sont inscrits dans les cieux (cf. Luc 10, 20 :  » Réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux ! « )
Si quelqu’un est destiné à la captivité… : Chaque chrétien doit s’arcbouter à la non-violence absolue, et accepter sans se révolter le genre d’épreuve qui lui est destiné. Comme pour Jésus, Dieu n’empêchera rien.

  1. La BETE qui MONTE de la TERRE (13, 11-18) – C’est le pouvoir religieux sacerdotal du temps, tout dévoué à 1’Empereur. Il va plagier les références chrétiennes.
    La Terre : L’Asie mineure et même tout le Moyen Orient, d’où sont venues toutes les religions importantes, ainsi que les « cultes à mystères ». C’est la terre des « 7 églises chrétiennes » que Jean connaît.
    2 cornes : comme 1’Agneau ! La Bête se déguise en faux Christ (Jean l’appellera plus loin « faux prophète« ). Jésus avait parlé de  » loups qui se déguiseraient en brebis  » (Mt 24, 11).
    Toute la puissance de la 1ère Bête : La Religion païenne va prêter toute son influence à l’autorité romaine en faisant la promotion du culte impérial et en réglant sa mise en œuvre :
  • organisation de la liturgie (prières, encensements, prosternements, etc.)
  • Erection et adoration de statues de l’empereur (allusion à la statue de Nabuchodonosor de Daniel 3, 5).
  • propagande pour l’insolite : miracles, déclenchement du feu du ciel pour copier Elie (1 R 18, 38).
    : animations truquées des statues de l’Empereur.
  • tatouage obligatoire des citoyens au nom ou au chiffre de l’Empereur, sinon ostracisme et boycottage commercial pour les chrétiens, sans compter les poursuites éventuelles.
    … donc à la fois séduction et contrainte possible du pouvoir clérical.
    — le fameux chiffre de la Bête de la Mer : 666 (ou 616 ?) : Néron ou Domitien, identifiés par le procédé de la « gématrie » (où les lettres de l’alphabet peuvent aussi désigner des chiffres).

L’AGNEAU et ses FIDELES

Au triomphe apparent des 2 Bêtes sur la terre, lieu des pires tyrannies, quel est le vrai sort des chrétiens persécutés ?

  • Ils partagent dès maintenant la gloire de 1’Agneau immolé.
    Telle est l’échappée de lumière venant du ciel, qui sert de répondant et de contraste à la situation tragique des fidèles ici-bas.
    L’Agneau est debout : en position de ressuscité – Sur le mont Sion : lieu classique du rassemblement des sauvés (Joël 3, 5).
    et 144.000 avec lui : ici, ce n’est plus la totalité d’Israël (12 tribus), mais la plénitude de l’Eglise, le nouvel Israël (sous la houlette des 12 Apôtres).
    — avec sur le front, non pas le signe de la Bête, mais le nom de l’Agneau et de son Père (Remarquer une nouvelle fois l’égalité parfaite du Père et du Fils).
    — Ils chantent un cantique nouveau. Quel cantique ? – Le même que le Cantique du ch. 5, 8-10 en l’honneur de l’Agneau. Or ce cantique célébrait son œuvre de rédemption. C’est bien pourquoi seuls les « rachetés » le savent et sont tout désignés pour l’entonner.
    ils ne se sont pas souillés avec des femmes, car ils sont vierges. Il ne s’agit pas de la continence, mais de l’idolâtrie (traditionnellement dans l’Ecriture « culte des idoles », donc « prostitution »). Autrement dit : « ils n’ont pas accepté de rendre un culte à l’Empereur ».
    ils suivent l’Agneau partout où il va : fidélité, au besoin jusqu’à la croix.
    Ils ont été rachetés comme prémices : non pas comme « premiers fruits » de l’humanité, ni comme « élite chrétienne », mais comme « lot de Dieu » prélevé sur l’ensemble et « mis à part pour son culte ».
  • Dans leur bouche pas de mensonge : pas de parodie de culte, pas de singerie du christianisme, pas de recours au faux-semblant, comme ne cesse de s’y essayer le culte idolâtrique, inspiré par le « père du mensonge », Satan, (cf. Jn 8, 44 :  » Lorsque le diable profère le mensonge, il puise dans son propre bien, parce qu’il est menteur et père du mensonge « .

    Fr Joseph