Le lavement des pieds 13, 1-20
- Le geste de Jésus, tout surprenant qu’il soit, semble d’une grande clarté. Il est le maître ; or il vient d’agir en esclave. C’est la loi qui s’impose à tous les siens. Il s’agirait donc ici essentiellement, sous forme de ‘mime’, d’une leçon d’humilité et de service. Et la signification de la scène serait seulement d’ordre moral : tel doit être le comportement chrétien.
Est-ce une interprétation suffisante ? - La plupart des interprètes cherchent autre chose, puisque Jean nous a habitués à des sens cachés. Ce lavement des pieds est un « geste prophétique », selon la manière sémitique pour les leçons en acte. Au jour des Rameaux, Jésus a « joué » l’oracle de Zacharie : « Tressaille d’allégresse, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi s’avance vers toi… humble, monté sur un ânon » (Za. 9, 9-10). Maintenant, il « joue » celui du Serviteur d’Isaïe (52, 13-53, 12) ; pas n’importe quel serviteur, mais le « Serviteur Souffrant » dont le service va jusqu’à mourir pour les siens.
Ainsi donc, sous ce geste surprenant, mais apparemment banal, de laver les pieds, Jésus en réalité « mimerait » sa mort du lendemain, exactement comme en instituant l’Eucharistie au cours du même repas pascal, il « mimait » d’une autre façon la mort du lendemain.
Selon cette interprétation, il ne s’agit donc plus d’abord d’une leçon morale d’humilité, il s’agit d’un geste symbolique de révélation : voici quel sera le sens de ma mort. Une mort pour vous et pour la multitude, dans l’abaissement le plus extrême. - Cette lecture est d’une profondeur saisissante. mais elle n’est pas la seule possible. Parce que ce geste peut aussi être le « symbole de l’accueil ».
Pourquoi ? Comment ?
Parce qu’il y a dans ce passage des paroles curieuses qui débordent de loin l’interprétation de l’humilité et du service :
• D’abord l’entrée en matière particulièrement solennelle et de tonalité transcendante : « Jésus, sachant que son heure était venue, l’heure de passer de ce monde au Père… sachant qu’il est sorti de Dieu et qu’il va vers Dieu ». Jésus va quitter les siens pour rentrer chez son Père : c’est l’instant des adieux définitifs, quelle ultime promesse va-t-il leur faire ? Quel cadeau précieux va-t-il leur laisser ?
• Car il en a le pouvoir et le droit, de la part du Père : « …sachant que le Père a remis toutes choses entre ses mains ». Jésus va donc faire quelque chose pour eux de la part du Père.
• Autre parole curieuse : « … Pierre, si je ne te lave pas, tu n’auras pas part avec moi ». Or dans le 4ème évangile « avoir part avec Jésus », c’est être avec lui dans la maison du Père (14, 2-6), participer à la gloire du Père (17, 24), voir le Royaume de Dieu (3, 3), entrer dans ce Royaume (3, 5), et recevoir du Christ la vie éternelle (6, 40). Ainsi le geste du Christ aurait quelque chose à voir avec l’admission des disciples « dans la maison du Père », « chez le Père », là où précisément Jésus est sur le point de s’en retourner. Cela veut dire que, pour les disciples, ce geste est un billet d’entrée pour le ciel !
Fr Joseph