Dans l’Église, l’Avent est un temps proposé aux chrétiens, durant quatre semaines, pour se préparer à la fête de Noël. Comme l’indique son origine latine adventus, l’Avent annonce une « venue », un « avènement ». Par conséquent, c’est un temps d’attente, mais pour quelle venue ? Attendons-nous simplement de pouvoir commémorer la naissance de l’enfant Jésus dans une étable de Bethléem, il y a un peu plus de deux mille ans ?
En tout premier lieu, cette attente s’inscrit dans celle du peuple juif de la venue du Messie, fils de David. Ce Sauveur, annoncé par les prophètes, devait réaliser les promesses de Dieu pour son peuple : le libérer du joug de l’oppresseur, restaurer la royauté et établir un règne de justice et de paix. Isaïe le présente ainsi : « un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix, pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et l’affermir dans le droit et la justice. » (Is 9,5-6) ou encore : « Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Is 7,14)
La tradition chrétienne a reconnu dans ces versets l’annonce de la naissance du Christ, traduction grecque du mot « Messie », comme le souligne Mathieu, lorsque l’Ange apparait en songe à Joseph : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie, ta femme : car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus : car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Or tout ceci advint pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel, » ce qui se traduit : « Dieu avec nous ». » (Mt 1, 20-23, cf. Évangile 4ème dimanche de l’Avent)
Durant l’Avent, nous nous préparons donc à faire mémoire de la manifestation de Dieu dans notre Histoire car il s’est incarné, il a pris chair de la Vierge Marie pour nous rejoindre dans notre humanité.
Mais l’Avent est aussi l’attente de la venue du Christ à la fin des temps, son retour dans la gloire et la majesté où il viendra inaugurer un ciel nouveau et une terre nouvelle (« Nous attendons ta venue dans la gloire » proclamons-nous dans l’anamnèse).
Enfin, dès aujourd’hui, le Seigneur vient combler notre attente et se manifester à nous en esprit et en vérité, si nous savons le désirer, le reconnaitre et l’accueillir.
Ainsi, l’Avent célèbre le triple avènement du Christ, à la fois passé, présent et à venir.
Comment vivre alors une telle attente ?
Comme un temps de joie, naturellement, mais pas tant pour la célébration de la naissance de ce divin enfant que pour ce qu’elle signifie : désormais Dieu est avec nous, en Christ il nous révèle l’éternel dessein de son amour et nous ouvre à jamais le chemin du salut. Comme un temps d’espérance, également, celle de son retour dans la gloire afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens qu’il nous a promis. (Préface du 1er dimanche de l’Avent) Cette espérance est orientée vers le futur, vers le Royaume à venir, mais elle est aussi plus proche car le Royaume est déjà là. Chaque jour, nous espérons un monde meilleur, une Église plus humble, plus à l’écoute, plus fraternelle…
« Le chrétien, nous dit saint Basile, est celui qui reste vigilant chaque jour et chaque heure, sachant que le Seigneur vient. »
Nous sommes invités à une attente, dans la confiance et la patience (Jc 5, 7-10), mais qui n’a rien de passif. Bien au contraire, elle est placée sous le signe de la vigilance : « Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » (Mt 24, 44 Évangile 1er dimanche de l’Avent). Les premiers chrétiens ont cru à l’imminence de la Parousie, c’est pourquoi Paul les exhorte à sortir de leur sommeil (Rm 13, 11-12, 1er dimanche de l’Avent). Nous aussi, nous avons à sortir de notre engourdissement et à être des veilleurs. Au cœur de l’hiver, il nous faut savoir discerner dans les ténèbres de ce monde et de nos existences tous les signes de la lumière et de la vie qui se dévoilent déjà. Puisque nous ne savons ni le jour ni l’heure du retour du Christ, c’est dès maintenant que nous avons à vivre en enfants de lumière. « Et le fruit de la lumière s’appelle : bonté, justice, vérité. » (Ep 5, 9) Dans un monde qui connait encore les douleurs de l’enfantement, préparer et hâter la venue du Seigneur, c’est convertir son cœur pour se faire plus proche de tous, particulièrement des plus petits, à l’image du Christ pauvre, né dans une étable obscure. C’est pouvoir leur annoncer la joie de la Bonne Nouvelle et le salut offert à tout être vivant.
Être des veilleurs, c’est donc être des pierres vivantes de l’Église du Christ, et pour cela secouer notre torpeur pour aller au-devant de celles et ceux qui ont faim, qui sont isolés, malades ou rejetés ; et ce particulièrement à l’approche des fêtes où tout nous pousse aux excès, à la surenchère d’achats en tous genres, bien loin de la simplicité et de l’humilité de la crèche… C’est dénoncer les abus de toutes sortes, à commencer dans notre Église, et poser des gestes de solidarité et de fraternité, pour que justice et paix fleurissent dès aujourd’hui.
Comme nous aimons à le chanter, Seigneur, « que ton Règne vienne comme l’aube sur la nuit, que ton Règne vienne, qu’il éclaire et change notre vie ! »
P. Clamens-Zalay