La vie retrouvée de François d’Assise
Jacques Dalarun
Le premier récit de la Vie du bienheureux François fut composé dès après sa canonisation (le 16 juillet 1228). Le pape Grégoire IX l’ordonna à Thomas de Celano, un frère mineur, et il la confirma le 25 février 1229. En 1246-47, le même Thomas de Celano rédigea un nouveau récit, cette fois sur ordre du chapitre général de l’Ordre, complété par un recueil de miracles achevé en 1250. Ces deux récits, la Vita prima, et la Vita secunda, étaient jusqu’à présent les deux plus importantes biographies originelles du Poverello.
En 2007, Jacques Dalarun rassembla, sous le titre de Légende Ombrienne, des fragments de manuscrits épars qu’il attribua à Thomas de Celano, écrits cette fois à la commande de frère Élie, ministre général de 1232 à 1239. Ce texte s’intercalait donc entre la Vita prima et la Vita secunda, mais cela restait une hypothèse. En détective, digne émule de Guillaume de Baskerville (Le Nom de la rose), Jacques Dalarun continua à enquêter. Il découvrit un bréviaire dont les lectures des offices de Saint-François avaient été grattées, d’autres où elles étaient lisibles mais partielles, et le mystère s’épaissit…. Jusqu’à l’apparition quasi miraculeuse sur Internet, en 2014, d’un manuscrit qui rassemblait le contenu des bréviaires et celui de la Légende ombrienne. Il s’ouvrait sur une dédicace de Thomas de Celano au frère Élie. Elle ne laissait plus de doutes : il s’agissait d’une nouvelle biographie rédigée par le premier pour le second. Version abrégée de la Vita prima et pourtant riche de 60 % d’inédits, cette Vie de notre bienheureux père François porte sa raison d’être dans son nouveau titre : fournir des lectures pour les offices de frères mineurs. Jacques Dalarun l’affirme : « (…) la Vie retrouvée est la deuxième légende jamais écrite sur François d’Assise et la première jamais écrite pour l’usage spécifique des Frères mineurs. »
Dès 1266, du fait de querelles internes, le ministre général Bonaventure décida d’écarter toute autre légende que celle qu’il avait lui-même rédigée. C’est ainsi que la Vie du bienheureux père François disparut et qu’on l’effaça des bréviaires, parfois en la grattant. Jusqu’à la résurgence inespérée du manuscrit dont Jacques Dalarun nous précise dans sa préface que si, somme toute, on n’y trouvera aucun « scoop » sur François, son antériorité garantit une véracité supérieure étant donnée la plus grande proximité avec les événements relatés. Notamment sur les trente-trois nouveaux miracles posthumes qu’il contient, grâce auxquels, à défaut de certitudes sur leur authenticité, on en apprend davantage sur la vie et la foi touchantes des petites gens de l’époque.
La traduction du latin par Jacques Dalarun est précise et naturelle ; il nous livre un texte débarrassé des tournures ampoulées ou faussement d’époque qu’on trouve parfois dans ce genre d’exercice. Le résultat est une Vie retrouvée de François d’Assise bien agréable à lire, belle manière de rencontrer le Poverello ou de rafraîchir ses souvenirs sur sa biographie.
Jean Chavot