« Que celui qui est sans péché… » Chap 8, 7-9
• Jésus se réfère lui aussi à la loi : en effet, l’expression « jeter la pierre en premier » est tirée du Dt. 17, 7 : « … Que ce soient les témoins qui jettent la pierre en premier, et ensuite tout le peuple ».
• Jésus troque le mot ‘témoin’ pour le mot ‘innocent’ (sans péché). Ceci est d’une conséquence importante, car il ôte du même coup à tout homme le droit de juger. Personne n’a le droit de juger ni de sévir, car tous sont pécheurs.
• Se pose, alors, un problème important pour la vie sociale : un tel principe anéantirait toute morale judiciaire : aucun juge ne serait jamais en droit de punir ni même aucun parent avec ses enfants.
•Quand il y a une aporie (contradiction, impasse) dans l’Evangile, c’est qu’il y a une autre raison, une autre intention dans la pensée de Jésus.
En effet, que vient-il faire ? En empêchant toute lapidation, il suspend en fait la loi de Moïse, au profit de la miséricorde. Mais de quel droit ? Sinon du droit de celui qui s’arroge les pouvoirs de Dieu. Si bien que cette phrase étonnante et inquiétante, « que celui qui est sans péché » implique une déclaration d’identité divine, sonne comme une révélation christologique : « Je possède le même pouvoir que le Père, le maître de la loi ».
=> … quand il dira en 8, 46 : « Qui de vous me convaincra de péché ? »
=> … quand il a déclaré au début de son ministère qu’il était venu annoncer la ‘Bonne Nouvelle’
=> … quand, la veille de son arrestation, il pouvait dire dans sa prière : « Père, j’ai manifesté ton Nom aux hommes » 17, 6 (le nom dans la bible révèle la réalité profonde de la personne).
Quelle était cette « Bonne Nouvelle » ? Quel était ce visage non encore révélé de Dieu ? C’était toute la raison de l’Incarnation, à savoir :
Dieu, par la venue de son Fils, avait décidé, unilatéralement et gratuitement, d’accorder un délai de grâce, de suspendre le jugement, pour ne laisser voir que sa miséricorde.
Jésus n’est donc pas un prophète de plus… il est, sous forme humaine la MISERICORDE INCARNEE. Il est Dieu vu (au sens de visible) sous l’aspect de miséricorde.
Si un juge n’a pas à juger, si les parents n’ont pas à juger, ils ont à discerner. La différence est de taille : on ne juge pas l’homme, mais son acte. On laisse donc la porte ouverte pour une conversion possible.
« Moi non plus, je ne te condamne pas… Va et désormais ne pèche plus » Chap 8 10-11
Saint Augustin commente : « Restent deux personnages : la misère et la miséricorde. » La Miséricorde incarnée, Jésus, Dieu miséricordieux.
Ne nous trompons pas de personnage principal. Ici, c’est Dieu le Père ; c’est lui qui, en Jésus, fait miséricorde. Même chose que dans la parabole du ‘fils perdu et retrouvé’ ; ce n’est pas l’attitude du fils qui importe le plus, c’est celle du père !
Qu’est-ce que pardonner pour Dieu et pour Jésus ? C’est d’abord ne pas réduire la femme coupable à son péché ; c’est lui ouvrir de nouveau un avenir possible. « Par-donner », c’est « re-donner » une personne à elle-même. C’est refuser de figer et parier sur le vivant.
Mais Dieu, quoique miséricordieux, ne renonce pas à être Dieu, c’est à dire l’ennemi du péché. Aussi Jésus peut dire : « désormais, ne pèche plus ! »
« … personne, Seigneur ! » Remarquons pour terminer le titre divin que la femme décerne à Jésus. Seigneur, c’est à dire « Dieu ». Ce qui ne fait que confirmer la révélation christologique qui est au centre de ce récit de la « femme adultère ».
Frère Joseph