On ne convertit que ce qu’on aime : si le chrétien n’est pas en pleine sympathie avec le monde naissant, s’il n’éprouve pas en lui-même les aspirations et les anxiétés du monde moderne, s’il ne laisse pas grandir en son être le sens humain, jamais il ne réalisera la synthèse libératrice entre le ciel et la terre d’où peut sortir la parousie du Christ universel. Mais il continuera à s’effrayer et à condamner presque indistinctement toute nouveauté, sans discerner, parmi les souillures et les maux, les efforts sacrés d’une naissance.
S’immerger pour émerger et soulever. Participer pour sublimer. C’est la loi même de l’incarnation. Un jour, il y a deux mille ans déjà, les papes, disant adieu au monde romain se décidèrent à » passer aux barbares ». Un geste semblable et plus profond, n’est-il pas attendu aujourd’hui ? Le monde ne se convertira aux espérances célestes du christianisme que si, préalablement, le christianisme se convertit, pour les purifier et les diviniser, aux espérances de la terre.
Teilhard de Chardin