Dans le gouffre où je crie, Seigneur, il me semble que tu es sourd.
Dans la mort qui m’angoisse, Seigneur, il me semble que tu es aveugle.
Au pourquoi que je me pose, Seigneur, il me semble que tu es muet.
Seigneur je ne sais plus. Mais je sens que tu es présent, là, au creux de ma vie. Cette vie que j’ai si souvent envie de haïr, de rejeter. Pourtant, n’est-elle pas une invitation à ta propre fête? Accorde-moi Seigneur la force de vivre tous les jours ta résurrection afin que je puisse, comme le fils prodigue, prendre part à la grande fête. O Christ, toi qui me permets de vivre l’inespéré.
La maison du Japon offre une très belle et, à beaucoup d’égards, très émouvante présentation de l’œuvre de Ken Domon, l’un des plus grands photographes de l’archipel, et du monde sans aucun doute, bien que la curiosité générale se dirige moins vers cette rive du Pacifique. En fait de photographie, le racisme ordinaire à peine conscient avec le-quel l’occident considère globalement l’Asie nous propose plutôt l’image de colonnes de touristes qui prennent des clichés de tout et n’importe quoi. Cette exposition est aussi l’occasion de nous débarrasser, précisément, de nos propres clichés. Sa centaine d’images couvre une soixantaine d’années, de 1926 à 1989. Elle est doublement offerte : c’est la première exposition consacrée en France à Ken Domon, la troisième seulement en dehors du Japon après l’Italie et l’Allemagne ; de plus, elle est gratuite, chose trop rare alors que les prix d’accès aux événements culturels connaissent une déplorable inflation.
Que Ken Domon soit un maître, rien de plus évident, si l’affiche ne nous en avait pas avertis avant, dès que l’on entre dans l’exposition. Il est également l’auteur de nombreux écrits fondateurs sur son art. Mais pourquoi parler de réalisme à son sujet ? Cette qualifi-cation toujours contestable l’est encore davantage lorsqu’on parle de photographie. N’est-elle pas réaliste par essence puisque la réalité y est représentée presque directement par impression de la lumière ? Disons que le mot signifie ici que le maître est au service de ce qu’il voit avec ou sans son appareil : les gens, leur sourire, leurs souffrances, leur enfance, leurs bonheurs, leurs plaies, leurs espoirs, leurs défaites, leurs amours, leurs travaux… leur vie en somme, sans aucun artifice, dans les lieux mêmes où elle commence, se déroule et finit : la ville, le village, la mine, la rue, l’atelier, l’usine, le temple, les ruines d’Hiroshima, l’hôpital où se rendirent les victimes survivantes encore longtemps après que la seule bombe atomique jamais larguée, avec celle de Nagasaki, eut explosé sur une multitude d’innocents. L’artiste réalise également, métier oblige, des portraits de célébrités dans dif-férents domaines, artistique, scientifique et littéraire, pour lesquels il déploie une capacité extraordinaire, là aussi, à saisir la vérité d’un regard, la complexité d’une expression et la grâce d’un mouvement. Il photographie les enfants — il en est lui-même père d’un kyrielle —avec une tendresse presque tangible et sans concession à la mièvrerie car les petits japonais ne sont pas extraits de leur condition souvent misérable ; au contraire, Do-mon effectue un véritable reportage sur les souffrances sociales du Japon avec un réa-lisme qui sut éveiller ses concitoyens à d’urgentes nécessités.
L’œuvre de Ken Domon témoigne d’un amour du prochain et d’une attention pour le monde qui honorent l’artiste et décrivent l’homme, d’autant que sa vie connut des épi-sodes cruels, à l’image de celle du Japon contemporain. Ainsi, victime d’une première hé-morragie cérébrale en 1959, à l’âge de cinquante ans, il se remet au travail malgré une hé-miplégie droite, à l’aide d’un trépied. Frappé de nouveau dix ans plus tard, c’est en fauteuil roulant qu’il le reprend, avant qu’une troisième hémorragie en 1979 ait raison de sa pas-sion et de sa vie en 1990. Cette évocation pour rappeler qu’il y a toujours quelqu’un der-rière un appareil, et que la qualité de la photo est avant tout le reflet de la qualité de qui la prend.
Jean Chavot
Contre le cléricalisme, retour à l’Évangile Yves-Marie Blanchard
Yves-Marie Blanchard, Contre le cléricalisme, retour à l’Évangile, Paris, Salvator 2023, 136 pages, 16 €.
Le rapport Sauvé dévoilant l’ampleur des abus sexuels dans l’Église et la pandémie[1] ont mis à jour la crise qui sourdait au sein de l’Église catholique. Depuis 2000 ans, les secousses affrontées par l’Église furent légion mais, celle que nous vivons, est singulière car elle est celle du pouvoir interne.Or, Yves-Marie Blanchard[2], en publiant Contre le cléricalisme, retour à l’Évangile participe au débat engagé. Le titre lui-même semble faire écho aux convulsions qui secouent l’Église d’aujourd’hui. L’auteur affirme l’ambition de son livre : « à l’heure où l’église universelle est vigoureusement invitée à pratiquer la synodalité, comment ne pas se ressourcer dans les textes bibliques pour mesurer combien ceux-ci se gardent de cette tentation cléricale ? L’Église ne peut pas échapper à certaines logiques de pouvoir. Mais ces logiques sont en réalité opposées à la démarche évangélique. »
Prêtre lui-même, il ne souhaite pas porter de jugements sur les personnes mais sollicite le Nouveau Testament afin de dénoncer les stratégies de pouvoir trop souvent pratiquées dans l’Église[3].
À la lecture des sept chapitres, rédigés d’une plume alerte, il appelle à une réelle cohérence de l’Institution avec le texte évangélique. Il plonge dans le texte grec ou hébreu pour défendre ses positions. Ainsi, rappelle-t-il la parole de Jésus dans Mathieu 23 : « N’appelez personne votre père sur la terre ». Il s’agit pour lui de dénoncer un paternalisme ecclésiastique, partie prenante du cléricalisme. Il rappelle ainsi que nous n’avons qu’un seul Père, celui du Ciel. Dès lors, le titre de frère serait plus adapté que celui de père ; Jésus lui-même refusant les termes cléricaux et dénonçant les sept malédictions qui frappent scribes et pharisiens hypocrites[4]. Parmi elles, la mise en scène de soi, et « l’incohérence de vies parées de belles apparences mais en réalité pourries et corrompues »[5]. Il s’attache longuement à la façon dont Paul s’adresse à ceux qui l’entourent rappelant que la Première lettre aux Corinthiens comporte seize fois l’appellation « frères ». Il sollicite Luc et Paul[6] afin de distinguer les Douze et les apôtres et de ne pas concentrer sur eux seuls le ministère apostolique incitant à interroger un modèle ecclésial teinté de cléricalisme[7]. Sollicitant l’épître aux Galates[8], il rappelle que notre Église a oublié la pluralité constitutive du corps des croyants : « Tous, vous êtes fils de Dieu à cause de la foi en Christ Jésus… Il n’y a pas masculin et féminin. Car tous, vous êtes UN en Christ Jésus. ». Il ne peut y avoir d’opposition entre masculin et féminin, hommes et femmes sont habilités à prier et prophétiser[9]. Citant les multiples évocations de femmes dans le texte, il pousse l’Église à réfléchir à l’accès féminin aux responsabilités et aux ministères. Par ailleurs, en plongeant dans le texte des Béatitudes, il rappelle la place des plus petits, des enfants pour argumenter : « Il ne suffit pas de prêcher au monde la pauvreté spirituelle, la pureté ou droiture d’intention, …la douceur et l’attention aux plus petits, sans d’abord appliquer ces principes à tous les domaines de la vie ecclésiale »[10]. Paul n’a de cesse d’appeler à la fidélité de l’Institution comme des individus à l’Écriture ; l’humilité doit guider le chrétien et le conduire à rejeter toute ambition et soif de pouvoir. Berger[11], brebis, pêcheurs d’hommes ; Jésus est à la pêche afin que ce qu’il y a de meilleur en nous luise en le suivant : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes.[12] »
Poursuivant son apostrophe, au chapitre sixième, Blanchard use des métaphores de la porte et du pasteur pour appeler à une gouvernance de l’Église. Le terme apparaît d’une rare pertinence car c’est de cela dont il s’agit …gouvernance[13] et non gouvernement ! Il s’agit d’être au service des humbles et de ne pas avoir un souci de gestion managériale. L’auteur attend que tout pasteur suive les pas de Jésus en se mettant au service d’autres brebis que celles de son troupeau. Le cléricalisme ne se satisfait-il pas d’une tacite entente avec ce qui semble constituer les aspirations de la majorité du troupeau ? Enfin, Blanchard conclut en invitant à la conversion du « sommet à la base » qui constituerait l’Église-famille loin des nostalgies ; avide d’unité et non d’uniformité mais si fidèle aux Écritures.
Certes, le livre flatte ceux qui posent un regard critique sur une Église sclérosée qui semble si lourde à réformer, soucieuse d’éviter les remous et les scandales, privilégiant trop encore l’omerta. Pourtant, être chrétien c’est rester d’abord soucieux de l’Évangile et ne pas demeurer figé dans des certitudes même lorsque le monde bouscule un ordre qui semblait établi. Or, dresser des remparts nourrissant l’illusion de se protéger des vents contraires, sombrer dans un repli identitaire conduit à se poser en victime et à désigner des coupables. Le cléricalisme n’était sans doute pas ce que Jésus attendait lorsqu’il s’adressa à Pierre : « Tu es Rocher et sur cette roche je bâtirai mon église.[14]». L’établissement d’une stricte hiérarchie ne fut-il pas progressif après la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 ? En effet, comme l’affirma le médiéviste Jacques Le Goff, l’Église établit son organisation au cœur de l’Empire entre 325[15] à 476. Elle devint une force politique qui n’était sa vocation, encouragée en cela par les Carolingiens[16]. L’alliance se manifesta du reste lors du couronnement de Charlemagne à Rome par le pape Léon III à la Noël 800. Le peuple franc fut même alors décrété « élu de Dieu », sa supériorité militaire étant le fruit de sa piété.
Plus tard, face à la modernité, l’Église s’imaginant perdre le pouvoir sur les esprits, nourrit la crainte d’un monde qui bouleverserait d’ancestrales croyances et pratiques ; la liberté de conscience et la démocratie étant œuvre satanique. Or, si le concile Vatican II engagea un « aggiornamento »[17] spectaculaire, il ne remit pas en cause l’organisation verticalement hiérarchisée d’une institution reposant sur un « modèle » mâle célibataire.L’ouvrage de Blanchard puise dans l’Évangile avec la précision de l’helléniste pour dévoiler les nuisances du cléricalisme cultivé par des laïcs comme par des religieux. Sans engager un réquisitoire contre l’Institution, il identifie sereinement les obstacles à la communion de la communauté. Après tout, l’Église est d’abord celle des fidèles, elle n’est pas la propriété de la hiérarchie, elle n’est pas celle des seuls mâles, elle doit être celle des petits et de pasteurs au service. La synodalité est son avenir.
Érik Lambert
[1] À l’origine d’une situation inédite de rupture de la vie sociale catholique puis de dissensions entre pratiquants. [2] Prêtre du diocèse de Poitiers, agrégé de lettres, docteur en théologie, professeur honoraire d’exégèse du Nouveau Testament et de théologie patristique à l’Institut catholique de Paris, diplômé en langues bibliques, grec, hébreu, syriaque et araméen. Membre du Groupe des Dombes. http://groupedesdombes.eu/ [3] Page 11. [4] Mt, 23, 13-29. Hypocrite en grec, désigne un comédien, quelqu’un qui interprète, qui joue, qui feint. [5] Page 21. [6] Lc, 6,13, 1 puis 6, 12-16 ; Co 15, 1-11. [7] Jésus demande aux disciples, pas seulement aux apôtres, ni à Pierre seul, le soin de « bâtir » son Église : « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » (Matthieu 18:18), que l’on retrouve aussi dans l’Évangile selon Jean 20:19-28 (aux disciples présents, hommes et femmes) : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » [8] Ga 3,28. [9] 1 Co 11, 4-5. [10] Page 72. [11] Jn, 21 :16. [12] Mc 1, 14-20 [13] Le concept est intéressant. Si dans les années 1970 Michel Foucault suggérait que la gouvernance consistait en les règles du jeu qui « visent à organiser le libre épanouissement des personnes », la racine étymologique du mot « gouvernance » est issue du verbe grec kubernân, évoqué par Platon dans La République, au sens de pilotage d’un navire. Mais, c’est au XVIe siècle que ce mot apparut dans les Six Livres de la République de Jean Bodin (1576). La gouvernance désignait alors la science du gouvernement, la manière de gérer dans l’intérêt général la chose publique. [14] Mt 16 :18. [15] Concile de Nicée. [16] On se reportera avec très grand profit à l’excellent ouvrage de Marie-Françoise Baslez, Comment notre monde est devenu chrétien, Points, Seuil. [17]https://www.lemonde.fr/archives/article/1966/11/16/l-aggiornamento-de-l-eglise-catholique_2685783_1819218.html
Nouveau site internet de Franciscans International, une voix franciscaine à l’ONU
Depuis un an et demi, Franciscans International travaille à la construction d’un site web avec un objectif simple en tête : rendre leur travail plus accessible.
Les Franciscains travaillent sur une grande variété de sujets à travers le monde – cela peut parfois devenir complexe. Il est possible maintenant de trouver un aperçu simple de la façon dont sont traduits ce travail de terrain en action concrète aux Nations Unies. De nouvelles sections ont été ajoutées qui permettent de s’informer sur les activités de plaidoyer thématiques et régionales et de voir en un coup d’œil les dernières activités dans chaque domaine.
Le site est accessible en six langues dont le Français.
Quand 👉 Du 23 au 30 juillet 2023 Où 👉 Aux grottes de St Antoine à Brive la Gaillarde (Corrèze)
Tous appelés à la sainteté, A la suite de François, vivre les conseils évangéliques
Matin : Pour les adultes, enseignements et partage. Pour les enfants et adolescents :Activités spirituelles et détentes. Après-midi : Découverte de la région, loisirs en famille
☀️ Vous êtes intéressés☀️, informations pratiques et programme détaillé sur 👉le tract d’inscription
Marche vers Assise Expérimenter l’Evangile avec François et Claire Du 15 au 28 juillet 2023
👐 Ouvert à tous sans limite d »âge ! 👐 • Un temps pour découvrir Saint François, Sainte Claire et leur spiritualité . • Une expérience évangélique partagée ,dans les ermitages de la Vallée de Riéti et à Assise. • Une vie simple, itinérante, fraternelle ,avec des temps de réflexion, de partage et de prière.
En mai, fais ce qu’il te plaît (mais ne l’impose à personne)
Les nouvelles se sont égrenées au fil des jours de mai sans rapport apparent les unes avec les autres, mais dont la succession composait une litanie qu’on aurait souhaitée moins affligeante. Ainsi entendit-on au tout début du mois qu’en réponse au ministre de l’éducation qui venait de signaler l’importante augmentation des atteintes à la laïcité à l’issue du Ramadan, le recteur de la Grande Mosquée de Paris s’insurgea contre ce qu’il considérait comme un procès discriminatoire, en outre fermement condamné par l’organisation « Musulmans de France ». Le 10 mai, on apprit la démission du maire de Saint-Brévin après l’incendie criminel de son domicile. Un lourd climat de tension et de menace pesait sur la municipalité du fait des menées d’opposants à l’implantation d’un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA). La surdité à ses appels de l’État, qui lui avait pourtant imposé le centre, avait préalablement usé et découragé l’édile. Quatre jours plus tard, le 14 mai, c’était au tour de membres du mouvement catholique traditionaliste Civitas d’alimenter la chronique après q’ils eurent empêché par la force la tenue d’un concert de l’organiste Kali Malone prévu dans l’église Saint-Cornély de Carnac dont ils bloquèrent l’entrée aux cris de « Arrière Satan ! », jugeant « profanatoire » l’oeuvre de l’artiste contemporaine. Et la litanie continua, chaque jour apportant son lot d’absurdité et de confrontation obtuse et brutale, en mai comme sans doute en juin et désormais tout au long de l’année. Suffit-il de le déplorer, doit-on s’y résigner ? Certainement non, pas en tant que citoyen et encore moins en tant que chrétien.
Essayons de comprendre ce phénomène de notre temps : la fragmentation de la société individualiste en de multiples groupes et groupuscules incapables de dialoguer, constitués et mus par la volonté d’imposer leurs intérêts particuliers au mépris de l’intérêt général et au nom d’une vérité qu’ils seraient seuls à posséder contre tous. Faut-il imputer cette involution aux formes spectaculaires du journalisme dominant qui se repaît de polémique, de « clash », aux réseaux dits « sociaux » qui enferment dans des opinions arrêtées plutôt qu’ils ouvrent à d’autres conceptions ? C’est un peu court, dirait Cyrano, car il s’agit là de symptômes plutôt que des raisons profondes du mal. Nous constatons en effet chaque jour le délitement accéléré du lien social : macro-social avec le creusement indécent des inégalités et l’élargissement de la coupure entre les catégories dominantes et les autres, et donc la rupture du contrat social et le repli dans des mirages identitaires ; micro-social avec, par exemple, la disparition des principes élémentaires de la courtoisie qui témoigne d’un déficit aggravé d’attention au prochain, si ce n’est d’hostilité a priori. Dès lors, on ne peut dire un mot sans que l’interlocuteur, au lieu de chercher à le comprendre dans ses nuances, se demande à quel groupe ennemi l’on se rattache, d’où il déduit tout un discours convenu que l’on n’a jamais tenu, à quoi il répond par un autre discours convenu conclu par l’impossibilité définitive de s’entendre sur rien, d’autant que le langage lui-même tend à s’appauvrir par l’utilisation de formules toutes faites et de mots creux divulgués à l’envi par les médias. Or, on le sait, l’incapacité à s’exprimer par la parole est la grande porte ouverte à la violence.
Devant cette violence, le chrétien se trouve bien désemparé, comme devant la fragmentation de la société qui met à l’épreuve son amour du prochain et sa foi dans le salut collectif. C’est qu’il lui est imposé une double contrainte : d’un côté il ne peut réagir à la violence par la violence ni à l’individualisme par le repli sur lui-même, et de l’autre il ne peut accepter de subir ou que soient subies ni l’une ni l’autre. Il y a pourtant et toujours une solution à la double contrainte, et une seule : la refuser, comme Jésus nous apprend à le faire face aux multiples et vaines tentatives des pharisiens et des scribes pour le piéger. Comme lui, avoir le courage de résister sans trahir sa foi, insister inlassablement sur ce qui rassemble, soigner son langage en en chassant les lieux communs, cultiver l’écoute au lieu de fourbir ses réponses dogmatiques, élargir le débat plutôt que chercher à clouer le bec, ne viser qu’à la paix et au bien… la liste est longue des ressources dont nous trouvons la richesse et la puissance dans notre foi et dans l’Évangile. À quoi l’on peut ajouter, quand chacun prend le prétexte d’affirmer et de défendre sa liberté pour imposer sa vérité aux autres, qu’il n’est de liberté qu’en Dieu car Lui seul nous libère de nous-mêmes. Ainsi résonne particulièrement la parole de saint Pierre dans sa première épître (3,15-18), adressée (selon la Bible de Jérusalem) aux « étrangers de la Dispersion » (!) :« Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. »
A été une figure marquante de la fondation missionnaire confiée aux Franciscains du Nord Togo.
Né le 19 septembre 1932 à LA GRAND’COMBE (Gard/ diocèse de Nîmes), dans une famille de 9 enfants. Il entra au noviciat franciscain le 1er octobre 1950 à Gillevoisin, et fut ordonné prêtre le 27 juin 1959 à Orsay. Il poursuivit des Etudes de catéchèse à l’Institut catholique de Paris (1959-1961)
En septembre 1959 Pierre part pour la fondation missionnaire franciscaine du nord Togo, qui deviendra le diocèse de Dapaong. Après deux années de préparation sur place, essentiellement par l’étude de la langue, Pierre exercera diverses charges : Directeur de l’école des catéchistes de Bombuaka : de 1964 à 1984. Responsable de la catéchèse du diocèse Supérieur des franciscains du Togo, de 1969 à 1978, Vicaire général du diocèse en 1979
Le 1er mars 1984, après la démission de Mgr Barthélémy HANRION, Pierre est nommé Administrateur Apostolique du diocèse, en attendant que l’on puisse nommer évêque un prêtre originaire du pays. Il exerce cette charge jusqu’en 1991.
Pierre continuera à servir : économat du diocèse, vicaire du dimanche. Il poursuit aussi ses études de la langue et de la culture Moba dont, il fut un des meilleurs connaisseurs.
Pierre laisse une œuvre écrite importante : Dictionnaire, Grammaire, Description de la langue Moba, Proverbes du pays Moba Traductions des textes liturgiques, des quatre Evangiles, du Livre des Actes des Apôtres, Il a aussi animé les équipes chargées de préparer des parcours de catéchèse. Et divers rituels : Baptême des adultes par étapes, bénédiction des chapelles, Funérailles Pierre avait plusieurs cordes à son arc : l’apiculture, la viticulture, le volley-ball.
Nommé gardien de la maison franciscaine de Maogjwal, à Dapaong. En 1996, Pierre est nommé Délégué du Provincial de la Province de France Ouest, pour la fondation franciscaine de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Bénin et Togo), A ce titre il travaillera à la création de la Province franciscaine du Verbe incarné (actuellement : Côte d’ivoire, Bénin, Burkina-Faso et Togo).A la création de cette Province, en 2001, Pierre, comme les autres frères européens, a opté pour l’appartenance à cette Province africaine.
Il est entré dans la Paix de Dieu, le dimanche 27 février 2011 à Paris, dans sa 79è année, après 61 ans de vie religieuse et 52 de sacerdoce. Il a laissé le souvenir d’un religieux fervent, bon animateur de la vie en fraternité, animé d’un vrai zèle missionnaire, assumant avec conscience et compétence les diverses charges qui lui furent confiées. La messe de funérailles a été célébrée vendredi 4 mars 2011, dans la chapelle du couvent de Paris7, rue Marie-Rose, 75014 PARIS. L’inhumation a eu lieu le samedi 12 mars 2011 à Dapaong (Togo)
Dans l’AT nous avons Daniel, mais aussi dans Ezéchiel (1.2.38.39), Isaïe (24-28 ; 34-35), Zacharie (9-14), Joël. Dans le NT, le livre de l’apocalypse, mais aussi Mc 13 (discours eschatologique) et parallèles ; 2 Th. 2, 1-12.
C’est un genre littéraire qui a pris naissance dans le judaïsme tardif. Mais avant tout disons que nous avons fait de ce mot ‘apocalypse’ un synonyme de catastrophe ! Une apocalypse, c’est une révélation. En temps de crise, on revient d’instinct aux apocalypses comme aux sources de l’espérance. Nous verrons la raison de cela plus tard. Mais pour l’instant, disons qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle espérance : celle qui est lucide, qui pousse dans les moments de conflits et d’affrontements. Une espérance fondée sur la fidélité de Dieu, maître de l’avenir. Le mot ‘apocalypse’ veut dire : « écarter le voile » ; donc « révéler ». Pour comprendre cela, il faut sortir d’une conception grecque que nous avons concernant le temps. On dit assez souvent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : cela montre une conception cyclique du temps. Pour l’homme de la Bible, le temps est linéaire : c’est une histoire qui avance, tout en progressant, vers un terme. Alors le prophète intervient dans cette histoire pour susciter, encourager, mais aussi mettre en garde. Sa mission est de faire vivre à plein ses contemporains dans le présent en leur révélant le plan de Dieu. Cette parole est, donc, liée essentiellement aux circonstances présentes. Alors, s’intéresse-t-il à l’avenir ? Oui, mais en tant qu’il donne sens au présent, c’est-à-dire rappeler le but de la marche : Dieu et son règne. Mais le jour de Dieu reste voilé aux yeux des humains. Dans un temps de crise, le prophète sent que ces paroles ne suffisent pas. Et parce que les temps sont durs, parce que les événements contredisent le dessein de Dieu, on cherche à voir ce dessein, voir cette fin des temps. Dieu est censé, à ce moment-là, écarter le voile. La prophétie devient apocalypse. Le point essentiel de l’apocalyptique, c’est l’annonce d’un grand jour où Dieu établira son Royaume sur la terre et jugera les hommes. Il faut donc discerner les signes précurseurs.
Comment fonctionne cette apocalypse ?
Pour comprendre la démarche, prenons l’exemple du ‘saut en longueur’. Celui qui va sauter se trouve à un point donné : la planche d’appel. Mais pour sauter le plus loin possible, il commence par reculer de 50 à 60 mètres, puis il les parcourt à toute vitesse ; quand il arrive à la planche il saute emporté par son élan. Un autre exemple. Quand nous avons une décision importante à prendre, on commence généralement par regarder notre passé – et à partir de cette analyse, on parie dans le même sens sur l’avenir. L’auteur d’apocalypse fonctionne pareillement. Il ignore la fin des temps autant que nous. Mais il est sûr d’une chose : Dieu est fidèle. Donc, pour savoir ce qui se passera à la fin des temps, il relie l’histoire de son peuple en cherchant à découvrir les grandes lois de l’agir divin ; à partir de là, il projette à la fin des temps ces grandes lois. Mais attention, ces grandes lois ne concernent pas la vie morale ou religieuse des hommes. L’auteur du livre de Daniel écrit lors de la persécution des années 165/164 avant notre ère. Et pour savoir comment tout cela se terminera, il regarde un autre temps difficile, celui de l’exil (entre 587 et 538). Il parcourt alors rapidement l’histoire entre 587 et 164, puis il projette en avant ce qu’il a découvert dans ce survol historique. Il ne voit pas des événements précis, mais la façon dont Dieu, fidèle à lui-même, achèvera l’histoire. Cela « le voyant » ne peut le faire qu’en ayant recours à des images et à un langage symbolique, parce que les mots sont déficients. Prenons des exemples : « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête » – « Il était écroulé de rire », ou encore « Je ne vais pas attendre 107 ans ». En utilisant ces expressions, ni celui qui les utilise, ni celui qui les reçoit, ne les prend au pied de la lettre. On fait plutôt attention à ce qu’elles suggèrent.
Le langage apocalyptique est codé :
• Blanc • Rouge • Noir • 7 • 6 • 666 • 3 ½
• 12 • 4 • 3 • 10 • 1000 • 144000 • Les yeux • La main • La tête • Les ailes • Les jambes et les pieds • Corne • Cheveux blancs • Robe longue • Ceinture en or • Debout • Assis
Victoire, pureté Meurtre, violence, sang des martyrs Mort, impiété Chiffre parfait, la plénitude (7-1) = l’imperfection Le comble de l’imperfection (7:2) = temps de l’épreuve Ce chiffre peut apparaître sous plusieurs formes : 1 temps, des temps et ½ temps 3 ans ½ ou 3 jours ½ ou 42 mois ou 1260 jours. 👉 C’est la même valeur symbolique 👈 Israël, ancien et nouveau Le monde créé Chiffre du ciel Quantité importante Une très grande quantité 12 x 12 x 1000 (tous les élus) La connaissance La puissance L’autorité La mobilité La stabilité
Puissance Éternité Dignité sacerdotale Pouvoir royal Résurrection La stabilité
A l’époque de François, celui ou celle qui était à la tête d’une communauté religieuse portait un titre qui n’était pas sans évoquer une certaine forme de pouvoir : le « supérieur » d’une congrégation, par exemple…François n’a rien voulu de tel pour ses frères. Dès qu’il a fallu structurer et organiser la vie de l’Ordre, il s’est démarqué de cette conception d’un pouvoir très hiérarchisé, et parfois sans partage, au sein même de l’Église. Pour celui qui aura la responsabilité de ses frères, François a retenu le titre de « ministre », c’est-à-dire de « serviteur » : « Sur aucun homme, mais surtout sur aucun autre frère, nul frère ne se prévaudra jamais d’aucun pouvoir de domination. Comme dit le Seigneur dans l’Évangile, les princes des nations leur commandent, et les grands des peuples exercent le pouvoir ; mais il n’en sera pas de même parmi les frères : qui voudra être le plus grand parmi eux sera leur ministre et serviteur, et le plus grand parmi eux sera comme le plus petit. » (1 Reg 5, 9-12)
Pour François, exercer son « autorité », terme qu’il utilise plus volontiers, ne peut se faire que dans un esprit de service, qui se vit dans l’humilité et la minorité. Le Christ qu’il se plaît à contempler est un Christ humble et pauvre de cœur qui s’est abaissé pour nous rejoindre dans notre condition humaine et nous révéler l’amour du Père, un Père dont il s’est fait le serviteur obéissant jusqu’à la mort, comme nous le rappelle Paul quand il exhorte les Philippiens à faire régner entre eux humilité et service, à l’exemple de Jésus : « n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun, par l’humilité, estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus : lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes. S’étant comporté comme un homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2, 3-8)
Observer le Saint Évangile et suivre les traces du Seigneur Jésus Christ, telle est la Règle de François pour lui et pour ses frères, à qui il confère l’appellation de « mineurs » : les plus petits parmi les hommes, les humbles serviteurs de tous. « On ne donnera à aucun frère le titre de prieur, mais à tous, indistinctement celui de frères mineurs. Ils se laveront les pieds les uns aux autres. » (1 Reg 6,3) Le lavement des pieds, geste d’amour et d’humilité que Jésus accomplit en s’abaissant, lui le Maître, pour prendre la condition de serviteur, va inspirer à François sa conception de l’autorité, dans un esprit de service et de minorité. « Vous m’appelez le « Maître et le Seigneur » et vous dites bien, car je le suis. Dès lors si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi. » (Jn 13, 13-15)
Certains textes nous décrivent l’empressement des frères à vivre de cet esprit : « Enracinés dans la charité et l’humilité et fondés sur elles, chacun révérait l’autre comme son maître et seigneur. Et ceux que signalaient leur fonction ou leurs capacités, se reconnaissaient à leur plus grande humilité et leur souci de toujours prendre la dernière place. » (AP 26b) Et pour ceux qui s’en écartent, François ne manque pas de le leur rappeler, quitte à être cinglant : « Malheur au religieux qui, appelé à de hautes fonctions, refuse ensuite d’en descendre de son plein gré. Heureux le serviteur qui, appelé malgré lui, à de hautes fonctions, n’a d’autre ambition que de servir les autres et de s’abaisser sous leurs pieds. » (Adm 20, 3-4)
Il va même plus loin : non seulement il demande à ses frères de se faire les plus petits, les minores, de se considérer comme des serviteurs inutiles, mais il leur demande également d’être soumis à toute créature : « Jamais nous ne devons désirer d’être au-dessus des autres ; mais nous devons plutôt être les serviteurs et les sujets de toute créature humaine à cause de Dieu. » (1 Let 47)
Il se montre également très circonspect vis-à-vis des frères trop férus d’études et de science car il sait pertinemment que le savoir peut éloigner du service des frères et peut aussi donner un réel pouvoir sur autrui : « La science, disait-il, rend difficile l’obéissance ; elle entretient une certaine raideur qui refuse de se plier aux exercices d’humilité. » (2 Cel 194) « Négliger la vertu pour courir après la science était un spectacle qui lui causait beaucoup de peine, surtout de la part de ceux qui cherchaient ainsi à éluder la vocation dans laquelle ils avaient d’abord été appelés…Mes frères que travaille un appétit excessif pour la science, disait-il, se trouveront les mains vides au grand jour du rendement des comptes…Il ne disait pas cela pour détourner de l’étude de l’Écriture Sainte, mais pour leur éviter à tous une passion immodérée de la science et, pour certains, il aurait aimé les voir vraiment généreux plutôt qu’à demi érudits » (2 Cel 195)
François n’était pas quelqu’un de faible et de mièvre, comme certaines représentations pourraient nous le laisser imaginer, il avait un fort tempérament et des propos parfois très durs. C’est un long processus de conversion qui l’a conduit à renoncer à tout ce qui peut s’apparenter au pouvoir et à la domination, pour suivre le chemin de la désappropriation : se détacher de tout bien, se libérer de toute forme de possession, se dépouiller totalement jusqu’à délaisser sa volonté propre pour mieux s’abandonner à celle du Seigneur (en consentant, par exemple, à remettre l’avenir de l’Ordre entre les mains de Dieu…). Et il encourage ses frères sur cette voie : « Mais nous, nous avons rompu avec le monde ; nous n’avons plus rien d’autre à faire que de nous appliquer à suivre la volonté du Seigneur et à lui plaire. » (1 Reg 22, 9)
Exercer l’autorité reçue en se faisant l’humble serviteur de tous, en écartant toute tentation ou volonté de domination et en se conformant à l’exemple du Christ, lui le Serviteur par excellence, voilà ce que François nous enseigne à travers sa vie et ses écrits. « Dieu tout puissant, éternel, juste et bon, par nous-mêmes nous ne sommes que pauvreté ; mais toi, à cause de toi-même, donne-nous de faire ce que nous savons que tu veux, et de vouloir toujours ce qui te plaît ; ainsi nous deviendrons capables, intérieurement, purifiés, illuminés et embrasés par le feu du Saint-Esprit, de suivre les traces de ton Fils notre Seigneur Jésus-Christ. » (3 Let 50-51)
Père de toute tendresse, nous te rendons grâce, toi qui es venu à la rencontre du peuple que tu aimes. Tu nous as parlé par les prophètes et en ces temps, qui sont les derniers, tu nous as parlé par ton Fils bien-aimé. Nous t’en supplions, ouvre nos cœurs à la présence de ton Esprit Saint pour qu’il nous donne d’accueillir en nous la Parole vivante que tu nous offres aujourd’hui.
La pénibilité au cœur du refus populaire du recul de l’âge de la retraite a mis au jour une aggravation générale de la souffrance au travail. Elle a trois expressions : avec l’empilement de superviseurs de la supervision et de gestionnaires de la gestion, le poids hiérarchique dans l’entreprise est devenu étouffant et la tâche écrasante ; le travailleur est entravé dans le bon accomplissement de sa tâche par des préconisations hiérarchiques qui nient sa compétence et le conduisent trop souvent, contre sa conscience mortifiée, à mal faire ; privé de vision du sens et du devenir de sa tâche dans l’œuvre commune, il voit son action, et par là sa personne, réduites à celle d’un automate. En même temps que la concentration des richesses, on assiste à l’aspiration de la responsabilité et du pouvoir de décision vers les sommets hiérarchiques dont s’ensuit l’inefficacité, voire l’arrogante impéritie d’« élites » coupées des réalités (exemple : l’héroïsme des soignants a maintenu l’hôpital à flot pendant le covid alors que ses gestionnaires beaucoup mieux payés auxquels ils ont dû désobéir pour agir étaient totalement inutiles et dépassés). La souffrance au travail est donc essentiellement causée par une gouvernance qui vise, davantage qu’à la juste répartition de l’effort et du gain, au renforcement du pouvoir et à l’accroissement de la richesse d’éminences isolées qui ne descendent jamais de leurs hauteurs qu’en parachute doré.
La même involution s’observe de manière analogue dans l’organisation de notre vie collective — la politique — comme le conflit sur l’âge de la retraite l’illustre de façon presque obscène. Ce qu’il est convenu d’appeler la « classe politique », formée de professionnels qui tendent à ne plus représenter qu’eux-mêmes, aspire elle aussi tout le pouvoir de légifération et de décision, avec là aussi le même résultat de concentration extrême et sa conséquence d’impéritie patente que la population subit de plein fouet (délabrement des services publics, décrépitude des institutions, inflation, dette…). La richesse collective que constitue le débat démocratique, spectaculairement dégradée, est en outre confisquée par une sphère médiatique consanguine des cercles de pouvoir et régie par de grands groupes industriels ou financiers. Dans une démocratie où un ministre (Franck Riester) ne craint pas de déclarer que le débat ne peut s’organiser qu’« autour des sujets sur lesquels on est d’accord », on peut s’attendre de la part du peuple souverain à d’énergiques rectifications de l’ordre du jour ainsi qu’à une grave et dangereuse perte de confiance dans les institutions gouvernementales. Rappelons que le mot ministre, dérivé de minus, signifie « serviteur », et que l’oublier met la société en péril : une gouvernance avisée résout les conflits ; une gouvernance qui s’exerce en son propre nom ne génère que désordres et violence.
Animés par la charité, les catholiques ont le moyen et le devoir d’apporter remède aux maux de la gouvernance. Mais s’ils sont retenus par une sécularisation de la société qui cantonne leur influence à la sphère privée, ils le sont plus encore par les maux qui affectent leur propre gouvernance ecclésiale, très loin d’être exemplaire, comme le souligne cruellement le rapport Sauvé : tant de crimes auraient-ils été possibles si les coupables n’avaient pas été isolés dans une superbe où ils concentraient pouvoir institutionnel et, prétendument, richesse spirituelle ? Reconstruire une saine gouvernance dans l’Église est la responsabilité de tous les fidèles inspirés par l’Évangile. Par lui, le « Très-Saint-Père » est plus justement et simplement nommé « serviteur des serviteurs de Dieu » car « Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9,35). Rappelons-nous et rappelons à nos propres ministres qu’à la veille du supplice, Jésus récusa le nom de « Maître » — que pourtant il est, et seul est — en accomplissant le geste du lavement des pieds dévolu aux esclaves (Jean 13,1-15). Il réitéra alors l’exhortation qu’il avait prononcée en dénonçant la domination hypocrite des scribes et des Pharisiens : « Pour vous, ne vous faites pas appeler Maître; car vous n’avez qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères. N’appelez personne sur la terre votre Père : car vous n’en avez qu’un seul, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Docteurs ; car vous n’avez qu’un seul Docteur, le Christ. » (Matthieu 23,8-10). Faisons que par nous, aujourd’hui encore, Jésus proclame à tous que dans l’Église comme dans la Cité jusque dans le bureau ou l’atelier, le principe d’une juste gouvernance est celui de l’humilité fraternelle.
C’est ainsi que frère Daniel PAINBLANC, Capucin de la communauté de Créteil, introduisait son intervention pour notre journée de retraite régionale, sur le thème « Etre artisan de Paix », le dimanche 19 mars 2023, au couvent des Capucins de la rue Boissonade, à Paris. Etre pacifié pour être pacifiant…
Comment être en paix avec soi-même, avec l’humanité et la création ? Comment la paix émane-t-elle de nous ? Comment faire vivre la justice et la paix qui sont inséparables ? Comment être fraternel ?
Nos fraternités sont des lieux de communion, de conversion et de pacification où nous sommes appelés à découvrir notre vocation, à changer notre regard sur l’autre, à avoir et à conserver un cœur humble et courtois, même dans les situations de conflits.
Ainsi, si l’amour est un acte de volonté, la fraternité aussi. Etre frère mineur, c’est une manière évangélique d’être au monde !
Frère Daniel nous a invités à ne pas nous appesantir, à aller davantage de l’avant dans le sillon de l’esprit de François d’Assise, et, en ce temps de Pâques, à « commencer » une vie nouvelle d’artisans de Paix et de Fraternité…