prendre le temps de…

RELIRE LAUDATO SI’ Episode N°1
avec Fr Frédéric-Marie ofm

L’urgence de relire Laudato Si’ au coeur du confinement N°1 (#Le Monde d’Après ?)


TRAVAILLER À LA MAISON

Pour beaucoup qui n’y sont pas habitués, le travail à domicile peut être déstabilisant, voire angoissant. Il faut relativiser, l’inquiétude est beaucoup plus légitime et forte chez ceux qui sont contraints à rester au contact de la population : non seulement les soignants, mais aussi tous ceux dont l’apport est indispensable à la survie de la collectivité : commerçants, caissières, livreurs, artisans, agriculteurs, ouvriers, personnels de maintenance, d’entretien… Mes pensées vont d’abord vers eux ; néanmoins, dans le souci de me rendre utile, c’est avec les premiers, les « télé-travailleurs forcés » , que je veux tenter de partager mon expérience. Je travaille en effet chez moi depuis toujours. Depuis le début, mes amis qui travaillent en entreprise me posent tous la même question (avec un soupçon d’envie) : « Comment tu fais ? Moi, je n’arriverais jamais à m’y coller. » S’y coller… Il faut dire ce qui est, peu d’entre nous — et c’est très compréhensible autant que malheureux — sont portés par l’enthousiasme quand il s’agit de se mettre à la tâche. Mais nécessité fait loi. Avec les années, j’ai appris à répondre à ces curieux qui veulent savoir si je bosse réellement ou si je coince la bulle.

Le premier réflexe lorsqu’on est livré à soi-même, c’est d’installer une pointeuse entre la cuisine et la salle de bain et de remplacer le chef par un surmoi intraitable. Ces jours-ci, j’entends des coachs improvisés proclamer : ne changez rien à vos habitudes, lavez-vous, rasez-vous pour les uns, maquillez-vous pour les autres et abordez votre journée de travail comme un jour normal. Très mauvais conseil à mon avis : ça n’a rien d’un jour normal, vous êtes chez vous et l’épidémie est à votre porte. Impossible de faire comme si de rien n’était. Essayez, l’inquiétude vous paralysera sournoisement. Non, mieux vaut de très loin accepter et intégrer l’exceptionnel car vous ne serez pas efficaces si vous êtes tendus, tout occupés à maintenir une routine impossible. C’est aux conditions nouvelles que vous devez vous conformer et non à une discipline intenable. Oui, mais on a forcément besoin d’un cadre, protesterez-vous. Bien sûr, mais c’est le travail que vous avez à faire qui vous le fournira. Comment ? En vous bâtissant un programme, sur la semaine par exemple, en commençant par placer les grosses choses, puis les choses moins importantes et en ménageant des espaces entre ces gros blocs afin d’y glisser toutes les petites choses qui ne manqueront pas d’apparaître. Ensuite, vous vous donnerez un objectif pour chaque journée ou demi-journée en faisant bien attention à ne pas excéder vos forces car c’est là le plus grand danger : en faire trop, perdre la lucidité, accumuler des erreurs qui vous feront perdre du temps, gâcher l’ouvrage accompli et aborder votre journée du lendemain mécontents et frustrés parce que vous n’aurez pas rempli l’objectif de la veille.

Mon conseil : organisez-vous des journées légères aux horaires adaptés à vos conditions réelles et complétez avec des petites tâches s’il vous reste du temps. Vous verrez que ce sera rarement le cas… Autant que possible, essayez de varier les activités pour que votre ardeur ne s’étiole pas en lassitude. Ne vous surveillez pas constamment pour voir si vous êtes bien en train de travailler. Au contraire, prenez autant de pauses que vous voudrez. Vous vous apercevez très vite de deux choses : vous ne les prolongerez pas car vous aurez repris du coeur à l’ouvrage avant de vous en rendre compte, et surtout, tout bien pesé, vous passerez beaucoup moins de temps seul dans votre canapé qu’avec vos collègues devant la machine à café. De plus, vous serez détendu (sans caféine), bien plus concentré grâce à un regain de fraîcheur (et vous cesserez de penser à la pause quand vous trimerez). Ah, la machine à café. C’est ce qui manque quand on travaille à domicile : les papotages, les ragots, la pluie et le beau temps… les collègues, quoi !

Vous verrez qu’en vous faisant confiance et en vous fichant la paix, tout ce que vous risquez est de prendre du plaisir à bosser. Mais n’allez surtout pas raconter ça à votre patron ! C’est ce que je réponds toujours à mes amis : le vrai problème quand on travaille à la maison ce n’est pas de s’y coller, c’est de s’arrêter !

Jean Chavot