St Jean chapitre 11 suite La vie rendue à Lazare

La préfiguration de la résurrection du Christ

Il y a une mise en parallèle entre le retour à la vie de Lazare et la résurrection de Jésus, avec des ressemblances et des différences, pour bien faire sentir qu’il y a préfiguration, mais incomplète : le retour à la vie de Lazare est une image encore floue du drame de la mort, puis de la vie ; et que l’image vraie, ce sera celle de la mort et de la résurrection de Jésus.

Ressemblances

  1. Lazare subit une maladie qui « va à la mort », humainement parlant. Or Jésus, qui s’était « mis à l’abri » en Pérée, sait qu’en se rendant à Jérusalem, il va lui aussi à la mort.
  2. Et pourtant Jésus affirme que cette maladie « n’aboutira pas à la mort », divinement parlant, c’est à dire que la mort n’est pas la fin de tout, qu’il va le tirer de la mort, qu’après la mort il y aura la vie. C’est préparer ses disciples à ce qui se passera après sa propre mort à lui.
  3. Lazare est au tombeau depuis 3 jours et Jésus le ressuscitera le 4ème jour. Jésus, lui, sera ressuscité le 3ème jour. Il faut qu’ils soient bien morts tous les deux, car les juifs pensaient que l’âme demeurait près du mort 2 jours pleins.
  4. Nous avons deux réflexions similaires de la part des juifs :
    • S’il a guéri un aveugle, il aurait pu empêcher Lazare de mourir!
    • Si tu es le Fils de Dieu, descends de ta croix !
  5. Jésus « frémit intérieurement et se troubla »
    … comme la veille de sa mort à Gethsémani, devant la perspective de sa propre mort
  6. La résurrection de Lazare est attribuée par Jésus à la puissance du Père : juste avant le miracle, il rend grâce au Père d’être exaucé (41).
    De même pour Jésus, les Apôtres témoigneront que c’est Dieu qui l’a ressuscité.

Différences (au profit de la résurrection de Jésus)

  1. Lazare subit déjà la putréfaction
    Jésus, non ! (cf. l’Ecriture : « Tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption » (Ps. 16).
  2. Pour Lazare, on doit rouler la pierre,
    pour Jésus, inexplicablement, la pierre était déjà roulée quand les femmes arrivèrent pour l’embaumer après le sabbat.
  3. Lazare sort encore tout ficelé de bandelettes et enveloppé de suaire.
    Jésus, lui, n’est plus là, mais les bandelettes et le suaire sont roulés, à part.
  4. Surtout, Lazare rendu à la vie devra bien re-mourir un jour : il ne fait que revenir à sa vie antérieure conditionnée par les limites de l’espace et du temps.
    Or, Jésus, lui, par sa résurrection, va sortir corporellement des limites de l’espace et du temps. Ni l’espace ni le temps n’auront plus de prise sur lui.

Conclusion

Une fois de plus, la scène doit être lue à deux niveaux : au niveau humain d’un bouleversant témoignage d’émotion et d’amitié ; mais surtout au niveau théologique, car ce geste miraculeux a une portée et une signification.

Paradoxalement, cette maîtrise éclatante de Jésus sur la mort, signe son propre arrêt de mort. Le miracle est trop fort pour n’être pas des plus dangereux. La peur l’emporte sur la foi.

11, 45-57
Ces quelques versets montrent l’impact que ce miracle a eu sur les juifs et sur les autorités juives.
Parmi les premiers beaucoup croient.
Les seconds, grands prêtres et pharisiens, comme d’habitude chez Jean, se cabrent. Ils reconnaissent que cet homme accomplit beaucoup de signes (47). Mais, pour eux, cela ne peut qu’engendrer un soulèvement avec toutes ses conséquences. Il faut donc en finir. Jésus doit mourir, « mourir pour la nation et pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (51-52). Jean, par cette prophétie qu’il met dans la bouche de Caïphe, signifie que la mort de Jésus est pour le rassemblement des hommes en UN, c’est-à-dire pour l’unité des hommes dans le Fils.

Le verset 54 : « Jésus donc ne circulait plus ouvertement parmi les juifs ; mais, de là, il partit pour la région voisine du désert, … et il y demeurait avec ses disciples ».
Ce verset fait pendant à 10, 40-42. Par un « donc », l’évangéliste indique une relation de cause à effet. Mais aussi, il met en évidence l’atmosphère tendue à Jérusalem où Jésus était serré de près. A la différence du séjour au-delà du Jourdain, aucune affluence n’est notée. Jésus est seul avec ses disciples. La rupture avec la Judée est consommée ; mais non sans que le signe de Lazare ait donné figure et sens à l’œuvre que Jésus réalisera par sa mort.

Fr Joseph

Dieu est-il pour nous « le Consolateur » ? 1ère partie

Dans l’Ancien Testament, le croyant, accablé par l’épreuve, a conscience que ce monde ne peut lui apporter de réelle consolation : « Que de fois ai-je entendu de tels propos, et quel pénibles consolateurs vous faites ! » (Jb 16,2) « J’espérais la compassion, mais en vain, des consolateurs, et je n’en ai pas trouvé. » (Ps 69,21). C’est pourquoi il se tourne vers Dieu qui, seul, peut le secourir et le réconforter : « Agis avec éclat en ma faveur, alors mes ennemis seront confondus en voyant que toi, Seigneur, tu me secours et me consoles. » (Ps 86,17)

Aussi l’Exil à Babylone est-il pour le peuple d’Israël une expérience traumatisante : il se sent oublié de tous et, surtout, il a le sentiment d’être abandonné par son Dieu. C’est le temps de la détresse, de la désolation. C’est le temps des Lamentations…Mais cet abandon ne pouvait durer qu’ « un bref instant », le Seigneur revient vers Jérusalem : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem… » (Is 40,1) « Cieux, criez de joie, terre exulte, que les montagnes poussent des cris car Yahvé a consolé son peuple » (Is 49,13) « C’est moi, je suis celui qui vous console » (Is 51,12).

Dans le Livre de la consolation  (Is 40-55), le verbe « consoler », utilisé à de multiples reprises, a pour sens : « permettre de pousser un profond soupir de soulagement ». Sa racine, NHM, renvoie à la racine NHsM du récit de la création, dans lequel Yahvé insuffle son haleine de vie à Adam et en fait un être vivant. Il ne s’agit donc pas seulement pour Dieu de soutenir ou de réconforter Israël mais plus encore de lui transmettre un second souffle créateur. Au sortir de l’épreuve, il donne à son peuple de reprendre souffle, de renaître…

En intervenant en faveur de Jérusalem, le Seigneur accomplit les promesses annoncées par les prophètes : « Je changerai leur deuil en allégresse, je les consolerai, je les réjouirai après leurs peines. » (Jr 31,13) Ce Dieu consolateur a la sollicitude d’un berger, la tendresse d’un père ou d’une mère, l’amour d’un époux : « Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche, on vous caressera en vous tenant sur les genoux. Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai » (Is 66,12-13), « On ne te dira plus « Délaissée » et de ta terre on ne dira plus  » Désolation ». Mais on t’appellera « Mon plaisir est en elle » et ta terre sera épousée. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton bâtisseur t’épousera. Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse que ton Dieu éprouvera à ton sujet. » (Is 62, 4-5)

 Israël vit dans l’attente de sa restauration : « Ainsi parle Yahvé : Je me tourne de nouveau vers Jérusalem avec compassion. Mon Temple y sera rebâti », « Mes villes abonderont encore de biens. Yahvé consolera encore Sion, il fera encore choix de Jérusalem. » (Za 1,16-17) car Jérusalem retrouvera sa splendeur et son rayonnement universel. C’est l’envoyé du Seigneur, le messie, qui accomplira cette œuvre de consolation et de salut (Is 61-62). Cette espérance se prolonge dans le Nouveau Testament : le peuple attend la venue du Messie, la « Consolation d’Israël » (Lc 2,25).

Dans la version grecque de l’AT, « consoler », traduit par le verbe « parakaleo », prend alors le sens de « venir aux côtés d’une personne isolée ». Le NT utilisera ce verbe pour dire que le Dieu qui console se manifeste auprès des hommes en son Fils. Jésus se présente comme le Serviteur, le Messie attendu. Il est celui qui est présent auprès des pauvres, des malades, des affligés et de tous ceux qui sont persécutés (Lc 4,18-21). Et lorsqu’il rejoint le Père, il ne les laisse pas orphelins puisqu’il leur envoie l’Esprit Saint, le Paraclet, qui sera leur Défenseur et leur Consolateur.

Avec Paul, une nouvelle théologie de la consolation s’élabore: de l’épreuve même, vécue en union aux souffrances du Christ, peut surgir la consolation et cette dernière rejaillit alors sur les autres fidèles (2 Co 1,3-11) car elle trouve sa source dans la foi au Christ Ressuscité. Si elle est parfois une réponse ponctuelle à une situation de grande détresse, elle est bien plus que cela : elle est une grâce, un don définitif fait à tout croyant (2 Th 2,16-17) Ainsi, la consolation est « la confirmation concrète du salut de Dieu en chaque existence individuelle, le deuxième souffle donné de façon totalement gratuite. Etre consolé, c’est faire l’expérience de la Résurrection. »  (Nicolas Rousselot, Les notions de « consolation » et de « désolation » dans la spiritualité d’Ignace de Loyola)

P. Clamens-Zalay

La coopérative Coop’Cot et les frères capucins de Créteil

©Frères capucins Créteil

Depuis le printemps 2020, la communauté des frères capucins de Créteil s’investit dans un projet de coopérative de consommation.

Témoignage de Frère Dominique Lebon, OFM Capucin (15 janvier 2021).

Notre communauté de frères capucins, après avoir participé pendant deux années à une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), s’est investie dans un projet de coopérative de consommation à Créteil : la Coop’Cot. Ce projet s’est concrétisé au printemps 2020 avec l’ouverture d’une épicerie située dans le centre commercial de Créteil-L’Échat. L’objectif est d’offrir au plus grand nombre une alimentation saine, aussi bien pour les humains que pour notre planète, de qualité, au prix juste pour les producteurs et les consommateurs.

A ce jour, 180 familles sont adhérentes à la coopérative et contribuent à son fonctionnement. Chaque adhérent participe aux décisions. Chacun donne 3 heures de son temps, toutes les 4 semaines, pour effectuer les diverses tâches inhérentes au fonctionnement de la Coop’Cot. Cela aide à avoir des prix justes et raisonnables. Les produits proposés sont à marge fixe et les bénéfices sont réinvestis dans le projet.
Participer à la Coop’Cot amène à changer quelques habitudes : par exemple, cela prend plus de temps que de faire les courses à la supérette du coin. Cela oblige à ralentir. Le bénéfice, c’est que l’on est organisé ensemble pour une consommation responsable. Que l’on peut consommer des produits qui ont un bon goût et qu’à la coopérative, on se sent un peu comme chez soi, dans une ambiance vraiment cordiale.
Nous, les frères capucins, nous essayons aussi d’être attentifs à ce que la Coop’Cot atteigne son objectif social, qu’elle puisse, comme elle le souhaite, s’ouvrir au plus grand nombre, et en particulier aux milieux modestes. Déjà aujourd’hui il y a une certaine diversité sociale chez les adhérents. Nous ne pouvons pas oublier que les plus pauvres sont les premières victimes de la malbouffe, et donc des maladies que celle-ci entraîne.

✅ Pour en savoir plus, rendez vous sur le site de Coop’Cot
✅ Découvrez aussi « Tout est lié » un webzine sur l’écologie intégrale qui a recueilli le témoignage de Frère Dominique Lebon, ofm Capucin

Maximilian Kolbe

Maximilian Kolbe
1894 – 1941

Dans ma prime jeunesse, je fus souvent témoin de vives discussions dans ma famille, particulièrement lorsque nous nous rendions en Autriche. Nos racines franco-autrichiennes avaient conduit certains à s’engager dans la résistance et d’autres à nourrir des sympathies pour les thèses nazies. Même si les éclats de voix s’achevaient autour d’un Apfelstrudel et de verres de Schnaps, mon esprit était toutefois sollicité par ces controverses. Mon grand-père, actif FFI durant le conflit, profitait des vacances pour me faire découvrir des lieux de mémoire et me conter l’histoire de personnages peu ordinaires. En cela, il marchait dans les pas de mes instituteurs, férus du roman national. Avec le recul du temps, maintenant qu’il a disparu, son visage surgit parfois au détour d’un lieu, au fil d’une ligne dans un livre, au gré d’une exposition ou d’un spectacle. Devenu adulte, je pus me rendre là, où vécurent, où moururent ces femmes et ces hommes, dont les noms étaient demeurés dans ma mémoire. Ainsi, à plusieurs reprises, me suis-je rendu à Auschwitz-Birkenau. L’expérience ne peut laisser indemne tant les stigmates de l’horreur sont présents. On y côtoie les manifestations diaboliques de l’âme humaine mais aussi l’Amour de Dieu. Parmi tous les héros qui peuplèrent les récits de mon enfance figurait Maximilian Kolbe. 

Si les nazis avaient regroupé les religieux dans un même camp de concentration, celui de Dachau, certains échappèrent à cette logique. De 1938 à 1945, 2 720 prêtres, séminaristes et moines catholiques furent déportés par les nazis, ainsi qu’environ 141 pasteurs protestants et prêtres orthodoxes[1]. En Pologne, le plus grand complexe concentrationnaire du Troisième Reich est resté quasiment dans l’état où les Soviétiques le trouvèrent le 27 janvier 1945. Lorsque l’on arrive sur ce lieu plongé dans un silence sépulcral, on est saisi par l’immensité du site : entre 40 et 55 kilomètres carrés[2]. Le 29 juillet 2016, le Pape François fut bouleversé par ce calme lugubre lorsqu’il pria longuement dans la cellule où mourut Maximilian Kolbe[3]. Dans le livre d’or, François écrivit cette phrase qu’il signa :« Seigneur, aie pitié de ton peuple, Seigneur, pardon pour tant de cruauté ».

C’est en ce lieu, où je retins difficilement mes larmes, au bloc 11 du bâtiment 18, que ’ai retrouvé celui dont m’avait parlé mon grand-père des dizaines d’années auparavant. Un prêtre franciscain qui donna sa vie pour un de ses frères humains.

Le parcours de Saint-Maximilien Kolbe fut singulier[4]. En effet, adversaire résolu du national-socialisme et du communisme, il menait par ailleurs un véhément combat contre les juifs, considérant que le judaïsme était un « cancer qui ronge le corps du peuple ». Le fervent catholicisme que nourrissaient les Polonais conduisait en ces années à un sévère antisémitisme et rien ne prédisposait le frère franciscain à protéger les enfants d’Israël.

Né Rajmund Kolbe, en 1894 dans une famille très pieuse, de parents tisserands et tertiaires franciscains, il eut en 1906 une vision de la Vierge de Czestochowa qui l’incita à entrer en religion. Dans cette vision, la Vierge lui aurait proposé deux couronnes : une blanche pour la pureté et une rouge pour le martyre. Elle lui aurait demandé de choisir ; il aurait accepté les deux. Dès 1910, à l’âge de 16 ans, il rejoignit l’Ordre des Frères Franciscains conventuels à Lvov, où il reçut le nom de frère Maximilien Marie.

En 1912, il fut envoyé à Rome pour poursuivre ses études et fut ordonné prêtre le 28 avril 1918 avant de devenir docteur en philosophie et théologie l’année suivante. En octobre 1917, avant d’être ordonné prêtre par le cardinal Basilio Pompii, il avait fondé avec six confrères la Milice des Chevaliers de l’Immaculée, mouvement marial au service de l’Église et du monde.
Sensible aux moyens de communication d’alors, soucieux de remplir sa mission d’évangélisation, il créa par ailleurs un mensuel spirituel afin de diffuser la pensée de la Milice puis imagina un centre de vie religieuse et apostolique appelé « la Cité de l’Immaculée », « Niepokalanow ». Cette communauté regroupa environ 600 religieux. En 1922, pour promouvoir le culte de Marie, il fonda en son honneur, un quotidien, Le Chevalier de l’Immaculée tiré à 300 000 exemplaires pour atteindre un million d’exemplaires en 1938. Le quotidien était vendu bon marché afin de toucher les plus démunis. Toujours avide d’annoncer l’évangile, il fonda ensuite une maison d’édition et lança une station de radio qui avaient aussi l’ambition de lutter contre le sionisme et la franc-maçonnerie, de convertir schismatiques et juifs. Porteur d’évangile, au service de Marie, il se rendit en 1930 au Japon avec quatre frères et y fonda un couvent sur une colline proche de Nagasaki, le « Jardin de l’immaculée ». Curieusement, ce fut le seul bâtiment resté debout lors de l’explosion de la bombe atomique en 1945.

Revenu en Pologne en 1936, il assista à l’invasion du pays par les troupes allemandes puis soviétiques. La fraternité de Maximilian Kolbe hébergea alors des réfugiés polonais catholiques ou juifs. Les nazis l’arrêtèrent avec ses frères franciscains puis le relâchèrent après lui avoir fait subir des sévices. En février 1941, il fut à nouveau arrêté par la Gestapo pour avoir accueilli des réfugiés. Interné à Varsovie, il fut transféré à Auschwitz le 28 mai 1941. Or, afin de décourager les évasions, il était établi à Auschwitz que si un homme s’échappait, dix hommes seraient tués en représailles. En juillet 1941, un homme ayant fui, le commandant Karl Fritsch[5] dit aux prisonniers « Vous allez tous payer pour cela. Dix d’entre vous seront enfermés dans le bunker de famine sans nourriture ni eau jusqu’à leur mort ». Les dix furent sélectionnés. Parmi eux, Franciszek Gajowniczek, sergent de l’armée polonaise, emprisonné pour avoir aidé la résistance polonaise. Franciszek[6] se serait alors écrié : Ma pauvre femme ! Mes pauvres enfants ! Que vont-ils faire ?’ Quand il poussa ce cri de détresse, le Père Maximilian Kolbe s’avança et aurait dit au commandant : « Je suis prêtre catholique. Laisse-moi prendre sa place. Je suis vieux. Il a une femme et des enfants. » Le commandant Fritsch accepta la substitution. Maximilian Kolbe fut donc jeté dans une cellule du bloc des condamnés, avec les neuf autres prisonniers qu’il soutint par la prière et l’oraison ; les hymnes et les psaumes, communs aux Juifs et aux chrétiens. Encore vivant après avoir passé deux semaines sans rien ni boire ni manger, un Kapo[7] lui administra une injection de phénol le 14 août 1941. Son corps fut brûlé le 15 août, jour de la fête de l’Assomption de la Vierge Marie à laquelle il avait voué sa vie[8]. Gajowniczek fut libéré du camp d’Auschwitz ; il avait survécu pendant plus de 5 ans et assura : « Aussi longtemps que j’aurai de l’air dans les poumons, je penserai qu’il est de mon devoir de parler aux gens de l’acte d’amour héroïque accompli par Maximilien Kolbe. ». Béatifié le 17 octobre 1971, Saint Maximilien fut canonisé, reconnu martyre de la foi le 10 octobre 1982 en présence de Franciszek Gajowniczek.

Pour vous, mes enfants, pour vous jeunes qui ne cheminerez pas dans la vie avec des témoins de l’horreur, pour vous qui avez besoin de vous identifier à des héros ; regardez Maximilan Kolbe, debout aux côtés de Marin Luther King, d’Oscar Romero, de Dietrich Bonhoeffer au portail ouest de l’abbaye de Westminster. Lancez-vous « dans l’aventure de la miséricorde » qui consiste à « construire des ponts et à abattre des murs de séparation » pour « secourir le pauvre » et « écouter ceux que nous ne comprenons pas, qui viennent d’autres cultures, d’autres peuples, ceux que nous craignons parce que nous croyons qu’ils peuvent nous faire du mal »[9]

« Que notre amour se manifeste particulièrement quand il s’agit d’accomplir des choses qui ne nous sont pas agréables. Pour progresser dans l’amour de Dieu, en effet, nous ne connaissons pas de livre plus beau et plus vrai que Jésus-Christ crucifié. » Saint Maximilien Kolbe.

                                                                       Érik Lambert.


[1] Cf. G. Zeller, La Baraque des prêtres, Dachau, 1938-1945, Paris, Tallandier, 2015.

[2] http://www.enseigner-histoire-shoah.org/outils-et-ressources/fiches-thematiques/les-grandes-etapes-de-la-shoah-1939-1945/etude-de-cas-le-complexe-dauschwitz-birkenau-1940-1945.html

[3] https://www.sudouest.fr/2016/07/29/le-pape-francois-a-auschwitz-seigneur-pardon-pour-tant-de-cruaute-2451508-4834.php   https://www.youtube.com/watch?v=iuPlQK46efE 

[4] https://www.youtube.com/watch?v=Xy2-G6A2Tqk

[5] Karl Fritsch fut un des multiples rouages de la machine exterminatrice d’Auschwitz. Le plus connu, qui reconnut et décrivit toutes les atrocités commises, fut Rudolf Höss qui a inspiré le « roman » de R. Merle, La mort est mon métier paru en 1952.

[6] Signe du destin ? Franciszek signifie François

[7] Aux côtés des 3 000 SS du camp d’Auschwitz, des Kapos, criminels de droit commun chargés de surveiller les autres prisonniers et de les faire travailler. S’ils ne se montrent pas assez efficaces et donc brutaux, ils sont déchus de leur statut et renvoyés avec les autres prisonniers, ce qui signifie pour eux une mise à mort généralement atroce dans la nuit qui suit. De fait, les premiers prisonniers qui arrivèrent à Auschwitz furent trente Kapos allemands.  

[8] ‘ « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 9-17)

[9] Pape François, JMJ, Cracovie, 28 juillet 2016.

Prière du Cardinal Newman

Rayonne à travers moi
Seigneur Jésus.
inonde-moi de ton Esprit et de ta vie.
Prends possession de tout mon être
pour que ma vie ne soit
qu’un reflet de la tienne

Rayonne à travers moi, habite en
moi,
et tous ceux que je rencontrerai
pourront sentir ta Présence auprès
de moi.
en me regardant ils ne verront plus
que Toi seul,
Seigneur !

Demeure en moi et alors je
pourrai,
comme Toi. rayonner.
au point d’être à mon tour
une lumière pour les autres,
lumière, Seigneur,
qui émanera complètement de Toi,
c’est Toi qui, à travers moi,
illuminera les autres.

Ainsi nia vie deviendra une
louange à ta gloire,
la louange que tu préfères,
en te faisant rayonner sur ceux qui
nous entourent.
Par la plénitude éclatante de
l’amour
que te porte mon cœur.

Amen.

Un Livre

Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ
Olivier Rey

Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ.
Olivier Rey.
Éditions Conférence. Collection Choses humaines. 306 pages. 25 €

Olivier Rey propose une passionnante étude de la représentation religieuse, de Jésus à nos jours, dans un livre de grande qualité, abondamment illustré, d’un prix extraordinairement modique (25 €) pour un travail aussi soigné. La réflexion de l’auteur nous fait visiter ou revisiter l’Histoire de l’art, et nous éveille également à une réflexion profonde et plus que jamais opportune sur ses rôles, ses dérives, son avenir.

Dès sa naissance, le christianisme est confronté à l’interdit judaïque sur les représentations de Dieu dont la communication est conçue comme verbale, à l’exclusion de toute autre. Mais devenu témoin de l’incarnation en Jésus, l’homme peut dès lors se voir à l’image de Dieu, en tant que copie. « Voici donc l’immense « défi » auquel le christianisme confronte l’image : par la figuration, introduire à la transfiguration de l’ici-bas en ici-haut. » La contemplation de l’image de Jésus porte à se rapprocher du Père par la voie de la ressemblance commune et à le contempler dans le visage du frère humain, du prochain. L’image comporte le danger du fétichisme, c’est-à-dire d’adorer l’œuvre elle-même au lieu de ce qu’elle invite à contempler. C’est oublier que la fonction de l’art religieux n’est pas d’évoquer le sensible, mais l’intelligible. Ainsi, l’image artistique de Jésus représente non pas son humanité sensible, mais ce qui est intelligible, divin, dans son humanité. Ce défi fut relevé différemment en Orient avec l’icône et en Occident avec la relique ; plus d’ici-haut, en somme, en Orient, et plus d’ici-bas en occident, mais aussi plus de liberté. Chacune des traditions assume à sa manière un rôle de dévotion conjugué à une fonction ornementale. En Occident, la peinture assume également une fonction de pédagogie populaire en remplacement de la lecture inabordable des textes, et celle de favoriser la méditation privée des lettrés, à travers les enluminures par exemple.

L’image religieuse fait entrer l’invisible dans le visible, à l’imitation de l’incarnation, selon l’assertion de Denys l’aéropagite : « Dieu n’est rien de ce qui n’est pas, rien de ce qui est ». Elle associe donc longtemps figuratif et non-figuratif de manière à inviter à regarder au-delà de la représentation explicite, matérielle, car « (…) en même temps que chaque créature fait signe vers le Créateur, elle manifeste aussi la distance qui l’en sépare ». Mais peu à peu, avec la Renaissance, un certain naturalisme — une attention grandissante portée aux éléments naturels et à leur interprétation — fait reculer le symbolisme, induisant une perte de la dimension religieuse au profit de la dimension esthétique, et la peinture qui nourrissait la méditation vise dès lors à provoquer la sensation. C’est l’époque de la Réforme ou l’iconoclasme protestant, paradoxalement, contribue à sa manière à l’avènement de l’ère artistique en générant le collectionnisme des œuvres qu’il a révoquées. L’Église réagit en accroissant encore le caractère artistique des représentations, s’éloignant ainsi radicalement et définitivement de l’icône. Et les représentations de Dieu, humanisées ou au contraire éthérées, disparaissent à mesure que le monde se désenchante et que la relation entre art et dévotion se dissout pour ne plus devenir qu’une abstraction tout humaine.

Dans son achèvement contemporain, l’évolution aboutit à ce constat dont chacun fera la part de la perte ou du progrès : « Le sacré n’est plus dans les figures à peindre mais dans la figure de l’artiste ».

Et pendant ce temps là…

En ce début d’année, la pandémie, qui sévit depuis une année, continue de nous assaillir et perturbe la vie quotidienne de toute l’humanité. Nous en souffrons tous et supportons plus ou moins facilement, chacun selon son tempérament, cette situation qui implique fortement l’ensemble des personnels de santé et mobilise l’attention des dirigeants. Notre santé avant tout ! Les conséquences immédiates sont bien visibles et, malgré les dispositifs déployés par les gouvernants, les gens continuent de mourir dans la solitude des EHPAD et des hôpitaux, la situation économique se détériore dans tous les secteurs d’activité. La jeunesse, particulièrement affectée économiquement et culturellement, se désespère. Nous en souffrons tous, d’une manière ou d’une autre.

Les médias nous assaillent, eux aussi, au moins autant que la pandémie elle-même, sur l’évolution de la maladie, ses conséquences, les vaccins, les traitements, et multiplient les débats et informations souvent contradictoires sur le sujet, à tel point que nous pouvons conclure que personne ne sait de quoi il retourne. On ne parle plus que de ça et cela conditionne toute notre existence …

Et pendant ce temps là … le pape François invite à la fraternité universelle
Après Laudato Si, le pape poursuit sa recherche franciscaine avec l’encyclique Fratelli Tutti, Tous frères, une fraternité universelle, comme Saint François l’a rêvée. Cela interpelle la famille franciscaine et j’en citerai quelques passages pour illustrer notre actualité.

Fratelli Tutti: « Le XXIe siècle « est le théâtre d’un affaiblissement du pouvoir des États nationaux, surtout parce que la dimension économique et financière, de caractère transnational, tend à prédominer sur la politique. » (172)
« aujourd’hui, aucun état isolé n’est en mesure d’assurer le bien commun de sa population « (153)

Et pendant ce temps là … notre maison brûle
La gouvernance globalisée continue d’imposer son dictat sur la planète, au détriment des peuples et au profit des forts ; états ou conglomérats, c’est toujours la force qui domine. Cette gouvernance poursuit son exploitation forcenée des hommes et de la planète. Jacques Chirac a dit un jour « notre maison brûle et nous regardons ailleurs » ; malgré leur adhésion à la convention de Paris en 2015, nombre de pays, sous la pression des lobbies, peinent à mettre œuvre les politiques qui permettraient d’atteindre les objectifs fixés ; nous en avons un bel exemple chez nous avec le glyphosate. La planète Terre n’en peut plus d’être maltraitée, par les souffrances que nous lui infligeons, qui se traduisent par une lente et continue dégradation de la vie. Les convulsions de la terre, tempêtes, pluies diluviennes ou tremblements de terre qui en résultent, sont autant de signaux d’alerte qui ne sont pas pris en compte.
La montée du populisme qui se nourrit du nationalisme, partout dans le monde, et l’arrivée au pouvoir de dirigeants niant la crise environnementale et favorisant une économie orientée par la recherche du profit maximum, a encore accéléré cette dégradation.

Fratelli Tutti: « Incontestablement, « jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien ». Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Jamais plus la guerre ! »(258)

Et pendant ce temps-là … les conflits persistent
Dans les relations internationales, les Etats-Unis, avec la complicité des monarchies du golfe Persique et d’Israël, et en imposant un embargo sur l’Iran a donné un très mauvais signal, pour la recherche d’une solution pacifique des tensions au Moyen Orient ; en abandonnant l’Afghanistan, la Syrie et l’Irak, à leur sort, ils les condamnent à subir la loi de l’obscurantisme. La Chine de son coté poursuit sa répression à Hong Kong et sur les minorités Ouigours et Népalaises et poursuit ses pressions sur Taiwan.
Des conflits que l’on pensait éteints reprennent de la vigueur, conflits interethniques entre nomades et sédentaires, conflits pour le contrôle des territoires et l’exploitation des ressources de la terre, frontières contestées, conflits religieux … Des guerres se poursuivent sur tous les continents, et nos armées y participent parfois, sans contrôle de nos représentants élus, c’est-à-dire sans notre accord. Sans parler des livraisons d’armes de notre industrie aux belligérants …
Les condamnations des nations de l’Union Européenne, plombées par les désaccords entre états qui rendent sa diplomatie muette ont aussi peu de poids que celles de l’ONU. Que font les peuples européens pour peser sur leurs dirigeants ? Que faisons-nous ?

Fratelli Tutti: « Les migrants, si on les aide à s’intégrer, sont une bénédiction, une richesse et un don qui invitent une société à grandir » (135)
« Cela nécessite une législation globale, internationale pour les migrations » (132),
Le déploiement d’une collaboration internationale visant au développement intégral de tous les pays » (138)

Et pendant ce temps là … les migrations se poursuivent
Les migrants qui fuient la misère, la répression, la guerre, continuent de déferler sur l’Europe, qui les accueille dans des conditions indignes. Mais, si nous paraissons impuissants à les aider, eux sont déterminés, parce qu’ils savent ce qu’ils ont quitté.


Fratelli Tutti: « La fraternité a quelque chose de positif à offrir à la liberté et à l’égalité. »(103)
« Le droit à la propriété privée ne peut être considéré que comme un droit naturel secondaire et dérivé du principe de la destination universelle des biens créés … « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu’elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne » »(120)
« Chacun n’est pleinement une personne qu’en appartenant à un peuple, et en même temps, il n’y a pas de vrai peuple sans le respect du visage de chaque personne. »(182)

Et pendant ce temps là … les affaires continuent
Les riches continuent de s’enrichir et les pauvres de s’appauvrir, partout dans le monde, mais aussi près de chez nous, nous en sommes témoins chaque jour. Le chômage augmente et atteint des niveaux jamais connus depuis que les statistiques existent. Des millions de personnes continuent de souffrir de la faim, alors que beaucoup, chez nous, vivent confortablement confinés et repus.



Nous savons ce qu’il nous reste à faire: à nous de jouer !
Après cet inventaire peu réjouissant et un peu austère, je ne peux terminer qu’en vous souhaitant une année de bonheur, vécue dans l’espérance d’un avenir radieux, d’une fraternité que François nous invite à bâtir ensemble.

Jean-Pierre Rossi