ENSEIGNANT BENEVOLE

Après avoir suivi une carrière de 36 ans comme enseignant en France et avoir exercé comme chercheur et professeur en Colombie, me voici comme professeur bénévole retraité dans une association de promotion par la culture, chez les adultes. Cette nouvelle expérience est complétée par des cours de soutien à des adolescents malades, hospitalisés et à la scolarité chaotique.

Cette nouvelle façon d’enseigner à l’hôpital ou à des adultes, a changé la pédagogie pour laquelle j’avais été formé depuis mon adolescence, et m’a enrichi de façon extraordinaire. Elle m’a permis de concevoir le service sous un angle différent. En effet, très jeune déjà, j’ai su que ma vocation était de me consacrer à la transmission et au partage de mes acquis avec les autres. Cela a commencé par une courte expérience avec les « gamines » (nom donné aux enfants qui sont abandonnés et qui traînent dans les rues de Bogotá), reçus dans un centre social des Salésiens à la campagne. Chaque enfant retrouvait, grâce aux soins donnés à l’animal dont il était responsable, sa motivation pour grandir en dehors de la violence. Là, j’ai compris ce que signifiait le manque de tendresse et d’affection chez un enfant et comment on pouvait réussir à redonner confiance à un être que l’on croyait perdu à jamais.

Cette première expérience a été poursuivie quelques années plus tard, dans le cadre du service civil obligatoire, à la fin des études secondaires. J’avais choisi l’école du soir qui était fréquentée par des adultes qui avaient le double de mon âge, ou par des adolescents sans aucune formation de base, ignorant les rudiments de l’écriture et de la lecture.

En réalité, ce sont surtout ces deux expériences de base, qui ont fait surface dans mon engagement franciscain d’aujourd’hui. Cet engagement coïncide avec le temps de la retraite et c’est une réponse à la recherche d’une spiritualité.

A la lumière de François, j’ai bien compris que mon engagement auprès des jeunes et des adultes, était un service, un service qui n’est pas à sens unique ; je donne, je me donne, mais en retour je reçois beaucoup. Le fait de voir le sourire d’une jeune élève à l’hôpital, qui vous remercie d’avoir pu assister au cours, alors qu’elle vient de faire une tentative de suicide pendant le week-end, donne du baume au cœur et envie de continuer. Le fait de savoir qu’un jeune garçon a eu son bac après plusieurs tentatives infructueuses et malgré une ambiance familiale catastrophique, vous dynamise.

Avec la sensibilité franciscaine, je fais plus attention au regard porté sur les jeunes qui me sont confiés, en les considérant comme personnes à part entière : eux, qui ont été estropiés par la vie, qui ont peur d’aller à l’école, qui sont victimes d’un camarade ou d’une classe, d’inceste ou de violence, sont aussi des enfants aimés de Dieu : ils méritent un enseignement de qualité. J’étais habitué à des élèves qui faisaient des cours supplémentaires pour être les mieux classés dans les concours, je travaillais dans une ambiance très porteuse avec des élèves motivés ; à l’hôpital je fais l’expérience franciscaine de me dépouiller de tous ces acquis, pour me rendre disponible à une nouvelle misère humaine.

Le temps de pandémie que nous traversons est venu interrompre en partie, ce type de relation humaine et d’écoute privilégié. Comme dans tous les établissements, quelques élèves suivent des cours par internet, quand cela est possible, et d’autres peuvent aller à l’hôpital pour suivre quelques enseignements en présentiel. Dans ces conditions, le nombre d’élèves recevant un enseignement a diminué.

Ainsi, j’ai pu préparer deux élèves aux épreuves d’espagnol du baccalauréat grâce aux visioconférences, mais j’ai constaté que cela demandait un effort de concentration très important, chez les élèves qui parfois suivaient de traitements médicamenteux assez lourds et avaient tendance à décrocher. Mon rôle était alors d’accompagner le jeune sans chercher la performance intellectuelle. Au fond, ce qui nous est demandé c’est de redonner confiance, le goût de l’école et de la vie à ceux qui l’ont perdu. Ces valeurs ne sont-elles pas à pratiquer lorsque nous nous engageons à la suite de François ?

  Jesus