Premier discours après le dernier repas et le lavement des pieds 13, 31-14, 31 (1ère Partie)

Remarques préliminaires

Ce discours devient possible après le départ de Judas. Nous entrons dans une atmosphère d’intimité qui suppose qu’il n’y ait plus aucune arrière-pensée. Il n’y a plus que les amis.
Pour éviter les contresens, il faut comprendre le vocabulaire johannique :

  • « LE MONDE » a 2 sens différents : l’un positif et l’autre négatif
    • soit la création et spécialement l’homme qui en est le sommet (« Dieu a tant aimé le monde.. » « Le Verbe est venu dans le monde… »)….. sens positif
    • soit une mentalité collective de refus de Dieu, c’est à dire replie de l’homme dans sa suffisance ….. sens négatif
  • Le « RETOUR DU SEIGNEUR »
    • soit la parousie, c’est à dire le retour à la fin des temps
    • soit, plus tôt dans le temps, les apparitions du Ressuscité
  • la « GLOIRE » : n’est pas d’abord la majesté, la puissance écrasante, le prestige et les honneurs.
    Pour Jean, c’est l’éclat fascinant du véritable et insoupçonné visage de Dieu, ou du Christ. Dans l’AT on se présentait Dieu dans sa majesté écrasante. Avec le Christ, c’est le visage insoupçonné que nous découvrons. On croyait que Jésus n’était qu’un homme, plus grand que tous les prophètes, or voici que va se révéler sa condition divine.
  • « l’HEURE » : pour Jean, c’est l’heure du mystère pascal, l’heure pour Jésus du retour au Père, l’heure où il va retrouver toutes les prérogatives de sa condition divine, qu’il avait abandonnées lors de son incarnation.

Bien sûr, pour Jean, cette « heure » est faite inévitablement de plusieurs moments différents (passion, mort, résurrection, ascension). Mais Jean s’intéresse moins à ces moments différents qu’à la signification commune de l’ensemble ; ce n’est pas la chronologie qui l’intéresse, mais « l’heure » en tant que signifiante et révélatrice : qu’est-ce qui est en train de se passer et de se dire à ces moment-là ? C’est l’heure où le « Serviteur Souffrant » va devenir le « Seigneur de gloire ».

Comme d’habitude chez Jean, deux niveaux de lecture :
▪️ De premier abord, ce qui semble dominer, c’est l’adieu. Donc, le départ de Jésus et les disciples qui vont rester seuls.

L’impression semble justifiée par les interventions et les questions des disciples :
Pierre : Où vas-tu ? … je te suivrai jusqu’à la mort !
Thomas : On ne connaît même pas ton chemin…
Philippe : Montre-nous le Père, cela nous suffit !
Jude : Pourquoi parles-tu de te manifester à nous seulement, et pas au monde ?

Questions bien concrètes, réalistes, immédiates, pleines d’incertitudes et d’inquiétude.

▪️ Second niveau, ou la signification de ce discours.
C’est la révélation par Jésus du très proche enveloppement trinitaire des disciples. Pour Jésus, il ne s’agit pas seulement d’un discours d’adieu, selon toutes ses composantes d’émotion, de tristesse et de tendresse devant la perte et l’arrachement subit.

C’est un moment solennel et positif de révélation. Il ne s’agit plus de perte et d’arrachement, il s’agit d’un gain insoupçonné.
✨ Cette révélation, la voici : après le départ de Jésus, les disciples vont être enveloppés d’une mystérieuse présence trinitaire.

Fr Joseph

« Claire d’Assise, un exemple lumineux pour le monde… » (1ère partie)

Bien des aspects de la vocation et de la spiritualité de celle qui aime à se nommer « la petite plante de saint François » peuvent éclairer notre vie de foi aujourd’hui. Dans cette 1ère partie nous nous attacherons à la pauvreté et à la symbolique du miroir, avant d’aborder dans la seconde partie la joie et l’action de grâce.

La pauvreté et la symbolique du miroir

Si Claire au eu le souci des plus pauvres dès son enfance, sa rencontre avec François a été un véritable révélateur : elle a reconnu dans la Forme de vie qu’il avait choisie ce qu’elle portait et désirait au plus profond d’elle-même depuis toujours : suivre la vie et la pauvreté du très haut Seigneur Jésus Christ et de sa très sainte Mère. Guidée par les conseils et l’exemple de François, elle place la pauvreté au cœur de sa vie évangélique. La pauvreté qu’elle prône est radicale et exigeante, mais Claire a cette intuition, qu’elle expérimentera tout au long de sa vie, qu’en se dépossédant de tout bien, qu’en s’abandonnant à la volonté du Père et à la divine Providence, elle accède à une joie bien plus grande, à des richesses éternelles. Le dépouillement, donc, mais pas la misère ; la pauvreté, non pas comme une fin en soi, mais comme une vertu qui rend totalement libre et ouvre le cœur pour mieux aimer le Seigneur et chacune de ses créatures, pour tout recevoir de Dieu et se recevoir de lui qui est le « Tout Bien ».
Traditionnellement, les monastères possédaient des biens et des titres de propriété qui garantissaient leur existence et leur permettaient de se vouer à la prière ; Claire, elle, se bat pour obtenir le « privilège de la très sainte pauvreté » pour son Ordre. Rien ne peut l’en détourner, pas même le Pape, sa détermination et son audace ont raison de tous les obstacles : ce privilège lui est accordé, personne ne pourra forcer les Sœurs Pauvres à recevoir des possessions. La pauvreté tient également une place importante dans la Règle qu’elle se décide à écrire, et elle est la première femme à le faire, pour asseoir la Forme de vie qu’elle a choisie et ne plus dépendre de textes rédigés pour d’autres communautés monastiques et qui ne la satisfont pas. « Que les sœurs ne s’approprient rien, ni maison, ni lieu, ni quoi que ce soit. Et comme des pèlerines et des étrangères en ce siècle, qu’elles envoient à l’aumône avec confiance ; et il ne faut pas qu’elles en aient honte, car le Seigneur s’est fait pauvre pour nous en ce monde. Telle est la hauteur de la très sainte pauvreté qui vous a instituées, vous mes sœurs très chères, héritières et reines du royaume des cieux, qui vous a faites pauvres en biens, qui vous a élevées en vertus. Qu’elle soit votre part, elle qui conduit dans la terre des vivants. Totalement attachées à elle, sœurs bien-aimées, pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa très sainte mère, veuillez ne posséder à jamais rien d’autre sous le ciel. » (Reg Cl 8, 1-6) L’approbation tant attendue de cette Règle, qui est largement inspirée de celle de François, lui parvient la veille de sa mort.
Celano nous dit que deux sujets occupaient toutes les pensées de François : l’humilité manifestée par l’Incarnation et l’amour manifesté par la Passion. De même, Claire en regardant le visage du Christ y découvre « … la pauvreté de celui qui a été déposé dans une crèche et enveloppé de petits langes. Ô admirable humilité, Ô stupéfiante pauvreté ! Le Roi des anges, le Seigneur du ciel et de la terre est couché dans une crèche », « … l’humilité, du moins la bienheureuse pauvreté, les labeurs sans nombre et les peines qu’il supporta pour la rédemption du genre humain », « … l’ineffable charité par laquelle il voulut souffrir sur le poteau de la croix et mourir là du genre de mort le plus honteux de tous. » (4 LAg 19-23) Elle ne peut que s’émerveiller du chemin que le Seigneur a emprunté pour nous rejoindre dans notre humanité, du don qu’il a fait de sa vie pour nous révéler son amour et nous faire participer à la gloire de Dieu.
Son expérience de la contemplation du Christ, elle la traduit en utilisant la symbolique du miroir, très présente dans ses Lettres à Agnès de Prague. « Dans ce miroir resplendit la bienheureuse pauvreté, la sainte humilité et l’ineffable charité, comme, avec la grâce de Dieu, tu pourras le contempler par tout le miroir. » (4 LAg 18) Le Christ est le miroir qu’il nous faut contempler car il nous rend visible le Père, il est « la splendeur de la gloire éternelle, l’éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache. » (4 LAg 14) Le contempler, c’est se laisser transformer par lui, en lui, pour devenir à son tour miroir pour les autres, pour être reflet de la divinité dans ce monde. « Pose ton esprit devant le miroir de l’éternité, pose ton âme devant la splendeur de la gloire ; pose ton cœur devant l’effigie de la substance divine et transforme- toi tout entière par la contemplation en l’image de la divinité elle-même ». (3 LAg 13-14) C’est la vocation de Claire et de ses sœurs : « Le Seigneur lui-même, en effet, nous a placées comme une forme en exemple et miroir, non seulement pour les autres, mais aussi pour nos sœurs que le Seigneur appellera à notre vocation, pour qu’elles aussi soient un miroir et un exemple pour ceux qui vivent dans le monde. » (TestCl 19-20) Le Pape Alexandre IV écrit dans la Bulle de canonisation de Claire : « Ô admirable clarté de la bienheureuse Claire ! […] Elle a scintillé pendant sa vie : après sa mort elle rayonne ; elle a éclairé sur terre : au ciel elle luit ! »
C’est aussi la vocation de tout chrétien : être lumière pour ses frères et sœurs en humanité et leur donner à voir dès ici-bas l’amour miséricordieux du Père qui transfigure toute chose et tout être.

P. Clamens-Zalay

PIE IX, UN PAPE À L’IMAGE DE SON SIÈCLE : ENTRE LIBÉRALISATION ET CONSERVATISME

3. Un pape à l’image d’une Église agitée par les sociétés en mouvement.

L’échec de sa tentative de gouvernement libéral étouffa les velléités novatrices du Pape. Désormais, il aspira à défendre son pouvoir temporel indispensable selon lui, à l’indépendance spirituelle de l’Église. Durant le reste de son règne, il ne cessa de lutter contre l’Italie naissante. Emporté par le tourbillon libéral qui balayait l’Europe, ses positions conservatrices ne s’affirmèrent pas seulement en Italie mais concernèrent l’ensemble du continent. Confronté aux patriotes italiens, il accentua les positions adoptées en son temps par Grégoire XVI[1]. Ce pontife, initialement libéral, puis perçu comme réactionnaire, combattit en son temps, la vague de religiosité romantique[2] et de naturalisme rationaliste[3]. Il condamna les doctrines de Lamennais de séparation de l’Église et de l’État et les libertés de conscience et de presse. Cette source d’inspiration nouvelle qui guida Pie IX le conduisit à nourrir une solide opposition au discours de Montalembert prononcé au congrès de Malines de 1863[4]. Il lança l’encyclique Quanta Cura[5], publiée le 8 décembre 1864. Le texte condamna le naturalisme, en particulier le rationalisme moderne et la conception libérale des rapports entre la religion et la société civile ; le socialisme et de manière générale la société moderne. Le texte était complété par une liste de quatre-vingts propositions erronées, intitulée Syllabus[6]. Toutefois, le Pape connut une popularité exceptionnelle tant il suscita l’empathie auprès du « mouvement catholique ». Considéré par beaucoup comme un martyr ; cet homme doté d’un réel pouvoir de séduction, avide de contacts[7], rallia les masses et le clergé. Sa situation fut un accélérateur de l’ultramontanisme[8]. Ce dernier courant était fidèle à la perspective tracée par Pie IX lors du XXe concile œcuménique de l’Église romaine[9], Vatican1, affirmant le principe de la primauté et de l’infaillibilité pontificale. Ce fut ce pape qui forgea le Dogme de l’Immaculée Conception dans la bulle apostolique Ineffabilis Deus[10] en décembre 1854. Le dogme de l’Immaculée Conception proclamait la conception « sans tâches » de la mère du Christ. Cela signifiait qu’elle n’était pas marquée par l’empreinte du péché originel comme l’avaient déjà affirmé de nombreux pères de l’Église[11]. Les apparitions de la Vierge à Catherine Labouré[12] en 1830 puis à Bernadette Soubirous en 1858[13]  procédèrent de ce culte marial en pleine expansion. 
Toutefois, la guerre franco-prussienne entraîna la suspension du concile Vatican1 et la disparition de l’État pontifical, privé de la protection de la France. Les troupes italiennes occupèrent Rome le 20 septembre 1870 désormais capitale du royaume d’Italie[14].
L’ambition affirmée de Pie IX de servir l’Église avec un esprit mystique ouvrit l’ère des papes missionnaires. Certes, son pontificat fut celui d’une Église sur la défensive avec le développement du laïcisme en Allemagne[15], en Suisse, en France mais il fut aussi celui d’un regain de religiosité.  

Le Pape Jean Paul II béatifia le dimanche 3 septembre 2000 Pie IX et Jean XXIII. Associer les deux souleva l’indignation. Ceux qui s’y opposèrent estimèrent que Jean Paul II, en béatifiant Pie IX, voulut ménager les milieux traditionalistes, adversaires de toujours de l’œuvre de Jean XXIII. Deux papes, l’un symbole du conservatisme, l’autre de la modernité[16].
L’Église, c’est aussi des contradictions et le long règne de Pie IX en fut l’expression : comment l’Église peut-elle affronter les défis générés par les évolutions de société ? 


[1] Pape de 1831 à 1846.
[2] Les romantiques songeaient à une individualisation du sentiment religieux plus qu’à une religion instituée, catholique ou reformée.
[3] Le rationalisme considère que l’homme peut réfléchir par lui-même sans intervention de la religion. Pour le naturalisme, l’homme est un être vivant qui naît, vit et meurt. La pensée meurt avec le corps et il n’y a dès lors de vie après la mort. Dans les deux cas, la raison seule juge ce qui est bon et ce qui est mal.
[4] Cf. L’Église Libre Dans l’État LibreDiscours Prononcés Au Congrès Catholique de Malines, Par Le Comte de Montalembert.
[5] « Avec quel soin… » https://www.vatican.va/content/pius-ix/la/documents/encyclica-quanta-cura-8-decembris-1864.html
[6] Un recueil qui dénonçait « les principales erreurs du temps ».
[7] 9 heures d’audience par jour.
[8] L’ultramontanisme (du latin ultra, au-delà et montis, montagne) désigne ce qui est au-delà des monts alpins par rapport à la France, c’est-à-dire l’Italie et plus précisément Rome. Il se manifeste dès les XVIIe et XVIIIe siècles, mais surtout au XIXe siècle. Ses partisans, les ultramontains, considèrent que le pape a la prédominance sur les conciles nationaux pour tout ce qui concerne l’Église catholique (dogme et administration).
[9] Réuni du 8 décembre 1869 au 20 octobre 1870. Sept cents évêques pour « trouver les remèdes contre les si nombreux maux qui oppressent l’Église » 
[10] « Dieu ineffable ». https://www.icrsp.org/Saints-Patrons/Christ-Roi-Immaculee-Conception/Ineffabilis_Deus_Pie_IX.htm
[11], Saint-Augustin, in De natura et gratia « De la sainte Vierge Marie, pour l’honneur du Christ, je ne veux pas qu’il soit question lorsqu’il s’agit de péchés. Nous savons en effet qu’une grâce plus grande lui a été accordée pour vaincre de toutes parts le péché par cela même qu’elle a mérité de concevoir et d’enfanter celui dont il est certain qu’il n’eut aucun péché. »
[12] La Vierge se serait présentée comme « conçue sans péché » à Catherine Labouré.  La médaille miraculeuse a été comme « dessinée » par la Vierge elle-même ! Elle aurait en effet demandé la forme ovale, l’invocation à graver, son effigie à poser sur une face et au revers les motifs symboliques. De ce fait, la Vierge en a donné le contenu ; le message, explicite et implicite, de sa propre identité, sa Conception Immaculée. Ensuite la Sainte Vierge en a donné le mode d’emploi : « Ceux qui la porteront avec confiance », on trouve là comme un écho des paroles de Jésus à la femme guérie après avoir touché son manteau : « Va, ta foi t’a sauvée ». Enfin, la Vierge en assigne le but : recevoir de grandes grâces, nous rappelant ainsi la miséricorde de Dieu et la primauté de la vie spirituelle.
[13] La « belle dame » lui est apparue dans la grotte de Lourdes en lui disant : « Que sòi era Immaculada Concepciou », « Je suis l’Immaculée Conception » en gascon.
[14] Le Pape refusa la « loi des garanties » votée par le Parlement italien en mai 1871 laissant ouverte la « question romaine » résolue par les accords du Latran de 1929.
[15] Kulturkampf, Otto von Bismarck, ne se cachant pas d’être agnostique, voire athée, aspirait à réaliser l’unité de l’Allemagne autour de la Prusse. Pour cela, il convenait de mener un « combat pour la civilisation » qui visait en fait à éradiquer l’influence du Saint-Siège sur l’Église allemande et réduire son influence dans certains territoires allemands comme l’Alsace ou la Bavière. 
[16] Sans porter de jugement ou se lancer dans une démarche de repentance ignorant les réalités des temps, la position des deux sur les Juifs est intéressante à observer. Ainsi, l’affaire Dreyfus à l’italienne que fut l’affaire Mortara ne peut que solliciter notre intérêt. 

ET APRES… C’EST AUJOURD’HUI.

L’après comme un nouvel instant où il y aurait du changement, c’est aujourd’hui.

Quel changement ?

Pour moi, qu’est ce qui change ?

Je ne perçois pas comme un grand changement d’éteindre la lumière, d’économiser l’eau et tout le reste. Actions nécessaires mais minimes, peu mobilisantes face au défi annoncé.

Que m’a fait découvrir cette pandémie.
Nous avons expérimenté notre interdépendance et perçu concrètement notre obligation de solidarité comme frères humains.

Changer mon vocabulaire pour dire les mouvements de population vers l’Europe : horde, invasion, migrants, terroristes, sans papiers, islamistes, flux.
Ce sont, avant tout, des personnes désespérées, abandonnées, tordues dans les règlements administratifs servant de repoussoir.

Nous devons agir collectivement, nous aider, nous soulager, nous parler.
Combattre tous les systèmes d’exclusion dont la télé nous fait le tableau chaque soir.

« TUTTI FRATELLI » nous l’avait dit, nous l’avions même lu, maintenant nous le savons.

Je dois développer la bienveillance vis-à-vis de tous.

Pour mon église.

La province franciscaine de France ne recrute plus et à terme les frères franciscains ne seront plus présents. De même dans chaque diocèse, il n’y a plus de recrutement ou si peu.
A Saint Merry, au milieu de toutes les tensions et contradictions propres à cette nouveauté, l’évêque clos brutalement le débat et renvoi tout le monde !

En confinement, tant bien que mal, les chrétiens ont assuré chacun chez soi ou à plusieurs leur propre liturgie et recueillement. La vie chrétienne pourrait-elle continuer sans les clercs et sans leur autorité ?

La cour pontificale médiévale est complètement obsolète pour nos mentalités contemporaines.
François en son temps a aimanté autour de lui une « foule » d’hommes qui voulaient adopter son nouveau style de vie.

C’est une église nouvelle qu’il faut inventer.
Se défaire de ce que l’on a appris, expérimenté et connu.

Comment nos fraternités pourraient-elles être cette communauté universelle où se célèbrerait le repas partagé ?


Pour la société.

Tout ce qui a été perçu comme « à changer » nous revient en boomerang :
La destruction de l’hôpital, les réformes de l’assurance chômage et du système de retraite au mieux suspendues, renforcement du contrôle aux frontières, les rémunérations exorbitantes des chefs d’entreprise du CAC 40 avec parachute doré, etc.

Le pass-sanitaire, un temps facultatif rendu obligatoire par la bande. Débat au parlement (assemblée nationale et sénat) dans la précipitation, sans possibilité d’amendements, sans consensus qui emporterait l’adhésion du plus grand nombre.

Encore huit cents rescapés en méditerranée autant de noyés.
Les afghans qui s’accrochent aux ailes des avions, qui se font piétinés à mort dans les bousculades. Il faut maîtriser les flux.

Comment porter une force de rupture aux puissances d’argent, du tout marché, du tout se vend, tout s’achète ?

Jacques

VOUS AVEZ DIT EMOTIONS ? BENEVOLAT DANS UNE ECOLE PRIMAIRE A PARIS

Voilà maintenant 3 ans que je suis bénévole dans une petite école primaire catholique à Paris et y propose des séances destinées au développement des « compétences psychosociales » (pour reprendre le jargon officiel en cours ! ;-). Il s’agit de séances destinées à mieux se connaître, notamment par la découverte et la « gestion » des émotions qui nous traversent. Une manière de contribuer à l’apaisement des relations et à l’éducation à la paix.

Toute ma source vient de la Communication NonViolente (CNV) de Marshall B. Rosenberg : suite aux stages « modules de bases » que j’avais eu la grâce de pouvoir suivre, je souhaitais ardemment la partager tant cela m’avait apporté. Et je pensais tout spécialement aux enfants dans un premier temps : moi j’avais attendu d’avoir 40 ans pour apprendre ça, quel temps perdu ! Je me disais que je pouvais déjà en partager au moins quelques « miettes », ce serait toujours ça de gagné pour eux ! Les séances que je propose ne prétendent donc pas être une transmission fidèle de la CNV (il faut beauooooooocoup de temps pour l’intégrer et la pratiquer vraiment !), cependant elles s’en inspirent largement.

Au début j’ai commencé dans une seule des 3 classes maternelles de l’école : celle de Silvia, rencontrée providentiellement lors d’une journée Foi et Lumière chez nous à Fontenay-sous-Bois, et par qui je suis entrée dans cette école. Puis, assez rapidement, le lien se créant dans le secteur des maternelles (il est « géographiquement » un peu à part), je suis intervenue dans les 2 autres classes. Il s’agit de 3 classes maternelles Montessori, avec des enfants âgés de 3 à 6 ans en moyenne (les petite, moyenne et grande sections y sont donc mélangées, à proportion aussi égale que possible), et les maîtresses sont également éducatrices Montessori, formées à l’Institut Maria Montessori.

En arrivant là, j’avais un double objectif : apprendre et m’imprégner le plus possible de cette pédagogie qui m’intéressait beaucoup, pour ensuite partager dans cette dynamique là ce que j’avais compris et intégré du processus de CNV. Cela repose donc depuis le début sur une étroite coopération avec les maîtresses et leurs aides maternelles, et le partage de nos compétences respectives dans un dialogue ouvert aux tâtonnements. Maria Montessori n’ayant pas développé cet apprentissage spécifique (pas en vogue ni au programme scolaire à son époque), nous avions conscience d’innover quelque chose tout en tâchant de rester fidèles à l’esprit d’une pédagogie qui nous précède et nous dépasse, avec l’humilité que cela requiert, notamment par l’accueil de nos erreurs comme faisant partie de notre apprentissage et de notre avancée « pas à pas ». Le fait que nous ayons posé cela dès le début était très libérant à mes yeux, dans le sens où nous ne nous sommes pas fait peser d’attentes ni d’exigences surdimensionnées. L’expérience a été très chouette, et cette première année a aussi été l’occasion de créer de nouveaux outils dans l’esprit de cette pédagogie, et destinés à l’apprentissage des émotions et des besoins (au sens où on l’entend dans le jargon CNV, c’est-à-dire uniquement nos besoins vitaux, ces « énergies de vie » universelles, ces « forces motrices » intérieures qui nous meuvent et nous poussent à développer des stratégies concrètes au service de la vie, pour sa protection et sa croissance – même si on fait aussi le contraire ! Le terme « besoin » n’est donc pas ici employé au sens d’un manque, ni pour désigner une « stratégie » concrète comme cela peut être courant dans notre langage habituel. Par exemple on dira facilement « j’ai besoin d’un stylo » à un moment où il nous manque. En CNV, on distinguera bien la « stratégie » du « besoin », et on ira chercher quelle est l’énergie profonde qui nous anime lorsque nous cherchons la « stratégie » stylo dans cette situation précise et en cet instant t (on pourrait imaginer que c’est le « besoin », la force vitale d’expression/de communication qui est motrice à ce moment-là et me pousse à chercher un stylo pour écrire un message à quelqu’un).

La deuxième année, ayant aussi créé des liens avec les autres institutrices l’année précédente, j’ai continué avec les maternelles, et commencé des séances dans une des autres classes (avec une pédagogie classique : dans cette école seules les maternelles suivent la pédagogie Montessori). Là, c’était une toute nouvelle expérience, avec des séances plus structurées et à durée limitée dans le temps. Un nouvel apprentissage donc, avec des enfants d’une toute autre tranche d’âge, un autre format pour leur partager la CNV, et une autre forme de coopération avec la maîtresse. Une découverte très riche aussi !

Puis le confinement est arrivé et a tout interrompu. Et lorsque je suis revenue, je me suis plutôt rendue disponible pour aider là où c’était nécessaire, la situation étant inédite et l’année scolaire touchant déjà à sa fin.

L’an dernier nous avons eu une année presque normale avec seulement une semaine de fermeture des écoles primaires, ce qui a été très chouette car j’ai pu, cette fois-ci, intervenir tout au long de l’année dans les 8 classes de l’école. Avec les maternelles j’ai continué à peu près sous le même mode que la première année (j’étais toutefois moins présente du fait de mon investissement dans les autres classes), et du CP au CM2, nous avons calé avec chacune des maîtresses, le mode, la durée et le rythme des séances. Là aussi j’ai énormément apprécié la collaboration avec les maîtresses, le partage d’expérience et de compétences, ainsi que leur soutien pour vérifier avec elles que ce que je proposais était bien adapté aux enfants de la tranche d’âge concernée et pour la « gestion de groupe » (dans laquelle je n’avais pas de compétences particulières, et je les prenais en général seule par demi groupes, ce qui fût parfois assez sportif !).

Je rends grâce de tout mon cœur au Seigneur qui par sa Providence a permis cela, et éprouve une profonde gratitude à l’égard de la Congrégation qui m’encourage et me soutient dans cette riche expérience. Je vois que cela m’apporte beaucoup, et me permet de continuer mon apprentissage de la CNV en la pratiquant avec les enfants. Et ce, d’autant plus que le besoin de cohérence, que nous avons tous, est particulièrement « sensible » chez eux. Cela a aussi plein de sens pour moi dans la mesure où ce processus m’aide à vivre davantage de cohérence intérieure pour vivre l’Evangile, notamment pour contribuer à la paix, paix qui est si chère à notre spiritualité franciscaine ! Et cette découverte de nos besoins profonds, ces énergies si vitales qui nous meuvent, est toujours un cadeau : les rejoindre par ce processus est source d’émerveillement et de gratitude devant l’infinie bonté de Dieu et la beauté de sa création. Et bien sûr, comme pour tout le reste, rien n’est définitivement acquis : c’est toujours à re-commencer !!! 😉

Sr Elisabeth Desportes, Sœurs de Saint François d’Assise

Prière de septembre

Tu m’aimes tel que je suis

Seigneur, réconcilie-moi avec moi-même.
Comment pourrai-je rencontrer et aimer les autres
si je ne me rencontre et ne m’aime plus ?

Seigneur, Toi qui m’aimes tel que je suis
et non tel que je me rêve,
aide-moi à accepter ma condition d’homme,
limité mais appeler à se dépasser.

Apprends-moi à vivre
avec mes ombres et mes lumières
mes douceurs et mes colères,
mes rires et mes larmes,
mon passé et mon présent.
………
Donne-moi le courage de sortir de moi-même.
Dis-moi que tout est possible à celui qui croit.
Dis-moi que je peux encore guérir,
dans la lumière de Ton regard et de Ta parole.

Fr M. Hubaut

La pipe qui prie et qui fume de Maurice Chappaz (RÉÉDITION)

La pipe qui prie et qui fume de Maurice Chappaz (Réédition), Edition Conférence, 200 pages, 25€. Lien vers la boutique

Maurice Chappaz (1916-2009) est un écrivain suisse, attaché corps et âme à ses montagnes du Valais. « Seuls les paysans ont une patrie et une religion », dit-il, et en effet son regard d’une méticulosité presque paysanne, nourri par une culture profonde, éclairé par une foi vivante, se voue avec un hétéroclisme voyageur à observer le « oui pur et simple au bonheur ou au malheur d’être né », formule qui est plus qu’une formule tant le pur et le simple suffiraient à qualifier la pleine attention qu’il porte aux gens et aux choses, retranscrite avec une belle constance dans la grande diversité de thèmes et de formes de son œuvre considérable.

La pipe qui prie et qui fume (2008), dernière publication de Maurice Chappaz, est un ultime journal estival du poète qui contemple sa terre et tout ce qu’elle lui suggère en miroir de souvenirs, de rêves, de questions certaines et de réponses incertaines, sans cesse changeantes comme le paysage et le ciel qui s’offrent à ses improvisations méditatives, tandis qu’il fume sa pipe, qu’il inhale et exhale la fumée comme une manifestation de la vie entrante et sortante, que l’on nourrit et qui nourrit. Fumer, prier…
« Prier c’est fumer et souffler vers le ciel cette réalité immédiate ». Celui qui « mordille dans l’au-delà » se rend disponible à l’instant où « La pipe aussi cesse son rêve, s’éteint comme la lune » ; il « avance à reculons comme une écrevisse dans un ruisseau vers un dernier curieux premier jour ». Tout semble apprendre à ne faire qu’un dans la poésie presque synesthésique de Maurice Chappaz où la nature n’est pas séparée de l’homme qui la contemple non pas de l’extérieur, mais de l’intérieur et à l’intérieur de lui, une nature avec laquelle il se confond et qui redevient ce qu’elle est : la Création. « Dieu se parle à lui-même, la nature est son corps et Dieu lui parle, nous lui appartenons. L’esprit de Dieu plane sur nous et si nous l’écoutons nous sommes libres, nous accomplissons notre longue et brève naissance avant de laisser s’échapper l’âme devenue ce qu’elle doit être dans l’éternité. »

Plus qu’illustré — ce dont il n’aurait aucun besoin — le livre est orné de monotypes de Pierre-Yves Gabioud propres à prolonger la méditation inspirée par ces textes et, comme eux, intenses, vibrants et délicats. À défaut de partager une liqueur du Valais avec l’homme que l’on voudrait connaître « vraiment », on peut se plonger dans d’autres ouvrages publiés par le même éditeur, par exemple dans le Journal intime d’un pays qui rassemble une importante collection d’articles lumineux écrits entre 1931 et 2009 par cet auteur terrien et céleste.

Jean Chavot

Pace e bene

Lorsque je travaillais dans l’édition, je me souviens d’un questionnaire adressé par le Syndicat national du livre à toutes les maisons d’édition françaises. Il s’agissait de cocher toutes les cases des domaines dans lesquels pouvaient être classées nos publications. Il se trouve qu’à l’époque, en plus de livres sur l’écologie ou l’économie solidaire, nous publiions des témoignages et des essais sur la construction de la paix. J’ai cherché à quoi ils pouvaient correspondre dans la (longue) liste qui nous était envoyée. En vain. Il y avait bien des cases « armée » ou « art de la guerre », mais d’« art de la paix » ou de « résolution des conflits », point. Cet échec dans ma recherche m’a paru alors en dire long sur nos représentations collectives des situations de violence. Il est loin le temps où Tolstoï intitulait son roman-fleuve « La guerre et la paix »… On peut dire que les médias au sens large, et ce n’est pas nouveau, s’intéressent bien davantage aux ravages de la guerre (qu’il faut évidemment faire connaître) qu’aux efforts de paix qui se développent néanmoins ici et là.

La flambée de violence à laquelle nous venons d’assister au Proche-Orient, et l’impuissance des Nations-Unies à peser sur ce conflit nous rappellent l’urgence de nous unir, en tant que croyants des différentes religions en présence, pour influer sur les décisions géopolitiques de nos gouvernants. Évoquant la situation lors de l’Angélus du 16 mai dernier, le pape François s’écriait : « Ces morts sont terribles et on ne peut pas les accepter. Elles sont le signe que les gens ne cherchent pas à construire mais bien à détruire l’avenir. »

« Construire l’avenir », et y croire… L’affrontement israélo-palestinien est tellement entré dans la routine — désastreuse routine — qu’on avait presque fini par l’oublier. De nouvelles vagues de conflits, partout dans le monde, l’avaient relégué au second plan, alors qu’il continue d’envenimer les relations internationales, et qu’il se développe au cœur même de la Terre Sainte où s’ancre la foi des trois religions du Livre. En effet, comme le dit le pape, on ne peut pas l’accepter, tout comme saint François n’acceptait ni la façon dont l’Église de son époque considérait les « Sarrazins », supposés suppôt de Satan, ni les conflits internes à sa propre région d’Ombrie.

François ne nous a pas laissé de manuel de construction de la paix. Mais une injonction croissante à tenter le dialogue partout où une faille fait entrevoir qu’il est possible. Faille du loup de Gubbio lorsqu’est mise à jour l’origine de sa violence (la faim), faille des brigands surpris d’être traités en frères et nourris, faille du sultan effaré de voir François venir à lui désarmé et pacifique… Tous ces éléments des biographies du Poverello, et bien d’autres, demeurent décisifs par leur symbole et par les démarches qu’ils ont inspiré ensuite aux faiseurs de paix inspirés par la spiritualité franciscaine : par exemple les initiateurs de San’t Egidio, des cercles de silence, ou du comité interreligieux de la famille franciscaine…. Pace e bene.

Construire l’avenir c’est aussi faire connaître ces démarches. On le sait peu, un très grand nombre d’associations œuvrent actuellement, en Israël et en Palestine, dans le sens du dialogue. L’Alliance pour la paix au Moyen Orient (ALLMEP www.allmep.org) en regroupe pas moins de 150, dont toutes sont loin d’être aussi connues que le village de Neve Shalom. Est passée presque inaperçue en mai dernier la pose à Berlin, par des chrétiens, des musulmans et des juifs, de la première pierre d’un lieu de culte commun, la House of one, reliant entre elles par un grand hall commun où des événements et des fêtes pourront être célébrées une mosquée, une synagogue, et un temple protestant. Encore un symbole et une preuve que beaucoup de croyants refusent la fatalité et continuent de croire, en le construisant, à un monde plus pacifique.

M. Sauquet