Bien des aspects de la vocation et de la spiritualité de celle qui aime à se nommer « la petite plante de saint François » peuvent éclairer notre vie de foi aujourd’hui. Après avoir abordé, dans la 1ère partie, la pauvreté et la symbolique du miroir, arrêtons-nous, dans cette seconde partie, sur la joie et l’action de grâce.
La joie et l’action de grâce
Toute la vie de Claire est action de grâce. Il y a, ancrée en elle, une joie profonde que ni la maladie, ni les épreuves ne sauraient ternir.
Joie, tout d’abord, d’avoir été appelée : « Entre autres bienfaits que nous avons reçus et que nous recevons chaque jour de notre donateur, le Père des miséricordes, et pour lesquels nous devons davantage rendre des actions de grâces au glorieux Père du Christ, il y a notre vocation , dont nous lui sommes d’autant plus redevables qu’elle est plus parfaite et plus grande. » (TestCl 2-3) Claire rappelle d’ailleurs dans son Testament que, sur le chantier de Saint-Damien, François, sous l’action de l’Esprit-Saint, lança cette prophétie que le Seigneur ensuite accomplit : « Il y aura là des dames dont la vie renommée et la sainte conduite glorifieront notre Père céleste dans toute sa sainte Église. » « En cela, nous pouvons considérer la très copieuse bienveillance de Dieu pour nous, Lui qui, à cause de son abondante miséricorde et de sa charité, a daigné, par son saint, parler ainsi de notre vocation et de notre élection. » (TestCl 14-16)
Joie de suivre le Seigneur Jésus-Christ sur le chemin de la pauvreté pour s’unir à lui, joie de celle qui a fait don de tout son être pour répondre à l’amour de Celui qui la fait vivre, épouse du souverain Roi. Joie de contempler dans le miroir du Christ la lumière divine au point d’en être irradiée ; sœur Aimée en témoigne lors du Procès de canonisation : « Quand elle revenait de prière, son visage paraissait plus clair et plus beau que le soleil ; de ses paroles émanait une douceur inénarrable, au point que sa vie paraissait toute céleste. » (PCl IV, 4) Joie de découvrir les dons de Dieu en tout et en tous ; sœur Angeluccia nous dit que, lorsque les sœurs sortaient du monastère, « elle les exhortait à ce que, quand elles voyaient les arbres beaux, fleuris et feuillus, elles louent Dieu ; semblablement, quand elles voyaient les hommes et les autres créatures, toujours, de tout et en tout, elles louent Dieu. » (PCl XIV, 9)
Claire se réjouit tout au long de ses Lettres des progrès spirituels d’Agnès et souligne que le bien accompli par l’une des sœurs rejaillit sur toutes : « A la nouvelle de ta bonne santé, de ton heureux état et de tes succès favorables – ils me font comprendre que tu es pleine de vigueur dans la course que tu as entreprise pour obtenir la récompense céleste – je suis d’autant plus remplie de joie et exulte d’autant plus dans le Seigneur que, je le sais et en suis convaincue, tu supplées admirablement à ce qui fait défaut, en moi comme dans nos autres sœurs, pour suivre les traces de Jésus-Christ pauvre et humble. En vérité, je puis me réjouir et personne ne pourrait me rendre étrangère à une joie si grande » (3LAg 3-5) Elle la supplie donc de ne pas laisser s’éteindre en elle cette joie : « Toi aussi, réjouis-toi donc toujours dans le Seigneur, très chère, et que ne t’enveloppent pas l’amertume et la brume, ô dame bien-aimée dans le Christ, joie des anges et couronne des sœurs. » (3LAg 10-11) Elle l’invite à marcher vers le Seigneur dans l’allégresse et la confiance, en embrassant la pauvreté du Christ, et à persévérer sur ce chemin, malgré les obstacles : « Tiens ce que tu tiens, fais ce que tu fais et ne le lâche pas ; mais d’une course rapide, d’un pas léger, sans entrave aux pieds, pour que tes pieds ne prennent pas même la poussière, sûre, joyeuse et alerte, marche prudemment sur le chemin de la béatitude, sans croire à rien, sans consentir à rien qui voudrait te détourner de ce propos, qui mettrait sur ta route de quoi te faire tomber pour que tu n’accomplisses pas tes vœux au Très-Haut dans la perfection où t’a appelée l’Esprit du Seigneur. » (2 LAg 11-14)
Ainsi, toute sa vie, Claire n’a cessé de louer le Seigneur et de rendre grâce « au dispensateur de la grâce ». A l’exemple du bienheureux François, auquel elle se réfère si souvent, elle a choisi de suivre comme lui le Christ pauvre. Elle a découvert combien vivre sans « rien en propre » rend libre. Une liberté intérieure, source de joie et d’espérance, qui lui a donné de pouvoir tout accueillir comme un don du Seigneur, de pouvoir accueillir sa propre vie comme une grâce et d’en faire une action de grâce. Peu de temps avant sa mort, elle adresse ces dernières paroles à son âme : « Va en paix car tu as une bonne escorte pour le voyage. Va car Celui qui t’as créée t’a sanctifiée et, te protégeant toujours comme une mère son fils, il t’a chérie d’amour tendre. Seigneur, bénis sois-tu, toi qui m’as créée. » (Vie 46)
Qu’à son école nous apprenions à contempler Dieu et à le louer dans toutes ses œuvres, à nous réjouir de la vie reçue de ses mains, en lui disant à notre tour : « Seigneur, bénis sois-tu, toi qui m’a créé. »
P. Clamens-Zalay