mettre en cohérence ma propre vie avec celle du monde

« Ayez à cœur de vivre calmement, de vous occuper chacun de vos propres affaires et de travailler de vos mains comme nous vous l’avons ordonné.
Ainsi, votre conduite méritera le respect des gens du dehors, et vous ne manquerez de rien. » (1Thessaloniciens 4, 11-12)

J’ai lu ces versets proposés par la liturgie dans les derniers jours de ce mois, et je me suis interrogé sur le sens qu’ils peuvent avoir pour moi aujourd’hui ; s’occuper de ses propres affaires, travailler de ses mains, ma conduite, qu’est que cela signifie pour moi en cette fin d’été 2021 ?

J’ai 75 ans aujourd’hui, âge auquel les clercs, qu’ils soient diacres, prêtres ou évêques ne peuvent plus exercer de responsabilités dans l’église ; je pense qu’il serait sage d’appliquer ce principe aux autres activités qui rythment nos jours et donc je m’interroge : quelles sont les responsabilités que j’exerce encore et qu’il serait bon que j’abandonne. Sans prendre les versets de l’apôtre Paul « au pied de la lettre », je m’interroge sur le bien fondé de ce que j’apporte à la collectivité dans les domaines où j’interviens, et comment choisir entre mes intérêts propres et ceux du commun ?

En effet, j’entends ces versets de la première lettre aux Thessaloniciens comme un appel à mettre en cohérence ma propre vie avec celle du monde ; n’y a-t-il pas là les prémices du principe du bien commun, l’un des piliers de la doctrine sociale de l’Eglise ?

En ce temps où l’une des préoccupations principales de notre planète est la défense de l’humanité contre un méchant virus, nous voyons apparaître les clivages entre les personnes ou collectivités qui privilégient le bien commun et celles qui défendent des intérêts particuliers au détriment de tous. L’exemple le plus criant au niveau des individus est le refus de la vaccination par ceux qui mettent en avant la primauté du principe de la liberté individuelle ; ce principe peut-il tenir lorsque la vie de la collectivité est en jeu ?
Au plan national, la préoccupation dominante semble être la préparation de l’élection présidentielle de 2022 ; avec quels électeurs ? La très faible participation aux scrutins régionaux du début d’été a confirmé le désintérêt progressif de nos concitoyens pour la démocratie. Durant le repos estival, j’ai pris le temps de lire le livre de Jérôme Fourquet, « L’archipel français », qui tente une explication à ce phénomène en montrant sa complexité à partir des études et données statistiques accumulées sur plusieurs décennies. Sa conclusion est que notre pays est devenu progressivement (il n’est pas le seul dans cette situation en Europe) une nation éclatée en un certain nombre d’ilots qui n’ont plus de références culturelles communes : « une nation multiple et divisée qui n’a plus de référentiel commun ». Il fait apparaitre quelques causes de cette situation : le chômage, conséquence de la désindustrialisation de certaines régions dans la phase de mondialisation, la ghettoïsation de quartiers urbains par la concentration de la pauvreté et par la drogue, le recul de l’éducation, en grande partie lié aux ghettos, mais pas uniquement. Si les causes sont anciennes, mais ont connues une accélération durant les cinquante dernières années, les remèdes, eux, n’apparaissent pas comme des évidences. Faut-il désespérer pour autant ?
Mais que faire ?

Les questions s’accumulent et je ne trouve pas les réponses ; alors je vais essayer de suivre les recommandations de Paul et me concentrer sur mes « propres affaires », sans pour autant oublier les autres.

Jean-Pierre Rossi