On peut être peu sensible aux miracles et peu enclin au mysticisme tout en étant bousculé par certains phénomènes inexplicables. On peut être rétif à la vénération, être résolument méfiant voire hostile aux pratiques mercantiles, mais interpellé par les miracles, manifestation de Dieu révélant sa présence par un acte étrange qui ne semble pas pouvoir être expliqué scientifiquement. On peut être dubitatif, moqueur, mais tout de même intrigué par ces foules attirées par le saint capucin de San Giovanni Rotondo. Le pape François lui-même se rendit en mars 2018 sur les terres de Padre Pio. Il y avait alors 50 ans que le saint considéré comme le plus populaire d’Italie était mort et cent ans qu’étaient apparus les stigmates de la Passion du Christ sur ses mains, ses pieds et sa poitrine. Le souverain pontife célébra la messe face au sanctuaire devant 40 000 fidèles. Mais qui était ce personnage tant vénéré ?
Ce fut à l’ouest de la chaîne des Apennins en ses terres fertiles couvertes de vignobles, d’oliviers, d’orangers et de citronniers, à l’ombre du tempétueux Vésuve, que naquit Francesco Forgione le 25 mai 1887 en la petite cité béneventane de Pietrelcina. Dans cette partie méridionale de l’Italie qui borde la baie de Naples, Grazio et Maria Giuseppa baptisèrent dès le lendemain de sa naissance leur enfant, comme cela se pratiquait souvent à l’époque. Le petit Francesco, très pieux, de santé fragile, se rendait à l’église le matin et le soir afin de prier. Un de ses directeurs spirituels affirma que le jeune Francesco était confronté à des expériences mystiques dès l’âge de 5 ans. En toute naïveté, le petit garçon pensait que tous les autres enfants recevaient des grâces similaires. Certains racontaient qu’il s’était consacré à Dieu dès l’âge de 5 ans et que Jésus lui était apparu sur l’autel de l’église de sa paroisse et avait posé la main sur sa tête. Francesco fit sa première communion à l’âge de 12 ans et sa confirmation un an plus tard. Il était issu d’une famille paysanne pauvre et ses parents ne savaient ni lire ni écrire. Pourtant, ils formaient de grands espoirs et espéraient que leur fils devînt prêtre. Or, petit garçon, Pio confia à ses parents son désir de devenir religieux. Ceux-ci demandèrent alors aux frères capucins du monastère le plus proche de l’accepter. À cette époque, Pio n’avait été à l’école publique que pendant trois ans et les frères répondirent qu’il devait attendre encore avant d’être admis.
Confiant en la vocation de son fils, son père souhaita lui offrir une éducation de qualité qui nécessitait qu’il gagnât plus d’argent. Il décida donc de partir pour l’Amérique travaillant en Jamaïque et à New York. Ainsi, put-il envoyer de l’argent en Italie pour que Francesco pût bénéficier d’un professeur particulier ce qui permit que le 6 janvier 1903 à l’âge de seize ans à l’adolescent d’entrer au noviciat de l’Ordre des Frères Mineurs Capucins à Morcone. Ce fut en ce lieu que, le 22 du même mois, il revêtit l’habit franciscain et prit le nom de Frère Pio. Une fois achevée l’année du noviciat, il fit profession en émettant les vœux simples et, le 27 janvier 1907, les vœux solennels, …
Érik Lambert