Le présent de Noël
Chaque année, Noël nous rappelle que le Verbe s’est fait chair. Les familles célèbrent le don incommensurable que constitue la Nativité par l’offrande de cadeaux aux enfants, reconnaissant ainsi, à leur mesure, le don miraculeux que Dieu fit de son fils au monde. Bien que l’on se souvienne trop peu, au pied du sapin, de la signification spirituelle de cette réciprocité, son sens reste présent dans la tendresse qu’exprime le geste de donner comme dans la joie qui brille aux yeux des petits et des grands.
Mais rappelons-nous qu’au premier de tous les Noëls, le roi Hérode, croyant son règne menacé par un nourrisson, fit massacrer tous les nouveau-nés de Bethléem, aujourd’hui ville de Cisjordanie occupée où le deuil des milliers d’enfants gazaouis morts sous les bombes recouvrit la joie d’un voile noir. Dans un registre moins effroyable, étonnons-nous que nombre de municipalités françaises, sous l’emprise d’une conception erronée de la laïcité, voire inspirées par le wokisme, dénaturent le contenu et les formes traditionnelles des festivités de Noël pour des raisons idéologiques alors que leurs administrés, toutes populations confondues, y sont spontanément attachés. Déplorons enfin qu’un tiers des français envisagent de revendre leurs cadeaux de Noël et que beaucoup le font le soir même sur les sites de revente en ligne, faisant ainsi preuve d’un mépris de l’amour inscrit dans le don égal à leur considération de sa valeur marchande. Ces exemples, de natures et de gravités inégales, illustrent à quel point, sans cesse et dès l’origine, l’Incarnation est à la fois un mystère présent en toute chose et une réalité déniée, combattue ou ignorée.
Nul ne sait quel jour naquit Jésus et peu importe l’historicité de détail au regard du fait de l’incarnation qui se produit non pas un jour, mais à chaque instant et en tout lieu, en chacun, entre chacun et dans nos sociétés. De même que la Création qui eut elle aussi un début, l’Incarnation con-tinue incessamment de se manifester depuis que l’Épiphanie la révéla, après la première annonce aux bergers rejetés dans la misère, aux Mages qui en transmirent la portée universelle. Rien ne peut re-tenir Dieu d’agir continuellement dans et sur sa Création, en particulier dans et sur l’homme qu’il a créé à son image afin qu’il collabore à sa volonté ; rien, pas même la chute ni le péché dont il nous sauva par la mort sur la croix et la résurrection de son Fils. S’il a choisi de s’incarner à un moment précis de notre histoire, c’est pour nous éduquer, pour nous accompagner jusqu’à l’accomplissement de nos vies de créatures divines, c’est-à-dire pour nous relever de notre imperfection, nous qui sommes issus de sa perfection, afin que nous avancions vers le but final de notre divinisation par le retour dans le sein du Père dont nous aurons enfin su nous montrer dignes. S’incarner, c’est prendre chair, c’est assumer l’imperfection pour mieux la comprendre et la résoudre. Il nous est impossible de mesurer ce que « prendre chair » signifie pour Dieu de sacrifice et d’amour, si ce n’est, à notre di-mension, en prenant nous-mêmes la mesure de notre propre imperfection, non pas pour nous en punir mais pour mieux accueillir l’enseignement qu’Il nous prodigue à chaque seconde par sa Pré-sence en nous et parmi nous, dans le moindre de nos actes, dans la plus fugace de nos relations et la plus insignifiante de nos paroles et de nos pensées.
François d’Assise nous enseigne dans sa première admonition que l’Incarnation se rend visible dans l’Eucharistie, moment privilégié où Dieu quitte sa magnificence pour venir à nous dans la forme d’une humble hostie à partager. Voyons-nous Dieu pour autant, Lui que n’a jamais vu que le Fils ? Le premier des préceptes est de l’aimer de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, mais parce que notre péché nous rend aveugle à sa perfection, c’est par l’application du second précepte que sa grâce se rend perceptible à nous : « Aime ton prochain comme toi-même. » Sans doute, la difficulté d’en faire notre règle de vie n’est-elle pas la moindre de nos imperfections. Et pourtant, ressentir sa Présence est le plus grand des bonheurs, limpide comme la joie d’un enfant qui se sait aimé.
Le comité de rédaction