INTERVIEW RÉALISÉE AUPRÈS DE NOS SŒURS FMM DE CLICHY- SOUS-BOIS (2ÈME PARTIE)

Sœur Jolanta : C’est un appel du diocèse : l’évêque a choisi avec son conseil de développer le sanctuaire, avec le projet de la construction de cette église Jean XXIII – au service du sanctuaire Notre-Dame-des-Anges – et d’emblée a été prévu un logement pour une communauté religieuse. Le désir de l’évêque était de rendre ce lieu vivant, ouvert presque continuellement, et d’y développer l’accueil pour permettre à plus de personnes de participer à un pèlerinage. La chapelle étant toute petite, il n’était pas possible de recevoir des groupes. Nous avons donc répondu à cet appel. Il nous a été demandé de veiller à l’accueil et de partager notre prière. Ainsi, nous prions à l’église et les gens peuvent venir se joindre à nous. Nous avons commencé par les vêpres et l’adoration, le soir, car nous gardons chacune nos engagements dans la journée. C’est la 1ère année, nous construisons et découvrons cette mission au fur et à mesure. L’objectif, c’est aussi que tout ne repose pas sur nous, mais que d’autres personnes constituent des équipes d’accueil, avec des permanences, pour garder ce lieu ouvert le plus possible.

Sœur Ana : Pour moi, au début, il était difficile d’imaginer une communauté sans chapelle. Dans toutes nos implantations, même en HLM, il y a toujours une chapelle ; pas ici, justement parce que l’évêque voulait qu’on prie avec les gens et que ce soit dans l’église. Maintenant, je réalise que notre communauté a une « grande chapelle » qui est ouverte à tout le monde. Après quelques mois, on commence à s’approprier cette mission et on comprend mieux la vision de l’évêque d’une vie religieuse ouverte sur le monde. D’ailleurs, l’église est entièrement vitrée…

Sœur Jeanne : Je suis arrivée à Clichy-sous-Bois il y a 5 mois seulement, mais j’ai l’impression que les gens viennent ici pour prier, pour visiter le sanctuaire ou pour partager leurs difficultés. C’est compliqué pour moi et je me rends compte de mes limites : sur le plan de mes connaissances théologiques, de la langue – je ne suis en France que depuis 3 ans – et de la culture française ; mais cela m’a permis d’expérimenter la puissance de Dieu…Le plus important, ce n’est pas d’apporter une solution, c’est d’être avec ces personnes. Nous avons un modèle : la Vierge Marie au pied de la Croix Elle est restée aux côtés de Jésus, elle n’a rien fait, elle portait la Croix avec lui. Visiblement, on ne fait rien, mais c’est notre présence, notre soutien qui comptent.

Sœur Marie : C’est d’abord la disponibilité. Se rendre disponible aux autres. Cela demande une grande adaptation, aussi, parce qu’il faut pouvoir laisser ce que je suis en train de faire pour accueillir les autres. Par exemple si je suis occupée à faire la cuisine et que quelqu’un sonne, je descends. Les gens viennent ici pour découvrir le sanctuaire, pour prier ; ils sentent une présence qui les touche.

Sœur Julienne : Si je fais le lien entre notre vocation franciscaine et la fraternité universelle, je me dis : « Rien ne se fait par hasard avec le Seigneur ». Vivant dans ce sanctuaire, nous répondons aux différents aspects de notre charisme : Franciscaines, Missionnaires / universelles et Mariales, dans le sens où, ici, nous rencontrons le monde entier à travers des personnes de différentes cultures et religions. Elles trouvent toutes leur place dans ce sanctuaire marial ; elles le visitent, elles prient, pour certaines, avec nous à l’Adoration et aux Vêpres, elles demandent de l’eau de la source…. L’évêque de Saint-Denis, Mgr. Pascal Delannoy, nous a envoyées pour une mission d’accueil et d’écoute de ceux qui viennent en ce sanctuaire Notre-Dame-des-Anges. Nous n’avons sûrement pas de solutions adaptées aux attentes de toutes ces personnes ; en revanche, nous pouvons prendre le temps de les écouter, d’être avec elles. Notre mission ne s’arrête pas seulement aux chrétiens, elle est ouverte à tous. Elle se traduit par notre présence, par l’accueil fraternel, la disponibilité, l’ouverture ; j’y vois l’esprit de François qui allait à la rencontre du Seigneur à travers tous ceux qui venaient à lui.

Sœur Jeanne : Nous avons d’abord reçu de l’Institut la vie communautaire, et elle est à peu près la même dans toutes les communautés. Quelques semaines après mon arrivée, le curé a fait savoir qu’il y avait besoin d’une sacristine, j‘ai accepté. Jolanta, notre responsable, m’a questionnée sur mes centres d’intérêt ; je voulais visiter les malades à l’hôpital ou à domicile. C’est devenu ma mission. On m’a fait d’autres demandes mais ça nécessite de discerner et de discerner avec la communauté car ce n’est pas ma mission, mais celle de la communauté. L’équilibre entre les deux vies n’est pas difficile, il faut pouvoir réfléchir et décider avec les sœurs, nous devons faire des choix ensemble.

Sœur Ana : Dès le début, notre fondatrice a voulu que nous vivions du travail de nos mains. Pour moi, c’est très important. Chacune a un mi-temps et ce n’est pas toujours facile de concilier vie religieuse et vie de travail à l’extérieur. Je travaille dans la Pastorale des jeunes. Au moment des vacances scolaires, je n’ai pratiquement rien à faire ; quand il y a des temps forts – la confirmation, les camps d’été… – là c’est plus compliqué. Il faut toujours chercher cet équilibre, et ce n’est pas évident. Mais ce que j’apprécie beaucoup c’est que je sens que la communauté me porte. Parfois je suis en vacances et je pense à mes sœurs qui travaillent, alors je fais la cuisine, le ménage…Mais quand je suis surchargée et que j’ai mille choses à faire, c’est la communauté qui me porte dans la recherche de cet équilibre. Et je trouve ce partage entre vie communautaire et vie de travail très sain pour notre vie spirituelle.

Sœur Marie : C’est la communauté qui m’envoie en mission. Pour trouver un équilibre, il y a un discernement communautaire. J’ai été envoyée dans une école où je travaille comme animatrice périscolaire. Les gens ont découvert petit à petit que j’étais catholique, ensuite ils ont découvert que j’étais religieuse. Quand je rentre, nous pouvons partager, avec les sœurs, sur nos rencontres, nos activités, et ce partage fait partie de notre vie fraternelle. Pour la prière, nous avons chacune notre temps d’oraison, il y a aussi les laudes, l’adoration et les vêpres. Pour les laudes, nous prions ensemble, en communion. Par conséquent, si je suis absente, je suis en communion, je suis portée par la communauté. J’ai des journées parfois très chargées et quelques fois, je me demande pourquoi je n’ai pas choisi un autre métier, mais nous partageons la pauvreté et la précarité de ceux qui nous entourent. Nous sommes solidaires de ces gens, et en même temps nous sommes privilégiées…

Sœur Jolanta : Moi, je dirais que c’est un combat de tous les jours. Il y a tout d’abord ce premier discernement : le choix d’un engagement, le choix d’un travail qui soit compatible avec la vie communautaire, la vie de prière. Ensuite, chaque jour, il y a un choix entre les obligations, les imprévus et la vie communautaire. Dans mon travail, je suis soumise à des contraintes, par exemple des horaires que je ne peux pas changer. Mais, après, il y a tous les jours des rendez-vous, des rencontres, et là je choisis de les prolonger ou d’arriver à l’heure pour la prière, pour le repas avec la communauté. C’est à ce niveau qu’il y a un combat quotidien. Ce n’est jamais acquis, tous les jours il faut s’adapter. Comme le dit Saint François : « Jusqu’à présent, nous n’avons rien fait, commençons !» C’est là aussi que la communauté joue son rôle : nous avons des temps de rencontres, des temps de bilan, de relecture, des temps où nous pouvons nous interpeler les unes les autres pour nous réajuster dans notre façon de vivre ensemble, nous rappeler nos priorités, nos engagements et continuer, et …recommencer…

Sœur Julienne : Nos constitutions, tout comme l’Évangile, nous donnent des orientations et nous essayons de les mettre en pratique. Le projet communautaire définit notre vie en communauté et nos engagements à l’extérieur. La relecture de ce projet nous permet d’ajuster ce qui peut être obstacle à la vie de prière et à la vie communautaire. Nos constitutions nous aident à réfléchir sur nos engagements extérieurs et François nous rappelle « que le travail ne doit pas éteindre en nous l’esprit d’oraison ». La vie communautaire ne doit pas être entravée par les missions extérieures. En tant qu’aumônière à l’hôpital, avec les temps de transport et les horaires qui peuvent changer, c’est parfois compliqué, mais j’essaie de garder cet équilibre. Et en communauté, nous nous portons mutuellement.

Propos recueillis par Pascale Clamens-Zalay, le 21 janvier 2024