« Comment reconnaître la volonté de Dieu et s’y ajuster… en toute liberté ? »

Parler de la volonté de Dieu dans notre vie et de la meilleure manière de nous y ajuster, c’est nous heurter, parfois, à un écueil majeur qui consisterait à croire que Dieu a, par avance, et de manière définitive, tracé un chemin pour chacun d’entre nous. Chemin qu’il nous faudrait à tout prix identifier et suivre le plus fidèlement possible, au risque, sinon, de nous perdre et de nous écarter totalement de ce plan divin… Qu’en serait-il alors de notre liberté ?
Dieu s’adresse ainsi à Israël dans le Livre du Deutéronome : « je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Dt 30,19) car si Dieu a, de toute éternité, un dessein pour l’humanité, c’est celui de son salut et de son bonheur.
« Et nous savons, dit Saint Paul, qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien ». (Rm 8,28)
Dieu veut l’homme debout, vivant et heureux, il lui offre la vie pleine et en abondance (Jn 10,10). Mais Dieu ne s’impose pas, pas plus qu’il n’impose sa volonté…Nous sommes et resterons toujours libres de nos choix. Bien sûr, il pourrait être plus confortable et plus sécurisant pour nous d’emprunter une voie toute tracée, nous affranchissant du doute, de l’incertitude et du risque. Cependant, l’amour bienveillant du Père ne peut nous contraindre ; bien au contraire, il respecte totalement notre liberté. Cela ne signifie pas pour autant que Dieu nous ignore ou nous délaisse. Comme le père du fils prodigue, il patiente, tantôt présent à nos côtés, tantôt nous devançant sur la route, mais toujours prêt à nous accueillir et à construire du neuf avec nous.
Ainsi donc, Dieu n’attend pas de nous une réponse unique et prédéterminée à un plan prévu de longue date. Par contre, son désir est que nous fassions librement des choix, à partir de tout ce qui nous constitue (notre histoire, notre tempérament, nos rencontres, nos envies, nos talents…) afin de répondre aux questions ou aux appels que nous percevons. Pour y parvenir, il nous revient de prendre le temps et les moyens du discernement.
Comme l’écrit Michel Rondet : « Le discernement, dont nous dirons l’importance, ne nous livre pas, tels quels, les projets de Dieu sur nous ; il nous dispose à reconnaitre dans nos désirs et nous souhaits ceux qui peuvent se réclamer de l’Esprit du Christ ; ce n’est pas la même chose ! » (Dieu a-t-il sur chacun de nous une volonté particulière ? revue Christus, n° 144)
Ce discernement s’appuie sur plusieurs éléments : l’accueil et la relecture de certains évènements qui peuvent être autant de signes pour nos choix à venir. Le recours à des personnes de confiance pour nous écouter, nous conseiller, nous accompagner. La fréquentation de la Parole de Dieu, non pour nous dicter notre décision, mais pour conformer cette dernière aux attentes de l’Évangile.
Et surtout la prière, pour purifier nos désirs sous l’action de l’Esprit Saint et nous recentrer sur cette relation intime avec le Père qui ne nous veut que du bien, pour nous rendre libres intérieurement et prêts à tout recevoir.
Ce sont autant d’éléments déterminants pour éclairer notre conscience et notre jugement ; et ce qui vérifie la justesse de la décision prise c’est le climat de paix et de confiance qu’elle engendre.
Pour autant, rien n’est figé. En premier lieu, parce que nous pouvons nous tromper « en toute bonne foi »… (nous l’avons vu avec François d’Assise, dans son interprétation de certains évènements, avant sa conversion.). Ensuite, parce que nos choix, sans être inconstants, peuvent être amenés à évoluer malgré tout, à chaque étape de notre vie, en raison des circonstances, des rencontres…Il ne faut pas en avoir peur, au contraire c’est bien la preuve qu’il n’y a aucun déterminisme en Dieu. « L’amour de Dieu nous précède […] Si Dieu a bien un désir sur nous, c’est d’abord celui de nous voir porter du fruit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16). « On ne peut mieux souligner à la fois l’antériorité du désir de Dieu et son vœu profond : nous voir assumer pleinement notre liberté. Comme l’amour suscite l’amour, la liberté éveille la liberté : celle de Dieu éveille celle de l’homme. » (Michel Rondet)
L’inattendu fait partie intégrante de notre existence. Il peut nous désarmer ou nous paralyser, mais il peut également nous révéler d’autres perspectives que nous n’avions pas envisagées jusqu’alors.
On ne redira jamais assez l’importance d’une vie intérieure nourrie par la prière. Se mettre à l’écoute de l’Esprit du Seigneur qui habite en nos cœurs… Si nous le laissons agir en nous et nous guider, l’Esprit peut nous libérer de nos égoïsmes et de nos peurs, et nos décisions porteront SES fruits : « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ». (Ga 5, 22-23) C’est ainsi que saint Augustin peut dire : « Aime, et fais ce que tu veux. »
Enfin, sommes-nous capables, à l’exemple de François, de renoncer à notre volonté propre pour nous ouvrir à la volonté de Dieu et nous en remettre totalement à son amour, toujours fidèle et bienveillant ? Renoncer à notre volonté, ce n’est en rien subir…c’est choisir, encore une fois librement, de s’abandonner au Père en toute confiance puisqu’il veut notre bonheur, c’est croire à Celui qui voit plus loin et plus grand que nous, puisqu’il nous a créés à l’image de son Fils. C’est lui dire oui, de manière inconditionnelle, et c’est choisir la vie, avec lui, et en redevenir acteur.
Charles de Foucauld l’exprime parfaitement dans sa Prière d’abandon : « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt à tout, j’accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d’autre, mon Dieu. Je remets mon âme entre tes mains. Je te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur, parce que je t’aime, et que ce m’est un besoin d’amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père. »

P. Clamens-Zalay