François Leclerc du Tremblay

Francois Leclerc du Tremblay (1577-1638)

Il fait l’objet de nombreux livres ; Alfred de Vigny lui attribua une responsabilité dans l’exécution du jeune conspirateur Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, marquis de Cinq-Mars[1], alors qu’Aldous Huxley lui consacra en 1941 une biographie[2] ; il apparaît par ailleurs dans un drame lyrique de Gounod[3], eut l’honneur des colonnes du Monde Diplomatique[4] en avril 1958, apparaît dans des films, figure en arrière-plan de la célèbre œuvre picturale de Henri-Paul Motte, Richelieu au siège de La Rochelle[5] et eut même le privilège d’être portraituré au XVIII°siècle[6]. Il fut par ailleurs l’objet d’une huile sur toile du peintre académique Jean-Léon Gérôme conservé au musée de Boston[7]. Enfin, l’intérêt qu’il suscite encore de nos jours se manifeste par les multiples podcasts[8]qui lui sont consacrés. Mais qui était ce personnage énigmatique ?

François Leclerc du Tremblay, dit « Père Joseph » fut un homme d’une telle influence que l’historiographie française du xix° siècle et du début du xx° siècle forgea le concept d’« éminence grise », concept inspiré par la figure de ce capucin, principal collaborateur du cardinal de Richelieu. Dans Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas n’écrivit-il pas : « Après le roi et M. le cardinal, M. de Tréville était l’homme dont le nom peut-être était le plus souvent répété par les militaires et même par les bourgeois. Il y avait bien le père Joseph, c’est vrai, mais son nom, à lui, n’était jamais prononcé que tout bas, tant était grande la terreur qu’inspirait l’éminence grise, comme on appelait alors le familier du cardinal ». Sa robe grise de capucin fut mise en parallèle avec celle, rouge, du cardinal de Richelieu et devint l’archétype de l’éminence grise. Homme talentueux et efficace, travaillant dans l’ombre de Richelieu, il exécutait des missions secrètes pour le cardinal. Le contraste entre le vu et le caché est essentiel pour percevoir le concept d’« éminence grise ». Adjoint du premier ministre de Louis XIII, le « Père Joseph » fut un collaborateur de qualité à tel titre que Richelieu demanda à Rome le chapeau de cardinal pour celui qui ne le quittait jamais ; d’où le nom d’« éminence ». Perpétuellement malade, Richelieu pensait sans doute à son homme de confiance pour lui succéder, et c’est pour cela qu’il contribua à l’élever au cardinalat. Mais, le père Joseph mourut avant lui le 18 décembre 1638. 

Tremblay était un ecclésiastique sans position à la cour, devenu l’un des principaux diplomates royaux et une sorte de ministre des affaires militaires. Ce statut ecclésiastique fut très important car il induisit longtemps l’idée qu’une éminence grise était nécessairement un homme d’Église. Capucin, il était vêtu de gris, couleur parfaitement associée avec le symbole de ces « zones grises[9] » entre l’ombre et la lumière où œuvrent depuis les Arcana imperii[10] de l’Antiquité, ces personnages obscurs qui étaient parfois plus puissants que les puissants. Du reste, Molière dans Le Tartuffe illustra les obsessions nourries au XVII°siècle pour la dissimulation, stratégie qui fut dénoncée avec l’avènement de la démocratie. 

François-Joseph Leclerc du Tremblay naquit le 4 novembre 1577 à Paris d’une famille de parlementaires[11]. En effet, son père fut président aux requêtes du Parlement de Paris, puis ambassadeur à Venise et enfin chancelier de François d’Alençon[12]. Il reçut une éducation humaniste, d’autant qu’hormis sa mère, personne ne devait lui parler autrement qu’en latin et en grec. Il aurait probablement suivi la tradition de robe paternelle si le veuvage de sa mère, Marie de La Fayette, n’en avait décidé autrement. En effet, son père mourut en 1587, en pleine période ligueuse. François avait alors 10 ans. Les troubles politiques incitèrent sa mère à se retirer dans leur château du Tremblay, près de Montfort-L’Amaury. Ce fut là que le jeune François découvrit Saint -Augustin. « J’avais joué aux cartes, ri et folâtré à bouche ouverte, quand, au-dedans, je conçus soudain une grande mutation de sentiments ; sur les parties basses de mon âme, s’épandit une rosée de délectation divine. ». Sa mère, issue d’une famille de noblesse d’épée, préféra diriger son aîné vers la carrière militaire. Né dans un milieu très ouvert pour l’époque, animé tant par le service de l’État que par l’intérêt manifesté pour les questions religieuses, sa filiation parentale lui permit de prendre le titre de baron de Maffliers en 1595. Ce titre contribua par ailleurs à sa fortune et le mit en relation avec quelques grandes familles de la cour, les Joyeuse, les Retz et les Montmorency. Du reste, Joseph-François reçut une éducation nobiliaire et, à 18 ans, fit plusieurs voyages initiatiques en Italie et en Allemagne, expérimenta sa bonne connaissance des langues, séjourna à la cour sous la protection du connétable[13] de Montmorency, s’initia au métier des armes, fréquenta la célèbre académie équestre d’Antoine Pluvinel et participa, en 1597, à son premier fait d’armes, au siège d’Amiens. 

Sa décision de rompre avec sa carrière de noble d’épée n’était pas une tocade car il avait déjà côtoyé les milieux dévots parisiens. Il fréquenta le collège de Boncourt[14], rencontra André du Val[15] et Pierre de Bérulle, deux figures de proue du renouveau spirituel à l’aube du Siècle des Saints. Ce fut Bérulle, le futur fondateur de l’Oratoire, qui le fit entrer dans l’un des plus célèbres foyers religieux de la capitale : l’hôtel de Madame Acarie. Par ailleurs, Joseph fut, dès son enfance sujet à des « visions sataniques » tout en nourrissant un profond sentiment de culpabilité qui le conduisit, le 2 février 1599, à prendre l’habit gris des capucins sous le nom religieux de Père Joseph. Soucieux de fuir le monde qu’il aspirait à réformer, son amitié avec Pierre de Bérulle[16] le conforta dans son ambition de jouer une rôle spirituel. Selon ledit Bérulle, le catholicisme français était déchiré entre les « catholiques royaux » qui situaient l’Église dans l’État, et les « catholiques zélés » qui situaient l’État dans l’Église. Refusant le catholicisme royal, conjoignait mystique et politique, Bérulle entendait réformer le corps de l’Église en pariant sur le fait que le roi finirait par ne plus tolérer les hérétiques en son royaume. Le choix opéré par François Leclerc du Tremblay de rejoindre les Capucins n’était pas anodin : cet ordre franciscain austère, très attaché à l’entourage de feu roi Henri III avant de verser dans la Ligue catholique, était connu pour avoir déjà accueilli plusieurs membres de la cour, comme le marquis de Querfinian et le célèbre Ange de Joyeuse[17].

Créés en 1525 par Matteo di Bassi dans le but de restaurer la règle franciscaine dans toute sa rigueur, les Capucins exerçaient au XVIIe siècle, par leur ardeur militante, une influence grandissante. Au moment des grandes crises de subsistances et des épidémies, avec leur capuche, pieds nus dans des sandales, ils circulaient parmi les malades, payant de leur personne, très souvent au prix de leur vie. Ordonné prêtre en 1604, le père Joseph devint alors un mystique et un missionnaire à l’activité débordante. À l’intérieur de l’ordre, son ascension fut rapide. Il fut successivement maître de philosophie à Paris, maître des novices à Meudon, supérieur de la maison de Bourges avant d’être envoyé dans la province tourangelle comme coadjuteur du provincial. Le père Joseph se signala aussi par un grand nombre d’initiatives. Il organisa les grandes missions capucines dans les régions calvinistes de l’ouest du royaume, il mena également la réforme de l’abbaye de Fontevraud et fonda la congrégation des filles du Calvaire. Ce nouvel ordre de moniales, dont il devint le directeur de conscience attitré, reçut alors le soutien de Marie de Médicis à Paris et de Richelieu à Loudun. Cette rencontre avec la reine mère et le jeune évêque de Luçon, Armand Du Plessis plus connu sous le nom de Richelieu, fut décisive pour son avenir politique, puisqu’on le sait, cela lui permit de devenir l’agent et le principal conseiller de « l’homme rouge », après que celui-ci eut été rappelé aux affaires d’État. Ils se rencontrèrent en 1610 ou 1611 alors qu’ils travaillaient tous les deux à la réforme de Fontevraud. Avide de pouvoir, Richelieu, dont l’origine sociale et l’éducation étaient très proches de celles du père Joseph, comprit le bénéfice qu’il pourrait retirer de l’amitié du capucin, qui connaissait parfaitement les milieux de la cour. L’existence du Père Joseph suivit dès lors un nouveau chemin. 

Érik Lambert


[1] A. de Vigny, Cinq-Mars, publié en 1826. A.de Vigny, Cinq-Mars, Paris, Livre de poche, 2006, 640 pages.
[2] On peut se reporter au travail publié par les Éditions des Belles Lettres, A. Huxley, L’Éminence grise, études de religion et de politique, Les Belles Lettres, Paris, 2022, 360 pages.
[3] C. Gounod, Cinq-Mars, première représentation à l’Opéra-Comique, 5 avril 1877.
[4] Article titré « Un capucin diplomate ».
[5] Il apparaît aussi dans une huile sur toile conservée au Detroit Institute of Arts ; Charles-Édouard Delort, La distraction de Richelieu, le Père Joseph, le Cardinal Richelieu et ses chats
[6] Oeyreluy ; église paroissiale Saint-Pierre par La Tourasse au XVIII°siècle.
[7] J.L. Gérôme, L’Éminence grise. 1873. Peinture à l’huile sur toile représentant le Père Joseph descendant un grand escalier du Palais-Cardinal devenu Palais-Royal sous Louis XIV. On identifie une douzaine de courtisans qui montent les marches et s’inclinent dans sa direction. Le Père Joseph dans sa coule de capucin, la corde de Saint-François (cordon séraphique) à laquelle pend un rosaire, descend lentement les marches. Son regard plongé dans la lecture du bréviaire qu’il tient des deux mains, sans paraître se préoccuper des courbettes que provoque son passage. Le peintre souligne l’influence politique du père Joseph en accentuant le contraste entre le capucin vêtu de sa robe de bure seul à droite et la magnificence des ecclésiastiques et des nobles qui s’inclinent respectueusement devant lui, regroupés à gauche. Les armes du cardinal de Richelieu se détachent à l’arrière-plan (D’argent à trois chevrons de gueules). L’œuvre est peut-être une critique ironique de l’influence de l’église sur la vie politique. Gérôme montre la duplicité du père Joseph. D’ailleurs ce tableau est peint en période d’Ordre moral. Le Larousse de 1865 précise à propos de Tremblay : « intelligence vaste et réfléchie… peu scrupuleux… sachant allier les ruses de la politique aux formes de l’austérité religieuse, ce moine homme d’état, cette éminence grise, comme on l’appelait, était un vrai ministre sans titre officiel, mais une autorité devant laquelle s’inclinait secrétaire d’État, ambassadeurs et généraux ». 
[8] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/au-fil-de-l-histoire/l-eminence-grise-de-l-eminence-rouge-le-pere-joseph-conseiller-de-richelieu-1058507 ; https://www.europe1.fr/emissions/les-conseillers-de-lombre/le-pere-joseph-eminence-grise-de-richelieu-4001504
[9] Expression désormais très utilisée en géopolitique pour qualifier un espace de dérégulation sociale, de nature politique ou socio-économique, échappant au contrôle de l’État ; espace dont le contrôle est aux mains de « groupes alternatifs » et dans lequel tend parfois à se développer une économie parallèle. 
[10] Gouvernement secret, ce qui ne peut être percé à jour, ce qui substantiellement est celé tout en étant au cœur de la politique. Le mot arcane, du latin arcanus(de arx, forteresse ou de arca, coffre), apparaît en français sous la forme arquenne ou archane dès le début du XVe siècle.
[11] Issu de la Curia regis (Cour ou Conseil du roi), le Parlement est l’un des principaux rouages de l’administration centrale de la France d’Ancien Régime. Les Parlements étaient des entités juridiques et administratives qui contribuaient à la gouvernance du pays par le Roi.  Ces juridictions (et en premier lieu le Parlement de Paris) avaient pour fonction très importante d’inscrire dans leurs registres toutes les décisions et mesures prises par la Royauté, après avoir vérifié leur compatibilité avec le droit, les usages et les coutumes locales (un ensemble mi-formel, mi-informel que l’on appelait alors les « Lois fondamentales du Royaume »). Ce furent donc une « cour constitutionnelle ». Petit à petit, les Parlements développèrent un nouvel usage coutumier, appelé le « droit de remontrance » qui consistait à formuler des recommandations et préconisations au Roi en amont de l’enregistrement d’une mesure. L’idée était d’avertir le Roi que telle ou telle mesure qu’il souhaitait adopter était en contradiction avec une ancienne mesure de ses prédécesseurs, ce qui nécessitait potentiellement de revoir la mesure proposée par le Roi. Les parlementaires constituèrent une véritable « classe sociale », très riche, disposant de nombreux privilèges, qui se transmettaient donc de génération en génération. La possession d’une charge de magistrat valait au concerné d’être anobli, et les membres des parlements étaient appelés dans l’Ancien Régime la noblesse « de robe ». En fait, ils représentaient la bourgeoisie des villes. Le Parlement de Paris joua un rôle important lorsque Louis XVI décida d’imposer au Parlement de Paris un emprunt important. Les parlementaires réclamèrent la convocation des États-Généraux, chose qui ne s’était plus produite depuis 1614. La réunion des États-Généraux marqua le point de départ de la Révolution, qui détrôna Louis XVI, victime de son incapacité à vaincre l’opposition des privilégiés.
[12] Dernier des fils du roi de France Henri II et de Catherine de Médicis, François d’Alençon, devenu duc d’Anjou en 1576, était un homme ambitieux qui joua un rôle non négligeable au cours des guerres de religions, en France comme à l’étranger. Ses opinions religieuses modérées lui gagnèrent un grand nombre de partisans, catholiques et protestants. Il s’opposa fréquemment à Henri III, participant à des complots avec Henri de Navarre et prenant la tête des troupes combattant les forces royales. Appelé « Monsieur » était le chef des Politiques ou Malcontents qui plaçaient l’intérêt national au-dessus des querelles religieuses. La cinquième guerre de religion se conclut le 6 mai 1576 par la paix de Beaulieu-lès-Loches ou paix de Monsieur car elle est inspirée par le jeune frère du roi Henri III. Mais, la paix apparaissant trop favorable aux protestants, les ligues locales formées par les bourgeois catholiques s’unirent à l’initiative de Charles d’Humières, qui, en novembre 1576, refuse de livrer la citadelle de Péronne au prince de Condé, un chef protestant nommé gouverneur de Picardie et fondèrent le 12 mai 1577 la Ligue catholique (Sainte Ligue «au nom de la Sainte Trinité pour restaurer et défendre la Sainte Église catholique, apostolique et romaine »). Le duc Henri de Guise le Balafré en prit la tête avec ses frères, le cardinal de Lorraine et le duc de Mayenne et engagèrent une nouvelle guerre. La mort, en 1584, de François d’Alençon ouvrit au futur Henri IV la succession au trône de France.
[13] Chef de l’armée royale.
[14] A participé au développement de l’Université de Paris aux XIII° et XIV° siècles. Collège fondé en 1353 par Pierre de Bécoud pour 8 boursiers du diocèse de Thérouanne. Il prit le nom de Boncourt après une mauvaise traduction répétée du nom de son fondateur. Il fut rattaché en 1638 au collège de Navarre Depuis 1981, site du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a abrité dès 1353, le Collège de Boncourt.
[15] André Duval, ou André du Val fut un théologien catholique ultramontain, professeur et prédicateur français né le 15 janvier 1564 et mort le 9 septembre 1638 (à 74 ans).
[16] Né en 1575, mort en 1629, après avoir fondé l’Oratoire en 1611 et été ordonné cardinal en 1627, Bérulle est un homme du Concile de Trente (1545-1563) et de la Contre- Réforme, dont le but fut à la fois de réformer l’Église catholique et d’endiguer le protestantisme. Bérulle poursuivit ses études à la Sorbonne et fut ordonné prêtre en 1599. En même temps, il faisait montre d’une grande précocité spirituelle, favorisée par l’influence des Capucins, des Chartreux, et de sa propre cousine Madame Acarie, qui tenait salon à Paris et qui bénéficiait de profondes expériences mystiques. Bérulle mènera de front deux types d’activité : l’accompagnement spirituel et la controverse. En 1600 il participe à la Controverse de Fontainebleau qui oppose le Cardinal du Perron à Duplessis-Mornay. Sur le plan spirituel sa première œuvre sera d’introduire en France le Carmel réformé par Sainte Thérèse d’Avila en 1584. Fascinés par l’œuvre espagnole, les dévots français – le cercle Acarie – affirment que la réforme doit être spirituelle avant d’être institutionnelle. Bérulle obtiendra d’Henri IV la permission et les moyens d’installer des carmélites espagnoles en France en leur donnant mission de former les futures carmélites françaises. En octobre 1604, six religieuses arrivent au couvent de l’Incarnation, et à la mort de Bérulle 42 carmels auront été fondés. A la suite du Concile de Trente s’est mise en route une profonde réforme du clergé séculier, très mal formé au 16ème siècle par manque de séminaires. Conscient des faiblesses théologiques et spirituelles du clergé, Bérulle travaille d’abord modestement, en regroupant quelques prêtres en communauté de façon à les former et à les mettre à disposition des évêques. Il a pour modèles d’enseignement les jésuites, les oblats de Saint Ambroise, et Philippe de Néri, le fondateur de l’Oratoire romain. Cet admirateur de Savonarole, né à Florence en 1515, monta à Rome où il fut profondément frappé par le nombre de personnes désœuvrées. Il eut l’idée de les inviter à former une sorte de groupe de prière qu’on appela l’Oratoire. L’Oratoire est introduit à Thonon par François de Sales, ami de Bérulle. Et en 1611, celui-ci fonde l’Oratoire de France à l’hôtel du Petit Bourbon, vers l’actuel Val de grâce. L’expansion est très rapide si bien qu’à la mort de Bérulle 50 maisons auront vu le jour, les premières à Dieppe, à la Rochelle, à Saumur…avec parmi leurs objectifs de lutter contre l’influence du protestantisme, les principaux étant l’éducation, la mission, les hautes études. En 1616, l’Oratoire s’installe à l’hôtel du Bouchage, tout près du Louvre afin de se rapprocher du pouvoir royal. En effet, la réforme doit se faire par le haut. Les travaux commencent en 1621. Et pendant tout l’Ancien Régime cette maison aura un rôle de premier plan en tant que foyer liturgique et lieu de prédication. Les oratoriens, qu’on surnomme “ les pères aux beaux chants ” possèdent une belle bibliothèque, avec beaucoup de manuscrits orientaux. Bérulle a même eu le projet d’éditer une Bible polyglotte. Mais ce fondateur fut également un homme politique, lié à Marie de Médicis, aumônier d’Henri IV, et chef du parti dévot à partir de 1620. Mais un conflit l’opposa à son ami Richelieu dans les années 1628-1629 : par réalisme politique, Richelieu décida de composer avec les protestants, et il fut soutenu par Louis XIII., ce qui signifia la défaite de Bérulle et du parti dévot. Cette implication dans les affaires de son temps ne l’empêcha pas d’être avant tout un grand spirituel, qui vécut dans l’évidence et l’adoration de Dieu. Bérulle, cet homme petit, doux, onctueux même, autoritaire et très secret, a marqué la spiritualité française bien au-delà de son époque, de par ses fondations mais aussi de par ses convictions spirituelles. Il a façonné un certain type de prêtre et de chrétien : le catholique dévot. Une belle figure en est Saint Vincent de Paul, qui fonda les lazaristes pour les pauvres ; un exemple moins édifiant en est le Tartuffe immortalisé par Molière….
[17] Henri de Joyeuse, duc de Joyeuse (ville du Vivarais, actuellement en Ardèche) et comte du Bouchage (commune actuellement située en Isère), noble, homme de guerre et prêtre capucin français, nommé en religion « Père Ange », né le 21 septembre 1563 et mort le 28 septembre 1608.  Il a aussi été lieutenant général de la province du Languedoc puis Maréchal de France. Il quitta l’habit et rejoignit la Ligue catholique en 1592. De nouveau capucin à partir de 1599, Henri de Joyeuse (Père Ange) devint un prédicateur renommé et un mystique sujet à des extases. Son corps inhumé dans l’église du couvent des Capucins Saint-Honoré.