Dans l’Évangile de Matthieu, lorsque les femmes viennent au tombeau, au matin de Pâques, l’Ange du Seigneur leur apparait et leur dit : « Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit ; venez voir l’endroit où il gisait. » Puis, il les envoie porter cette nouvelle aux disciples : « Il est ressuscité des morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. » (Mt 28,5-7) La Galilée…c’est le retour aux origines, là où tout a commencé…
L’appel des premiers disciples… Ceux qui deviendront les apôtres ne sont pas des scribes ou des pharisiens, mais des hommes simples qui vont tout abandonner pour suivre Jésus. Avec eux, il va sillonner cette terre de Galilée, « proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple » (Mt 4,23). Il va partager leur existence et se faire leur proche : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.» (Jn 15, 15) Cette amitié n’est pas de façade, Jésus a vécu pleinement son humanité, il a aimé profondément ceux qu’il a choisis et établis. D’ailleurs ses « amis », il les appelle ses « frères » lorsqu’après l’ange, il apparait aux femmes : « Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront. » (Mt 28, 10) Durant les trois années de son ministère, il a peu à peu ouvert leur intelligence et leur cœur aux Écritures ; et pourtant l’annonce de sa Passion et de sa Résurrection leur est demeurée mystérieuse : « ils ne comprenaient pas cette parole » (Mc 9,32) ; « ils furent profondément attristés » (Mt 17,23).
C’est donc en Galilée que le Christ ressuscité veut se manifester à eux, c’est au cœur de leur vie qu’il les attend. Sur les lieux mêmes où ils l’ont suivi, tout ce qu’il leur a enseigné et révélé va enfin prendre sens à la lumière de la Résurrection…Leurs yeux vont s’ouvrir et ils pourront « voir » le Ressuscité.
La Galilée, c’est aussi le carrefour des nations, la « Galilée des nations », lieu de passage où se croisent les caravanes, où se rencontrent des cultures et des peuples différents. C’est le symbole du monde païen, à l’inverse de Jérusalem, la ville sainte, lieu du pouvoir politique et religieux. Mais c’est en Galilée qu’une grande lumière s’est levée, comme le prophétisait Isaïe. C’est donc en Galilée que le Christ ressuscité apparait aux disciples et leur confie une mission, non pas pour les seuls fils d’Israël, mais pour toutes les nations : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. » (Mt 28,19-20). Désormais, la communion au Christ s’offre à tous les hommes, le salut annoncé est universel.
Ce retour en Galilée n’est pas la seule affaire des disciples : Jésus nous renvoie, nous aussi, à notre Galilée intérieure. C’est dans ce que nous avons de plus profond, de plus intime, qu’il nous attend et nous précède, qu’il nous invite à le reconnaître pour renaître à la Vie, pour ressusciter avec lui : « il nous donne de le retrouver, en nous faisant la grâce de nous retrouver nous-mêmes. Sa résurrection est aussi notre résurrection, le réveil de notre être. Rencontrer le Seigneur ressuscité dans notre Galilée, c’est entendre son appel : « Éveille-toi, toi qui dors ; relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14). »
(Eloi Leclerc, Pâques en Galilée) Le « confinement », qui s’impose à nous actuellement est un temps particulier et déroutant, mais il peut faciliter ce retour sur soi pour faire la vérité et à aller à l’essentiel. Il nous interroge sur ce qui est au cœur de notre vie, au cœur de notre foi : Jésus a triomphé de la mort, il est ressuscité, en lui le Salut nous est offert, avec lui nous ressusciterons. Nous avons à être les témoins de cette Espérance. Dans notre quotidien, dans tout ce qui tisse nos relations, le Christ nous appelle également à le suivre, comme autrefois sur les chemins de Galilée, à la rencontre de nos frères et sœurs pour leur partager cette Vie nouvelle, pour leur communiquer son Amour. Ce retour en Galilée « nous engage, en effet, à renoncer à la richesse, aux honneurs, au pouvoir, à tout ce qui crée la distance, pour suivre Jésus sur des chemins de fraternité et de communion avec tous les hommes, notamment avec les plus petits, les pauvres, les exclus.. ». (Eloi Leclerc, Pâques en Galilée)
C’est l’expérience même de François d’Assise : alors que l’Église de son temps a fait le choix de la puissance, des honneurs et de la richesse, François prône un retour aux origines, à l’Église primitive pour suivre un Christ humble et pauvre : « La règle de vie des frères est la suivante : vivre dans l’obéissance, dans la chasteté et sans aucun bien qui leur appartienne ; et suivre la doctrine et les traces de notre Seigneur Jésus-Christ qui a dit :Si tu veux être parfait, va et vends tout ce que tu as et donnes-en le prix aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et suis-moi. » (1Reg 1,1-2)
Le Christ nous précède et se donne à voir sur nos chemins de Galilée. Si nous voulons suivre les pas du Ressuscité, ce retour, à la lumière de Pâques, aux origines, à notre Galilée intérieure, est primordial : c’est là que se fonde notre foi en Jésus-Christ, Seigneur de la Vie.
P. Clamens-Zalay