Archives de catégorie : Parcours biblique

Jésus le pain de vie 6, 1-71

Introduction

  1. Contrairement aux synoptiques, Jean ne relate pas l’institution de l’Eucharistie. Mais, comme eux, il se souvient que Jésus l’avait annoncée par la multiplication des pains. C’est donc dans ce chapitre 6 qu’il va faire la théologie de l’Eucharistie.
  2. Jean use, comme d’habitude, du double sens : pain matériel / pain de vie éternel.
  3. Il y a chez Jean une intention délibérée de marquer l’infériorité de l’AT. parce que celui-ci n’est que figure par rapport à la réalité, il n’est qu’annonce pour l’événement définitif (Moïse ne venait pas du ciel), il n’est qu’un palliatif pour ce qui sera une efficacité définitive (‘vos pères sont morts’ 49).
  4. On remarquera aussi chez Jean la volonté de ne pas atténuer le scandale provoquée par la révélation de Jésus. Pour Jean, l’homme est « charnel », c’est à dire incapable de croire, même lorsqu’il se croit religieux. Il n’arrive pas à s’en remettre totalement à Dieu, à admettre que sa toute-puissance entraîne sa toute liberté, et donc les moyens insoupçonnés qu’il emploie.
  5. Un parallélisme apparaît avec l’épisode de la Samaritaine (eau… pain). Les deux éléments de base de la vie humaine sont les symboles de la vie en Jésus (« en lui était la vie »).

I. Les deux signes 1-21

La multiplication des pains : Récit très proche des synoptiques. Toutefois, 3 détails significatifs :

  1. Des pains d’orge : allusion à Elisée distribuant 20 pains à 100 personnes (2R. 4, 42-45). Jésus fait mieux qu’Elisée. Cela explique l’enthousiasme populaire : « C’est vraiment le Prophète qui doit venir dans le monde » (14). On veut le faire roi, mais Jésus s’enfuit.
  2. Jésus prit le pain, rendit grâce, et les distribua : mêmes paroles que pour la cène. « Rassemblez les morceaux… pour que rien ne soit perdu » : ressemblance avec le rituel eucharistique de la Didachè* : « Comme ce pain rompu, autrefois disséminé sur les montagnes, a été rassemblé des extrémités de la terre ».
  3. Jean est le seul a précisé le contexte liturgique : la Pâque. Le pain donné par Jésus sera la Pâque nouvelle.

La marche sur les eaux : 2 points suggestifs

  1. La présence soudaine de Jésus auprès de ses disciples, plongés dans la ténèbre et l’angoisse, a toute la majesté et la gloire de ce qui sera une apparition du ressuscité.
  2. « Ego eimi…ne craignez pas ! » Ego eimi, peut signifier « c’est moi » ou « Je suis », formule par laquelle Dieu se définit devant Moïse au buisson ardent. Jésus apparaîtrait ainsi dans sa gloire de Fils de Dieu.

Fr Joseph

Διδακη : enseignement

Un discours de révélation

Comme toujours, chez Jean, ce chapitre 5 comporte une catéchèse, c’est à dire un enseignement concernant la véritable identité de Jésus.
Jésus fait aux juifs une « révélation », il leur laisse entendre des choses qu’ils étaient incapables de soupçonner.

I. Dieu a un Fils Unique, qui est son confident parfait, dans une intimité parfaite.

  • Dieu n’est pas solitaire dans sa divinité. A l’intérieur même de sa divinité, il a un Fils, un unique « Il appelait Dieu son propre Père » (18).
  • Ce Fils n’est pas son double, comme une image dans un miroir. C’est un Autre… mais qui reçoit tout de son Père, et lui correspond fidèlement en tout. Cette relation de dépendance n’est pas une sujétion, car elle est fondée sur la contemplation du Père « … ce qu’il voit faire au Père… » (19) et sur l’amour « … car le Père aime le Fils » (20).
  • Ce qui se passe à l’intérieur de la divinité se donne à voir dans le monde par l’action du Fils qui est Jésus de Nazareth « Ce qu’il voit faire au Père, le Fils le fait pareillement » (19c).
  • Une des conséquences, c’est que la transparence totale du Père et du Fils sous-entend que l’œuvre ici-bas de Jésus est pour nous une ouverture sur le mystère de Dieu. Il fait voir Dieu.

II. Ce Fils est l’égal de Dieu, car il a les pleins pouvoirs de Dieu.

  • Cette prétention est une horreur, un blasphème pour un juif, tout entier pénétré de l’unicité de Dieu.
  • Pour les juifs, Dieu n’a pas de rival (ceci contre la cosmogonie mésopotamienne et son dualisme « dieu du bien / dieu du mal).
  • Dieu ne partage pas ses responsabilités (contre le polythéisme grec, où il y avait un dieu pour la guerre, un autre pour l’amour, un autre pour le commerce…).
  • Dieu, tout au plus, peut choisir certaines de ses créatures comme chargées de mission (les anges, les prophètes, les rois…), mais jamais avec ‘pleins pouvoirs’.

III.  Jésus a les « pleins pouvoirs » de Dieu.

1. Comme le Père, il « possède la vie en lui-même » et peut donner la vie.

Au plan physique d’abord. Par nature, l’homme est soumis à la loi de l’entropie, c’est à dire de la dégradation universelle, de l’usure physique qui le mène peu à peu vers la mort.

Seul Dieu, qui est maître de sa création, dispose de la force contraire qui revitalise.

Or Jésus affirme qu’il en dispose aussi « en lui-même » :

  • il guérit (il revitalise le paralytique)
  • il laisse prévoir la résurrection de Lazare, et sa propre résurrection (21)
  • il annonce que c’est à sa voix que les morts ressusciteront au dernier jour (28).

2. Ce qui vaut au plan physique, vaut aussi au plan moral et spirituel. Par nature, livré à lui-même, l’homme se crispe sur lui-même, se bouche les yeux et les oreilles (ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas). Ici, c’est le verbe ‘écouter’ qui est utilisé. C’est la mort spirituelle.

Seul Dieu, dit l’Ecriture, peut transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair.
Or Jésus affirme que « si l’on écoute sa parole, on a la vie éternelle ».

3. Comme le Père, il dispose du pouvoir d’exercer le jugement.
C’est à dire de porter la sentence de condamnation, mais aussi d’en prémunir ceux qui, dès aujourd’hui, « écoutent sa parole » (22.24).

Conclusion

1. En Jésus, nous savons que le futur a déjà commencé :
Dans la mentalité juive, on ne mêle pas le temps et l’éternité. Pour nous, le temps se déroule et se déroulera jusqu’à ce que sonne la fin. A ce moment sonnera l’Heure solennelle de Dieu, où YHWH rendra son Jugement : soit faire vivre à jamais, soit condamner à la mort éternelle.

Or Jésus laisse entendre que le Père lui a remis le pouvoir d’anticiper ces 2 choses :
• de garantir ceux qui croient en lui contre toute sentence
• et de les assurer qu’ils vivront à jamais.

2. Jean nous laisse entendre, devant une telle intimité, devant de tels pleins pouvoirs, devant cette anticipation de l’éternel dans le temporel, que Jésus, loin d’être un simple chargé de mission, est l’expression même de Dieu dans le monde, ce qu’on pourrait appeler sa visibilité, et comme dit la préface de Noël : « Dieu rendu visible à nos yeux ».

Fr Joseph

Evangile selon Saint Jean

LA GUERISON DU PARALYTIQUE     5, 1-47

Introduction
Contraste : en Galilée et en Samarie, on accède à la foi. A Jérusalem, on refuse Jésus Même procédé littéraire : l’anecdote, qui est prétexte à révélation. L’auteur part d’un fait précis (miracle), de personnages précis (paralytique et juifs influents) et d’un motif précis (violation du sabbat) ; mais ensuite ces réalités s’estompent au profit d’une révélation théologique fondamentale : la condition divine de Jésus, et le nouveau visage de Dieu. Dans ce chapitre, 2 plans historiques sont superposés : l’apologétique de Jésus qui se défend contre les docteurs d’Israël à Jérusalem, et l’apologétique de Jean qui défend le christianisme naissant contre le judaïsme immobile et persécuteur.  

I.  Le miracle  v. 1-9
Une nouvelle fois, Jésus franchit les frontières : la piscine probatique de Bezatha,  qui est un lieu peu orthodoxe, plus ou moins suspect aux autorités : eaux guérisseuses de réputation et d’origine païennes ?  L’action missionnaire de Jésus se dirige vers les superstitieux. Jésus n’exige pas d’abord la foi, d’emblée il agit avec puissance ; la foi du paralytique sera d’obéir après le miracle. C’est une manière de dire que la foi n’est pas seulement la confiance, mais aussi l’obéissance. La guérison ne s’adresse pas seulement au corps (v. 8), mais aussi au cœur (v. 14) ; tout en précisant qu’il n’y a aucun lien entre l’infirmité et le péché : Jésus le dira explicitement en 9, 3. Jean fait probablement une allusion au baptême chrétien, qui lui aussi est une plongée dans l’eau et une guérison-recréation. L’impossibilité dans laquelle se trouvait le paralytique de recevoir la guérison jusqu’à ce que vienne à lui le Christ, évoque l’humanité laissée à ses propres forces.

II. La polémique avec les juifs v. 10-18
Le prétexte est la rupture du sabbat. L’argumentation des juifs et de la Bible, c’est que l’homme doit imiter le repos du Créateur La réponse de Jésus est d’un autre ordre : « Mon Père travaille toujours et moi aussi je travaille ». Il faut savoir que la pensée juive peinait à concilier le repos de Dieu après la création, repos dont le sabbat est l’image (Gn. 2, 2), avec son activité constante dans le gouvernement du monde. On distinguait l’activité du Créateur qui a pris fin, et l’activité du Juge, qui ne cesse jamais. Jésus identifie son activité à celle du Juge. D’où le scandale des juifs puisque Jésus s’estime seul juge de la véritable imitation de Dieu. Bien plus, il l’appelle « son Père », et donc l’égal de Dieu.

III. Le discours apologétique de Jésus          v. 19-47

Deux parties dans ce discours :

  • Parfaite unité d’action entre le Père et le Fils (19-30 : bien marquée par une inclusion)
  • fondée sur « voir » et « aimer »
  • Les 2 œuvres du Fils : « donner la vie » et « juger »

double pouvoir qui est proprement divin (cf. Dt. 32, 39 ; 2R. 5, 7)

  • Les témoins de Jésus (31-47)
  • Jean-Baptiste… mais ce n’était qu’un homme (33-35)
  • Le Père, au travers des œuvres de Jésus (32. 36-38)
  • Les Ecritures (39-40).

Alors, pourquoi les juifs refusent-ils le témoignage du Père ? (41-47). Parce qu’ils recherchent la gloire auprès des hommes, plutôt que l’amour du Père. Par-là, ils sont infidèles à Moïse.

Fr. Joseph